Le 20 février 2007 s'ouvre à Quimper le procès d'Alban Novembre, qui comparaît devant la cour d'assises du Finistère pour le meurtre d'un certain Pierre Mevel. La victime, bénévole à la cathédrale de Quimper, préparait la messe lorsqu'elle a été sauvagement attaquée, dans l'après-midi du 20 juin 2004. Les trois jours d'audience doivent permettre de cerner la personnalité de l'accusé, à la santé mentale défaillante. S'agit-il d'un crime prémédité ou l'agresseur était-il totalement irresponsable au moment des faits ? A la barre, les experts sont unanimes : Alban Novembre souffre de schizophrénie. Le jury aura donc le choix entre une lourde condamnation et l'acquittement.
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00:00Transcription par SousTitreur.com
00:30Le 20 juin 2004, en fin d'après-midi, Pierre Mewel est grièvement blessé à coup de couteau
00:54au pied de l'hôtel de la cathédrale Saint-Corentin de Quimper.
00:58Le mystérieux tueur réussit à prendre la fuite avant l'arrivée de la police.
01:04Bénévole à la cathédrale, Pierre Mewel prépare la messe du soir.
01:08Il décède dix jours après l'agression.
01:16Le tueur est arrêté deux jours après les faits à son domicile de Quimper.
01:20Il se nomme Alban Novembre, il a 21 ans.
01:24Avant le crime de la cathédrale, il n'avait jamais vu sa victime.
01:28Il reconnaît les faits, mais ses explications confuses font douter de son état mental.
01:33Incarcéré à la prison de Brest, il multiplie les tentatives de suicide
01:37et les bagarres avec ses co-détenus.
01:40Il est transféré en milieu psychiatrique dans l'attente de son procès.
01:48Il n'attend rien en particulier de ce procès-là, il se demande ce qu'on attend de lui.
01:54Et ce qui est particulièrement dangereux, c'est qu'il se demande ce qu'on attend qu'il dise.
02:05On est dans l'incertitude la plus totale sur ce qui va se passer, ce qui va...
02:11Parce qu'il n'y a pas de...
02:15S'il a vraiment très peur d'être considéré comme irresponsable,
02:20il est capable de dire le contraire exactement de ce qu'il a dit jusqu'à maintenant dans le dossier.
02:29On nous parle de schizophrénie, de schizoïdie,
02:32mais d'un autre côté, on a un comportement d'Alban Novembre
02:35qui, sur certains points, est à l'opposé de ces pathologies psychiatriques.
02:39Et du côté de la famille, la souffrance est accrue du fait qu'on n'a aucune explication rationnelle au geste.
02:51La cathédrale Saint-Corentin se situe à quelques centaines de mètres seulement du palais de justice de la ville
02:57où siège la cour d'assises du Finistère.
03:01C'est là que le procès, prévu pour trois jours d'audience, s'ouvre le 20 février 2007.
03:10Alban Novembre est poursuivi pour assassinat car la justice considère qu'il a prémédité son crime,
03:16même s'il ne connaissait pas sa victime.
03:20Maître Vincent Hommès représente les intérêts d'Anick, la veuve de Pierre Mével.
03:31Les parents d'Alban Novembre et ses deux sœurs assistent à l'audience.
03:35Ils devront y témoigner.
03:39Maître Isabelle Barraud-Duchéron défend Alban Novembre.
03:43Elle estime que son cas relève plus de la psychiatrie que de la justice.
03:48L'avocat général est Jean-Yves Gouiffon, substitut du procureur de Quimper.
03:53Les débats sont dirigés par le président Jean-Luc Buquel, président de la cour d'assises depuis huit ans.
03:59L'audience publique est ouverte pour le jugement de l'affaire
04:03suivie contre M. Alban Novembre, accusé d'assassinat.
04:07Veuillez vous asseoir.
04:15Le président de la cour d'assises, Jean-Luc Buquel,
04:20est accusé d'assassinat.
04:31Pour être en état de comparaître, Alban Novembre a dû accepter
04:35d'être placé sous de fortes doses de médicaments psychotropes.
04:39Nul ne sait comment le jeune homme, âgé aujourd'hui de 24 ans,
04:43va réagir à ce qui va se dire à l'audience et nul ne sait comment il va se défendre.
04:48Mais s'il est reconnu coupable et responsable de ses actes,
04:52il encourt la réclusion criminelle à perpétuité.
