« Les agriculteurs peuvent attendre avant de vendre ce qu’ils ont en stock »

  • il y a 2 mois
Tchat marchés des céréales avec Agritel

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00:00Sébastien Poncelet, merci beaucoup pour ce chat d'une heure avec les agriculteurs.
00:12Il y a eu de nombreuses questions. L'Ukraine menace aujourd'hui de stopper ses exportations.
00:17Est-ce que c'est une réelle menace pour les équilibres actuels ?
00:21Effectivement, l'Ukraine tient une place prépondérante et dans les premiers exportateurs au blé au monde.
00:29Ça représente 4-5% du commerce mondial du blé, ces volumes de blé exportés par l'Ukraine.
00:35Les agences de presse internationales ont fait l'écho d'un embargo de blé annoncé le 24 octobre pour le 15 novembre en Ukraine.
00:46A ce jour, nos sources locales et nos sources au sein des gouvernements ukrainiens
00:53ne confirment pas la mise en place de l'embargo sous ces termes bien spécifiques juridiques internationales.
01:01D'ailleurs, un tel embargo est décrié dans le cadre de l'OMC. L'Ukraine fait partie de l'OMC.
01:07Un tel embargo aujourd'hui a été finalement dénoncé, décrié par le GASC, premier importateur de blé au monde.
01:17Le GASC, c'est l'organisme d'achat d'Etat égyptien.
01:21Ça a été décrié aussi par l'Union européenne. Mais toujours est-il que l'embargo n'est pas mis en place en l'Etat.
01:28Donc il n'y a rien d'officiel ?
01:30Il n'y a rien d'officiel.
01:31Et d'une part, s'il est appliqué, il pourrait être dénoncé à l'OMC ?
01:34Il peut être dénoncé ou en tout cas fortement critiqué.
01:36Il n'y a rien d'officiel, mais ce qui est certain, c'est que quoi qu'il arrive,
01:41l'Ukraine est arrivée aujourd'hui quasiment à bout de ce que techniquement elle pouvait exporter
01:47entre ce qui est déjà sorti du pays, ce qui est présent sur le port,
01:50ou en voie d'arrivée sur le port par bateau, camion et train,
01:54le volume de 5 millions de tonnes est quasiment déjà atteint.
02:00C'est un non-événement finalement.
02:01Donc finalement, on peut considérer ça comme un non-événement dans les échanges de marché,
02:05dans le sens où les personnes qui suivent de près le marché savent que l'Ukraine n'a pas plus de 5 millions de tonnes à exporter
02:11depuis les derniers résultats de récolte.
02:14Donc avec un impact limité sur les marchés si jamais ça se produit ?
02:18L'embargo ou pas, c'est plutôt l'effet psychologique déclencheur finalement
02:22qui ramène un peu de psychologie haussière dans le marché.
02:26Maintenant, cette donnée est plutôt intégrée dans les informations de marché.
02:31Il y en a de même pour la Russie.
02:33Le problème ukrainien, on le transpose et on va l'amener dans quelques jours,
02:37quelques semaines sur la Russie, ou même chose,
02:40le plafond, je dirais, raisonnable pour l'équilibre intérieur du pays,
02:44c'est 8 millions de tonnes d'export.
02:46Aujourd'hui, la Russie approche les 7 millions de tonnes d'export.
02:49Le problème se pose dans les mêmes termes.
02:51La Russie vient d'entrer dans l'OMC.
02:53La Russie ne peut pas forcément mettre en place un embargo au sens propre du terme.
02:58Elle a été beaucoup dénoncée pour ça en 2010.
03:01Mais sans doute qu'il y aura, sous une forme ou sous une honte,
03:04une limitation, un contrôle des exportations
03:07pour ne pas mettre en péril la sécurité alimentaire intérieure du pays.
03:11D'accord.
03:12Sur l'hémisphère nord, on connaît l'état des stocks,
03:15les capacités d'exportation des différents pays.
03:18Aujourd'hui, est-ce que c'est un facteur de stabilité sur les marchés
03:23pour les prochaines semaines, pour les prochains mois ?
03:25Alors, effectivement, les niveaux de récolte sont connus.
03:28Ils sont plutôt décevants.
03:30Très très forte chute de production en Ukraine, en Russie.
03:33La plus basse récolte depuis 5 ans dans l'Union européenne.
03:36Une récolte, certes correcte aux Etats-Unis,
03:39mais au Canada où elle est attendue comme record,
03:41elle est finalement beaucoup moins bonne que prévue.
03:44Donc, les choses sont cernées.
03:47Ça amène peut-être un peu de sérénité puisqu'il n'y a plus de surprises à avoir.
03:50Les problèmes sont connus.
03:52Mais, je dirais l'inconnu maintenant, c'est le rythme de la demande.
03:57La demande qui va s'adresser à ces grands pays excédentaires.
04:02Les acheteurs ont fait le plein, je dirais, jusqu'au mois de décembre à peu près.
04:08Ils vont tous revenir, les grands pays acheteurs au niveau international,
04:13ils vont tous revenir à la fin de l'année ou en début d'année 2013
04:17pour couvrir les besoins jusqu'à la prochaine moisson.
04:20A quel rythme ? Est-ce que ça va être un rythme étalé dans le temps ?
04:23Est-ce qu'ils vont tous se précipiter en même temps ?
04:25Et c'est là où réside la vraie inconnue, premièrement.
04:27Et deuxièmement, l'inconnue réside dans les perspectives de récolte
