Sacha Houlié, député de Vienne est l'invité du 7h50, alors que la nouvelle Assemblée nationale se réunit ce mercredi pour la première fois, dans un contexte où personne n'a (à nouveau) la majorité absolue. Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-7h50/l-invite-de-7h50-du-mercredi-17-juillet-2024-6912093
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00:00Bonjour Sacha Oulier, merci d'avoir accepté l'invitation ce matin de France Inter.
00:04Vous êtes député de la Vienne, député réélu, ancien ministre de la Commission des Lois,
00:09figure de ce que l'on avait coutume d'appeler l'aile gauche de la Macronie.
00:12Il y a quelques jours, vous aviez annoncé que vous ne vouliez plus siéger au sein du groupe Renaissance
00:17dans l'Assemblée nationale qui fait sa rentrée demain.
00:20Est-ce que vous maintenez cette décision ?
00:22Est-ce que vous allez être l'aile gauche en dehors de la Macronie désormais ?
00:25D'abord, ce que je veux vous dire, c'est que tout se passe dans la vie politique française
00:29comme si chacun, c'était abstrait, avait vite oublié la soirée cauchemardesque du 30 juin.
00:34Cette soirée où...
00:36La dissolution.
00:36Non, 30 juin, c'était le soir du premier tour, où pendant quelques minutes,
00:40la France entière a cru et même a craint que le Rassemblement national
00:45pouvait avoir ou une majorité absolue ou une majorité relative.
00:48Et que face à ce risque inouï, tout le monde a pris sa responsabilité
00:53pour, dans une coalition de fêtes, le Front républicain,
00:56s'entendre pour que ce désastre n'arrive pas.
01:00Et depuis 10 jours, alors que nous avons parlé pendant 4 semaines d'idées,
01:04alors que nous avons parlé des salaires qui devaient augmenter,
01:06de la santé qui devait être accessible, de l'école qui devait être fondée,
01:09de la sécurité qui devait être réelle,
01:12et bien depuis 10 jours, nous ne parlons plus, la classe politique française, que des postes.
01:15Je crois que c'est désastreux et je crois que c'est le carburant absolu du Rassemblement national.
01:20Maintenant, lorsque je suis arrivé à l'Assemblée nationale,
01:22il y a eu des réunions de groupes, y compris du mien, le groupe Renaissance,
01:26auquel j'appartenais jusqu'alors.
01:28D'abord, cette logique des postes, elle s'est inscrite pour tous les groupes.
01:31Ces écuries présidentielles, que sont devenues tous les groupes politiques,
01:34se sont mises en marche. Je pense que c'est délétère.
01:37— Vous savez que des postes découlent tout le reste.
01:40Évidemment, la stratégie et les mesures qui pourront être mises en place.
01:42— Je pense que les choses ont été prises à l'envers.
01:44Et que, dans une dissolution où personne n'a eu le temps, véritablement,
01:47d'affiner ses propositions, de dire aux Français ce qu'ils voulaient faire,
01:51de dire ce que nous pouvions faire en commun, une conférence sociale pour les salaires,
01:54par exemple, plutôt qu'un SMIC qui est illusoire à 1 600 euros,
01:58où ce sont les syndicats et les patronats qui délibèrent sur le montant des salaires
02:02ou les conditions de travail. Un grand débat sur l'école,
02:05puisque chacun projette, plaque sur l'école, ses fantasmes ou ses spéculations,
02:10sans que chacun ne parvienne à se mettre d'accord.
02:12Une loi, une première loi sur l'accès à la santé pour tous,
02:16à un généraliste, à un spécialiste dans notre pays,
02:18ça, ce sont des actes politiques qui doivent précéder la répartition des postes.
02:22Et c'est aussi pour ça, pour ne pas signer le Blanc-Saint,
02:24pour que le mouvement politique, le courant politique que je prétends incarner
02:29ou dans lequel je m'inscris, la social-démocratie, le centre-gauche,
02:33celui sur lequel je me suis fait élire en 2017, réélire en 2022,
02:36réélire à nouveau en 2024, soit véritablement incarné.
02:39C'est aussi pour ça que j'ai choisi, tant que je n'ai pas la garantie
02:43qu'il sera incarné dans un groupe politique, de siéger en non-inscrit
02:46et en tout cas de ne pas me rattacher au groupe Renaissance.
02:48– Et vous êtes tout seul ? – Pour l'instant, je suis seul.
02:51– Vous aviez tenté la constitution d'un groupe autonome ?
02:53– Nous étions une quinzaine de députés de l'ex-groupe Renaissance,
02:57nous étions également des députés divers gauches qui siégeaient
03:00ou comme non-inscrits ou qui siégeront au groupe Lyaute.
03:03Je sais aussi que des socialistes sont intéressés.
03:05C'est un courant politique qui n'est pas soluble avec la gauche radicale
03:09comme la France Insoumise et qui ne doit pas ou plus être dominée
03:13par la droite conservatrice.