05:02Le 20 novembre 2004, Alban Novembre quitte vers 16h30 le studio
05:06où il vit seul depuis huit mois, à moins d'un kilomètre de la cathédrale.
05:10Il a décidé de tuer un prêtre.
05:15Il glisse un couteau de cuisine, acheté pour l'occasion dira-t-il,
05:19sous son blouson et se dirige à pied vers le centre-ville.
05:27Il pénètre une première fois brièvement dans la cathédrale puis en ressort.
05:36Sur la place, un témoin remarque son étrange démarche, saccadée.
05:40Il achète des cigarettes puis revient vers la cathédrale.
05:45Il s'adapte à la situation.
05:49Il se réveille.
05:53Il s'adapte.
05:57Il s'adapte.
06:01Il s'adapte.
06:05Il s'adapte.
06:09Je me trouvais au fond de l'église.
06:13J'étais en train de sortir les cantiques pour la messe qui avait lieu à 18h30.
06:17J'avais vu Pierre Mewel arriver quelques temps avant.
06:21Comme il animait la messe, il venait préparer ses chants.
06:27Arrivé au niveau de l'hôtel, Alban Novembre aperçoit Pierre Mewel
06:31qu'il prend pour un prêtre.
06:36Il a fait des reprises de violemment à plusieurs reprises.
06:40D'abord au niveau de la tempe, puis dans le dos.
06:44J'ai entendu un cri.
06:48Je me suis retourné.
06:52J'ai vu Pierre Mewel à terre avec l'assassin.
06:56C'est un geste triomphal.
07:00Il avait le couteau dans une main.
07:05Je l'ai vu du fond.
07:09Je n'ai même pas vu le gars.
07:13C'est le couteau qui m'a frappé.
07:17Sous le regard médusé des quelques personnes présentes dans l'église,
07:21le meurtrier s'enfuit par l'arrière de la nef.
07:25Pierre Mewel était allongé près de Lambon.
07:29C'est le pupitre de la parole.
07:34J'ai compris.
07:38J'ai appelé les pompiers.
07:42...
07:46J'ai traversé le coeur.
07:50Je venais à la rencontre de Pierre.
07:54Il était animateur liturgique.
07:58Les pompiers étaient là.
08:02On ne peut pas dire autre chose.
08:06C'était très impressionnant.
08:10Son épouse est arrivée.
08:14Vu le côté impressionnant de la scène,
08:18je lui ai dit qu'il ne devait pas y aller tout de suite.
08:22Elle m'a dit qu'elle avait vécu la guerre.
08:26Elle est restée digne.
08:31C'est elle qui nous réconfortait.
08:35Elle m'a pris dans ses bras.
08:39C'était vraiment très impressionnant.
08:43Il regagne son domicile par des chemins détournés
08:47en prenant la précaution de modifier sa démarche.
08:51Chez lui, il boit un café, lave le couteau
08:55et place ses vêtements sanglantés dans un sac poubelle
09:00Deux jours plus tard, les policiers l'identifient
09:04comme étant le tueur de la cathédrale
09:08à cause de sa fameuse démarche saccadée.
09:12A son domicile, il découvre le chiffre 666
09:16censé être le chiffre du diable inscrit sur un mur.
09:20Un crucifix posé à l'envers,
09:24quelques livres plus ésotériques que sataniques
09:29Lors de son audition devant la cour,
09:33Alban Novembre raconte qu'il a acheté deux couteaux.
09:37L'un pour s'entailler les veines afin d'évacuer le mal qui était en lui.
09:41L'autre pour tuer un prêtre.
09:45Au président qui lui demande pourquoi il fallait deux couteaux,
09:49il répond après un long silence
09:53parce que chaque chose doit être à sa place.
09:57La cour va maintenant se pencher sur la personnalité de la victime,
10:01Pierre Mewel.
10:05Depuis qu'il avait pris sa retraite fin 1999,
10:09il prenait des responsabilités notamment au niveau de l'équipe liturgique
10:13à la cathédrale Saint-Quentin.
10:17La cathédrale pour lui c'était quelque chose de formidable.
10:21Après une carrière de fonctionnaire à la sécurité sociale,
10:25Pierre Mewel occupait son temps libre à la cathédrale.
10:33C'était quelqu'un d'une grande gentillesse, affable,
10:37toujours à l'écoute, jamais un mot plus haut que l'autre.
10:41D'une grande foi, très impressionnant puisque
10:45j'ai entendu dire que juste avant de partir,
10:49il a pardonné à son agresseur.
