Le fou mythomane _ l'affaire Sean Hodgson

  • il y a 2 mois
En 1982, Teresa De Simone est retrouvée sans vie dans le sud de l'Angleterre. Sean Hodgson n'est qu'un petit délinquant à l'époque. Malgré une absence totale de preuves ou d'indices à son encontre, il s'accuse du meurtre, qu'il décrit dans les moindres détails face aux policiers anglais. Ceux-ci ignorent cependant que Sean Hodgson est un menteur pathologique et un véritable affabulateur.
Sur la foi de ces aveux, la justice condamne Sean Hodgson à la réclusion criminelle à perpétuité. Les progrès de la science permettront de l'innocenter en 1999, grâce à une simple comparaison d'ADN.

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Transcription
00:00Southampton, sur la côte sud de l'Angleterre.
00:05C'est le plus grand port marchand du pays.
00:09C'est ici que partent les cargos et les bateaux de croisière qui traversent l'Atlantique.
00:14Le plus connu ayant été le Titanic.
00:18Mais cette petite ville de province a surtout été le théâtre de la plus grande erreur judiciaire du Royaume-Uni.
00:31Nous sommes le 5 décembre 1979, il est 9h45.
00:37Le patron de ce pub, Anthony Pocock, attend un camion de livraison en retard.
00:43Il se rend dans l'arrière-cour de son bar et comprend tout de suite ce qu'il se passe.
00:51Le véhicule de l'une de ses employés bloque le passage.
00:57Énervé, l'homme s'approche de la voiture et ce qu'il découvre à travers les vitres le terrifie.
01:04Il court immédiatement alerter la police.
01:09Quelques minutes plus tard, les premiers bobys arrivent sur les lieux.
01:14Sur la banquette arrière, gît le corps inanimé d'une jeune femme brune.
01:18Et elle est tout de suite identifiée par le patron du pub, c'est l'une de ses serveuses.
01:23Elle s'appelle Teresa Desimone, elle a 22 ans.
01:29La jeune femme est décédée.
01:32La police criminelle établit un périmètre de sécurité et fait les premières constatations.
01:39Quand les policiers arrivent sur le parking, ils se rendent compte, ils voient le corps de Teresa sur la banquette arrière.
01:52Elle est notamment dénudée sous la ceinture, donc tout le bas du corps est nu.
01:58Elle était à l'arrière avec une jambe pendante vers le sol et l'autre relevé contre le dossier de la banquette.
02:06Le corps de Teresa ressemble à celui d'un pantin complètement désarticulé, comme si la jeune femme avait cherché à se débattre.
02:14C'est au niveau du cou que les policiers déterminent la cause du décès.
02:18Les policiers découvrent sur la victime des traces très significatives autour du cou.
02:27Ce sont les traces en profondeur d'un étranglement lent.
02:32Et par les traces de salive que l'on retrouve aux commissures de ses lèvres, on imagine que l'étranglement a été très lent.
02:41Un examen plus précis au niveau du bas ventre et des fesses indique que Teresa a également été violée.
02:52Le légiste a trouvé qu'elle avait été agressée sexuellement.
02:57Elle avait des échymoses au niveau du bas ventre et de l'anus.
03:02Elle a été agressée, elle a été violée, car ils ont trouvé du sperme sur les parties génitales.
03:12Grâce aux rapports d'autopsie, les policiers vont écarter l'hypothèse de plusieurs agresseurs.
03:20Le médecin légiste a précisé que les violences sexuelles et le meurtre ont eu lieu à des moments très rapprochés.
03:30Le légiste a indiqué qu'elle a été violée juste avant ou après le meurtre.
03:40La police n'a pas de doute que c'est un seul et même homme qui l'a étranglée et agressée sexuellement.
03:51Les policiers sont d'autant plus convaincus que le tueur et le violeur ne sont qu'un seul et même homme,
03:57que l'examen des bleus sur le corps indique précisément comment l'agresseur a maîtrisé sa victime.
04:02Elle a des bleus énormes sur la jambe gauche et sur les mains et sur les poignets,
04:09ce qui indiquerait que le tueur l'a sûrement maintenue à la banquette arrière, fortement, au niveau des mains et des poignets.
04:20Par ailleurs, on ne retrouve pas de traces de chair sous les ongles de la victime,
04:29pas de lésions de défense généralement dans les agressions.
04:32Elles ont le temps de griffer leur agresseur. Là, ce n'est pas le cas.
04:39Devant le siège avant, les policiers trouvent la culotte et un bas qui ont été arrachés par le violeur.
04:47La voiture est passée au peigne fin à la recherche d'indices qui permettraient d'identifier le tueur.
04:57Il y avait des empreintes sur le volant, mais les policiers ont réalisé qu'elles n'étaient pas exploitables.
05:06Des empreintes qui ne sont pas assez significatives pour être concluantes.
05:11Les enquêteurs reportent tous leurs espoirs sur le seul indice matériel découvert dans le véhicule, un peigne de couleur noire.
05:18Un peigne qui semble être un peigne masculin, mais en tout cas, il ne semble pas appartenir à la victime.
05:24Donc, on en déduit que ce peigne appartient probablement à l'agresseur.
05:29Malheureusement, après analyse, aucune empreinte n'est retrouvée sur le peigne.
05:34Dans la Ford Escort de Teresa, aucune piste sérieuse.
05:39Alors, les enquêteurs vont s'intéresser à la personnalité de la victime.
05:43Avait-elle un petit ami, des problèmes de famille et surtout des ennemis ?
05:50Les enquêteurs découvrent qu'en réalité, Teresa Desimone est secrétaire à la compagnie du gaz britannique.
05:58Elle travaille tous les jours de 9h à 17h.
06:02C'est une employée discrète, on ne lui connaît aucun conflit avec des collègues ou même sa hiérarchie.
06:08Deux soirs par semaine, quand elle quitte le bureau, elle va travailler au pub comme serveuse.
06:15Elle veut arrondir ses fins de mois et aussi se faire des amis.
06:20C'est une jeune femme particulièrement introvertie.
06:24Teresa était très timide, calme et vraiment une personne très gentille.
06:33Elle est venue travailler au pub parce qu'elle voulait se faire de nouveaux amis, de nouvelles connaissances.
06:39Et puis elle venait d'acheter une voiture et l'argent qu'elle gagnait au pub lui permettait de rembourser l'afford d'escorte.
06:46En interrogeant ses parents et ses amis, les policiers dressent le portrait d'une jeune femme bien sous tout rapport, sans aucune liaison dangereuse.
