Comment lutter contre le cyberharcèlement ? - Les grands débats du matin

  • le mois dernier
Avec Véronique Reille-Soult, présidente du cabinet Backbone Consulting, maître de conférences à Sciences Po Paris, auteure de “L’Ultime pouvoir : La vérité sur l’impact des réseaux sociaux” (Ed. du Cerf) / Steve Outmezguine, avocat en droit des nouvelles technologies, de l'informatique et de la communication au sein du cabinet Avomedias / Fabrice Epelboin, enseignant, entrepreneur, spécialiste de l'influence sur les réseaux sociaux

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##LES_GRANDS_DEBATS_DU_MATIN-2024-08-15##

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Transcript
00:00Le Grand Matin Sud Radio, 6h-10h, Jean-Marie Bordry.
00:05Il est 9h10 sur Sud Radio, tout de suite le débat du jour.
00:09On parle d'une pratique tellement répandue, à laquelle on a tous un jour ou l'autre assisté sur les réseaux sociaux,
00:15que ce soit sur Facebook, sur Twitter, le harcèlement en ligne.
00:19Comment y mettre un terme ? Plusieurs exemples ont été constatés malheureusement,
00:23notamment pendant les Jeux Olympiques avec l'exposition médiatique de certains athlètes.
00:27On peut parler par exemple de la boxeuse algérienne Aimé Daïédor Imane Kélif.
00:31Elle a porté plainte et une enquête a été ouverte en France.
00:34Comment mettre un terme au harcèlement en ligne ?
00:37Parlons-en avec vous au 0826 300 300.
00:40Quelle que soit votre opinion, vous avez tous la parole.
00:43Vous pouvez témoigner ou nous donner votre avis, on vous la donne.
00:45Parlons vrai sur Sud Radio.
00:47On est avec nos trois invités, Véronique Raïssult, bonjour.
00:50Bonjour.
00:51Et bienvenue sur Sud Radio, présidente du cabinet Backbone Consulting.
00:55Vous êtes maître de conférence à Sciences Po Paris et auteur de ce livre
00:58L'Ultime Pouvoir, la vérité sur l'impact des réseaux sociaux.
01:01C'est publié aux éditions du CERF.
01:04On est également avec Steve Outmezghine, bonjour.
01:06Bonjour.
01:07Bienvenue sur Sud Radio également, avocat en droit des nouvelles technologies,
01:11de l'informatique et de la communication au sein du cabinet, à vos médias.
01:15Qu'est-ce qu'on risque quand on commet ou on écrit des choses ignobles sur les réseaux ?
01:20C'est ce que vous nous direz notamment.
01:21Est-ce qu'il y a une vraie impunité ou pas ?
01:23Vous nous le direz pareil.
01:24On est avec également en duplex Fabrice Epelboin.
01:27Bonjour à vous, Fabrice.
01:28Bonjour.
01:29Enseignant, entrepreneur, spécialiste de l'influence sur les réseaux sociaux.
01:35Est-ce qu'il faut encadrer davantage ce qui se fait et ce qui se dit sur Internet ?
01:40On en parlera également avec vous.
01:42Avant ça, peut-être, Véronique Raïssult, on va revenir sur quelques ordres de grandeur.
01:46Ce qui s'est passé notamment pendant les Jeux Olympiques, harcèlement ou pas,
01:50ça a été un énorme carton en termes de trafic sur les réseaux sociaux, de commentaires et même d'engagement.
01:57Alors oui, vous l'avez sans doute constaté aussi sur vos audiences sur les sujets J.O.
02:03C'était vrai dans les médias, c'était vrai sur le web et c'était vrai évidemment sur les plateformes
02:09et les différentes plateformes de réseaux sociaux.
02:11Pour vous donner une idée, il y avait à peu près entre 2 et 3 millions de messages autour des J.O. chaque jour.
02:18Ce qui est assez colossal.
02:19Mais là où c'était assez incroyable, c'est un peu loin dessus, il y a du cyber donc voilà, harcèlement.
02:25Mais vous aviez 95% des messages qui étaient soit factuels, soit positifs.
02:30À peine 5% de messages grognons, nous dirons.
02:34Et même sur ces messages négatifs et parfois assez virulents d'ailleurs,
02:39en fait il y avait une espèce de phénomène qui est que les gens venaient discuter et essayer d'assagir et de positiver.