10:53Le bonhomme que c'était.
11:09Entre la détresse des proches de Pierre Mewel
11:13et l'étrangeté des propos de son assassin,
11:17les jurés sont déroutés.
11:21La cour va tenter de répondre à ces questions en entendant ses proches.
11:37La famille Novembre a longtemps résidé à Plauzevay,
11:41dans le Finistère, où le père d'Allemand était artisan.
11:45Le climat familial est médiocre.
11:49Ils sont d'ailleurs partivorcés en 1996.
11:53Allemand est un enfant renfermé, perturbateur et perturbant.
11:57L'un de ses instituteurs s'inquiète de le voir proposer
12:01de l'argent à ses camarades afin de les avoir pour amis.
12:05Il est assez rapidement catalogué comme psychotique.
12:09J'ai pris conscience qu'il n'était pas comme les autres.
12:13Il devait avoir entre 12 et 14 ans.
12:17Il allait casser les carreaux d'une fenêtre,
12:21casser l'écran de la télévision,
12:25renverser le frigo par terre.
12:29Mais ça restait matériel.
12:33Il s'en prenait au mobilier de la maison.
12:37Allemand est pris en charge par le centre médico-psychologique infantil
12:41de Quimper, situé dans l'enceinte de l'hôpital psychiatrique de la ville.
12:45Il y a eu de nombreux retours à la maison.
12:49La première hospitalisation s'était mal passée.
12:53C'était forcé, il n'a pas eu le choix.
12:57De se retrouver avec des personnes
13:01comme lui, voire pire que lui,
13:05il se disait qu'il n'avait pas de place.
13:09Il disait qu'il avait des gogoles.
13:13C'était pas très humain.
13:17C'était des médicaments.
13:21S'il voulait pas les prendre,
13:25c'était la camisole ou menotté sur son lit.
13:29La piqûre de force, les médicaments de force.
13:33Jusqu'à ce qu'il tombe à deux de tension
13:37et qu'il devienne un légume avec les médicaments.
13:41Les premiers séjours, il fuguait.
13:45Il venait tout de suite à la maison avec son pyjama d'hôpital.
13:49Il se vengeait sur nous.
13:53Là, il a commencé à être violent avec ma mère.
13:57Livré à lui-même, Albin Novembre refuse de continuer à voir les psychiatres
14:01qui l'accusent d'être responsable de son malaise.
14:05Il rejoint sa soeur à Brest et tente de s'engager dans l'armée.
14:09Il est parti faire ses classes à Rennes.
14:13Il est revenu en larmes.
14:17Il avait été réformé pour problème P4.
14:21Il était complètement anéanti.
14:25Pour lui, c'était sa dernière issue pour faire quelque chose de sa vie.
14:29Il ne nous respectait plus.
14:33Il respectait plus rien, ni personne, ni sa famille, ni le système.
14:37Il ne voulait plus voir d'éducateur, d'assistante sociale.
14:41Pour lui, il était livré à lui-même.
14:45Il s'était formé une bulle.
14:49Il était complètement déconnecté de la réalité.
14:53Il était sur ses jeux vidéo nuit et jour.
14:57C'est vrai qu'à partir de là,
15:01on ne voyait plus d'issue.
15:07Pour tenter de justifier ses accès de violence,
15:11le jeune homme explique à la cour
15:15« J'ai dû remettre de l'ordre dans la maison, car comme mon père était parti, c'était le désordre. »
15:19Lorsqu'Alban Novembre atteint sa 20e année, son mal-être s'accroît.
15:23Il n'en comprend pas les causes et désespère d'y trouver une solution.
15:27Ses crises de violence s'aggravent.
15:31Le 16 mai 2003, à Pleuzevay,
15:35une discussion entre le jeune homme et sa sœur dégénère.
15:39Alban Novembre ne supporte plus qu'on lui reproche de ne pas chercher du travail,
15:43préférant se suffire de sa pension de jeune adulte handicapé.
15:47Il s'est emporté. Il a pris le premier couteau
15:51qui traînait sur la table de la cuisine.
15:55Connaissant mon frère, j'ai eu le réflexe de me lever
15:59et de sortir de la cuisine en courant
16:03à l'extérieur, dans le jardin. En fin de compte, en courant,
16:07j'ai dérapé, je suis tombée et il m'a rattrapée.