06:57Elle venait d'une famille très catholique, c'était une fille modère.
07:07Ses parents étaient très satisfaits de la conduite de leur fille.
07:12C'était une jeune femme respectable à tous égards.
07:16Elle n'a pas de petit copain en particulier, elle n'a pas d'histoire compliquée.
07:20Elle prend des cours d'italien notamment.
07:22Et elle souhaitait faire du badminton aussi, elle y avait joué jeune je crois.
07:27Donc elle est venue jouer dans mon club avec moi.
07:30Famille, travail, loisirs, les enquêteurs n'identifient aucun suspect dans l'entourage de Teresa.
07:37C'est une jeune fille qui est parfaitement sociable, intégrée.
07:41C'est la joie de vivre et rien dans l'enquête en tout cas ne permettra de lui trouver un quelconque ennemi.
07:50Alors que les parents de Teresa enterrent leur fille unique,
07:54les policiers cherchent à savoir si la jeune femme a croisé son agresseur dans les heures qui ont précédé le drame.
08:00Pour cela, ils vont interroger la dernière personne à l'avoir vue vivante.
08:06Elle s'appelle Jenny Savage, une amie de la victime.
08:10Et voici comment selon sa déposition très précise s'est déroulée la dernière soirée de Teresa.
08:20Le 4 décembre 1979, il est 23h, le pub ferme ses portes.
08:30Côté cours, c'est par la porte de service que Teresa quitte l'établissement comme à son habitude.
08:41Ce soir là, elle est attendue par son amie Jenny Savage qui est venue la chercher en voiture.
08:47Les deux jeunes femmes ont décidé d'aller boire un verre avant de rentrer chez elles.
08:56Elles se rendent sur London Road, la rue la plus animée de Southampton.
09:04Les deux jeunes femmes entrent dans une boîte de nuit.
09:08Elles ne vont pas se quitter de toute la soirée.
09:13Selon Jenny Savage, elles ont bien été abordées par un ou deux hommes.
09:18Mais la discussion sur un ton bon enfant n'a duré que quelques minutes.
09:24Vers minuit 45, elles quittent le night club, toutes les deux.
09:30Jenny raccompagne son amie dans l'arrière cours du pub.
09:34Car Teresa doit encore récupérer sa voiture laissée au parking.
09:40Jenny Savage repart immédiatement.
09:47Teresa disparaît dans la pénombre.
09:51Il est une heure du matin, l'endroit est désert.
09:55Les policiers vont acquérir la certitude que le drame s'est déroulé quelques minutes plus tard.
10:00Et que le meurtrier était déjà caché quelque part.
10:03Voici pourquoi.
10:06Sur place, les enquêteurs constatent que l'arrière cours du pub est ceinturé de barres d'immeubles.
10:13Les policiers vont frapper à chaque porte à la recherche de témoins.
10:18En commençant par les résidents de Windham Court, l'immeuble le plus proche de la scène de crime.
10:26Ils interrogent des centaines de personnes et recueillent en particulier deux dépositions
10:31qui confirment que le tueur était là à une heure du matin.
10:38Le premier c'est le témoignage d'un jeune étudiant qui étudiait dans sa chambre.
10:43Qui habite au cinquième étage dans un immeuble dont les fenêtres donnent sur le parking
10:47où est égarée la Ford Escort de Teresa.
10:50Avec sa fenêtre ouverte et qui a à un moment entendu vers une heure du matin
10:54un homme et une femme parler à voix haute.
10:57C'était un homme et une femme qui parlaient et puis une femme qui criait.
11:09Les policiers trouvent un autre témoignage, celui d'une personne retraitée, une infirmière à la retraite.
11:16Il s'agit de madame Titorley.
11:18Elle aussi a entendu le cri à une heure du matin.
11:21Poussée par la curiosité, elle s'est rendue à la maison.
11:25Poussée par la curiosité, elle s'est levée.
11:29Et elle a allumé la lumière et puis a regardé dehors.
11:32Et elle a vu un homme titubé dans la rue et qui était malade.
11:39En réalité il pleurait, il sanglotait, il faisait un mètre, il s'arrêtait.
11:43On a l'impression qu'il allait vomir et presque au bord du malaise.
11:48Dans un état pas normal, visiblement complètement saoul ou vraiment pas bien.
11:55Quelle que soit la personne qui était là, nous savons que c'était le tueur.
12:03Le meurtrier a donc été aperçu au pied de l'immeuble.
12:08Les policiers vont ratisser tous les environs à la recherche de traces que le tueur aurait laissées derrière lui.
12:15A quelques mètres seulement de la scène du crime, ils trouvent plusieurs objets ayant appartenu à Teresa.
12:21Du rimel, un rouge à lèvres et une paire de gants en laine bleue.
12:31Le tueur a ensuite marché 150 mètres plus loin sur Blechinden Terrasse.
12:37C'est ici que les policiers retrouvent d'autres objets, le porte-monnaie et le sac à main vide.
12:45Manquent les bijoux que portait Teresa le soir du drame.
12:49Car selon sa mère qui l'avait vu ce jour-là, Teresa avait au poignet une montre de forme ovale plaquée or et trois bagues.
13:03Selon son amie Jenny Savage, Teresa avait également autour du cou une chaîne ornée d'une croix.
13:11Sur place, ces bijoux restent introuvables.
13:14Les policiers ne trouvent aucun autre indice. La piste du tueur s'arrête là.
13:22L'enquête semble dans une impasse quand deux jours seulement après le meurtre, le hasard va mettre les policiers sur une piste très sérieuse.
13:31Le soir du 6 décembre 1979, un homme fracture une voiture stationnée dans le centre-ville de Sansonton.
13:39En quelques minutes, il vole un autoradio et des cassettes.
13:54Alors qu'il s'apprête à prendre la fuite, il est interpellé en flagrant délit et conduit au commissariat.
14:01Le voleur s'appelle Sean Hudson. C'est un délinquant multirécidiviste.
14:07Lui n'est pas inconnu des services de police mais toujours pour des délits mineurs. Il est toxico, vaguement dealer.
14:14Sa spécialité maintenant en tant que délinquant est le vol de voitures ou du moins l'effraction de voitures pour voler des choses à l'intérieur.
14:21Mais sa délinquance, c'est un délinquant qui ne peut pas se faire de la police.
14:26Placé en garde à vue, Sean Hudson ne risque pas grand chose. Son délit est mineur.
14:31Et pourtant il se montre très coopératif avec les policiers, au-delà même de toutes leurs espérances.