02:47Bonne ambiance.
02:48Mais incroyable.
02:49Sauf sur certains sujets justement.
02:51Quelques sujets.
02:52Je parle de l'exemple de la boxeuse Imane Kelly, ça a été particulièrement criant, c'est allé très loin.
02:56Ne serait-ce que ceux qui faisaient des conjectures sur son anatomie, enfin on a allé très très loin.
03:01Très loin.
03:02Assez rarement d'ailleurs dans une polémique sur les réseaux sociaux.
03:05Malgré tout, 5% de messages négatifs en tout, y compris par harcèlement, sur 3 millions par jour, ça finit par faire une certaine quantité.
03:14Statistiquement, je présume, Fabrice Epelboin, quand on est avec autant de messages, autant d'engagement des internautes,
03:21fatalement il y a une proportion assez stable de harceleurs qui se grèvent dans ce phénomène.
03:26Oui, malheureusement il y a toujours une proportion qui n'est pas énorme au final,
03:31mais qui fait beaucoup de bruit, qui retient beaucoup l'attention de tout le monde,
03:34de gens qui vont saisir la moindre occasion pour harceler tout ce qui leur dérange.
03:38Alors on ne sait pas toujours les mêmes, Dieu merci.
03:40Mais il y a systématiquement une minorité de la population qui va se ruer sur la moindre cause
03:45pour faire valoir ses opinions, et généralement de façon très virulente, voire en dépassant totalement les limites de la loi.
03:52Alors justement les limites de la loi, on va les fixer.
03:54On a invité un juriste à cet effet d'ailleurs sur ce radio.
03:58Steve Utmesgin, on sait très bien qu'en théorie, il est interdit d'insulter, il est interdit de menacer,
04:04il est interdit de divulguer la vie privée des uns ou des autres.
04:07Malgré tout, est-ce que c'est une idée reçue que de croire qu'on ne risque rien si on le fait sur internet ?
04:12Alors c'est plus nuancé que ça.
04:14C'est-à-dire qu'en fait aujourd'hui, on a effectivement un arsenal juridique qui est assez bien en place.
04:20Notamment je pense à le renforcement du harcèlement et du cyberharcèlement par la loi Schiappa en 2018,
04:26qui a prévu justement ce qui s'est passé, notamment dans le cas Khalif.
04:30Mais dans la réalité des faits, on est un peu loin de condamnation immédiate.
04:36Pourquoi ? Parce que tout d'abord, il faut retrouver les personnes.
04:39Les personnes agissent souvent sous couvert d'anonymat, ce qui est la plus grande des difficultés aujourd'hui.
04:44Effectivement, nos pouvoirs publics sont bien en place pour pouvoir identifier les personnes,
04:50mais ça prend plus de temps que prévu.
04:52Et puis on arrive aussi à trouver des faux comptes qui se logent à l'étranger
05:01et qui font en sorte que le droit français ne s'applique pas forcément.
05:04Alors Fabrice Eppelboin, je vous entendais objecter.
05:07Oui, ça c'est l'argument traditionnel.
05:11L'anonymat.
05:12Le pseudonymat, la difficulté, c'est compliqué, c'est à l'étranger.
05:16Tout ça a été battu en brèche par les Anglais lors des dernières émeutes
05:21qui ont mis en prison une quantité invraisemblable de personnes, sans doute avec de l'excès, mais peu importe.
05:25Ils ont démontré de façon absolument claire que quand on veut, on peut.
05:31Et très clairement, ils sont allés chercher des comptes sur pseudonyme et les ont amenés en prison,
05:35tout ça en 24 heures, tout ça sur une plateforme, j'insiste, Twitter,
05:40avec un patron de la plateforme qui n'était clairement pas en faveur de toutes ces actions.
05:45Malgré tout, tout le monde a été en prison en 24 heures.
05:48Donc les excuses de la justice française de « c'est pas notre faute, c'est les plateformes »,
05:53objectivement, ça ne peut plus tenir.
05:55Donc ça veut dire que concrètement, si je reprends l'exemple qui vient de se produire en Grande-Bretagne,
05:59on rappelle le contexte des manifestations qui ont dégénéré en émeute xénophobe,
06:04avec tout ce que ça a pu charrier, j'imagine, de commentaires sur les réseaux sociaux,
06:07des appels à la haine, des menaces, des messages à caractère raciste,
06:11des appels à aller dégrader parfois des mosquées ou alors des centres d'accueil de migrants.