03:14C'est un courant politique qui existe, puisque à la fois autour de Raphaël Glucksmann
03:19mais aussi avec des voix qui sont allées à Valéry Hayé,
03:22qui a été largement plébiscité par les Français au moment des élections européennes le 9 juin.
03:26C'est un courant politique qui a fait l'élection du Président de la République en 2017
03:30et donc je crois qu'il ne peut pas être absent de la vie politique française.
03:34– Vous espérez toujours en faire une formation ?
03:35– Il ne peut pas être absent d'un groupe de l'Assemblée Nationale
03:39et donc si ce groupe ne peut pas avoir le jour aujourd'hui,
03:41je continuerai de travailler à ce qu'il voit le jour demain
03:45avec toutes les personnalités politiques que je vous ai décrites.
03:47Encore une fois, avec un courant politique dont il a été dit
03:51que le leader du Front Populaire à l'époque en était l'incarnation
03:54ou en était issu, Léon Blum,
03:56et bien je pense que ce courant politique a beaucoup de solutions
04:00pour, dans le parlementarisme, créer une coalition,
04:03faire que les gens s'entendent, faire privilégier les idées
04:06et je l'ai dit sur ces questions.
04:07– Une coalition avec qui ?
04:08Parce que vous savez qu'évidemment, même si vous regrettez que l'on ait parlé
04:11des positionnements de chacun et des coalitions et des tractations plus que des idées,
04:15c'est quand même la question qui se pose,
04:16surtout à la veille de cette journée cruciale à l'Assemblée Nationale
04:18où vous avez émis tous les postes clés.
04:20– D'abord, il y a des éléments qui sont un peu rassurants et qu'on peut saluer.
04:21Le Front Républicain qui s'est constitué dans les urnes
04:24doit en toute circonstance demeurer à l'Assemblée Nationale
04:27et donc l'idée qui fait que nous ne devrions pas avoir
04:30de postes à responsabilité qui reviennent au Rassemblement National,
04:33je la soutiens et je suis souscrit pleinement.
04:35Ensuite, il est évident, au regard de l'attitude qu'ils adoptent,
04:38que la France Insoumise, avec laquelle j'ai des désaccords insurmontables,
04:41je ne mets pas de signes égales,
04:42mais j'ai des désaccords insurmontables avec eux sur ce sujet,
04:45pas de signes égales avec le Rassemblement National,
04:47eh bien la France Insoumise ne souhaite pas exercer le pouvoir, elle l'a dit.
04:51Ce qui veut dire que s'il nous faut regarder à droite,
04:53et j'ai des collègues qui pour le coup ont beaucoup de facilité avec cela,
04:58eh bien il nous faut aussi regarder à gauche,
04:59tendre la main aux socialistes, aux écologistes, aux communistes
05:02pour que cette coalition, elle vive.
05:03Pour que, encore une fois, l'esprit du soir du 30 juin,
05:07cet esprit de responsabilité dans lequel,
05:09avec des tremolos dans la voie,
05:11beaucoup de dirigeants politiques sont venus expliquer
05:13que notre pays méritait mieux,
05:15eh bien il est une réalité politique.
05:17Et que l'Assemblée Nationale ne soit pas un champ de ruines,
05:20mais finalement quelque chose où on cultive un peu nos différences
05:23et un minimum en commun.
05:25Je vous ai dit trois idées sur la conférence sociale sur les salaires,
05:29la loi sur l'accès à la santé,
05:31ou encore le grand débat sur l'école pour qu'on trouve des solutions.
05:33On pourrait très bien reprendre des idées qui étaient extrêmement consensuelles.
05:36L'idée du plan anti-corruption d'Éric Dupond-Moretti,
05:40qui permettait de faire une grande loi contre la criminalité organisée,
05:45elle était plébiscitée par plus de 80% des Français.
05:47Donc ça, ça pourrait être soutenu des socialistes, des écologistes jusqu'au Républicain.
05:53Ce qui veut dire qu'en quelques minutes,
05:56je propose déjà quatre idées qui pourraient faire consensus
05:58et qui pourraient dégager quelque chose comme un pacte.
06:01Mais c'est des accords de projet, uniquement sur certains textes.
06:03Est-ce qu'on pourrait faire une coalition ?
06:04Les accords de projet, c'est déjà ce que nous avions avec la chambre précédente.
06:08Moi, j'étais président de la commission des lois.
06:10On a fait adopter une loi de programmation du ministère de l'Intérieur
06:13qui a revalorisé de 15 milliards d'euros les crédits.
06:15Ce qui fait qu'à Poitiers, aujourd'hui, vous avez 15 policiers supplémentaires.
06:18Une loi sur la programmation du ministère de la Justice avec 7 milliards d'euros en plus.
06:22Ce qui fait que dans des cours d'appel comme la mienne,
06:24vous avez 100 magistrats greffiers en plus.
06:27Ce qui fait qu'on construit des prisons supplémentaires parce qu'elles sont surpeuplées.
06:30Tout ça, ces majorités de projets que nous avons faits avec la droite et avec la gauche
06:34sous la présente législature, nous y sommes parvenus.
06:36Pourquoi ce serait devenu impossible par le seul effet de la dissolution ?
