Des entreprises françaises, y compris publiques, ont versé en tout plusieurs centaines de milliers de dollars au profit des campagnes électorales de plusieurs candidats républicains de l'aile la plus extrémiste et conservatrice du parti. Olivier Petitjean, journaliste, co-fondateur et le coordinateur de l'Observatoire des multinationales est l'invité pour tout comprendre dans RTL Soir.
Regardez L'invité pour tout comprendre avec Yves Calvi du 07 novembre 2024.
Regardez L'invité pour tout comprendre avec Yves Calvi du 07 novembre 2024.
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00:00Yves Calvi et Agnès Bonfillon, RTL Soir.
00:04Il est 18h43, bonsoir Olivier Petitjean.
00:06Bonsoir.
00:07Vous êtes journaliste, cofondateur de l'Observatoire des multinationales
00:10et dans le média Basta, vous publiez une enquête consacrée à ces entreprises françaises
00:14qui ont financé la victoire de Donald Trump.
00:17Avant de citer des noms, un constat.
00:19Est-ce que c'est fréquent cette pratique du soutien à un candidat dans une élection étrangère ?
00:23Alors effectivement, c'est un système typiquement américain
00:26où les entreprises, à travers des structures qu'on appelle les Political Action Committees ou PAC,
00:33mutualisent des fonds qui sont donnés par les employés, souvent les dirigeants des entreprises
00:37et les donnent à des campagnes électorales,
00:39donc pour la présidentielle et aussi pour...
00:42parce qu'il n'y a pas eu que la présidentielle ce mardi,
00:44il y a eu aussi les élections au Sénat et à la Chambre des représentants.
00:47Et donc pour des campagnes soit de sénateurs, soit de représentants.
00:51C'est bien légal tout ça ?
00:52Et donc c'est un système totalement légal.
00:54La seule condition, c'est que pour ces PAC, que ce soit transparent.
00:57Donc c'est pour ça qu'on sait que certaines entreprises françaises,
01:00via leurs PAC, ont donné de l'argent à des candidats.
01:03Ensuite, il y a d'autres structures qui ne sont pas transparentes,
01:05mais celles-là en tout cas, elles sont transparentes.
01:07Mais alors qu'attendent-elles ces entreprises françaises ?
01:10Qu'attendent-elles en retour ?
01:11On va les citer, hein.
01:12Sadofy pour la pharmacie, Pernod Ricard, Airbus, Thalès ou encore EDF ?
01:16Alors ce système, il y a deux motivations.
01:18Je pense qu'effectivement, dans certains cas, c'est les chefs d'entreprises,
01:21les entreprises qui ont des convictions politiques fortes.
01:24Je ne pense pas que ce soit le cas des entreprises françaises, en l'occurrence.
01:27L'autre raison pour laquelle on finance, c'est plutôt une question d'opportunisme.
01:30Donc on est dans un système politique qui reste basé sur l'échange de faveurs.
01:35Donc une entreprise va financer la campagne d'un candidat,
01:37pour certaines raisons.
01:38Parce que c'est le candidat de là où ils sont implantés, là où ils ont une usine.
01:41Parce que c'est le candidat qui siège dans tel comité,
01:43qui est chargé de distribuer de l'argent public, etc.
01:45Et en échange, ils espèrent qu'ils vont retirer des avantages politiques et économiques.
01:49Mais ôtez-nous un doute.
01:50On vient de payer, nous sommes un certain nombre, notre facture EDF.
01:54Est-ce qu'on a financé Donald Trump ?
01:56Vous comprenez ma question ?
01:57Bien sûr.
01:58Non, on ne peut pas dire ça.
01:59D'abord, je précise quand même, les financements qu'on pointe dans notre enquête,
02:03ce n'est pas des financements de la campagne de Donald Trump, précisément.
02:05C'est le financement de candidats républicains.
02:08Mais pas n'importe quel candidat républicain non plus,
02:10parce que ce sont des candidats républicains de l'Èle, pardon, la plus extrémiste,
02:13qui ont refusé de reconnaître les résultats de l'élection précédente, etc.
02:16Donc ce n'est pas directement Donald Trump.
02:17Mais évidemment, c'est difficile de séparer ces campagnes.
02:20Elles ont lieu simultanément.
02:22Et ensuite, la deuxième raison pour laquelle ce serait un peu excessif de dire ça,
02:25c'est que c'est un système, quand je l'ai expliqué, indirect.
