• il y a 2 mois
Pierre Bellemare comme vous ne l’avez jamais entendu ! C’est la promesse de ce nouveau podcast imaginé à partir des archives exceptionnelles du Service Patrimoine Sonore d’Europe 1.
Affaires criminelles, true crime, crimes, enquêtes, crimes historiques ou plus récents, crimes crapuleux, crimes familiaux, crimes inexpliqués surtout : Pierre Bellemare est le pionnier des grands conteurs de récits radiophoniques. Dans les années 70, cette voix culte d’Europe 1 a tenu en haleine les auditeurs avec ses histoires extraordinaires. Des histoires vraies de crimes en tout genre qui mettent en scène des personnages effrayants, bizarres ou fous. Des phrases à couper le souffle, des silences lourds de suspense, un univers de polar saisissant et puissant.
Avec un son remasterisé et un habillage modernisé, plongez ou replongez dans les grands récits extraordinaires de Pierre Bellemare.


Retrouvez "Les Récits extraordinaires de Pierre Bellemare" sur : http://www.europe1.fr/emissions/les-recits-extraordinaires-de-pierre-bellemare

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Transcription
00:00Bienvenue dans les récits extraordinaires de Pierre Bellemare, un podcast issu des archives d'Europe 1.
00:11En matière de crime, chers amis, le plus passionnant, c'est l'énigme.
00:15Mais l'énigme, ce n'est pas nécessairement l'enquête et la recherche du coupable.
00:21Souvent, dans nos esprits éveillés maintenant à la psychologie, l'énigme réside dans l'explication du geste.
00:28Pourquoi ? Oui, pourquoi un être humain porte-t-il atteinte à la vie de l'un de ses semblables ?
00:34Oh, quelquefois la réponse est évidente.
00:37Mais il arrive que la vraie motivation ne soit pas facile à cerner.
00:42Mais si aujourd'hui je vous proposais de découvrir un meurtrier dont la motivation vraie n'a jamais été découverte.
00:53Vous comprendrez alors le titre donné à ce dossier par Grégory Frank.
00:57Pourquoi ? Oui, pourquoi ?
01:01L'ENIGME
01:20Quel horreur ! Oh le pauvre ! Vous avez vu dans quel état il est ?
01:26Dans quel état il est, vous voulez dire ?
01:29C'était une femme.
01:3213 avril 1946.
01:368 heures du matin.
01:39Nous sommes aux environs de Braheim en Allemagne.
01:43On vient de découvrir dans les marécages un corps dans un tel état de décomposition que toute identification est impossible.
01:51Sur le corps quelques lambeaux de vêtements plus un morceau de ce qui a dû être un sac de jute.
01:59Le médecin local, qui n'est pas légiste, suppose que la victime est une femme ou plutôt, vu la minceur du squelette, d'une jeune fille.
02:08Mais aucune disparition n'étant signalée dans la région, l'enquête va piétiner dès le départ.
02:15Pour vous expliquer cela, il faut que je vous situe l'atmosphère, le contexte dans lequel se déroule cette tragique découverte.
02:231946, l'Allemagne est épuisée par la guerre.
02:27Les camps d'internement nazis ont été ouverts.
02:30Du jour au lendemain en sont sortis, bien sûr, les innocentes victimes des bourreaux du Reich, mais aussi, pelle-mêle, tout ce que le pays pouvait compter de criminels aguerris, professionnels du vol, du vice, de la drogue et du meurtre.
02:42Bien malins, qu'ils pourraient les distinguer dans la foule anonyme des prisonniers.
02:47Une fois libérés, vite reconstitués en bandes, ils pillent, tuent, incendient et terrorisent une population tremblante.
02:54Et la police au milieu de tout cela ?
02:56Désorganisé, trop faible en effectifs, noyauté par des éléments louches et malhonnêtes, la police baisse les bras devant les centaines d'affaires qu'il faudrait mener de front.
03:08Voilà donc dans quelle atmosphère confuse on trouve, le 13 mai 1946, dans les Marais, un cadavre de femme.
03:15Du moins, le croit-on au départ.
03:19Car en définitive, les recherches effectuées amènent les enquêteurs au domicile d'une certaine Mme Ferber de Brême.