06:15Les autorités britanniques ont réussi à retrouver les auteurs de tous ces messages
06:19et les ont même mis en prison ?
06:21En 24 heures.
06:23Dans quel type de messages, par exemple ?
06:26Dans les affaires d'émeute, alors des messages qui sont très clairement,
06:32totalement en dehors du cadre de la loi, d'appels aux meurtres,
06:35qui méritaient très clairement une prison.
06:37Sans doute un peu de zèle et un peu d'excès laissant, mais ce n'est pas le sujet.
06:40Le sujet c'est que la justice britannique a, en 24 heures, arrêté tout ce petit monde.
06:46Donc les excuses de la justice française qui consiste à dire « ah bah non c'est compliqué,
06:50ah bah non c'est sous pseudonyme, ah bah non les plateformes ne coopèrent pas »,
06:54tout ça tombe à l'eau.
06:56Ça veut dire que la boîte à outils existe.
06:59Elle existe depuis longtemps et ce à quoi on assiste aujourd'hui relève de l'incompétence,
07:05du laxisme, du manque de moyens.
07:07Je ne saurais pas vous faire un diagnostic de la justice française,
07:09mais très certainement pas des excuses bidons qui nous ont sortis jusqu'ici.
07:13Quand Mila a été harcelée et qu'on s'est contenté d'arrêter une demi-douzaine de personnes,
07:18ça relève du fiasco judiciaire.
07:20Ça ne relève pas de l'échec des plateformes et de l'échec de leur coopération.
07:24La preuve en a été faite par les Anglais.
07:26Véronique Raisson.
07:27C'est parfaitement aligné avec Fabrice, parce qu'effectivement c'est faisable.
07:33Et il y a un petit point en plus, mais je pense qu'il sera d'accord,
07:37c'est que les internautes eux-mêmes se sont saisis du sujet et sont souvent très actifs.
07:43Ça a été le cas en Angleterre, dans le signalement, dans l'accompagnement,
07:47dans aider la réalité des actions qui peuvent être menées.
07:52Et donc là aussi, en France, on pourrait imaginer que les signalements faits par d'autres soient pris en compte,
07:59que l'on fasse quelque chose, faire appel à quelque chose qui ne fonctionne pas toujours en France,
08:05parce qu'on ne fait pas confiance aux gens.
08:07Mais ça s'appelle l'intelligence collective.
08:08C'est pas mal de dire que les gens peuvent être raisonnables entre eux.
08:11Exactement.
08:12Alors la parole quand même à notre troisième invité,
08:14puisqu'on parle beaucoup de la justice et que vous êtes le plus proche du cœur de ce réacteur-là.
08:18Steve Wood, Miss Guillen, vous êtes avocat.
08:20Je vous remercie.
08:21Non, en fait, c'est-à-dire que moi je rejoins M. Pelleboy,
08:24c'est-à-dire qu'il n'y a pas d'objection, au contraire, c'est juste un constat
08:27qui fait écho à l'expérience professionnelle qui est la mienne.
08:30C'est-à-dire qu'aujourd'hui, on se frotte à différents interlocuteurs au niveau judiciaire
08:35qui nous disent, écoutez, on est débordé.
08:37On est débordé.
08:38C'est-à-dire qu'en fait, on ne peut pas poursuivre à tous azimuts
08:42parce qu'on n'a pas les effectifs.
08:44Alors, attention, la section cyber au parquet de Paris
08:47est en train de vivre un véritable changement,
08:49se développe à vitesse grand V,
08:51travaille particulièrement bien pour le coup.
08:53Je n'ai aucun intérêt à dire ça.
08:55Il y a des jours où je suis d'un côté, des jours où je suis de l'autre.
08:57C'est le principe de mon métier.
08:58Mais pour le coup, je sais qu'il y a un fort développement là-dessus.
09:01Mais il n'en demeure pas moins qu'aujourd'hui,
09:03lorsqu'on veut mettre en place des actions rapides et efficaces,
09:06malheureusement, la plupart du temps, c'est très compliqué.
09:08Alors, à qui doit s'y coller ?
09:10Justement, ça, c'est une question qu'on va se poser avec vous tous.
09:12Je vais prendre un exemple qui date d'hier.