14:37Premier coup de théâtre de cette affaire. Pendant son audition, pendant sa garde à vue, il va dire aux policiers qu'il a des révélations à faire très importantes.
14:47Il va leur annoncer qu'il connaît le meurtrier de Thérésa De Simone.
14:51Inutile de vous dire que les policiers sont très intéressés par les explications de Sean.
14:56Et Sean Hudson, de livrer l'identité de l'homme aperçu la nuit du meurtre à quelques mètres seulement de la scène du crime.
15:03Il s'agirait selon lui d'un certain Philippe Topley.
15:07Il est un délinquant qui ne peut pas se faire de la police.
15:10Philippe Topley est à peu près du même gabarit que Sean.
15:15C'est deux paumés, dealers toxico, voleurs.
15:20Qui habite aussi à Southampton, qui est également un délinquant connu des services de police pour notamment des cambriolages.
15:26Jeune mais déjà bien mal parti si je puis dire.
15:29Sean Hudson ne donne pas le nom de Philippe Topley au hasard.
15:33Il le connaît bien, il était même chez lui sur Gordon Avenue le lendemain du meurtre à Southampton.
15:38Et il raconte aux policiers son étrange comportement ce jour-là.
15:59Ce dont je me souviens, c'est qu'on était dans son appartement à Southampton.
16:06On buvait, on fumait.
16:10Et puis ses vêtements, t-shirt et pantalon étaient complètement couverts de sang.
16:15Il donne des détails.
16:17Il a vu un pantalon plein de sang, il a vu un t-shirt plein de sang.
16:23Il a même vu d'ailleurs ce Philippe Topley mettre ses affaires dans un sac en plastique.
16:29Et lorsqu'il sort pour aller prendre un verre dans un pub quelconque, il les jette dans une poubelle du centre-ville.
16:41Ensuite, on a traîné.
16:44On s'est retrouvé près du lieu où le crime avait été commis.
16:49Et Topley a dit, va pas par là.
16:52Un meurtre a été commis la nuit dernière, j'y étais.
16:56Alors là, je me suis dit, mais comment il sait tout ça ?
16:59J'étais saoul, mais quand même, comment pouvait-il savoir tout ça ?
17:05A l'approche de l'arrière-cour du pub, les deux hommes auraient aperçu un quart de police et Philippe Topley aurait pris peur.
17:12Et quand il voit cette voiture de police, il s'en va.
17:14Il prend la fuite.
17:16Donc voilà ce que Sean raconte au policier en charge de l'enquête, chargé de résoudre l'enquête sur l'assassinat de Teresa.
17:25Un homme couvert de sang qui se débarrasse de ses vêtements et qui fuit à la vue d'une voiture de police.
17:32Les enquêteurs pensent enfin tenir un suspect.
17:35Ils vont arrêter Philippe Topley à son domicile, mais un détail scientifique relevé sur la scène du crime va le disculper.
17:44L'analyse du sperme retrouvé dans le corps de Teresa a permis à la police de déterminer que le groupe sanguin du tueur était le groupe AB ou A.
17:53Topley était de groupe O, donc il n'était pas le tueur.
17:59Pour les enquêteurs, c'est le retour à la case départ.
18:02Désemparés, ils en sont réduits à lancer des appels à témoins.
18:09Ils ont même installé une petite caravane près de la scène du crime pour entendre chaque personne susceptible de leur donner la moindre information.
18:18Traquer le tueur de Teresa dans les rues de Southampton, c'est comme chercher une aiguille dans une botte de foin.
18:26Plus de 40 policiers sont mobilisés pour examiner le passé judiciaire de tous les habitants de la ville et recouper les emplois du temps.
18:33Sans résultat.
18:38Pendant 12 mois, l'enquête piétine.
18:41Mais une nouvelle piste va mener les policiers vers un homme qu'ils connaissent déjà et qui est sous les verrous.
18:47Prison de Wandsworth, dans la banlieue de Londres.
18:59Sean Hudson y purge une peine de 3 ans de réclusion pour cambriolage.
19:03Et celui qui avait lancé les enquêteurs sur une fausse piste, un an plus tôt, va selon la police dire toute la vérité sur le crime de Teresa.
19:10Nous sommes le 8 décembre 1980, le détenu Sean Hudson demande à parler à un prêtre.
19:22Il rencontre le père Moran et c'est là vraiment où tout bascule, il va se montrer très bavard, il va vraiment se confier profondément à ce prêtre, il parle beaucoup, il parle beaucoup et il va lui faire de terrifiantes révélations.
19:36Il raconte qu'il fait des cauchemars depuis qu'il a tué une fille à Southampton un an plus tôt.
19:45Il va lui dire que chaque nuit il revoit le visage de cette femme qu'il a assassinée qui lui revient comme ça dans ses cauchemars par des flashes.
19:55Il n'arrive même plus à dormir, il a besoin de se confier à quelqu'un et donc il dit au prêtre que c'est lui le meurtrier, le violeur de Teresa.
20:01Tourmenté par ses cauchemars, Sean Hudson vient d'avouer pour la première fois le meurtre de Teresa Desimone.
20:10Et ses aveux donnés sur le ton de la confession ne sont pas les derniers.
20:15Quelques heures plus tard, l'homme se livre une nouvelle fois.
20:20Le lendemain de sa confession auprès de l'ecclésiastique, il ne s'arrête pas là, il va voir un maton.
20:28Un des surveillants de la prison, Paul Clolé.
20:30Et il va aller encore plus loin.
20:32Il lui dit qu'il s'est déjà confié à un prêtre et qu'il a tué une fille.
20:38Il raconte qu'il a frappé la fille à la tête.
20:42Il va dire notamment qu'il a mis des coups, qu'il a porté des coups à cette jeune femme.
20:47Elle s'est mise à crier, qu'il l'a donc frappée pour qu'elle se taise, qu'il l'a ensuite attrapée au niveau du cou.
20:52Il raconte la scène de crime, qu'il l'a étranglée.
20:55Il lui a arraché ses vêtements, il va de plus en plus loin.
21:00Le gardien de prison Paul Clolé s'interroge.
21:03Assiste-t-il au délire d'un prisonnier mal dans sa peau ou aux révélations faites par un meurtrier ?
21:10En fouillant la cellule du détenu, il découvre cette fois-ci des aveux écrits.
21:14Une lettre dans laquelle Sean Hudson raconte qu'il est rongé par le remords.
21:18Il parle de torture mentale. On sent que ce crime le dérange.
21:25Il donne pas d'explication d'ailleurs à ce crime.