03:28Le jeune fils de cette dame, Wolfgang, est parti le 20 octobre 1946, voilà donc six mois, faire une promenade avec des camarades d'école.
03:38Les enfants se sont séparés pour ramasser du bois et Wolfgang Ferber n'est jamais rentré.
03:47Jusque-là, Mme Ferber s'est refusé à croire au pire.
03:51Mais après la pénible confrontation avec les restes méconnaissables retirés du Marais, elle est formelle.
03:57Les vêtements dont subsistent des lambeaux, c'est elle qui les avait tricotés.
04:05Il faut maintenant une enquête, elle dure théoriquement quinze mois.
04:09Aucune alouette ne tombant toute rôtie dans le dossier, on expédie celui-ci dans les limbes administratives sur l'étagère déjà copieusement garnie des informations contre X.
04:20X ne se décidant pas à revendiquer lui-même son arrestation, le dossier Ferber est déjà oublié, lorsque le 25 juin 1947, un an et huit mois plus tard, la police judiciaire de Brême publie un avis de disparition.
04:34À sept heures du matin, Ernest Wunch, écolier de douze ans, a quitté sa maison et il n'est pas rentré.
04:41« Voyons, Mme Wunch, votre fils vous a certainement dit ce qu'il comptait faire de sa journée.
04:47Un instant, la maman cesse de se mordre les lèvres et de trembler comme une feuille.
04:52« Oui, monsieur le policier, même que je n'étais pas d'accord, mais j'ai fini par céder pour avoir la paix.
04:59« Où allait-il, madame ?
05:01« Au ravitaillement.
05:02« Faillit aller faire une tournée de ravitaillement.
05:05« Bien, et pourquoi l'étiez-vous pas d'accord ?
05:10« Ben, le petit est parti ce matin avec ce type à bicyclette, le type des chantiers industriels.
05:16« Il y a trois ou quatre jours déjà, il m'avait demandé pareil, d'aller faire une tournée de ravitaillement avec lui.
05:21« Mais moi, j'ai refusé. Après tout, je le connais pas, cet homme-là.
05:26« Et puis le petit est revenu à la charge, alors j'ai fini par dire oui.
05:29« Vous savez, c'est pas très gai de rester toute la journée dans une pièce pour un gamin.
05:35« Ça lui fera prendre l'air, je me suis dit.
05:37« Et puis, un peu de ravitaillement en plus, par les temps qui courent, je me suis dit...
05:42« Enfin, vous comprenez ?
05:44« Oui, oui, je comprends.
05:46« D'autant plus que ça ne coûtait rien.
05:49« Comment cela, rien ?
05:51« Ben, oui. J'ai dit au petit d'emporter un peu d'argent pour l'ravitaillement, pas...
05:56« Il m'a répondu que le type lui avait dit qu'il n'aurait pas besoin d'argent, ni même de casse-croûte,
06:00« qu'ils allaient trouver tout ce qu'il fallait en route.
06:03« Donc, votre fils n'a rien emporté ?
06:05« Ah, si. Il a emporté une pelle.
06:10« Quelle pelle ?
06:12« Pourquoi une pelle ?
06:14« Ben, le type avait dit qu'il aurait besoin d'une pelle plate.
06:18« Nous, on n'en a pas de pelle plate.
06:20« Alors le gamin, il a emporté la pelle qui lui servait à jouer au sable dans le temps.
06:24« Oh, elle est cassée d'ailleurs.
06:26« Mais enfin, ça ne tient pas debout, cette histoire.
06:29« Il a ma question, madame Vunch.
06:31« Vous sauriez vaguement le décrire, cet homme ?
06:34« Vaguement ?
06:36« Mais je peux même vous le montrer.
06:38« Quoi ?
06:39« Ben oui.
06:41« Voyons que le petit rentrait pas, je suis allé voir le type sur son chantier ce soir.
06:45« Et si seulement maintenant vous me dites tout ça ?
06:47« Ben, vous ne m'aviez pas demandé.
06:49« Bon, madame, racontez, racontez.
06:52« Ben, je l'ai trouvé sur son chantier, je lui ai demandé où était mon fils.
06:55« Il m'a dit qu'il n'avait pas en vue.
06:57« Je lui ai dit que si, j'avais bien reconnu sa silhouette sur le vélo ce matin au bout de la rue.