09:14C'est sur X qui s'appelait Twitter dans le temps.
09:17C'est un confrère, un journaliste qui travaille chez nos confrères de BFM TV.
09:21Il s'appelle Raphaël Grabli.
09:22Il publie la capture d'écran d'un message qu'il a reçu, publie qu'un tweet.
09:27Je cite, vous allez écouter, ça va vous choquer.
09:30Le juif Grabli semble être content de la nouvelle.
09:33Un contre-pouvoir à son travail de désinformation en moins.
09:36Évidemment, ce journaliste a signalé ce message
09:39en disant que c'était un message évidemment antisémite.
09:42Réponse de X quelques heures plus tard.
09:45Bonjour, nous avons reçu votre signalement à propos de ce compte et du contenu suivant.
09:49Il nous apparaît que ce contenu signalé et déterminé
09:53n'est pas susceptible d'être supprimé en vertu du fondement juridique
09:56dans le pays suivant l'Union Européenne.
09:59Le message que je viens de vous lire, M. Mezgin,
10:03est-ce qu'il est susceptible d'être supprimé en Europe ou pas ?
10:06Complètement.
10:07Pourquoi Twitter ne veut pas le faire ?
10:08Il est complètement antisémite.
10:09Twitter ne veut pas le faire parce que depuis le changement de propriétaire,
10:14on a une politique ultra, ultra libertaire.
10:17De l'entreprise.
10:19En revanche, si la personne visait aux ceux qui avaient lu les messages,
10:22avaient porté plainte, on aurait très bien pu finir par faire supprimer le message.
10:26Il faudrait mettre en place une action judiciaire,
10:28prendre du temps, aller devant un tribunal,
10:31faire valider ça par un juge.
10:32Prendre du temps, c'est ce que disaient Fabrice et Pelleboin,
10:34et c'est la différence entre la France et la Grande-Bretagne.
10:36Pourquoi c'est long en France et pas en Grande-Bretagne ?
10:38Parce qu'on nous dit qu'on est débordés, tout simplement.
10:41Mais pourquoi ils sont...
10:42Enfin, il y a des émeutes en Grande-Bretagne.
10:44Vous avez des milliers de manifestants
10:46et un certain nombre de centaines de personnes qui ont été mises en prison.
10:49Ça doit sous-entendre que les Britanniques sont débordés eux-mêmes.
10:52Je ne peux que vous rejoindre sur ce point.
10:54Et on a eu des émeutes nous-mêmes en France.
10:56On a eu des dizaines de milliers de messages de soutien aux émeutiers
11:01qui étaient parfaitement illégaux.
11:02Il ne s'est rien passé.
11:04Je veux bien croire que les budgets de la justice anglaise sont supérieurs aux nôtres.
11:09Je n'ai pas les chiffres, je ne les ai pas en tête.
11:11Mais dans de telles proportions,
11:13je pense que l'explication est un peu simplette.
11:15On n'a pas d'argent, c'est trop lent,
11:17les plateformes ne coopèrent pas.
11:19C'est très simple comme explication.
11:21Je pense qu'il faut aller au fond des choses
11:23et regarder en face de façon claire
11:25où est le problème avec la justice en France.
11:28Il ne s'arrête d'ailleurs que sur les plateformes de réseaux sociaux
11:30qu'on constate cet échec de la justice en France.
11:33Les plateformes de réseaux sociaux ne sont jusqu'à un symptôme parmi d'autres
11:37d'un échec de la justice en France.
11:39À partir de là, se réfugier derrière son petit doigt
11:42sur des problématiques budgétaires.
11:44Encore une fois, j'aimerais bien avoir le ratio...
11:46On va vous trouver l'information, justement.
11:48Le budget de la justice par citoyen en Angleterre comparé à la France.
11:52Mais même si la France est dans une situation assez précaire,
11:55je sais qu'au niveau européen, on est vraiment en queue de peloton,
11:58malgré tout, il y a vraiment un problème
12:02qui va au-delà de donner nous plus de sous.
12:04Au-delà de la répression et de la justice,
12:06les réseaux sociaux sont-ils plus dangereux
12:08que le reste de notre vie quotidienne ?
12:10Est-ce qu'on a tendance à devenir plus violent sur les réseaux
12:12que dans la vie réelle ou ailleurs ?