21:28Il dit « c'est moi qui l'ai fait, mais je ne sais pas pourquoi je l'ai fait ».
21:32Pourquoi je l'ai tué, je ne sais pas, mais j'aimerais être mort à la place de cette jeune fille.
21:36Il parle de la peine qu'il a infligée à la famille de la victime.
21:41Il parle de la sentence qui va pas manquer de tomber.
21:45Il dit même qu'il la mérite et qu'il est prêt à l'accepter.
21:50Il dit tout ça dans ce courrier très étrange, très décousu.
22:01Alerté par l'administration pénitentiaire, le chef de l'enquête sur le meurtre de Teresa
22:07fait le déplacement en personne à la prison de Wandsworth.
22:10A peine a-t-il le temps de s'asseoir et avant même de poser la moindre question,
22:15Sean Hudson lui fait une déclaration officielle.
22:22La première chose qu'il a dite au chef de l'enquête, c'est « je l'ai fait ».
22:28Pendant plusieurs jours, les policiers se relaient pour interroger Sean Hudson.
22:33Les enquêteurs sont d'autant plus convaincus de sa culpabilité qu'au fil des interrogatoires,
22:37l'homme livre des détails de plus en plus précis.
22:42Des détails que seul le meurtrier et le violeur de Teresa auraient pu connaître.
22:47Des détails surtout qui n'ont jamais été révélés à la presse
22:51et que la police connaît bien évidemment parce qu'elle connaît le dossier,
22:54mais qui ne sont jamais sortis de ce dossier.
22:57Au bout du compte, Sean Hudson livre le récit complet de sa journée du 4 septembre 1979
23:03qui l'aurait conduit au viol et au meurtre de Teresa.
23:08Nous sommes à Lerode, dans la banlieue de Southampton, au matin du drame.
23:18Sean Hudson habite dans un foyer au numéro 23.
23:24L'homme est seul et en guise de petit déjeuner, engloutit plusieurs bières ainsi que des cachets.
23:31C'est un alcoolique et un drogué.
23:37À l'époque quand je buvais, je buvais n'importe quoi.
23:41La drogue n'était pas suffisante pour me défoncer.
23:44J'avais besoin d'être défoncé 24 heures sur 24, 7 jours sur 7.
23:52Puis il va sortir, il va traîner un peu au hasard des rues,
23:57traîner dans les bars, dans les pubs.
24:00Ensuite il va même acheter du vin dans un petit épicier,
24:03il va continuer à boire dans un parc juste derrière le centre civique de la ville.
24:07Il va pas mal picoler tout au long de cette journée.
24:13Au policier, Hudson raconte que le soir venu,
24:17sa dérive alcoolique l'aurait conduit près de ce théâtre situé à quelques mètres seulement du pub où travaille Teresa.
24:26Et dans ce quartier, Sean Hudson a ses petites habitudes.
24:29Il se livre à un commercier légal, c'est un dealer.
24:36C'était un bon endroit pour vendre de la drogue.
24:39Je me faisais de l'argent facilement de 60 à 80 euros par nuit.
24:44Je vendais de la drogue aux acteurs du théâtre d'à côté,
24:47je leur vendais de la cocaïne ou n'importe quoi.
24:52C'était vraiment un business qui marchait bien.
24:54Sean Hudson serait ensuite entré dans le pub où travaillait Teresa.
24:59Pour les policiers, c'est une information cruciale,
25:02et ils lui reposent la question, êtes-vous certain d'être entré dans ce pub ce soir-là ?
25:09J'étais dans le pub !
25:11Oui, oui, j'étais dans le pub ce soir-là.
25:13J'ai fait plein de pubs, mais j'étais dans celui-là, c'est sûr.
25:18Sean Hudson dit avoir bu plusieurs pintes,
25:20mais n'aurait pas adressé la parole à Teresa.
25:23Il affirme être resté dans le pub jusqu'à la fermeture.
25:33Peu après 23 heures, Teresa quitte le pub
25:36pour rejoindre son ami Jenny Savage, qui l'attend en voiture.
25:44Le quartier est désert.
25:46Sean Hudson n'est plus dans le pub.
25:48Le quartier est désert.
25:50Sean Hudson raconte qu'il était saoul pour rentrer chez lui.
25:53Il devait donc trouver un endroit pour dormir.
25:56A l'arrière du pub, sur le parking,
25:59il trouve refuge dans une voiture, et pas n'importe laquelle.
26:03Et il voit sur ce parking une Ford, une Ford Escort.
26:07La Ford de Teresa, garée sur le parking du pub.
26:13La Ford Escort de Teresa.
26:15Pour les enquêteurs, le choix de la voiture ne doit rien au hasard.
26:21Souvenez-vous, un an plus tôt, Sean Hudson avait été arrêté à Southampton
26:25pour effraction d'une voiture Ford.
26:28Et le policier qu'il interroge sait qu'il a en face de lui
26:31un spécialiste de cette marque de voiture.
26:36C'est vrai que vous étiez très bon pour voler dans les Ford Escort ?
26:40J'étais excellent pour tous les modèles Ford.
26:43J'étais excellent, moi, monsieur.
26:46Je les braquais et je piquais tout à l'intérieur, et je revendais tout.
26:51J'avais un passe-partout de tous les modèles Ford.
26:54J'avais acheté 5 euros à un concessionnaire.
26:58Avec, je ne pouvais pas démarrer les voitures,
27:01mais je pouvais ouvrir n'importe quelle Ford dans le pays.
27:06Alors, Sean Hudson explique aux enquêteurs
27:09que ce soir-là, lorsqu'il s'approche de la Ford Escort de Teresa,
27:12il n'a aucun mal à ouvrir la portière.
27:16Il ouvre cette voiture uniquement dans le but de dormir.
27:19Vu l'heure, il pense que le véhicule ne bougera plus de la nuit,
27:23et donc il va s'installer sur le siège arrière de cette Ford Escort.
27:37Vers 1h du matin,
27:39Teresa Desimone rentre de boîte de nuit et se dirige vers sa voiture.
27:46Il entend à ce moment-là des pas qui s'approchent des talons.
27:50Il entend quelqu'un marcher vers la voiture.
27:53Et il entend le cliquetis caractéristique de la clé qui s'introduit dans la serrure.
27:57À l'arrière, Hudson dit avoir observé Teresa s'installer au volant de la voiture.
28:03Il aurait fait une description détaillée que notent très précieusement les policiers.
28:09Il dit qu'elle est montée dans sa voiture avec sa jupe noire.
28:12Avec les deux genoux serrés l'un contre l'autre.
