Grenoble : le maire refuse de nommer la violence qui a provoqué la mort d'un de ses agents municipaux
Céline Géraud, accompagnée de la rédaction d’Europe 1, propose chaque midi un point complet sur l’actualité suivi de débats entre invités et auditeurs.
Retrouvez "Europe 1 13h" sur : http://www.europe1.fr/emissions/europe-1-midi3
Category
🗞
NewsTranscript
00:00Europ1 13h, de 13h à 14h, vous écoutez Céline Giraud sur Europ1 et vous réagissez au 01-80-20-39-21.
00:07Décryptage de l'actualité Céline aujourd'hui avec vos deux chroniqueurs du jour, le chroniqueur politique Olivier Dartigolle et Jean-Michel Salvador, communiquant et chroniqueur politique.
00:15Que je salue, bienvenue à bord les amis.
00:17C'est reparti pour une nouvelle semaine et on va évidemment revenir sur cette track qui se poursuit à Grenoble pour retrouver le chauffard qui a tué un agent municipal de 49 ans hier en marge d'un accident de la route.
00:29Tué de deux balles dans le thorax, une centaine d'agents du service de la propreté urbaine de Grenoble se sont réunis ce matin à l'hôtel de ville.
00:36Un moment de recueillement est aussi prévu cet après-midi à 14h.
00:40En attendant, je vous propose d'écouter le maire de Grenoble, Éric Piolle, qui a pris la parole.
00:46Cette diffusion des armes dans la société française génère des accidents dramatiques comme celui-là et la mort de quelqu'un qui était au service de l'intérêt général.
01:00Nous savons que personne n'est à l'abri d'une balle perdue et c'est notre peur quotidienne dans les règlements de compte.
01:06Il n'y a évidemment personne de mérite de mourir, y compris pour le trafic de drogue.
01:11Il faut que la justice passe, mais c'est notre peur.
01:14Vous avez vu ailleurs en France qu'il y a eu parfois, dans ces règlements de compte, des balles perdues.
01:19Voilà les propos d'Éric Piolle que je voulais vous faire écouter parce qu'ils interpellent, ils font débat aujourd'hui, ils ne nomment pas clairement la violence.
01:26Ils parlent de circulation d'armes, de balles perdues.
01:29Jean-Michel Salvatore ?
01:31C'est assez étonnant comme réaction.
01:33On ne sent pas beaucoup de colère.
01:36Alors qu'elle est palpable parmi les habitants et les collègues.
01:41Il y a comme une forme de résignation, de fatalisme.
01:46Qui agace, qui a fait réagir beaucoup la classe politique.
01:49Il s'est défendu d'ailleurs, il a dit que les propos ont été sortis du contexte, mais il dit clairement la circulation des armes, ça c'est un sujet.
01:55La façon dont il le dit est encore plus éloquente.
02:01Mais moi je trouve que Piolle, évidemment, il n'est pas responsable de ce qui s'est passé là.
02:06Mais je trouve qu'il incarne d'une certaine façon un laxisme d'atmosphère.
02:11Et on le voit bien à Grenoble, on a vu cet été ce qui s'est passé.
02:15Au mois d'août, il y a eu sept fusillades liées au trafic de drogue.
02:20A tel point d'ailleurs que le procureur de Grenoble, Éric Vaillant, avait fait une déclaration très spectaculaire.
02:26Où il avait dit qu'il n'avait jamais vu une telle guerre des gangs dans une ville en France.
02:31Et donc on a quand même un peu le sentiment de ce laxisme d'atmosphère à Grenoble.
02:36Il y a cet énorme problème de la drogue.
02:39Il y a aussi une question qui n'est pas résolue du fait de la décision du maire.
02:44La question d'armer la police municipale.
02:47La police municipale n'est pas armée à Grenoble.
02:50Ce que réclament d'ailleurs les syndicats.
02:52Les syndicats le réclament, l'opposition de droite également le réclame.