02:27C'est-à-dire, c'est les employés qui mettent...
02:30Donc ces structures sont créées par les entreprises.
02:32Elles sont abondées par les dirigeants des entreprises surtout.
02:35C'est les dirigeants des entreprises qui décident où va l'argent.
02:37Mais ce n'est pas vraiment l'entreprise elle-même qui sort de l'argent de sa trésorerie.
02:41Donc ça existe, mais ce n'est pas...
02:43C'est un système au second degré, en fait.
02:44Voilà, tout à fait.
02:45Et on a une idée des sommes qui sont en jeu ?
02:48Donc il faut aussi avouer que par rapport à d'autres entreprises américaines,
02:52des géants comme Google, General Motors, etc.,
02:55les sommes qu'on pointe dans l'enquête sont relativement modestes.
02:58À quelques exceptions près quand même.
03:00Il y a Sanofi qui a fait beaucoup l'actualité ces derniers temps.
03:04Ça nous a rappelé que ce n'était pas une entreprise française,
03:06mais c'était aussi une entreprise pas tout à fait française.
03:09L'essentiel de son chiffre d'affaires est aux États-Unis, etc.
03:12Donc eux, ils figurent parmi les pôleurs du financement,
03:15mais c'est un peu une exception.
03:17On peut contester, on peut se poser des questions
03:19sur les financements des PAC, de EDF, d'autres entreprises,
03:22parce que ça va des républicains Trumpistes,
03:25mais ça reste des sommes très modestes.
03:26C'est-à-dire des sommes très modestes, pardon, un exemple ?
03:28C'est des dizaines de milliers de dollars pour une campagne.
03:32En général, c'est des donations de 5 000 dollars, par exemple,
03:35pour une campagne électorale.
03:36Mais qu'on peut faire plusieurs fois ?
03:38Oui, on peut les faire plusieurs fois,
03:41mais là, on n'a pas exactement tous les chiffres,
03:43parce que tout n'a pas été rendu public,
03:45évidemment, c'est sur la base de déclarations
03:47qui sont en partie rétrospectives.
03:49Donc on a les chiffres à fin octobre.
03:50Donc s'il y a eu des financements très récents,
03:52ils ne sont pas encore incorporés,
03:53mais théoriquement, on a à peu près le total
03:56de ce qu'elles ont donné pour cette campagne.
03:57Voilà, le total.
03:58En revanche, elles ne soutiennent pas n'importe qui.
04:00Pernod Ricard donne 78% de ses financements aux républicains.
04:03Le géant pharmaceutique Sanofi, qui produit le Doliprane,
04:06soutient lui aussi la droite américaine.
04:09Quand UDF, en revanche, le fait avec des candidats démocrates,
04:12si je ne m'abuse.
04:13Comment se fait-ce ?
04:15Comme je l'ai expliqué,
04:16il y a une bonne dose d'opportunisme dans ses financements.
04:19Évidemment, ils peuvent avoir tendance,
04:21en fonction de leurs intérêts, leurs implantations,
04:24à aménager les deux partis,
04:25financer un peu des démocrates,
04:26financer un peu des républicains.
04:28Ensuite, une entreprise comme Airbus,
04:29que vous n'avez pas cité,
04:30mais qui donne aussi beaucoup aux républicains.
04:32Leur principale implantation aux Etats-Unis,
04:34elle est dans l'État d'Alabama,
04:36ce qu'on appelle un État rouge, pur,
04:38vraiment républicain, très conservateur.
04:40Donc, ça explique aussi,
04:41comme ils financent beaucoup les politiciens à nos locaux,
04:43qu'ils financent des républicains très radicaux.
04:47Pardon, c'est d'autant plus fascinant
04:49qu'en France, on est beaucoup plus encadré
04:53concernant le financement des politiques.
04:55Tout à fait.
04:56Donc, on est dans un système très différent.
04:57En France, les partis politiques sont financés
04:59par la puissance publique,
05:00donc par nos impôts, d'une certaine manière,
05:02mais d'une manière un peu encadrée.
05:04La seule exception qu'il y a eu un peu,
05:05c'est quand Emmanuel Macron s'est lancé en 2017,
05:07parce que, justement, c'était un nouveau parti,
05:08donc il a fait appel plus à des financements
05:10qui, bon, parfois, ont posé des questions.