28:15Elle s'assoit sur le siège conducteur,
28:18et ensuite le corps pivote comme si les deux jambes étaient attachées.
28:22Or, cette façon très particulière qu'avait Teresa de monter dans sa voiture
28:27n'avait jamais été divulguée.
28:30Seuls les policiers en avaient connaissance.
28:33Grâce à un témoin incontestable.
28:36Sa mère a décrit exactement ce qui s'est passé.
28:40Sa mère a décrit exactement aux policiers comment Teresa montait dans sa voiture.
28:46Elle a installé d'abord ses fesses dans la voiture,
28:49et qu'ensuite elle a ramené ses jambes sous le volant.
28:52Exactement, presque mot à mot, ce que Sean Hudson a raconté à la police.
28:55L'enchaînement tragique des événements va alors très vite.
28:59La jeune femme vient de s'asseoir.
29:01Il ne lui reste plus que quelques minutes à vivre.
29:04Elle met à ce moment là son sac sur la banquette arrière,
29:06et là, c'est là où Hudson se relève.
29:10Elle est surprise, donc elle crie.
29:14Pour l'empêcher de crier, il dit je lui ai mis mes doigts dans sa bouche,
29:19je l'ai attrapé par son chemisier ou le petit haut qu'elle portait à ce moment là.
29:23Il y a une espèce de combat, de lutte acharnée,
29:26et puis il décrit qu'il est sur elle à un moment donné,
29:30et qu'il s'appuie sur ses cuisses, à l'intérieur de ses cuisses.
29:34Il va raconter que quand il étranque Teresa,
29:37il y a cette salive qui coule sur le bord de sa bouche,
29:40exactement ce que le médecin légiste avait constaté en venant voir le corps de Teresa, de Simone.
29:46Teresa est agonisante.
29:49Sean Hudson aurait déclaré alors avoir arraché les bas et la culotte de la jeune femme.
29:54Il raconte ensuite qu'il aurait violé sa victime une première fois.
30:00Là, croyant morte, il aurait passé le corps inanimé de Teresa
30:04sur la banquette arrière.
30:07Mais lorsque soudain, la victime est prise de soubresaut,
30:10Hudson aurait eu une nouvelle pulsion.
30:14Après, je l'ai violée pour la deuxième...
30:17Enfin, j'ai essayé de la prendre pour la deuxième fois, de la reprendre.
30:20Impuissant cette fois-ci, il n'y serait pas parvenu.
30:24L'homme ajoute alors un détail sordide.
30:27C'est à ce moment là qu'il aurait utilisé un démonte-peneu
30:31pour se substituer à sa défaillance.
30:35Teresa est morte.
30:38Le chef de l'enquête interroge Hudson pour savoir exactement
30:42dans quelle position il a laissé le corps de la défunte.
30:46Encore une fois, Sean Hudson aurait donné des détails
30:49que seul le meurtrier pouvait connaître.
30:53Il a raconté que la jeune femme avait une jambe qui pendait vers le sol
30:57et l'autre était repliée sur le dossier de la banquette arrière.
31:00Et c'est exactement comme ça que les policiers l'ont trouvée,
31:03avec de la salive sur le coin de la bouche, exactement comme ça.
31:07Il a ajouté que ses bas étaient déchirés,
31:10c'est exactement ce que les policiers ont constaté.
31:13À la fin de cette terrifiante déposition,
31:16le chef de l'enquête est convaincu de la culpabilité de Sean Hudson.
31:20D'autant que le détenu a fait preuve d'une troublante sincérité.
31:26Le chef de l'enquête est convaincu que Sean Hudson
31:28n'est pas le meurtrier.
31:31Le chef de l'enquête Sutterland raconte que pendant les confessions,
31:34Hudson revivait la scène.
31:37Le policier a eu l'impression qu'il disait vraiment la vérité
31:40car il parlait tout en se souvenant précisément de ce qui s'était passé.
31:43Il revivait la scène.
31:46Le commissaire Sutterland sait qu'il ne peut pas se fier
31:49qu'à ses impressions pour inculper Sean Hudson.
31:52Alors il interroge le détenu sur le seul indice matériel
31:55trouvé dans la voiture de Teresa.
31:58Un indice noir.
32:01Sean spontanément va dire que c'est le mien.
32:04C'est tellement le mien qu'il y a mes initiales.
32:07J'ai gravé au couteau.
32:10Ce n'est pas une calligraphie parfaite mais j'ai gravé.
32:13C'est le mien.
32:16Sean Hudson aurait comme signé son crime avec ce peigne.
32:19Quant aux bijoux que portait Teresa le soir du drame,
32:22il déclare les avoir volés tout simplement.
32:25Il a indiqué qu'il a pris la montre de Teresa
32:28qu'il l'a vendue le lendemain dans un pub.
32:32Sean Hudson aurait indiqué qu'en quittant la scène du crime,
32:35il était malade, titubé et avait du mal à reprendre son souffle.
32:40Ce qui correspond au deuxième témoignage.
32:43L'infirmière qui a vu un type qui avait du mal à respirer
32:46et qui faisait mine de vomir à peu près tous les deux pas.
32:48Des aveux circonstanciés.
32:51Une lettre de remords.
32:54Une preuve matérielle.
32:57Un témoin.
33:00Tout semble accablé, Sean Hudson.
33:03Pourtant, quelques mois plus tard, alors que s'ouvre son procès,
33:06le présumé meurtrier fait une déclaration tout à fait inattendue.
33:13Cour d'assises de Winchester, le 5 février 1995.
33:15Sean Hudson est accusé du meurtre et du viol
33:18de Teresa Desimone.
33:21Au premier jour de l'audience, c'est le coup de théâtre.
33:24Le prévenu se lève et, face au juré,
33:27fait une déclaration fracassante.
33:30Je suis un menteur.
33:33Je ne l'ai pas tué.
33:36Et de toute façon, à chaque fois que je suis arrêté par la police,
33:39je raconte n'importe quoi.
33:42Donc, je me terre.
33:45Pour la première fois depuis le début de cette histoire,
33:48donc depuis le 4 décembre 1979, il va clamer haut et fort
33:51qu'il est innocent.
33:54Dans le tribunal, c'est la stupéfaction.
33:57Personne n'en croit ses oreilles, sauf son avocat Robin Gray,
34:00à qui Sean Hudson a toujours déclaré qu'il n'avait rien à voir
34:03avec le meurtre de Teresa.
34:08Il ne m'a jamais, jamais dit qu'il avait tué la fille,
34:11que ce soit à moi ou à d'autres de ses avocats.