07:01« Il m'a répondu que je devais confondre que ce n'était pas lui, qu'il était désolé.
07:05« Puis il a tourné les talons.
07:08Le commissaire s'éponge le front.
07:11Interroger un innocent est quelquefois aussi difficile que faire parler un coupable.
07:15Mais enfin, il y a une piste. Enfin, il y a un suspect.
07:19Nous allons faire sa connaissance.
07:28Les récits extraordinaires de Pierre Belmar, un podcast européen.
07:32Nom, Werner, prénom, Baudot, né en 1910 à Sarbreuc.
07:37La machine à écrire escapée de la guerre crépite sous les doigts d'un inspecteur stagiaire.
07:42Dès que madame Wünsch, la maman du jeune disparu, la finit de livrer, enfin,
07:46les éléments primordiaux qu'elle détient, les policiers se ruent sur la piste du suspect numéro un.
07:51Une courte piste, d'ailleurs, puisque l'homme, quittant son chantier, rentrait tranquillement chez lui
07:56et manifestement ne comprend pas du tout ce que lui veulent tous ces gens.
08:01Nom, Werner, prénom, Baudot, né en 1910 à Sarbreuc.
08:06Un homme de 37 ans sans signe particulier.
08:09Un homme troublé par cette intrusion des policiers dans sa vie, mais finalement qui ne le serait pas.
08:15Baudot Werner a perdu sa mère à six ans.
08:18Élevé par une tante, il fit sa communale, puis eu la chance de pouvoir suivre une école supérieure pendant six ans.
08:23À sa sortie, c'est la crise économique.
08:27Il voulait être maître d'école, il n'y a pas de poste.
08:31Alors Baudot Werner s'engage comme mousse et navigue.
08:351939, Baudot Werner est soldat, il combat et passe à la place la plus facile, sur le front russe.
08:41C'est même là que, pris pendant plusieurs heures sous un éboulement, il échappe de peu à la mort.
08:47À peine sorti de l'hôpital, il reçoit sa nouvelle affectation, le front africain.
08:51On ne peut pas dire que la chance soit avec lui.
08:55Il trouve pourtant le temps auparavant de rencontrer une jeune fille, qui lui donne en son absence un fils.
09:01Honnête homme, Baudot Werner décide de l'épouser.
09:04La distance ne l'effraie pas depuis le front, il se marie par procuration et reconnaît son enfant.
09:10À la fin de la guerre, il rejoint sa famille.
09:13Il accepte n'importe quel emploi pour nourrir les siens.
09:17Présentement, il est employé par les chemins de fer à la voirie.
09:20Des antécédents judiciaires ? Pas le moindre.
09:24La boisson, les femmes alors ? Non, jamais.
09:28En sommes plutôt un bon allemand sans histoire, ce Baudot Werner.
09:33Monsieur Werner, êtes-vous, oui ou non, allé faire une tournée de ravitaillement en compagnie du jeune Ernest Wünsch ?
09:40Je suis effectivement allé au ravitaillement, mais je vous le répète, sans le jeune garçon.
09:45J'étais seul, je vous assure !
09:46C'est sûr ! Mais enfin, vous avez bien rencontré le gamin.
09:49Mais absolument pas, ni rencontré, ni vu ! Pas même le matin au bout de la rue, mais non !
09:54Sa mère m'a déjà dit tout cela, elle se trompe, c'est tout !
09:58Enfin, vous le connaissez pourtant.
10:00Oui, ça j'ai pas le contraire.
10:03Il venait souvent sur le chantier, toujours prêt à rendre service.
10:08Mais il m'avait raconté que chez lui, ça n'était pas drôle.
10:11Famille nombreuse, la mère toujours seule, un logement trop petit.
10:16Alors moi, souvent, comme on nous distribue du pain blanc pour le repas de midi, je lui donnais à ce gosse.
10:22Ça lui faisait sûrement meilleur profit qu'à moi.
10:25Si je comprends bien, monsieur Werner, vous aimez les enfants ?
10:30Oh, écoutez, commissaire, je vous repars à cache-cache.
10:35Vous m'interrogez suite à la déclaration de la mère, et vous pensez que j'ai quelque chose à voir dans la disparition de ce pauvre gosse.
