Jean-Frédéric Poisson « La prochaine Pac doit être moins verte que l’actuelle »

  • il y a 2 mois
[Interview] Primaire de la droite

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00:00Jean-Frédéric Poisson, merci beaucoup de répondre aux questions de Ternet Média.
00:12J'ai parcouru votre projet pour la primaire de la droite et du centre.
00:17J'ai repéré une seule mention de l'agriculture et des agriculteurs dans ce projet.
00:23Non sur transposition des normes, simplification des règles.
00:28Est-ce que c'est suffisant pour régler le problème des agriculteurs français aujourd'hui ?
00:33Ce n'est pas forcément suffisant parce que le problème de la France,
00:38et en particulier des pouvoirs publics actuels quant à leur vision de l'agriculture,
00:43c'est de considérer que les agriculteurs sont secondairement des entrepreneurs
00:47et secondairement des personnes dont la première mission consiste à assurer la souveraineté
00:51et l'indépendance alimentaire de la France.
00:53La première mission des agriculteurs français, c'est de nourrir les Français.
00:57Si on accepte de prendre ça comme principe, alors on verra les choses autrement.
01:01Le deuxième élément, c'est que si on veut que les agriculteurs
01:06arrivent à assurer à notre pays son indépendance alimentaire,
01:10alors il faut les considérer comme des entrepreneurs.
01:13Troisièmement, si on les considère comme des entrepreneurs,
01:16alors il faut accepter l'idée qu'ils évoluent avec les mêmes règles de concurrence
01:20que leurs concurrents étrangers.
01:23Quatrièmement, si on regarde les règles de concurrence auxquelles sont soumises les étrangers,
01:27il y a au moins deux aspects sous lesquels ils sont favorisés par rapport à nos agriculteurs.
01:31Un, c'est la question des coûts de production, en particulier les salaires,
01:34et deux, c'est la question des normes qui sont soumises.
01:37J'ai été frappé en rencontrant des éleveurs laitiers,
01:42des producteurs laitiers au Salon de l'Agriculture la dernière édition,
01:46de comprendre que le différentiel de prix entre un litre de lait produit par un laitier allemand
01:51et un litre de lait produit par un laitier français ne s'explique quasiment que,
01:55en prenant en référence les normes qui s'appliquent aux Allemands ou aux Français.
02:00Alors évidemment, il y a aussi des problèmes de structuration de filière,
02:03il y a aussi des questions de débouchés de marché,
02:05il y a la question des prix de la grande distribution,
02:07il y a la question de la chaîne de valeur.
02:09Toutes ces questions, évidemment, sont sur la table.
02:11Parce qu'on a même aussi, les coûts de production sont très élevés par rapport au prix de marché.
02:15Bien entendu, mais tout ça est absorbé par une structuration de filière
02:18et des choses qui permettent sans doute d'amortir les coûts.
02:21Mais ça, ça relève...
02:23L'organisation des filières ne relève pas de l'État, d'une certaine manière.
02:26De toute façon, l'État doit impulser, il doit aider, il doit de temps en temps contraindre,
02:30taper du poing sur la table pour faire respecter les règles.
02:32On peut reparler des délais de paiement de la loi LME, etc.,
02:35qui a fait des ravages aussi dans le monde agricole.
02:37Je suis conscient de tout ça.
02:38Néanmoins, ce qui me paraît la porte d'entrée dans le sujet,
02:42c'est le fait qu'on doit reposer la question de l'indépendance alimentaire de la France
02:46et on doit reposer la question de la première caractéristique des exploitations agricoles,
02:50qui sont des entreprises à caractère commercial.
02:52Ça ne veut pas dire qu'elles ne s'occupent pas de l'environnement,
02:55et donc elles peuvent faire n'importe quoi pour faire du profit.
02:58Ça ne veut pas dire qu'elles n'aménagent pas le territoire
03:00et qu'elles se désintéressent des paysages et de leurs champs.
03:03Les agriculteurs s'intéressent évidemment aux paysages dans lesquels ils sont.
03:06Ça ne veut pas dire que de temps en temps, ils ne donnent pas un coup de main aux collectivités
03:09et ils le font.
03:10Et combien ils le font ?
03:11Et moi qui suis élu de la partie rurale de l'Île-de-France, je sais bien qu'ils le font.
03:15Mais la clé d'entrée, encore une fois, c'est ça.
03:17Indépendance alimentaire, entreprises à caractère commercial,
03:21et donc entreprises à caractère économique.
03:23Si on arrive à réinstaller ça comme les deux principes fondateurs de la politique agricole en France,