34:13Il a toujours démenti l'avoir tué.
34:19La presse locale titre, procès Hudson, le choc.
34:22L'homme dans le boxe déclare, je suis un menteur.
34:25Mais une fois l'effet d'annonce passé,
34:28les jurés ne croient pas un mot de la déclaration de l'accusé.
34:31Ils l'interprètent comme une tentative désespérée
34:34de semer le doute de la part d'un homme que tout accuse.
34:36Ils ont considéré que cette pirouette
34:39était une stratégie nouvelle de la part de l'accusé
34:42dans le but de semer le trouble,
34:45alors qu'il avait toujours tout reconnu.
34:48Ca ne marche pas.
34:51Ca ne marche pas parce que les policiers,
34:54habités par leur certitude,
34:57quand ils sont venus, eux, témoigner à la barre,
35:00raconter leur enquête, ont été très convaincants.
35:02C'est donc parole contre parole,
35:05entre un voleur alcoolique et drogué
35:08et la police du Hampshire,
35:11pour qui le dossier d'enquête est sans faille.
35:14Sean Hudson est seul contre tous.
35:18A la cour, les policiers étaient considérés
35:21comme des gens très respectables,
35:24qui ne pouvaient pas mentir.
35:27On me disait, c'est toi qui a dit que tu étais un menteur.
35:29Personne ne voulait me croire,
35:32ni la police, ni le procureur.
35:35Les jurés ne voulaient pas me croire.
35:38Personne ne me croyait.
35:41Pour moi, en tant qu'avocat, le cas était désespéré
35:44parce que les confessions qu'il avait faites
35:47étaient tellement convaincantes.
35:50Pour Robin Gray, la tâche est d'autant plus insurmontable
35:53que le procureur apporte un dernier élément
35:56qui va définitivement convaincre les jurés
35:59que Sean Hudson est de groupe sanguin A,
36:02ce qui correspond à celui du meurtrier.
36:05Au moment du délibéré, la cause est entendue.
36:08Les jurés n'ont pas eu de longues hésitations.
36:11Ils ont condamné en moins de 3 heures
36:14Sean Hudson à la prison à vie.
36:17Le juré ne retiendra qu'une seule chose,
36:20ce sont les aveux de Sean Hudson
36:23et le fait qu'il ait dit lui-même
36:26qu'il avait tué et violé Teresa De Simone.
36:29Malheureusement, à l'annonce de la sentence,
36:32l'homme qui se disait innocent ne proteste pas.
36:38Quand Hudson a été condamné à la prison à vie,
36:41le juge, qui a par ailleurs déclaré au condamné
36:44« Je n'ai aucun doute sur votre culpabilité,
36:47je suis d'accord avec les jurés »,
36:50Hudson a eu un petit sourire, mais il n'a pas vraiment réagi.
36:54Et je ne me souviens pas qu'il ait eu une attitude différente
36:56pendant tout le procès.
36:59Il était résigné.
37:02La justice a tranché.
37:05Les proches de Teresa sont partagés
37:08entre le soulagement et la colère.
37:11J'ai tout de suite éclaté en sanglots.
37:14J'étais soulagée que tout ça soit terminé.
37:17En tout cas, nous le pensions, à ce moment-là.
37:20La réaction de la mère de Teresa a été
37:23« J'aimerais que la peine capitale existe toujours
37:26et qu'il n'y ait pas de mort ».
37:56Moi, je n'étais pas un pédophile, un violeur
37:59ou un agresseur sexuel.
38:02C'était dur parce que ces prisonniers étaient prêts
38:05à s'entretuer. C'était vraiment très dur.
38:08Pour contrôler les détenus, la direction de la prison
38:11n'hésiterait pas à imposer un traitement de cheval.
38:14Quotidiennement, les gardiens feraient avaler
38:17de puissants tranquillisants à chaque prisonnier.
38:20Les médecins me disaient « Vas-y, prends ces pilules,
38:23et encore celle-là, et encore, et encore ».
38:26Chaque jour, à heure fixe,
38:29Sean Hudson aurait été abruti par les médicaments,
38:32et cela aurait duré pendant des années.
38:37Les médecins de la prison m'ont tellement bourré de médicaments,
38:41c'est incroyable ce qu'ils m'ont fait.
38:44J'en prenais tellement, je ne savais plus où j'étais.
38:49Malgré ces conditions de vie,
38:52Sean Hudson refuse de baisser les bras.
38:54Il entend prouver un jour qu'il a été victime
38:57d'une erreur judiciaire.
39:00Dès le premier jour de mon procès, j'ai toujours dit
39:03que j'étais innocent. En prison, j'ai toujours clamé mon innocence.
39:07Seul dans sa cellule, sans parents, amis ou relations pour l'aider,
39:12il écrit de nombreuses lettres à des avocats,
39:15des appels au secours, comme des bouteilles jetées à la mer.
39:19Il va multiplier les courriers aux avocats
39:24pour appeler au secours pour dire que c'est une erreur judiciaire.
39:28Il faut m'aider, il faut me sortir de là, il faut faire appel.
39:32J'ai contacté tellement d'avocats.
39:35Au départ, ils disaient qu'ils allaient s'occuper de moi.
39:39Mais à chaque fois qu'ils s'informaient auprès de la police,
39:42ils finissaient par abandonner.
39:45A tous les coups, ils lâchaient l'affaire.
39:48Sean Hudson va rester 27 ans en prison.
39:51Et pendant toutes ces années,
39:54il va tenter de trouver un avocat qui accepte de le défendre.
39:58En vain, personne ne croit en son innocence.
40:01Son cas semble indéfendable.
40:04Alors, le détenu sombre dans la dépression
40:07et il s'accroche à la vie avec l'énergie du désespoir.
40:14Je ne sais pas vraiment comment j'ai tenu le coup, mais je l'ai fait.
40:22Je ne croyais plus en la justice, les avocats, la police.
40:28Mais je me disais, c'est pas possible
40:31d'avoir une lumière au bout du tunnel.
40:34Je me suis dit, soit je sors dans un cercueil, soit je sors libre.
40:42Son salut, Sean Hudson le trouve par hasard en 2008
40:46lorsqu'il feuillette un journal distribué aux détenus.
40:49Et sur une page intérieure,
40:52un encart publicitaire attire son attention.
40:55C'est celui du cabinet d'avocat Julian Young.
41:04Quelques jours plus tard, en mars 2008,
41:07ce cabinet, situé dans le centre de Londres,
41:10reçoit la lettre de Sean Hudson.
41:13C'est Julian Young en personne qui réceptionne ce courrier.