12:14On va voir ça avec vous tous sur Sud Radio dans quelques instants
12:17et on va parler aussi de ces compagnies,
12:19de ces différents réseaux sociaux.
12:21Qu'est-ce qu'on doit attendre d'elles ?
12:23A tout de suite sur Sud Radio.
12:24Le Grand Matin Sud Radio, 6h-10h, Jean-Marie Bordry.
12:28Comment lutter contre le harcèlement en ligne ?
12:31Les internautes sont-ils plus violents
12:33que les gens que vous croisez en chair et en os tous les jours ?
12:36Ou plutôt, les gens que vous croisez en chair et en os tous les jours
12:38deviennent-ils plus violents sur les réseaux sociaux
12:40que dans la vie de tous les jours ?
12:41On en parle avec nos trois invités,
12:43Véronique Reys-Soult, Steve Houtmesguine et Fabrice Eppelboin.
12:46Est-ce qu'on est plus violents sur les réseaux
12:48que dans la vie quotidienne, Véronique Reys-Soult ?
12:51On va dire que les réseaux sociaux, c'est notre société en 3D,
12:54donc elle est un petit peu augmentée.
12:56Ce n'est pas tant le sujet de l'anonymat,
12:59même si, bien sûr, ça pousse à être plus virulent.
13:01C'est plus l'effet de meute
13:03qui est quelque chose d'assez incroyable.
13:05Et puis, il y a une réalité qui est,
13:07certaines personnes ne se rendent pas compte
13:09de l'affaire Mila que citait tout à l'heure Fabrice Eppelboin.
13:15C'est un sujet intéressant qui est, en fait,
13:19si vous demandez aux uns et aux autres
13:21s'ils auraient dit la même chose dans la vraie vie,
13:24à ce moment-là, ils disent que non.
13:26Et d'ailleurs, le procès, même si, comme c'était souligné,
13:28il y avait peu de personnes qui se sont retrouvées devant les tribunaux,
13:32ont tous dit, mais non, je ne me suis pas rendu compte, etc.
13:35En revanche, spontanément, ça ne leur a pas posé de problème.
13:37Exactement.
13:38Et donc, ce n'est pas tant la violence
13:40que l'espèce de décalage qu'il peut y avoir avec la vraie vie,
13:43s'il y a vraie et fausse vie.
13:44Pour avoir régulièrement fait cette action dans des écoles,
13:48en cinquième, je rends dans des classes
13:51et je me suis inscrit sur les mêmes plateformes qu'eux,
13:56en créant un faux profil.
13:58Et ça me permet d'avoir des tas d'informations sur eux.
14:01Et quand je rends dans la classe et que je leur dis
14:03« Ah, ben, je vous connais, et vous m'avez donné plein d'informations »,
14:06à chaque fois, ils tombent des nus en me disant
14:08« Mais non, mais moi, je contrôle très bien ».
14:10« Mais non, tu ne contrôles pas YouTube ».
14:11Et à chaque fois, je leur fais le même exercice
14:13en disant « Mais maintenant, on va descendre dans la cour,
14:15on va monter sur le banc,
14:16et vous allez crier votre état dans lequel vous êtes ».
14:19Est-ce que vous oserez le faire ?
14:20Et à chaque fois, ils me disent « Mais ça ne va pas, madame.
14:23Mais non, mais on ne va pas faire ça.
14:25C'est ce que vous faites quand vous mettez « Je suis célibataire,
14:27je suis amoureux, je ne sais pas quoi ».
14:29Enfin, que c'est votre statut.
14:31On se livre beaucoup plus et on lâche prise,
14:34on a moins de pudeur sur les réseaux.
14:36D'abord, c'est le principe de l'extimité,
14:38c'est-à-dire que vous mettez en scène votre intimité
14:40et avec Instagram, c'est devenu le quotidien
14:42de beaucoup, beaucoup de gens et pas que des adolescents.
14:44Et ensuite, c'est cet espèce de décalage qu'il peut y avoir.
14:46Donc dire « Est-ce qu'on est plus violent ? »
14:48Sans doute un peu, mais pour moi,
14:50c'est plus l'effet de meute.
14:51Et puis, je ne vais pas parler des algorithmes.
14:53Mais alors parlons du profil des harceleurs.
14:55Justement, tiens, avec l'avocat qui est avec nous,
14:58Steve Houtmesguine, c'est quoi le profil type du harceleur,
15:01du cyber-harceleur ?