10:41Alors soyons clairs.
10:43Primo, je vous rappelle que je voulais être maître d'école.
10:46Secondo, avant la guerre, j'étais steward sur des paquebots, et c'est moi qu'on avait chargé de veiller sur les enfants pendant les traversées.
10:52Et tertio, au cas où vous l'auriez oublié, je suis moi-même père de famille.
10:56Alors si on m'a vu, pendant les jours précédents, parler avec le petit et même partager mon pain, c'est parce que j'aime.
11:01Oui, oui, parce que j'ai aimé.
11:03J'ai toujours aimé les gosses. Un point, c'est tout.
11:07Affirmation plutôt convaincante.
11:08Mais vu que Bodo Werner est le seul suspect, on ne va pas lâcher comme ça.
11:14Madame Werner, le 25 juin, votre mari prétend être allé au ravitaillement.
11:21A-t-il rapporté quelque chose ?
11:23Oui, il a rapporté trois oeufs et 125 grammes de lard.
11:28Rien à tirer non plus du côté de la dame.
11:30Rien à tirer non plus du côté de la dame.
11:32M. Werner, en quoi cela consiste-t-il, une tournée de ravitaillement ?
11:39Eh bien, on part, on emporte un peu d'argent et puis, surtout tout ce qu'on possède et qui peut s'échanger.
11:45Enfin, s'échanger contre de la nourriture.
11:47Et puis, on sonne chez les gens.
11:49Donc, on a dû vous voir chez ces gens-là.
11:52Seriez-vous à même, M. Werner, de refaire en notre compagnie cette tournée du 25 juin ?
11:58Mais absolument, M. le commissaire, quand vous voudrez.
12:02Impressionnante assurance.
12:05Si Bodo Werner se sent aussi sûr de lui, c'est qu'il l'a vraiment faite, sa tournée de ravitaillement.
12:11Seulement, là, les choses commencent à tourner un peu différemment.
12:15A savoir que lors de la reconstitution de ce parcours, sa mémoire semble lui faire soudain défaut.
12:22Attendez, attendez, cette rue-là, non.
12:25Non, c'est la rue voisine plutôt.
12:26Oui, c'est ça, c'est la rue voisine.
12:29Ah ouais ?
12:31Ah non, j'ai eu une bêtise.
12:33Non, non, c'était la première rue.
12:35Tiens, je reconnais la maison, là. Oui, oui, je suis entré, là.
12:38Hélas, pour lui, le propriétaire de la maison à question ne le reconnaît pas du tout.
12:42Mais si, insiste Werner, mais si, rappelez-vous.
12:45Le 25 juin, vous m'avez ouvert, même que je vous ai proposé un lot d'ampoules électriques.
12:50Hein, vous vous rappelez bien ? Contre de la nourriture.
12:52Vous m'avez vu, n'est-ce pas ?
12:53Enfin, dites-le à ces messieurs de la police que vous m'avez vu.
12:57Je suis désolé, mais je n'ai pas le souvenir de vous avoir vu.
13:01Non, messieurs, le visage de cet homme ne me dit rien.
13:05Je suis désolé, monsieur, vous devez vous tromper.
13:10Ah, pour se tromper, Bruno Werner se trompe sûrement beaucoup.
13:14Pas une seule personne pour confirmer son alibi. Pas une seule maison où on l'ait vu, le 25.
13:19Et en définitive, lui-même a tellement perdu la mémoire
13:23qu'il est impossible de reconstituer son prétendu parcours de ravitaillement.
13:27Et puis c'est le déclic, l'engrenage qui se débloque d'un coup.
13:31Mme Werner, la femme du suspect, retrouve, elle, la mémoire au moment où son mari la perd.
13:36Devant les policiers qui continuent à l'interroger,
13:39elle se souvient brusquement que ce n'est pas 125 grammes de lard et 3 oeufs que son mari a rapporté ce jour-là.
13:46Ah non, non, je me rappelle maintenant.
13:48C'est de la viande qu'il a rapporté.
13:52De la viande, Mme Werner ?
13:54Quelle sorte de viande ?
13:57Oh, euh, il y en avait pour trois livres, peut-être.
14:01Oui, enfin, trois livres si on compte le foie avec.
14:04Ça devait être de la viande de porc.