41:17Cette lettre, la voici.
41:20Sur une simple feuille de classeur,
41:23c'est un Sean Hudson à bout de force
41:26qui a rédigé pour la énième fois sa situation.
41:29Je purge une peine de prison à vie pour meurtre.
41:32J'ai toujours clamé mon innocence toutes ces années.
41:35Je dois faire face à de graves problèmes de santé.
41:38Si vous estimez que vous pouvez m'aider, s'il vous plaît, contactez-moi.
41:47Julian Young s'est fait une spécialité des cas les plus désespérés.
41:51Et lorsqu'il examine le dossier,
41:54il découvre des incohérences dans les confessions de Hudson,
41:57des omissions dans l'enquête,
42:00et surtout que la police aurait occulté
42:03un trait caractéristique de la personnalité de Sean Hudson.
42:06C'est bien un mythomane,
42:09comme le montre son casier judiciaire.
42:11La police, en 1979,
42:14savait que Sean Hudson était un menteur.
42:17Il avait par le passé confessé plus de 200 délits,
42:20la plupart du temps des petits vols dans des voitures.
42:23Après plusieurs enquêtes,
42:26les policiers se sont rendus compte
42:29que tout ça n'était que des mensonges.
42:32Quand la police a vérifié les dates
42:35auxquelles ces vols étaient censés avoir été commis,
42:38elle a réalisé qu'en fait Hudson était un menteur.
42:41Hudson était en prison à ce moment-là,
42:44donc il ne pouvait pas les avoir commis.
42:47Dans l'histoire de ces fausses confessions,
42:50Sean Hudson a même avoué plusieurs homicides
42:53qu'il affirmait avoir commis à Londres
42:56un an avant le meurtre de Teresa.
42:59Il avait aussi avoué deux meurtres.
43:02Le premier à Covent Garden,
43:05et le deuxième à la fin des années 70,
43:08d'un homosexuel dans le nord de Londres.
43:11Ces deux meurtres n'avaient jamais eu lieu.
43:14Jamais de la vie, ces deux meurtres n'avaient eu lieu à aucun moment.
43:17Comment Sean Hudson peut-il s'accuser
43:20de meurtre inventé de toute pièce ?
43:23Qui est vraiment cet homme,
43:26capable de mensonges aussi graves ?
43:29Que s'est-il passé dans sa vie ?
43:32On parle d'un homme qui est très malheureux,
43:35qui en tant que drogué a eu des overdose en 1978,
43:38il a vu des docteurs,
43:41il a été traité, il a eu des overdose,
43:44il se mutilait, il était autodestructeur.
43:47Vraiment quelqu'un qui était dérangé mentalement,
43:50avec des troubles de la personnalité.
43:53Quand il sort de l'hôpital psychiatrique,
43:56Hudson vit seul aux 23 Lerodes,
43:59sans travail, sans amis et sans fiancé.
44:02L'homme se considère comme un vaurien
44:05et pour exister aux yeux des autres,
44:08il est prêt à tout.
44:11À la base, c'est quelqu'un
44:14qui a une très mauvaise image de lui-même.
44:17Il veut attirer l'attention,
44:20il veut que les gens l'écoutent,
44:23il veut que les gens deviennent ses amis,
44:26mais ça ne marche pas.
44:29Alors il se met à raconter des histoires,
44:32à exagérer son importance,
44:35l'air de dire « regardez-moi, regardez ce que j'ai fait,
44:38j'ai tué des gens ! »
44:41Les policiers ont rêvé de faire parler de lui,
44:44d'être au cœur de cette affaire dont toute l'Angleterre parle.
44:49Arrêté pour un minable vol à la tire,
44:52il affirme aux policiers connaître le meurtrier
44:55en dénonçant Philip Topley,
44:58l'homme au t-shirt plein de sang.
45:01En dénonçant quelqu'un d'autre,
45:04il recherche l'attention, il dit « regardez-moi,
45:07je vous aide avec votre enquête criminelle,
45:09regardez-moi, je suis très important,
45:12je suis le témoin le plus important. »
45:15Shennodson fait partie de ces rares mythomanes
45:18prêts à prendre tous les risques
45:21pour une célébrité éphémère,
45:24sans en mesurer les conséquences.
45:27« Ces gens-là ne pensent pas à ce qui va se passer dans 10 ans,
45:30ils pensent à une gratification immédiate.
45:33Qu'est-ce que je vais obtenir maintenant ?
45:36C'est sans doute ce qu'il pensait,
45:39il pensait aux conséquences, aux 27 ans de prison.
45:42S'il avait pensé à ces 27 ans de prison,
45:45je doute qu'il aurait parlé comme il l'a fait. »
45:48« Et ça, toute cette dimension médicale
45:51n'a à aucun moment été prise en compte
45:54par le système judiciaire anglais
45:57au moment où il convenait de juger équitablement,
46:00normalement, Shenn. »
46:03Julian Young en est convaincu.
46:06Lorsque Shennodson s'est accusé du meurtre de Teresa
46:09un gardien de prison, des policiers,
46:12il a tout inventé depuis le premier jour.
46:15Exemple, quand les policiers ont évoqué le peigne
46:18trouvé sans empreinte dans la voiture de la victime,
46:21Shennodson a indiqué que c'était bien le sien
46:24et les policiers l'ont cru sur parole.
46:27« Ce type de peigne était fabriqué par centaines de milliers d'exemplaires,
46:30on les donnait aux détenus. »
46:33« Mais pas seulement, il est aussi vendu à des millions d'exemplaires dans le pays,
46:36n'importe qui, dans son petit supermarché, peut acheter
46:39un peigne en plastique, exactement le même
46:42qui a été retrouvé à l'arrière du véhicule. »
46:45« Shennodson a sauté sur l'occasion.
46:48C'était comme un cadeau offert par la police,
46:51un indice qui lui permettait de s'accuser. »
46:54Plus incroyable encore, dans sa version des faits,
46:57Shennodson a raconté qu'il avait utilisé un démonte-pneus
47:00pour mutiler Teresa.
47:03Or, Julian Young a trouvé la preuve que cette scène
47:06a simplement été imaginée par Hudson
47:10« Il n'a pas pu infliger des blessures avec ce démonte-pneus.
47:14Le médecin légiste a été clair, ce n'est jamais arrivé. »
47:18« S'il avait véritablement utilisé un démonte-pneus,
47:22les blessures auraient été bien plus importantes qu'elles ne l'étaient. »
47:26« Et c'est à ce moment-là que j'ai compris ce qui se passait.