16:11Il est venu au-dessus de moi. J'étais allongée par terre, j'ai pas eu le temps de me relever.
16:15Il est venu au-dessus de moi en brandissant son couteau sur moi
16:19avec son regard, on aurait dit un monstre, avec une voix.
16:23Et là, évidemment, j'ai cru que j'allais y passer.
16:27Cette fois, la jeune femme décide de réagir.
16:31Elle dépose plainte contre son frère qui est entendu par les policiers.
16:35L'agression contre sa sœur, c'est le début d'un processus
16:39qui mènera le jeune homme jusqu'au crime de la cathédrale.
16:47Aux experts, Alban Novembre a expliqué qu'en voulant tuer un prêtre,
16:51il cherchait en fait à tuer son père, coupable à ses yeux de l'avoir délaissé.
16:55La cour va donc examiner les relations au sein de la famille.
16:59Mon père, de son côté, cherchait pas du tout à comprendre pour qui, pourquoi,
17:03qu'est-ce qui s'est passé pour qu'il en arrive à casser un carreau
17:07ou à casser la télé.
17:11C'était la fessée au lit, dans la chambre.
17:15La chose qui est frappante, c'est non pas l'absence du père,
17:19mais cette espèce de rejet humiliant du père à son égard.
17:23C'est pas une absence.
17:27C'est une tentative permanente d'approche et de rejet,
17:31assortie d'une humiliation extrêmement douloureuse,
17:35vivante, brûlante à certains moments,
17:39qui l'amenait à produire des heurts pour rencontrer quelqu'un.
17:43Le père est omniprésent dans cette construction.
17:47Et ces rébellions et ces oppositions permanentes
17:51sont une certaine façon de chercher à trouver quelqu'un.
17:55Le malaise a dominé toute cette journée d'audience.
17:59L'accusé, avec ses phrases laconiques, son regard noir et fixe,
18:03son absence totale de gestes et d'émotions a troublé les jurés
18:07qui se demandent si Alban Novembre participe vraiment à son procès.
18:25Cette 2e journée sera déterminante.
18:29Les jurés veulent savoir si Alban Novembre peut être jugé
18:33comme responsable de ses actes ou s'il doit être considéré
18:37comme un malade mental.
18:55Tous les psychiatres qui l'ont approché s'accordent
18:59à reconnaître le jeune homme comme schizophrène.
19:03Alban Novembre a du mal à admettre ce diagnostic.
19:07Il préfère attribuer son malaise à des esprits,
19:11au diable ou au démon.
19:15Il entendait des voix, il sentait des mains sur lui,
19:19donc il nous en parlait. Il croyait dur comme fer
19:23et ça l'empêchait de dormir pendant plusieurs jours.
19:27Il faisait des séances de spiritisme tout seul dans la maison.
19:31Il faisait des prières presque tous les soirs
19:35pour que quelqu'un puisse l'aider à combattre ces démons.
19:53J'ai rencontré ici au mois d'août ou septembre 2003,
19:57de mémoire, c'est-à-dire peu de temps après l'ouverture
20:01de ma librairie, devenu en tant que client.
20:05Au départ, c'était quelqu'un qui venait, à mon sens,
20:09plutôt chercher des réponses à son mal-être.
20:13Dans le cadre de ma librairie, j'ai plusieurs ouvrages
20:17qui traitaient de spiritualité et de développement personnel,
20:21mais plutôt, malgré tout, orientés vers des ouvrages
20:25à caractère religieux.
20:31Pour tenter de se soulager, Alban Novembre cherche
20:35dans toutes les directions. Il rencontre des voyants,
20:39des marabouts, des médiums, dont l'un lui affirme
20:43qu'il tient ses dons de la Vierge Marie.
20:47Les esprits, comme il préfère les nommer, rôdent toujours autour de lui,
20:51la nuit surtout. Il ne dort donc que le jour.
20:57En fait, à un moment donné, il a pensé arriver à s'en sortir avec des médiums
21:01qui lui ont, semble-t-il, apporté un genre de rémission.
21:05Et puis, deux ans après, les démons en question,
21:09les esprits en question sont revenus avec des manifestations
21:13et autres, parfois un peu violentes aussi,
21:17lorsqu'il essayait de leur dire de le laisser
21:21ou d'essayer de leur parler. Et puis, au bout d'un moment,
21:25comme il ne s'en allait pas, il a fini par dire
21:29« bon, je vais m'habituer à eux ». Et comme ça, il en avait un
21:33qui vivait avec lui dans son appartement.