03:28on ne règle peut-être pas tout, mais au moins le cadre général est posé.
03:32Et ensuite, dans ce cadre, on n'est plus à même de prendre les bonnes décisions
03:35et de faire évoluer les autres aspects comme il le faut.
03:38Venons-en à l'Europe.
03:40Vous souhaitez de manière générale réformer l'Europe, je le cite,
03:44pour ne pas avoir à la quitter.
03:47La politique agricole commune, c'est la première politique historique,
03:51et en valeur également, la première politique agricole.
03:55Quelle orientation souhaitez-vous prendre ?
03:59On va négocier une nouvelle politique agricole pour l'après-2020.
04:04Les discussions commencent à s'amorcer.
04:07Quelles orientations défendez-vous dans ce cadre-là ?
04:10Elles sont dans le sens de ce que je viens d'indiquer.
04:14Il ne peut pas être acceptable que la France soit passée derrière l'Allemagne
04:19comme puissance agricole européenne.
04:22L'orientation de la PAC, j'y reviens, et je le redis,
04:25doit se concentrer d'abord sur le cœur de métier des agriculteurs
04:29et pas d'abord sur les volets de biodiversité ou pas d'abord sur les thèmes d'aménagement.
04:33On voit bien que c'est ce cœur-là qui doit être financé par la PAC.
04:37Le reste après, si le reste de l'argent, on sait très bien,
04:41mais le volet vert de la PAC négociée il y a maintenant 2 ou 3 ans
04:45est parfaitement disproportionné par rapport au reste.
04:48On voit bien que dans l'attribution même des enveloppes,
04:51il y a un certain nombre de problèmes.
04:53Il est disproportionné par rapport à l'attente sociétale
04:56qu'il y a aussi à l'égard de l'agriculture ?
04:59Je pense, oui, parce que la première attente sociétale
05:02par rapport à l'agriculture, c'est qu'on mange.
05:05La prochaine PAC doit être moins verte que l'actuelle ?
05:08La prochaine PAC doit être moins verte que l'actuelle
05:11parce que si on veut faire du vert, si je peux dire les choses ainsi,
05:14on doit pouvoir aussi en faire ailleurs d'une autre manière
05:17et peut-être avec d'autres biais que les subventions versées aux exploitations agricoles.
05:21Je pense qu'une coopération renforcée entre les chambres d'agriculture
05:25et les collectivités territoriales pourrait avoir des résultats tout aussi intéressants
05:29sans grever les subventions aux agriculteurs qui touchent au cœur de leur métier.
05:33Une PAC moins verte doit être plus quoi ?
05:36Une PAC moins verte doit être plus céréalière pour les céréaliers,
05:40plus maraîchère pour les maraîchers,
05:43plus viandarde, si je peux dire les choses ainsi, pour les producteurs de viande et ainsi de suite.
05:49Elle doit soutenir les exploitations dans le cœur de leur métier.
05:53Et le cœur du métier des agriculteurs,
05:56ce n'est pas de faire de la protection de la biodiversité et de l'environnement,
05:59c'est de produire de quoi manger, je le répète, ou de quoi boire d'ailleurs
06:02parce que je n'oublie pas les viticulteurs et les producteurs de cidre et autres jus de fruits divers et variés.
06:07Élargissons encore un petit peu.
06:09La mondialisation est une attaque directe contre notre productivité,
06:12c'est ce que vous mentionnez dans votre programme.
06:15Qu'est-ce que ça veut dire ?
06:17Il y a l'actualité sur le CETA, il y a aussi le TAFTA ou le TTIP.
06:22Le CETA, vous souhaitez que les négociations aboutissent, malgré l'actualité,
06:28et le TTIP, vous souhaitez que les négociations soient relancées.
06:32Je ne suis jamais contre les négociations par principe, mais tout dépend de ce qu'on met dedans.
06:36Si effectivement on est en déséquilibre permanent,
06:39comme c'est le cas dans ce douzième round des négociations du TAFTA,
06:44et c'est encore le cas aujourd'hui,
06:46quand on lit, et je fais partie de ceux qui ont fait l'effort de lire les documents,
06:49quand on lit qu'effectivement, grosso modo, les États-Unis ne s'obligent à rien,
06:53mais que nous, nous sommes obligés à tout,
06:55parce que s'il y a des formulations dans les paragraphes qui disent quelque chose comme ça,
06:58ce déséquilibre-là ne peut pas être accepté.
07:00Et je ne suis pas certain que compte tenu du patriotisme
07:06dont les Américains savent faire preuve en termes de consommation,
07:08ce qui nous manque parfois,
07:09je ne suis pas sûr qu'on soit à terme gagnant sur une mécanique de ce genre.

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