02:56Bien sûr, il n'est pas responsable de ce qui s'est passé.
02:58Evidemment, pas de faux procès.
02:59Mais il n'empêche quand même qu'il y a ce laxisme d'atmosphère.
03:02Avant de poursoivre, Olivier d'Artigone, j'aimerais vous entendre.
03:07Non, moi j'ai trouvé Éric Piolle particulièrement ému.
03:10Il a parlé d'un homicide, d'un crime atroce.
03:13L'extrait qu'on vient d'écouter, c'est une réponse à une question qui lui est posée sur le trafic des armes.
03:19Et sur la généralisation de la violence dans sa ville, qui est une réalité.
03:23Et donc il répond à cette question en parlant en effet des balles perdues.
03:27Bien sûr, dans ces moments, il faut que la parole publique soit très maîtrisée.
03:30Peut-être que sous le coup de l'émotion, il ne l'a pas bien maîtrisée.
03:34Il a été maladroit quand même.
03:35Oui, mais après il dit, après avoir répondu à cette question sur les gangs en fait, sur les balles perdues.
03:40Il dit, mais ici ce n'est pas le sujet.
03:42Pour après revenir à ce qui s'est passé.
03:45Oui, mais il parle quand même de la circulation des armes.
03:47Il détourne un peu, il nomme pas clairement la violence.
03:50Je vais vous répondre.
03:51Non, je ne suis pas d'accord avec vous.
03:53C'est le charme du débat.
03:56J'ai plutôt trouvé Éric Piolle sous l'émotion, bien évidemment.
03:59Comment pourrait-il en être autrement ?
04:00On peut aimer ou pas sa personnalité.
04:02On peut être favorable ou pas à sa politique municipale.
04:04Ça, c'est une autre chose.
04:05Là, il s'agissait d'un agent de la propreté, d'un syndicaliste, formateur, encadrant.
04:10Donc l'émotion est très forte dans l'équipe.
04:12Je suis moi-même, pour tout vous dire Céline, je suis moi-même, hier soir,
04:17les hommes d'Europe 1.
04:19J'en ai fait dire, ce qui est mal dit participe au malheur des choses.
04:23Mais j'ai vérifié ce matin, en prenant vraiment la séquence longue,
04:27tout ce qui a été dit.
04:28Et pour le coup, sur ce qui le préoccupe,
04:31il a d'abord parlé d'un homicide et d'un crime atroce.
04:35On va continuer évidemment à en parler dans quelques instants.
04:38On a Maggie qui veut nous parler, qui nous écoute sur Europe 1
04:42et qui veut réagir.
04:43On reste évidemment avec vous et on continue à interpeller, à débattre
04:46sur ces propos du maire de Grenoble, qui interpelle ce matin.
04:56Voilà Maggie qui nous écoute à Grenoble et qu'on va tout de suite rejoindre.
04:59Bonjour Maggie.
05:00Bonjour.
05:01Merci d'être avec nous en direct dans Europe 1 13h.
05:03On continue à parler évidemment de ce drame absolu du côté de Grenoble.
05:07Cet agent municipal tué par balle en marge d'un accident de la route.
05:11Il avait 49 ans, père de deux enfants.
05:13Une réaction parce que vous habitez à Grenoble.
05:16Absolument.
05:17J'habite à Grenoble depuis de nombreuses années.
05:20Je suis venue à Grenoble, j'avais 6 ans, j'en ai 68.
05:23J'habite juste à côté parce que pour moi, il est inconcevable de vivre à Grenoble.
05:28C'est une ville dans laquelle les lois ne sont pas respectées.
05:32Les feux ne sont pas respectés.
05:34Vous circulez, si vous avez le feu vert, vous faites attention.
05:38Vous freinez pour regarder s'il n'y a pas un vélo qui arrive à fond, une moto sur un wheeling ou autre.
05:44Enfin bref, c'est une ville insupportable en ce moment.