05:13Mais là, on est dans un système, effectivement,
05:15où c'est financé par des donateurs individuels.
05:17Donc, il y a quand même beaucoup d'argent
05:19que donnent des simples gens,
05:21en tant que simples citoyens,
05:22mais aussi par des entreprises,
05:24et aussi par des milliardaires,
05:25on a vu, ou des millionnaires,
05:26on a vu l'exemple pendant la campagne d'Elon Musk,
05:28qui a, non seulement fait campagne pour Trump,
05:30mais aussi financé...
05:31Il a organisé des loteries...
05:32Voilà, tout à fait.
05:33Alors, Olivier Petitjean,
05:34pendant cette interview,
05:35on s'est posé la question,
05:36il y a deux façons d'aborder ça, finalement.
05:38Soit ça choque,
05:39soit on estime que c'est un élément de transparence,
05:41à partir du moment où tout est publié.
05:43Est-ce que vous, vous avez choisi,
05:44à l'issue de votre enquête ?
05:45Ben...
05:46Je pense que, bon,
05:47vu avec notre culture française,
05:49ce mode de fonctionnement de la vie politique,
05:51c'est quand même choquant.
05:52Euh...
05:53Bon.
05:54Et c'est aussi choquant aux Etats-Unis.
05:56Il faut aussi dire qu'il y a des entreprises,
05:57des grandes entreprises,
05:58notamment Apple,
05:59qui a choisi délibérément
06:00de ne pas utiliser ce système.
06:01Le PDG d'Apple a dit...
06:03Non, il faut que les élections soient décidées
06:05par les citoyens en tant qu'électeurs,
06:06et c'est tout.
06:07Donc, c'est quand même en débat aux Etats-Unis même,
06:09mais bon, c'est fortement implanté.
06:11Ensuite, la deuxième chose...
06:13Pardon, la deuxième chose un peu choquante,
06:15c'est que des entreprises françaises,
06:16dont certaines sont quand même la propriété,
06:18voient, dans certains cas,
06:19100% de l'Etat français comme EDF,
06:21financent des campagnes,
06:23donc, d'une certaine manière,
06:24interviennent dans la vie politique
06:26des Etats-Unis.
06:27Si c'était l'inverse,
06:28je pense qu'on serait tous scandalisés.
06:30Et ensuite,
06:31la dernière question qu'on se pose,
06:33c'est effectivement, quelles sont les limites ?
06:34Parce que là, on parle de certains candidats,
06:36bon, sans entrer dans le détail
06:38du programme de Trump, etc.,
06:40mais nous, le critère qu'on a retenu,
06:42c'est cette question de la reconnaissance
06:44des élections de 2020.
06:45Donc, certains candidats qui remettent en cause
06:47les fonctionnements démocratiques de base,
06:50et qui cautionnent, d'une certaine manière,
06:52le recours à la violence politique,
06:53donc, qui remettent en cause
06:54le fonctionnement démocratique elle-même.
06:55Donc, c'est ça aussi qui...
06:56À mon sens, il y a quand même des limites
06:58à ce qui devrait être acceptable
07:00pour des entreprises dans ce domaine-là.
07:01Merci beaucoup, Olivier Petit.
07:02Merci à vous.
07:03Journaliste, cofondateur de l'Observatoire des multinationales,
07:05et auteur de cette enquête consacrée
07:07à ces entreprises françaises
07:08qui ont financé la victoire de Donald Trump.
07:11Je renvoie à votre site indépendant
07:13intitulé, tout simplement,
07:14Basta !
07:15Avec un point d'exclamation.
07:16À propos, nous, RTL, le groupe M6,
07:18on n'en rose personne.
07:19D'accord.
07:20Si je peux me permettre,
07:21on a un site qui s'appelle multinationales.org
07:23qui est plus spécifiquement dédié
07:24à cette activité sur les multinationales.
07:26Donc, nous, on n'en rose personne.
07:29Bah, à ma connaissance, non.
07:32Bon, c'était la question pire.
07:33Mais j'aurais dû, effectivement,
07:34j'aurais dû vérifier avant de venir.
07:36Bon, dans un instant,
07:37un homme d'une intégrité remarquable.
07:39Remarquer, c'est pas compliqué, il rutile.
07:41Marc-Antoine Lebrès, c'est le Breaking News.