21:37Souvent, il cherchait des objets, ce qu'on appelle des objets rituelliques.
21:41Il avait besoin de protection.
21:45Ce besoin de protection passe souvent par l'achat, on va dire, du gris-gris
21:49ou de la médaille religieuse censée protéger, empêcher
21:53que l'esprit malfaisant ou, en tout cas, l'expression de notre propre peur
21:57au psychose puisse nous agresser.
22:01Il y a forcément toujours une limite dans tout ce que l'on fait.
22:05Et moi, j'ai posé dans le cadre de mon travail certaines limites.
22:09J'ai le souvenir d'une demande d'un achat d'un Ouija,
22:13qui est une planchette pour pouvoir communiquer avec les esprits.
22:17Je lui ai refusé cette vente parce que je pensais que ça n'allait pas l'aider,
22:21en tout cas, dans le cadre de la résolution de sa problématique.
22:27Alban Novembre s'était rendu dans la cathédrale au moins une fois
22:31avant le crime, dans l'espoir d'y trouver de l'aide.
22:35C'est Couront 2002 qui m'a demandé un jour
22:39de l'emmener à la cathédrale pour se faire exorciser
22:43parce qu'il n'en pouvait plus. Pour lui, le mal qu'il nous faisait,
22:47ce n'était pas de sa faute. Il se sentait possédé, donc ce n'était pas lui.
22:51Il y avait un prêtre, je ne sais pas,
22:55un homme qui était là,
22:59sur le côté gauche de la cathédrale à l'entrée.
23:03Je lui ai demandé ce que je pouvais faire pour lui,
23:07si quelqu'un pouvait l'aider à se faire exorciser, etc.
23:19Le souvenir qui apparaîtrait dans le dossier,
23:23c'est qu'on l'a renvoyé un peu dans ses buts
23:27de manière un peu ironique.
23:31On est ressortis de la cathédrale, donc il ne disait trop rien.
23:35Une fois dans la voiture, sur le chemin du retour,
23:39puisque je le ramenais chez ma mère, il avait dit,
23:43je vais le tuer, mais bon, c'est ce que j'entendais tous les jours
23:47en parlant de moi, de ma mère, je vais vous tuer.
23:53La cour va maintenant étudier les derniers mois
23:57du crime de la cathédrale.
24:17Je pense que c'est quelqu'un qui était profondément seul.
24:21J'ai eu l'occasion de le croiser en circulant en voiture dans Quimper.
24:25Je garderai le souvenir d'une silhouette plutôt voûtée,
24:29toujours habillée de noir, de sombre, qui ne regardait pas
24:33les gens autour de lui quand il marchait dans la rue,
24:37donc complètement introvertie, enfermée.
24:41Désespoir, une grande souffrance.
24:45Perturbé, enfermé dans son monde intérieur,
24:49Alban vit reclus dans le studio, sans voir quiconque,
24:53il ne voit plus aucun psychiatre, il ne prend plus aucun médicament.
24:57La violence ne l'a pas quitté.
25:01Au mois d'avril, donc les faits vont se passer au mois de juin,
25:05et au mois d'avril, il avait agressé quelqu'un dans la rue.
25:09Et on constate d'ailleurs qu'il avait exactement la même attitude
25:13que celle qui est décrite au moment des faits
25:17de la cathédrale de Saint-Corentin.
25:21Il était présenté exactement dans la même attitude physique au mois d'avril
25:25qu'au mois de juin, c'est-à-dire arrivant à grandes enjambées,
25:29l'air très préoccupé, si on peut dire,
25:33et il avait en fait, il a molesté une dame qui était dans la rue.
25:39Le 2 avril 2004, moins de trois mois avant le meurtre de la cathédrale,
25:43Alban Novembre se rend à nouveau au domicile de sa mère, à Quimper.
25:47En chemin, il croise une voisine, Joëlle Lautreau,
25:51qui exerce la profession de nourrice. En cette fin d'après-midi,
25:55elle discute sur le trottoir avec la maman d'un enfant.
25:59Qu'est-ce que tu fais là, la vieille ? Voilà, c'est ça, c'est ces termes.
26:03Qu'est-ce que tu fais là, la vieille ? Ben, j'ai dû lui dire,
26:07je m'occupe pas de vous, quelque chose comme ça, quoi.