05:48Vous avez vu la ville se dégrader au fil des années madame ?
05:51Absolument, absolument.
05:53J'ai été moi-même victime d'un accident comme celui qui est arrivé hier.
05:57J'étais au feu rouge aussi, j'ai été percutée par une voiture.
06:00Bon, c'était un casque.
06:02Alors c'était quelqu'un qui avait fait un casque juste avant.
06:05Mais je trouve, et permettez-moi de ne pas être d'accord avec les personnes qui sont intervenues avant
06:10et qui ont dit que monsieur Piolle n'est pas responsable, qu'il a mis beaucoup d'émotions dans son discours.
06:15Alors écoutez, les émotions devant les médias, c'est du blabla.
06:18J'en ai assez.
06:19Je souhaite maintenant qu'il y ait des actes et que les lois soient respectées dans notre ville comme tout en France.
06:24Merci.
06:25Et il n'y a aucun policier à Grenoble.
06:28Vous allez à Grenoble, vous circulez, les feux ne sont pas respectés, les stops n'en parlons pas,
06:32les vélos arrivent dans tous les sens, c'est insupportable.
06:35Ils ont été désarmés, les policiers municipaux ont été désarmés.
06:38Absolument.
06:39Et on dénombre effectivement, il y a moins de 115 forces de sécurité dans la ville ces dernières années.
06:43Alors, vous pouvez en mettre 300 de plus, s'ils ne sont pas armés, ça ne sert à rien.
06:48Vous pouvez mettre des lois supplémentaires, s'ils ne sont pas appliqués, ça ne sert à rien.
06:52On va continuer en débattre.
06:53Merci en tout cas pour ce témoignage, vous qui nous écoutez à Grenoble.
06:56Merci beaucoup Maggie.
06:57Une réaction, Jean-Michel Salvatore.
06:59On entend le ras-le-bol des riverains, des habitants qui voient la ville se dégrader.
07:03C'est vrai qu'elle n'était pas tout à fait d'accord avec nous,
07:05mais c'est vrai que ce laxisme d'atmosphère dont je parlais, elle le confirme quand même.
07:09Grenoble, c'est quand même une ville qui tombe de très haut.
07:12Il y a une cinquantaine d'années, Grenoble, c'était une ville pilote,
07:15avec un maire qui s'appelait Hubert Dubé qui était très innovant, etc.
07:18Il y a eu M. Carignan.
07:20Il y a eu M. Carignan.
07:21Là, on voit bien que c'est la chute.
07:24Et sur la présence policière, je pense qu'il y a des choses qui sont absolument incroyables.
07:28Un, la police municipale n'est pas armée,
07:31mais deux, comme cette police municipale n'est pas armée,
07:33elle n'intervient plus désormais, après 19h, dans les quartiers sud de la ville,
07:38précisément parce qu'elle ne se sent pas en sécurité.
07:40Et donc là, on voit bien que Piolle, sans doute par idéologie,
07:45ne veut pas prendre les mesures qui s'imposent,
07:48et je pense que c'est à la population qu'il paye.
07:51Olivier Dertigros, c'est l'échec d'une politique ?
07:53J'entends le témoignage de l'auditrice, je le respecte.
07:56Il y a peut-être d'autres habitants de Grenoble qui ont une autre perception de leur ville.
08:01Je regardais, il y a un juge de paix pour tout ça, ça s'appelle les élections municipales.
08:05Et il se trouve qu'Éric Piolle a été réélu aux dernières élections par 53%,
08:10et il faisait 46% au premier tour.
08:12Donc les électeurs de Grenoble ont la possibilité,
08:16s'il y a un tel mécontentement dans cette ville,
08:18d'en tirer les enseignements pour les prochaines élections municipales
08:21qui arriveront, si ma mémoire est bonne, dans un an, un an et demi.
08:25Après, il y a en effet un biais idéologique dans sa politique,
08:29on le sait, c'est un élément du débat à gauche.