04:30de l'hémisphère sud qui vont venir compléter cette offre de l'hémisphère nord.
04:34Donc il y a autant d'inconnus et d'incertitudes et de facteurs de tension au nord qu'au sud aujourd'hui ?
04:39Effectivement. Aujourd'hui, l'inconnu, c'est sur le niveau de la récolte de l'hémisphère sud
04:43qui n'est pas encore rentré, qui approche.
04:45Les premières moissons ont commencé en Australie, ça ne devrait tarder en Argentine.
04:50En Australie, la récolte ne sera pas catastrophique comme on l'a connue en 2006,
04:55comme on l'a connue en 2007.
04:57La récolte sera très, très moyenne. On va être aux alentours de 21 millions de tonnes,
05:02notamment une mauvaise récolte dans le Western Australia,
05:04contre un record à 28, 29 millions de tonnes l'an passé.
05:07Donc une récolte australienne qui sera très, très moyenne ou légèrement mauvaise.
05:13Et puis, l'autre grand fournisseur de blé de l'hémisphère sud, c'est l'Argentine.
05:18Et en Argentine, là, ce n'est plus le sec qui pose problème comme l'an passé,
05:22c'est l'humidité, des excès d'humidité en Argentine qui abîment les cultures
05:29et qui aussi développent les maladies.
05:30Mais le problème de l'Argentine est connu depuis longtemps
05:32puisqu'on est à moins 27, moins 28% de surface de blé en moins.
05:36Il y a eu du sec au moment des semis et les producteurs ont délaissé le blé
05:41qui est fortement taxé par le gouvernement pour s'orienter vers des cultures
05:45plus rémunératrices aujourd'hui pour eux que sont le maïs, le soja.
05:48Donc, quoi qu'il arrive, au-delà des problèmes de surhumidité aujourd'hui,
05:52le volume de blé argentin sera également très faible.
05:56Aux Etats-Unis, on constate des problèmes de qualité sur le maïs.
06:00Est-ce que ça peut venir aussi influencer les échanges et donc les prix ?
06:06Alors, effectivement, il y a des problèmes de mycotoxines,
06:09notamment d'aflatoxines importantes sur les maïs américains.
06:12Les plantes ont fortement souffert, elles ont été affaiblies par la sécheresse, etc.
06:17Ça impacte les prix à court terme. Pourquoi ? Parce que les farmeurs américains,
06:22ceux qui sont les plus touchés par ces problèmes de mycotoxines,
06:25n'ont pas souhaité stocker leurs marchandises de peur que les champignons
06:29se développent de manière conséquente pendant le stockage
06:32et ont donc massivement vendu leurs marchandises à l'arrivée de la récolte
06:36pour éviter des montées en taux de mycotoxines.
06:41Et donc, ça conduit à un afflux massif de marchandises au moment de la récolte.
06:46La récolte se terminant, cet afflux de marchandises massif s'estompe légèrement, je dirais,
06:51et on sent cette pression sur les marchés des grains qui commence à s'atténuer un petit peu.
06:57Après, pour les déboucher, de toute façon, avec un manque crucial de maïs
07:02à la fois à l'échelle américaine mais également à l'échelle mondiale,
07:05il faudra quand même consommer le maïs et les normes seront sans doute relevées.
07:11On le voit déjà dans l'industrie de l'éthanol américaine
07:14qui, dans les grands états de la corne belte, a relevé ses normes d'admission du maïs en termes d'aflatoxines
07:21parce que le problème numéro un, c'est quand même de faire tourner l'usine.
07:25Tous les facteurs laissent à penser que les marchés vont rester à des niveaux très élevés, voire augmentés.
07:32Aujourd'hui, quelqu'un qui a stocké sa récolte 2012, qu'est-ce qu'il doit faire aujourd'hui ?
07:39Aujourd'hui, effectivement, la situation internationale est extrêmement tendue sur le marché des céréales.
07:46La situation européenne et française est également extrêmement tendue.
07:50Attention, nous sommes déjà sur des niveaux historiquement très élevés et historiquement très rémunérateurs.
07:56Il ne faut pas confondre l'avis de marché et la sécurité du revenu de l'entreprise.
08:01C'est, je dirais, normal, sécurisant, bienvenu d'avoir sécurisé au moins une moitié de son revenu et de sa récolte
08:11par des ventes ou des techniques de couverture, de protection et autres.
08:15Et pour l'autre moitié ?
08:17Et pour finalement ce qui reste, qui peut être entre 30 et 40 et jusqu'à 50 %, se permettre d'attendre.
08:25Finalement, nous sommes au cœur de l'automne, d'attendre que l'hiver se passe et surtout que les acheteurs reviennent
08:35pour se concentrer sur les achats de la deuxième partie de campagne.
08:39Il n'y a pas de risque à attendre ?
08:41Alors, on ne peut jamais être certains à 100% sur des marchés en interconnexion avec le monde financier,
08:47en interconnexion avec l'ensemble des actifs économiques de la planète.
08:54Mais pour ce qui est de la partie purement fondamentale, disponibilité de marchandises,
08:59chaque jour qui se passe amène davantage de manque de marchandises sur la planète.
09:07Sébastien Poncelet, merci beaucoup.
09:08Merci.

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