15:02C'est quelqu'un qui se comporterait normalement dans la vie réelle
15:05et qui finit par dire des choses
15:07qui dépassent sa pensée sur les réseaux.
15:09C'est trop facile, non ?
15:10En fait, on distingue deux profils, en tout cas,
15:12d'aide d'expérience au cabinet.
15:13C'est-à-dire que le premier profil, c'est celui qui est déterminé
15:15parce qu'il a une cause précise
15:17et qu'en fait, il vient pour harceler quelqu'un en particulier
15:20parce qu'il y a une vindicte ou que sais-je.
15:22En tout cas, il y a une difficulté d'ordre personnel.
15:24Et on a l'effet de meute, comme vous l'avez très bien dit.
15:27Et pour l'effet de meute, on a eu cette loi que j'ai citée tout à l'heure,
15:31et je répète, la loi du 3 août 2008, la loi Chiappa,
15:33qui est venue créer l'interdiction des raids.
15:36Et ça, là-dessus, c'est une circonstance aggravante
15:39au cyber-harcèlement.
15:40C'est quoi d'ailleurs un raid ?
15:41C'est en gros, si vous insultez une personne, c'est grave,
15:43mais si vous le faites à 10 000, c'est encore plus grave ?
15:45Voilà. En gros, c'est ça. Je vous lis l'article peut-être.
15:48C'est l'article 222-33-2-3 du Code pénal
15:53qui vous dit le fait de harceler une même victime
15:55par des propos ou comportements répétés de la part de plusieurs personnes
15:58agissant en concertation ou à l'instigation de l'une d'elles,
16:00même en absence de concertation entre les auteurs,
16:02ce qui est très important, même en absence de concertation,
16:04est puni de 3 ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende.
16:08Donc on ajoute à cela la sanction qui est probable aussi
16:12en matière de harcèlement et de cyber-harcèlement
16:14et on arrive quand même à quelque chose d'intéressant.
16:16Est-ce que ça veut dire, Fabrice Eppelboin,
16:18une fois qu'on a dressé ce constat,
16:20que la France est un des pays les plus en retard
16:22dans la lutte contre le cyber-harcèlement ?
16:26Je ne saurais établir un classement.
16:28C'est clair qu'on a un énorme problème
16:30qui nous a tous sautés aux yeux au moment de l'affaire Mila
16:34qui c'est vraiment la première grande affaire
16:36de cyber-harcèlement en meute.
16:38Et c'est le plus gros échec en la matière de la justice française
16:41qui s'est contenté de sélectionner soigneusement
16:43une demi-douzaine de harceleurs
16:45et d'offrir l'impunité et surtout ce sentiment d'anonymat.
16:49J'insiste, l'anonymat n'existe pas.
16:52C'est un privilège réservé à une micro-élite
16:55de gens extrêmement sachants.
16:57La masse est dans le pseudonymat.
16:59Ça n'est pas du tout la même chose.
17:01Le pseudonymat, la justice peut parfaitement
17:03le faire sauter et avoir votre véritable identité.
17:05Là encore, les Anglais l'ont prouvé.
17:07En 24 heures, c'est faisable, vous pouvez faire sauter
17:09le pseudonymat de milliers de personnes.
17:11Donc il y a une véritable déficience
17:14de la justice française pour se saisir de ce problème
17:17qui est instrumentalisée de façon à pointer du doigt
17:20les plateformes qui visiblement n'y sont pour rien
17:22vu que même les plateformes les plus récalcitrantes
17:24et libertaires visiblement coopèrent
17:26avec la justice anglaise.
17:28Donc ça n'est pas le problème des plateformes.
17:30Certes, la justice interne,
17:32parce qu'on a privatisé la justice.
17:34Je reviens sur l'affaire de Raphaël Grabli.
17:36Les propos qu'il a reçus sont inacceptables.
17:38Mais la justice qu'il n'a pas reçue
17:41de la part de Twitter, c'est une justice
17:43que nous, citoyens français, avons privatisé
17:46auprès des plateformes américaines.
17:48Ce qui est en soi une perte de souveraineté absolue.
17:50Ça ne devrait pas être à Twitter de faire le tri.
17:52Ça devrait être à la police ou à la justice pour vous.
17:55Ça devrait être des procédures de dépôt de plainte
17:58facilitées à l'extrême
18:00pour un message tel que celui
18:02qu'a reçu Raphaël.