06:39Qu'est-ce qui vous distingue, Sacha Oulier, finalement, des députés du Bloc Renaissance
06:43avec qui vous ne vous souhaitez pas siéger à partir de demain ?
06:46Parce que finalement, cette idée d'une coalition, elle existe aussi dans votre famille politique.
06:49Heureusement pour moi, plein de points communs avec eux.
06:51Mais à partir du moment où nous n'avons pas eu le temps de faire le contrat commun,
06:54le programme que nous aurions voulu présenter aux Français
06:58parce que la dissolution est survenue immédiatement...
06:59Vous ne signez pas quelque chose à blanc, c'est ça ?
07:01Je ne signe pas de chaque en blanc.
07:02Et c'est logique.
07:04Et je pense que c'est aussi la responsabilité des politiques.
07:06C'est aussi ce que j'ai dit à mes électeurs.
07:07Ce que j'ai dit à mes électeurs, c'est que j'entendais m'inscrire dans le courant social-démocrate,
07:11ce qui avait quelques incidences en termes de respect du dialogue social,
07:15ce qui avait quelques incidences en termes aussi de construction d'une réponse de sécurité à gauche,
07:20en tout cas au centre-gauche, qui assume qu'on a besoin de policiers, de gendarmes,
07:26qu'on a besoin de respecter ces institutions et qu'on a besoin de protéger les Français.
07:30Donc tout ça veut dire que je ne suis pas en opposition frontale avec les gens avec qui j'ai siégé.
07:35Mais par contre, je pense qu'il faut que ces sensibilités-là soient respectées,
07:39que le Parlement ou la coalition de demain, elle ne peut pas être hémiplégique.
07:43Elle ne peut pas être construite qu'avec la droite républicaine, quand bien même cette droite est républicaine.
07:46Est-ce que vous allez soutenir la candidature de la présidente sortante de l'Assemblée nationale,
07:50Yann Brune-Pivet, demain lors de l'élection ?
07:54Est-ce que parce que le calendrier est contraint, vous parlez de projets, vous parlez de mesures,
07:56mais il y a tout de même des postes et les élections c'est demain ?
08:00D'abord, moi j'ai eu l'occasion de voir travailler Yann Brune-Pivet à la Commission des lois,
08:03puisque je lui ai succédé ensuite.
08:04Ensuite, je travaillais avec elle comme président de l'Assemblée.
08:07Je trouve que c'est une bonne présidente de l'Assemblée,
08:09donc je ne vois pas pourquoi elle se verrait privée de ses fonctions.
08:12Et donc je pense que oui, elle doit être conduite et c'est la raison pour laquelle je voterai pour elle.
08:16Je voudrais votre regard aussi sur la situation très inhabituelle qui est la nôtre,
08:19la démission du gouvernement qui a été acceptée,
08:21Gabriel Attal, ces ministres qui vont rester à leur poste pour gérer les affaires courantes,
08:24on en parlait tout à l'heure, 17 ministres qui vont voter demain
08:27pour cette nouvelle présidente de l'Assemblée nationale.
08:31Ce qui paraît tout de même étrange, certes conforme à la Constitution,
08:35nous disent les spécialistes, mais tout de même étrange.
08:36Alors du point de vue de l'ancien président de la Commission des lois,
08:38ça reste une bizarrerie constitutionnelle qu'on puisse cumuler à un poste dans l'exécutif
08:43et puis des fonctions législatives.
08:45C'est compliqué à comprendre pour les Français.
08:46Mais le principe même de la séparation des pouvoirs,
08:48l'interdit, ce principe qui a été admis par la Révolution française en 1789
08:53et qui était celui théorisé par les Lumières
08:55selon lequel on ne peut pas mélanger le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif.
08:58C'est pour ça que plus tôt le travail aurait été fait autour d'une coalition,
09:01plus tôt un gouvernement nouveau pourrait être nommé, mieux ce sera.
09:05Parce qu'on ne peut pas, là encore, être clair vis-à-vis des Français
09:09lorsqu'on a des parlementaires qui siègent au gouvernement.
09:13Ou alors, ça n'est plus la Vème République,
09:16et puis par ailleurs, même dans la IVème République,
09:19lorsque des députés étaient nommés au gouvernement, ils cessaient de siéger.
09:23Donc ça aussi, il faudra rapidement qu'on puisse avoir une clarification sur ce sujet,
09:28une clarification politique, je l'ai dit, une clarification institutionnelle.
09:31Qui pourrait succéder à Gabriel Attal à Matignon ?
09:33Eh bien, vous voyez, la raison pour laquelle je ne vais pas répondre à votre question,
09:38c'est précisément parce que je vous ai dit que les postes, ça n'était pas la priorité.
09:41C'est qu'est-ce que nous voulons faire ensemble ?
09:43Quel espoir nous donnons à tous les gens qui nous ont dit c'est votre dernière chance ?
09:46Parce que cette fois-ci, c'est vraiment la dernière chance.
09:50Merci Sacha Oulier, député de la Vienne, d'être venu ce matin au micro de France Inter.