26:11Et puis c'est là que la colère est montée. Et il m'a tabassée,
26:15entre le trottoir et la voiture, et coup de pied.
26:19Votre maman n'a rien fait, elle était tétanisée.
26:23Puis c'est un petit jeune de la cité qui est venu l'enlever.
26:27Puis il est reparti comme il est venu.
26:31Pour toute explication, Alban Novembre dira que Mme Lautreau
26:35l'avait regardée de travers, tout simplement.
26:39Le 20 juin, c'est le crime de la cathédrale.
26:43C'est un lieu qui, symboliquement,
26:47est celui du soulagement et de la contenance.
26:51Et c'est dans ce lieu-là où rien ne devait arriver,
26:55où rien ne pouvait arriver. C'est dans ce lieu-là
26:59qu'il a cherché à produire une démonstration.
27:03C'est-à-dire à identifier ce qu'il appelait une figure du mal.
27:07Il allait être cette figure du mal et montrer spectaculairement
27:11à tout le monde que la souffrance qui était la sienne,
27:15l'absence de contenant symbolique qui était le sien
27:19depuis des années, il allait pouvoir produire tout cela
27:23dans le cadre de la cathédrale.
27:27De la même manière, s'attaquer à une figure de prêtre,
27:31qui est une figure sacrée, c'est faire le mal
27:35là où le bien est.
27:41C'est quand même bien cette haine à l'égard du père
27:45qui devient démonstrative en quelque sorte
27:49et qu'il le faut rendre exemplaire.
27:53Donc on parlera ou on parlerait,
27:57selon toute vraisemblance, dans une histoire comme ça
28:01d'un parricide déplacé.
28:05Il a donné des explications. Il a dit notamment
28:09qu'il s'en était pris à quelqu'un, un innocent de chez innocents,
28:13c'est sa propre expression, pour montrer aux chrétiens
28:17qu'il n'était à l'abri nulle part. Devant la police, il va dire aussi
28:21qu'il s'en est pris à cette personne-là parce qu'il n'était pas d'accord
28:25avec la façon qu'avaient les chrétiens de voir le monde
28:29et qu'ils trouvaient que les gens qui venaient, les bourges
28:33qui venaient à l'église et qui, en ressortant,
28:37n'avaient aucune offrande aux mendiants qui étaient dehors, ça n'était pas admissible.
28:43Le mobile possible, mais je ne détiens pas bien sûr la vérité,
28:47ce serait cette visite à Saint-Quentin
28:51quelques mois avant, peut-être en 2002,
28:55peut-être début 2003, au cours de laquelle il aurait voulu
28:59faire une démarche d'exorcisme, rencontrer quelqu'un qu'il a pris pour un prêtre
29:03qui s'est moqué de lui, qui l'a humilié et il s'est senti frustré, très en colère.
29:07Cette démarche, il l'a cachée, c'est sa sœur qui en a parlé, ce qui me laisse penser
29:11que pour lui, ça peut très bien être le mobile de l'acte.
29:15La frustration, la colère, ce sont des moteurs du crime classique
29:19et le temps qui passe n'atténue pas du tout les désirs de vengeance, bien au contraire.
29:23La cour va maintenant entendre les psychiatres.
29:27Le président Bukel sait que ce sera le tournant du procès.
29:31Les experts n'ont réussi à se mettre d'accord,
29:35ni sur l'état mental de l'accusé, ni sur son degré de responsabilité.
29:39Ils ne s'accordent que sur un point, sans soin, permanent et contraignant,
29:43Alban Novembre est un homme dangereux.
29:47Tel que ça s'est produit, ça ne peut être qu'un acte émanant
29:51d'une personnalité profondément déséquilibrée, fragilisée,
29:55qui a perdu ses amours, qui ne sait plus où elle en est
29:59et qui, pour savoir où elle en est, pose un acte.
30:05D'où toute l'ambiguïté dans laquelle nous pouvons être.
30:09Était-il au fond totalement en non-discernement au moment de l'acte ?
30:15Est-ce qu'il y avait encore du discernement, mais celui-ci était-il altéré ?
30:19Je crois que c'est vraiment l'indécision dans laquelle nous pouvons être
30:23concernant ce type même de production d'actes criminels.
30:27Alban Novembre a été examiné par 4 psychiatres.
30:31Les docteurs Anik Ledes et Jean-Yves Kozik affirment avec conviction
30:35à la barre que le discernement de l'accusé au moment des faits
30:39était aboli, au sens de l'article 122 du code pénal.