47:30Je me souviens avoir dit à ma collaboratrice
47:33quelque chose ne va pas dans cette histoire.
47:36Mon instinct me disait ces confessions ne valent rien.
47:39Seulement les intuitions de Julian Young
47:42vont se heurter à un problème de taille.
47:45Si Shennodson a tout inventé,
47:48comment a-t-il pu donner des détails de la scène du crime
47:51que seul le meurtrier pouvait connaître ?
47:54L'avocat a une hypothèse probable
47:57pour une affaire qui remonte à la fin des années 70.
48:00« En 1979, il n'y avait pas d'avocat présent aux interrogatoires
48:04et les entretiens n'étaient pas enregistrés. »
48:06Sans témoin ni enregistrement,
48:09les policiers auraient donc été libres de conduire
48:12et de retranscrire les interrogatoires à leur guise.
48:15« Je pense qu'il est très vraisemblable
48:18que tous les détails venaient de la police.
48:21C'est l'explication la plus plausible.
48:24Maintenant, reste à savoir comment cela se passait. »
48:27La police aurait posé ses questions
48:30et dans la foulée aurait soufflé les réponses à Shennodson.
48:33« Par exemple, les policiers disent
48:36qu'elle avait de la salive au coin de la bouche, n'est-ce pas ?
48:39Et lui répond oui. Les policiers retranscrivent
48:42qu'elle avait de la salive au coin de la bouche,
48:45comme si Hudson avait effectivement dit cette phrase. »
48:48Selon Julian Young, les confessions de Hudson à la police
48:51regorgeraient d'exemples de cette méthode
48:54d'interrogatoire très orientée.
48:57« Et la police demandait
49:00« La victime était allongée sur le dos, n'est-ce pas ?
49:03Et il répond oui. Mais ils n'écrivent pas Hudson a dit oui.
49:06»
49:09La méthode s'avère efficace.
49:12Soumis à plusieurs jours d'interrogatoire,
49:15Shennodson, le mythomane, aurait signé volontairement
49:18des aveux dont il connaissait à peine le contenu.
49:21« Ses confessions m'ont été extorqué.
49:24Je ne sais pas ce que j'ai dit aux policiers.
49:27Je n'en ai aucune idée. »
49:30Après un an de contre-enquête,
49:33Maître Julian Young dispose d'un dossier suffisant
49:36comme une preuve de son innocence.
49:39Les progrès de la science en matière criminelle
49:42vont lui permettre de trouver la solution.
49:45En 1979, lors des premières constatations sur la scène de crime,
49:48les enquêteurs avaient prélevé des cheveux et du sperme
49:51qui appartenaient au tueur.
49:54Mais à l'époque, les enquêteurs sont bien incapables
49:57d'identifier un meurtrier grâce aux empreintes génétiques, l'ADN.
50:00« Je pense que la police avait fait 22 ou 23 prélèvements
50:03susceptibles de comporter de l'ADN.
50:06Et si Sean Hodgson avait été sur la scène du crime,
50:09il aurait laissé des traces derrière lui. »
50:12Nous sommes en 2008.
50:15Julian Young demande à la police scientifique
50:18de comparer l'ADN du tueur à celui de Sean Hodgson.
50:21La vérité éclate.
50:24L'avocat a enfin la preuve formelle de son innocence.
50:27« Cette expertise ADN montre,
50:30avec la certitude que procure la science,
50:33que Sean Hodgson n'était pas le tueur,
50:36et qu'il n'est pas venu de loin avec ce meurtre. »
50:39Londres, le 18 mars 2009.
50:42Une foule de journalistes se presse devant la cour d'appel.
50:45Sean Hodgson vient d'être acquitté.
50:49« Il a passé presque la moitié de sa vie en prison,
50:52mais maintenant, pour la première fois depuis 27 ans,
50:55Sean Hodgson fait ses premiers pas en tant que libre
50:58et va essayer de reconstruire ce qu'il reste de sa vie. »
51:07« Il est complètement affaibli, complètement amaigri.
51:10Il a du mal à marcher.
51:13Il est soutenu d'ailleurs par son frère,
51:16qui le tient par le bras. »
51:19« Je l'ai reconnu,
51:22mais il n'était plus que l'ombre de lui-même.
51:25C'est un homme qui ne peut pas être reconnu.
51:28C'est un homme qui ne peut pas être reconnu.
51:31C'est un homme qui ne peut pas être reconnu.
51:33C'est un homme qui n'est plus que l'ombre de lui-même.
51:36Il était agard,
51:39très pâle,
51:42l'air très malade. »
51:45À 60 ans, Sean Hodgson savoure ses premiers instants de liberté.
51:48La police à l'origine de cette erreur judiciaire
51:51ne perd pas une minute.
51:54Sur les marches de la cour d'appel,
51:57elle s'engage à retrouver le vrai coupable.
52:00« La police du Hampshire a rouvert l'enquête
52:03en 1999 à Southampton
52:06dans le but d'identifier l'homme
52:09dont on a la signature ADN. »
52:12Les experts de la police scientifique
52:15comparent alors l'ADN du tueur
52:18aux 6 millions d'empreintes génétiques
52:21répertoriées par la police criminelle.
52:244 mois après la libération de Sean Hodgson,
52:27les enquêteurs identifient le tueur de Teresa.
52:30L'homme aperçu le soir du crime
52:33alors qu'il n'était qu'un adolescent.
52:36Mais l'homme s'est suicidé en 1988.
52:39L'examen scientifique de sa dépouille
52:42semble confirmer qu'il serait bien le meurtrier de Teresa.
52:45Et chose incroyable,
52:48les enquêteurs à l'époque connaissaient cet homme.
52:51Car dès 1983,
52:54David Lace avait avoué spontanément son crime aux policiers
52:57alors que Sean Hodgson, lui,
53:00clamait son innocence depuis sa cellule.
53:03Toutes ces confessions, ces aveux
53:06de David Lace, non seulement la police
53:09ne les a pas pris en compte, mais surtout,
53:12ils ne les ont pas ajoutés au dossier de Sean Hodgson.
53:15À une époque où on venait de condamner Sean,
53:18et si en 1983,
53:21les policiers avaient pris au sérieux
53:24la déposition de David Lace,
53:27Sean, il sortait immédiatement.
53:30Cette négligence policière
53:33faisait la vie de Sean Hodgson.
53:36Aujourd'hui, l'homme réclame à la justice
53:39un million d'euros de compensation.
53:42Qui est droit, après toutes ces années en prison,
53:45après tout, ce n'était pas de ma faute.

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