18:04Et derrière, une justice efficace.
18:06On n'a ni l'un ni l'autre.
18:08Concrètement, pointu du doigt,
18:10les plateformes,
18:12c'est une hypocrisie absolue
18:14et ça ne mènera absolument à rien
18:16si on n'y est à plus de censure.
18:18Pour vous, en un mot,
18:20pour que je puisse distribuer la parole,
18:22Fabrice Epelboin, on est en train de faire
18:24en Europe ou en France, de Elon Musk,
18:26un bouc émissaire.
18:28Absolument.
18:30Il n'est pas qu'il soit exemple défaut.
18:32Il a une collection de défaut incroyable.
18:34Mais très clairement,
18:36en pointant du doigt la plateforme,
18:38on est totalement dans l'adage
18:40de quand le sage montre la lune,
18:42le fou regarde le doigt.
18:44Ou l'imbécile.
18:46Je ne sais plus quel était le vrai dicton.
18:48J'aimerais vous lire ce commentaire
18:50d'une de nos abonnés sur Facebook,
18:52Daphné Luce.
18:54Elle nous reproche de rentrer dans ce qu'elle appelle
18:56la doctrine breton.
18:58Elle revient sur cet échange
19:00spectaculaire entre le commissaire européen
19:02Xavier Breton, qui a appelé
19:04publiquement Elon Musk,
19:06a donc renforcé la modération sur Twitter
19:08et Elon Musk lui a répondu
19:10en citant une réplique de film,
19:12il l'a traité de fuckface et il l'a insulté
19:14littéralement. Concrètement,
19:16quelle est la cause de ces accords
19:18entre Xavier Breton et Elon Musk ?
19:20C'est quoi d'abord, Véronique Reissoult, ce qu'appelle notre auditrice
19:22la doctrine breton ?
19:24C'est résumé dans ce que vous venez de dire,
19:26c'est en gros aux plateformes
19:28de faire attention et
19:30surtout une espèce de contrôle
19:32de la réalité, de ce que les gens disent.
19:34C'est un peu
19:36plus compliqué ça, parce qu'il y a
19:38deux textes, deux lois
19:40qui le soutiennent, mais globalement
19:42comme on vient de le dire,
19:44c'est à chaque fois remettre la faute
19:46sur les plateformes, ce qui n'a pas de sens
19:48en soi. D'abord parce que vous demandez
19:50à des plateformes de se tirer une balle dans le pied
19:52puisque globalement ce qu'ils font
19:54leur revenu
19:56c'est l'attention et la rétention
19:58et donc, bon, quelle drôle d'idée.
20:00Et enfin, l'exemple qu'on citait
20:02tout à l'heure de ce
20:04message, en fait vous imaginez bien que
20:06ce n'est pas une personne qui vous répond,
20:08c'est de l'intelligence artificielle
20:10et des critères qui font que vous avez un robot
20:12qui vous répond et c'est normal vu l'évolution.
20:14Et là, on est en train de parler de quelque chose
20:16où effectivement c'est
20:18la justice qui devrait s'en emparer
20:20et des procédures extrêmement simplifiées
20:22pour pouvoir tout de suite signaler
20:24et avoir un suivi parce qu'en fait
20:26c'est au deuxième degré. Si vous faites
20:28le test, quand vous signalez un message
20:30qui est une incitateur à la haine
20:32très claire, au premier degré
20:34qui est de la pédophilie,
20:36du harcèlement, là les plateformes
20:38retirent tout de suite.
20:40Sauf que si on saute autour du pot, si c'est ironique
20:42par exemple. Ben là, le message, je peux
20:44vous dire pour l'IA, le mot juif
20:46ne veut pas dire que vous êtes antisémite
20:48et c'est l'utilisation au deuxième degré
20:50qui est absolument insultante
20:52la question ne se pose pas de savoir si c'est antisémite
20:54mais pour de l'IA
20:56donc en fait il faudrait avoir une procédure
20:58c'est pas la plateforme
21:00de mettre en place ce genre de système
21:02c'est bien la police, enfin en tout cas la justice
21:04c'est bien, là encore
21:06en faisant appel à l'intelligence
21:08des internautes et au soutien qu'ils apportent
21:10on voit bien que c'est à chaque fois
21:12une petite minorité extrêmement haineuse
21:14donc il faut que les autres puissent
21:16signaler mais que ça a un effet aussi
21:18il faut que ce soit simple, rapide et efficace
21:20Alors la fin du message de notre auditrice
21:22disait, on tape beaucoup sur Elon Musk
21:24depuis qu'il est soutien de Trump
21:26alors qu'avant il était tout beau
21:28tout rose et c'était l'homme de génie
21:30qui avait inventé Tesla, c'est vrai
21:32ou SpaceX, bon
21:34est-ce que ça c'est vrai, ça vous êtes d'accord Fabrice Epelboin ?