30:43Même diagnostic et même certitude pour le docteur Goulet.
30:47En revanche, le docteur Charbac réfute l'abolition du discernement.
30:51Il estime que l'accusé a fait preuve d'une pensée logique
30:55et qu'il a fait ses propres choix pour commettre son crime.
30:59La cour se retrouve dans l'embarras.
31:03Trois experts prônent l'irresponsabilité.
31:07La conséquence en serait un acquittement suivi d'un placement en hôpital psychiatrique.
31:11Le quatrième expert s'en tient à la responsabilité, même partielle, de l'accusé.
31:15Il ouvre ainsi la voie à une peine de prison.
31:19Il y a suffisamment d'éléments cliniques psychopathologiques
31:23pour dire à quel point il était en perte de lui-même à ce moment-là.
31:27Vous voyez qu'être en perte de soi, ça ne veut pas dire forcément délirer.
31:31Parce que s'il y avait eu cette conviction délirante,
31:35il n'y a pas de doute que l'article 122 aurait été posé sans problème.
31:43On a quatre avis expertos, trois dans un sens, un dans l'autre.
31:47On nous explique qu'il était dans un état de délire.
31:51On nous explique qu'il était dans un état de délire prolongé.
31:55Et on nous dit en même temps qu'il a pu agir de façon rationnelle, personnellement.
31:59Ça me paraît totalement antinomique.
32:03Si on devait se prononcer ce soir, je suis incapable de dire dans quel sens irait la décision de la Cour.
32:07Un rebondissement inattendu vient ajouter à la confusion.
32:11Au président qui lui demande ce qu'il pense des rapports des experts,
32:15Alban Novembre affirme, de son ton monocorde,
32:19qu'il n'est ni fou ni malade et qu'il veut aller en prison.
32:35Pour la Défense, c'est un coup dur.
32:39Alban Novembre refuse de passer pour fou.
32:43Toute la stratégie de sa Défense s'effondre.
32:47Il ne peut prendre en compte une éventuelle irresponsabilité
32:51que si la Défense de l'accusé lui en fait la demande.
32:55Sinon, les jurés n'ont d'autre choix que de déclarer l'accusé coupable et de le condamner.
33:09L'abolition du discernement,
33:13ça signifie qu'il va être déclaré fou,
33:17je ne veux pas qu'on me croit fou,
33:21et qu'on va l'expédier pour un temps extrêmement long
33:25entre les mains des psychiatres qui vont lui faire du mal.
33:29Il y a un revirement au dernier moment,
33:33provoqué par la terreur, par la peur.
33:37Il n'y a pas de doute pour que,
33:41les jurés et la Cour se sont bien rendus compte que ça faisait partie de sa pathologie
33:45que d'avoir le comportement qu'il a eu aujourd'hui.
33:53La journée s'achève sur cette contradiction.
33:57Si Alban Novembre refuse d'être considéré comme malade,
34:01il se condamne lui-même à coup sûr.
34:11Cette dernière journée sera celle du verdict.
34:15Les jurés devront choisir entre une condamnation
34:19avec une peine de prison plus ou moins longue
34:23ou un acquittement accompagné d'une hospitalisation sous contrainte.
34:27La journée débute par un nouveau coup de théâtre.
34:31A l'issue d'un long entretien en tête-à-tête avec son avocate,
34:35Alban Novembre accepte de modifier sa position.
34:39A l'ouverture de l'audience, il déclare, sans manifester aucune émotion,
34:43qu'il reconnaît qu'il n'est plus le juge.
34:47La dernière partie de l'audience peut commencer
34:51avec les plaidoiries et le réquisitoire.
35:17Au nom de la partie civile, Vincent Omez énumère tous les arguments
35:21qui plaident pour la responsabilité de l'accusé.
35:25Il fait part de ses craintes en cas d'acquittement pour tous ceux
35:29qui, un jour, pourraient croiser la route d'Alban Novembre.
35:37D'abord, ma plaidoirie s'est axée sur un élément de dernière minute
35:41qu'on pouvait supposer comme possible,
35:45c'est-à-dire que la Défense a soulevé la question spéciale d'irresponsabilité,
35:49donc je me suis adapté.
35:53J'ai d'abord développé la critique des expertises
35:57qui concluaient à l'irresponsabilité totale d'Alban Novembre.
36:01Ensuite, j'ai axé ma plaidoirie
36:05sur l'analyse de ses propos au plus près des faits,
36:09à un moment où il n'était pas sous traitement neuroleptique.