08:33Mais il atteint peut-être ses limites ?
08:35On verra, les électeurs le diront.
08:37Je suis pour une police de proximité plus installée.
08:39Et puis il y a aussi un phénomène géographique,
08:41qu'on n'a pas le temps ici de développer,
08:44mais avec des connexions avec...
08:46Oui, sans doute.
08:47Enfin, Olivier, reconnaissez que...
08:49Je reconnais tout ce que vous voulez.
08:51Au mois d'août, cette fusillade idéographique de drogue...
08:54Vous êtes d'accord avec moi que géographiquement,
08:56il y a aussi des choses qui s'expliquent.
08:58Bien sûr que la position de Grenoble est importante.
09:01On va écouter Yael Braun-Pivet, la présidente de l'Assemblée nationale,
09:04qui était l'invitée ce matin de Europe 1C News,
09:06d'un grande interview avec Sonia Mabrouk,
09:08et elle nuance les responsabilités.
09:10Ça n'est évidemment pas une balle perdue.
09:12De ce que l'on voit et de ce que l'on sait,
09:14c'est un acte qui apparaît comme étant délibéré.
09:18Donc pas de polémique aujourd'hui.
09:20En revanche, une chose est sûre,
09:22c'est que la sécurité, c'est l'affaire de tous.
09:24Et donc, l'État doit faire beaucoup, et il le fait.
09:27Nous avons nous-mêmes procédé à la création
09:31de près de 10 000 places de policiers et de gendarmes
09:33pour remettre des forces de l'ordre sur le terrain.
09:36Mais nous avons aussi considéré que la sécurité,
09:38c'était une espèce de continuum,
09:41et qui avait le rôle de l'État,
09:42mais qui avait aussi le rôle des villes, des maires,
09:45de la sécurité privée...
09:47Vous dites que c'est aussi l'affaire des maires.
09:49C'est l'affaire de tous les élus.
09:51La présidente de l'Assemblée nationale,
09:52qui dit que c'est la faute du maire.
09:54C'est la faute des élus locaux.
09:56Oui, mais je ne suis pas d'accord avec elle.
09:57Parce qu'en l'occurrence, un agent de la propreté
10:00ne peut pas être armé.
10:01Le continuum de sécurité, c'est un sujet intéressant
10:03qui va donc de la police régalienne d'État
10:05aux polices municipales jusqu'aux sociétés privées.
10:07On en a fait la démonstration sur les JO
10:09et ça fonctionne quand les moyens sont alloués et mobilisés.
10:12Aujourd'hui, les syndicats policiers nous disent
10:14que pour avoir une police vraiment de proximité,
10:16territorialisée, il faudrait un recrutement
10:18de 25 000 à 30 000 hommes.
10:19Je pense qu'il y a besoin d'assurer cette sécurité
10:22pour tout le monde.
10:23On sait bien que ce sont les quartiers populaires
10:25qui souffrent le plus d'une situation,
10:27pas d'un sentiment d'insécurité.
10:29Il faudrait donc un plan de recrutement massif
10:31et de formation.
10:32Vous êtes d'accord ou pas
10:33avec ce que vient d'y réagir Bruno Pivet ?
10:35Qui nuance la responsabilité
10:37et qui refile la patate chaude aux élus locaux.
10:39Oui, bien sûr, mais c'est vrai qu'on ne peut pas lui attribuer...
10:41Enfin, il ne faut pas exagérer non plus.
10:43D'ailleurs, il n'avait jamais dit
10:45que c'était une balle perdue.
10:47Donc, non, je pense que
10:49le sujet global,
10:51c'est un sujet de sécurité
10:53puisque
10:55Grenoble
10:57est victime d'un combo fatal,
10:59à la fois le trafic d'armes
11:01et le trafic de drogues.
11:03Et donc, ça exige des réponses beaucoup plus énergiques
11:05et beaucoup plus volontaristes
11:07que celles de Cédric Pioche.