14:06Oh, il a dû trouver ça à la sauvette dans un pré parce qu'il y avait de l'herbe collée dessus.
14:10Enfin, c'était toujours bon à prendre, pas vrai ?
14:12Alors je l'ai lavé et, comme c'était un peu nerveux, sûrement trop frais, je l'ai fait en boulettes.
14:19C'était pas mauvais.
14:21Mais pourquoi vous me demandez tout ça ?
14:26Pourquoi on lui demande tout ça ?
14:30Si Mme Werner n'a pas encore compris, les policiers, eux, frémissent déjà d'horreur.
14:36Ils parviennent à retrouver dans la cuisine des Werner un reste de cette...
14:45Comment peut-on appeler ça ?
14:47De cette marinade.
14:49Vite, envoyez ça au laboratoire.
14:52D'accord, mais quel laboratoire ?
14:54Rappelez-vous le sous-équipement, la désorganisation.
14:57Il n'y a pas encore de laboratoire suffisamment compétent en ce début juillet 1947.
15:01Alors la marinade de Mme Werner finit par échouer au centre criminel de la police judiciaire de la zone britannique.
15:11Le rapport est à la mesure de ce que l'on peut attendre après un pareil circuit.
15:17« Selon une vraisemblance confinant à la certitude, il est impossible d'établir si l'échantillon reçu provient d'un être humain, d'un cheval, d'un bœuf ou d'un porc. Néanmoins, il pourrait s'agir de viande de bœuf, ceci sous toute réserve. »
15:41Voilà des experts qui, comme l'on dit, n'hésitent pas à se mouiller.
15:46Aller donc sur la base d'un tel rapport, confondre un supposé assassin d'enfant, d'autant plus, vous le savez, que lorsqu'il n'y a aucune preuve, c'est plutôt un supposé innocent.
15:56Ajoutez à cela que Bodo Werner ne se démonte pas.
15:59« Ben oui, cette viande. »
16:01« Et ben oui, c'est vrai, j'ai trouvé de la viande. »
16:04« Ben j'osais pas en parler, vous comprenez, je l'ai eue au marché noir. »
16:07« Oui, sur la place de la gare, contre trois paquets de cigarettes. »
16:10« Mon fournisseur ? Oh non, je le connais pas. »
16:13« Oh, le reconnaître sur place, j'en serais bien incapable, j'ai peut-être vu dix secondes. »
16:20Il ne reste donc plus qu'à remettre Bodo Werner en liberté.
16:24Théorique pour du moins, car il y a un moyen de dernière heure, pas très légal, mais enfin, que l'on me cite une seule police au monde qui n'y ait pas eu recours, et je lui attribue sans discuter la palme d'honneur des dossiers extraordinaires.
16:38« Je veux parler de la méthode du mouton. »
16:41On met au courant à un co-détenu des présomptions qui pèsent sur Werner, et on lui promet beaucoup d'indulgence s'il arrive à tirer les vers du nez du suspect.
16:50« Dis donc, Werner, je crois que t'es cuit. »
16:53« Tout à l'heure, dans le bureau, on m'interrogeait, j'ai entendu les flics causer à ton sujet. »
16:59« Ils ont eu les résultats de l'analyse, le labo est formel. »
17:03« C'est de la chair humaine. »
17:05Podo Werner ouvre de grands yeux, puis s'effondre dans un coin de la cellule, la tête entre les mains.
17:13« Malheur de malheur. »
17:15Ma femme a tressé elle-même la corde pour me pendre.
17:19Et il fait en confidence à son compagnon un récit épouvantable.
17:25Le mouton rapporte la chose au policier, et Werner est confronté alors à ses déclarations.
17:31Nous sommes le 4 juillet 1947, ce sont les aveux officiels.
17:38J'ai emmené le petit Ernest Wünsch en tournée d'avitaillement.
17:42Nous sommes arrêtés devant un petit bois.
17:45J'ai sorti un marteau américain, dont un côté forme H.
17:49J'ai frappé plusieurs fois la tête, l'enfant s'est écroulé,
17:53je me disposais à l'enterrer sur place, mais le sol était trop dur.
17:56Pour l'enfouir plus facilement, je commençais à le dépecer lorsque j'entendais arriver un homme avec son chien.