36:13C'est ce qui m'a révélé une certaine détermination
36:17et donc une responsabilité partielle de ses actes.
36:21Dans son réquisitoire, l'avocat général affirme que les faits étaient
36:25tragiquement prévisibles. Face à ce qu'il appelle
36:29la folie meurtrière de M. Novembre, il appelle les jurés
36:33à avoir le courage de déclarer responsable l'accusé et de le condamner.
36:37J'ai trouvé une certaine cohérence dans sa conduite et un certain calcul,
36:41et aussi dans les réponses qu'il a fournies à la cour d'assises,
36:45avec une certaine capacité à s'adapter,
36:49ou à adapter ses réponses en tout cas en fonction
36:53de ce qu'il pensait qu'on attendait de lui.
36:57Jean-Yves Gueffon demande donc à la cour et aux jurés de condamner
37:01Alban Novembre à 20 ans de réclusion criminelle,
37:05avec une période de sûreté des 2 tiers.
37:09Face à la sévérité des réquisitions du parquet général,
37:13la tâche de la défense est ardue.
37:17Isabelle Barraud doit convaincre la cour qu'Alban Novembre est irresponsable
37:21et que sa place est en hôpital psychiatrique,
37:25où il sera mieux pris en charge médicalement que dans une prison.
37:29L'avocate demande donc aux jurés
37:33de ne pas répondre à la maladie mentale par un enfermement aveugle.
37:37Elle demande à la cour d'assises d'acquitter Alban Novembre
37:41pour le remettre entre les mains des médecins.
37:45Tout le monde s'est parfaitement rendu compte de la gravité du cas de monsieur Novembre.
37:49On essaie de tourner la difficulté
37:53simplement pour l'envoyer en prison.
37:57Sa place n'est pas pendant 20 ans dans le milieu carcéral.
38:01Parce que de toute façon, dans 20 ans, on laisse le problème,
38:05il sort à 40 ou 44 ans,
38:09et le problème se reposera parce que nous n'aurons pas fait le nécessaire.
38:13Réunis autour du président Bukel,
38:17les deux assesseurs et les 9 jurés populaires,
38:217 femmes et 5 hommes au total, entament leur réflexion.
38:25L'enjeu du délibéré, c'est bien sûr l'irresponsabilité pénale.
38:29Si Alban Novembre présentait au moment des faits une abolition de son discernement,
38:33il doit être acquitté pour être confié aux psychiatres
38:37qui décideront alors seuls de son sort.
38:41S'il ne souffre que d'une altération de son discernement,
38:45il est accessible à une sanction.
38:49C'est au juré alors que revient la charge de condamner et de fixer une peine.
39:03Au terme d'un délibéré d'un peu plus de 3 heures,
39:07la cour et le jury reviennent avec une décision de verdict.
39:11L'audience est reprise.
39:15Voici donc les réponses apportées
39:19par la cour et le jury réunies aux questions posées
39:23et l'arrêt délibéré en commun.
39:27L'arrivée de l'arrêt délibéré,
39:31en commun, aux trois premières questions
39:35concernant les faits de domicile volontaire,
39:39a été répondue oui à la majorité de 8 voix au moins.
39:43A la quatrième question, l'accusé Alban Novembre bénéficie-t-il pour le fait
39:47de domicile volontaire, statut spécifieux, question numéro 1, 2 et 3,
39:51de la cause d'irresponsabilité pénale ? La réponse est non à la majorité de 8 voix au moins.
39:55La cour et le jury réunies condamnent Alban Novembre
39:59à peine de 15 années de réclusion criminelle.
40:03Vu l'article 132-23 du Code pénal et la décision spéciale de la cour et du jury
40:07fixes au deux tiers de la durée de cette peine, la période de sûreté prévue par le dit article.
40:11Monsieur Novembre, vous disposez d'un délai de 10 jours
40:15pour interjeter appel contre l'arrêt délibéré pour prononcer.
40:19Passé ce délai, vous n'y seriez plus recevable.
40:23Donc l'audience est lue.
40:27Alban Novembre a été condamné à 15 années de réclusion criminelle,
40:31dont 10 ans de sûreté. Dans un premier temps,
40:35il a relevé appel de sa condamnation, avant de se raviser
40:39plusieurs mois après. A ce moment-là, le verdict de Kemper
40:43est devenu définitif.
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