21:36Ah oui clairement
21:38il est passé du camp de héros
21:40héros notamment au niveau
21:42d'écologie, il a quand même inventé
21:44il a quand même popularisé
21:46la voiture électrique et
21:48complètement changé le marché de l'automobile
21:50avec les conséquences sur la trace carbone
21:52qu'on peut imaginer
21:54à affreux, vilain, pas beau
21:56alors il faut reconnaître que
21:58il a cherché toute cette haine
22:00que lui vouent les journalistes, non seulement
22:02il a sorti l'affaire des Twitter Files
22:04qui ont montré à quel point l'ancien Twitter
22:06les avait manipulés durant des années
22:08et avait complètement invisibilisé
22:10les voix de la droite
22:12aux Etats-Unis et vraisemblablement ailleurs
22:14mais il a également
22:16sorti une intelligence artificielle dont le but
22:18avoué est de remplacer le journalisme d'actualité
22:20ce qu'on appelle le journalisme du test
22:22donc très clairement on est dans une lutte à mort entre
22:24les journalistes et Elon Musk
22:26et il est assez logique
22:28qu'en réaction ces journalistes
22:30se défoulent sur Elon Musk
22:32et en fassent leur bouc émissaire
22:34c'est parfaitement humain et compréhensible
22:36comme réaction
22:38on est plus à sa prêt
22:40effectivement
22:42maintenant qu'on a parlé des responsabilités
22:44des uns et des autres
22:46qu'est-ce qu'il faudrait concrètement
22:48et ce sera le mot de la fin
22:50parce qu'on est quand même là pour parler concrètement
22:52Steve Otmesguine
22:54pour que du jour au lendemain
22:56ou d'une année à l'autre la France arrive à dissuader
22:58les potentiels harceleurs
23:00de commettre du harcèlement en ligne
23:02moi je rejoins ce qui a été dit tout à l'heure par M.Pelleboin
23:04c'est déjà de
23:06retirer la privatisation
23:08de la justice à Twitter
23:10et aux autres réseaux pour pouvoir
23:12trouver une procédure accélérée
23:14plus simple, plus facile en ligne
23:16puisque l'infraction a été commise en ligne
23:18donc ce serait beaucoup plus simple que
23:20on puisse saisir la justice en ligne
23:22alors il y a eu une facilitation récente
23:24d'un dépôt de plainte
23:26en fait c'est une pré-plainte avant d'aller au commissariat
23:28et de confirmer entre guillemets
23:30on peut aussi faire sa procuration en ligne
23:32on peut faire quelques petites choses mais c'est pas assez efficace encore
23:34il faut que ce soit beaucoup plus efficient
23:36et que ça nous permette justement de pouvoir
23:38enregistrer des plaintes et faire
23:40que la justice soit beaucoup plus accélérée
23:42Merci à tous les trois en tout cas d'être venus
23:44pour ce décryptage sur Sud Radio
23:46restez polis les amis sur les réseaux sociaux
23:48d'autant plus que c'est un endroit de débat magnifique
23:50autant assumer le désaccord jusqu'au bout
23:52que ce soit sur Sud Radio ou sur sudradio.fr
23:54Véronique Reissoult
23:56merci à vous présidente de Backbone Consulting
23:58votre livre La vérité sur l'impact
24:00des réseaux sociaux publié aux éditions
24:02du CERF, merci à maître Steve Houtmesguine
24:04avocat en droit des nouvelles technologies
24:06et de l'informatique
24:08et de la communication au cabinet AvoMédias
24:10et puis merci également à Fabrice Epelboin
24:12qui était avec nous en duplex
24:14sur Sud Radio, enseignant entrepreneur
24:16et spécialiste de l'influence sur
24:18les réseaux sociaux.

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