18:02Je cachais le cadavre sous les buissons, et m'enfuis précipitamment en emportant les morceaux du corps que j'avais déjà détachés.
18:10Je n'avais pas l'intention de les manger, mais je suis passé chez moi en l'absence de ma femme.
18:16Je décidais d'aller chez le coiffeur, et j'oubliais mon paquet.
18:20À son retour, j'ai fait un petit tour du quartier,
18:23et j'oubliais mon paquet.
18:25À son retour, ma femme l'a trouvé, et commençait à le cuisiner.
18:29Je n'ai rien osé dire.
18:33On retrouve effectivement le cadavre, ou ce qu'il en reste, à l'endroit indiqué.
18:37Bodo Werner est présent, il n'a pas un frémisme.
18:41Ayant obtenu ses aveux, on réveille alors une affaire plus ancienne,
18:46le meurtre du jeune Wolfgang Ferber, non encore élucidé.
18:49Ah non ! Non, de cela je suis innocent.
18:53Je suis prêt, je désire même expier mon crime, mais je n'ai pas tué l'autre écolier.
18:58À quoi servirait d'ailleurs de le cacher au point où j'en suis ?
19:02C'est logique, au fond.
19:04Et pourtant.
19:06Pourtant, des témoins affirment avoir vu Wolfgang Ferber, le premier écolier assassiné,
19:11en compagnie d'un homme qui ressemble à Bodo Werner.
19:14Pourtant, la logeuse de Werner se rappelle que, de sa cave,
19:17a disparu à l'époque du crime un grand sac de jute tressé,
19:21et ce sont des débris de ce tissu que l'on a retrouvé autour du corps, dans le marais.
19:26Alors, Bodo Werner avoue ce second crime, trois ans après l'avoir commis.
19:34Le jeune garçon ramassait du bois.
19:36Il s'était éloigné de ses camarades, je passais par là,
19:39je l'ai frappé à la tête avec une bûche.
19:42J'ai recouvert le corps avec des branchages.
19:45Rentré chez moi, j'ai réfléchi qu'il était trop facile à découvrir.
19:50Je suis revenu le lendemain avec un sac, et je l'ai transporté dans le marais.
19:57Voilà.
20:00Vous savez qui était l'assassin ?
20:02On sait maintenant comment il a tué.
20:05Mais pourquoi ?
20:07Oui, pourquoi ?
20:10Excellent mari, père de famille irréprochable,
20:15il n'a avoué aucun motif.
20:18Bien sûr, il s'est déclaré pris d'un irrésistible besoin de tuer,
20:23mais c'est un symptôme, un état, pas un mobile.
20:27Bien sûr, il a mangé, et sa famille avec lui, la chair de l'une de ses victimes,
20:32mais c'est un hasard, un gros groupe de circonstances.
20:35Bien sûr, il s'agit de deux jeunes garçons,
20:37mais les médecins sont formels.
20:40Les victimes n'ont été l'objet d'aucune agression ou manœuvre de type sexuel ou sadique.
20:46Bien sûr, Werner avait été pris étant soldat sous un éboulement,
20:50mais après de nombreux séjours et examens en asile psychiatrique,
20:53il a été reconnu saint d'esprit.
20:56D'ailleurs, le 12 avril 1949, la cour d'assises de Brême
21:01le condamne à la prison à vie pour meurtre avec préméditation,
21:04donc il n'était pas fou.
21:08Mais ni la cour, ni les médecins, ni le jury, ni les avocats, ni surtout l'assassin,
21:16n'ont pu répondre à cette question toute simple.
21:20Pourquoi ?
21:23Oui, pourquoi ?
21:38Vous venez d'écouter les récits extraordinaires de Pierre Bellemare.
21:43Un podcast issu des archives d'Europe 1 et produit par Europe 1 Studio.
21:48Réalisation et composition musicale, Julien Tharaud.
21:52Production, Lisa Soster.
21:55Patrimoine sonore, Sylvaine Denis, Laetitia Casanova, Antoine Reclus.
22:01Remerciements, Pierre Bellemare.
22:03Les récits extraordinaires sont disponibles sur le site et l'appli Europe 1.
22:08Écoutez aussi le prochain épisode en vous abonnant gratuitement sur votre plateforme d'écoute préférée.

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