Pierre Bellemare comme vous ne l’avez jamais entendu ! C’est la promesse de ce nouveau podcast imaginé à partir des archives exceptionnelles du Service Patrimoine Sonore d’Europe 1.
Affaires criminelles, true crime, crimes, enquêtes, crimes historiques ou plus récents, crimes crapuleux, crimes familiaux, crimes inexpliqués surtout : Pierre Bellemare est le pionnier des grands conteurs de récits radiophoniques. Dans les années 70, cette voix culte d’Europe 1 a tenu en haleine les auditeurs avec ses histoires extraordinaires. Des histoires vraies de crimes en tout genre qui mettent en scène des personnages effrayants, bizarres ou fous. Des phrases à couper le souffle, des silences lourds de suspense, un univers de polar saisissant et puissant.
Avec un son remasterisé et un habillage modernisé, plongez ou replongez dans les grands récits extraordinaires de Pierre Bellemare.
Retrouvez "Les Récits extraordinaires de Pierre Bellemare" sur : http://www.europe1.fr/emissions/les-recits-extraordinaires-de-pierre-bellemare
Affaires criminelles, true crime, crimes, enquêtes, crimes historiques ou plus récents, crimes crapuleux, crimes familiaux, crimes inexpliqués surtout : Pierre Bellemare est le pionnier des grands conteurs de récits radiophoniques. Dans les années 70, cette voix culte d’Europe 1 a tenu en haleine les auditeurs avec ses histoires extraordinaires. Des histoires vraies de crimes en tout genre qui mettent en scène des personnages effrayants, bizarres ou fous. Des phrases à couper le souffle, des silences lourds de suspense, un univers de polar saisissant et puissant.
Avec un son remasterisé et un habillage modernisé, plongez ou replongez dans les grands récits extraordinaires de Pierre Bellemare.
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00:00Bienvenue dans les récits extraordinaires de Pierre Bellemare, un podcast issu des archives d'Europe 1.
00:11Si j'étais en train d'écrire un scénario de cinéma, je vous montrerais en ce moment des images nocturnes.
00:18Il y aurait une route de campagne avec de l'herbe sur les bas côtés, des arbres au-delà des fossés.
00:26Une route rectiligne, parcourue de temps à autre par de longues nappes d'un brouillard paresseux.
00:33Sur cette route, je placerai deux motocyclistes roulant l'un derrière l'autre,
00:39deux ombres mobiles, précises, régulières, tirées par le ruban de lumière jaunâtre qui les précède
00:45et qui fait jaillir de la brume par instant, une borne au sommet couleur de sang,
00:51une branche brisée, un tas de sable, un petit mur de pierre.
00:58C'est le 24 novembre 1952.
01:02Il est 11 heures du soir.
01:04Il fait froid.
01:06Des plaques de verre glace scintillent ici et là.
01:10Les deux motocyclistes ont quitté Pontoise tout à l'heure.
01:13Ils viennent de dépasser Saint-Ouellement.
01:16Ils se dirigent vers Argenteuil.
01:18Ils appartiennent à la Gendarmerie Nationale.
01:21Ils ont terminé leur service.
01:23Ils rejoignent leur brigade.
01:25Sur ces images, il s'agissait d'un film.
01:28Je ferai défiler le générique, le nom des trois principaux acteurs d'abord.
01:33Le premier motocycliste, le chef de patrouille, s'appelle Georges Decoin.
01:37C'est lui qui ouvre la route.
01:39Son camarade, c'est Yves Rossy.
01:42Le troisième personnage est un méchant, naturellement, comme dans toutes les histoires morales.
01:46Son nom, Roger Fauvel.
01:49Il ne va pas tarder à vous être présenté.
01:52Enfin, le metteur en scène, tout seul, sur une ligne, c'est le destin.
01:58Oui, c'est toujours le destin qui met en scène les événements de notre vie quotidienne,
02:03qui règle, dans les plus petits détails, cet itinéraire fantastique
02:06qui nous conduit plus ou moins vite jusqu'au terme de notre vie.
02:11Mon générique s'achève.
02:13Les deux motocyclistes roulent toujours sur la route obscure et toute droite.
02:18Là-bas, très loin, devant eux, un point lumineux perce le brouillard.
02:24On le distingue mieux maintenant. Ce n'est pas un point, mais deux.
02:27Deux lumières blanches. Deux phares.
02:31Entourés d'un halo de brume.
02:34Oui, le générique est terminé, la caméra se rapproche.
02:37Les images grandissent.
02:39Le film commence.
02:43La voiture dont les phares grandissent au loin, en face des deux motocyclistes de la gendarmerie, a des lumières blanches.
03:06Une voiture étrangère, pense Georges Decoin, le chef de la patrouille.
03:10Sur cette route qui conduit de Pontoise à Argenteuil, les véhicules étrangers et belges surtout sont assez fréquents.
03:16L'automobiliste qui se rapproche de lui paraît aussi étranger au côte de la route, car il roule nettement à gauche.
03:23Le gendarme fait quelques appels de phares.
03:26Le conducteur semble ne s'apercevoir de rien et continue de foncer droit sur le motocycliste.
03:30Celui-ci intensifie ses signaux, toujours inutilement,
03:33si bien qu'au dernier moment, il est contraint de faire un écart sur le bas côté de la route afin de ne pas être bousculé par la voiture qui passe en trombe près de lui.
03:42Georges Decoin retient une exclamation de colère, fait demi-tour et se met à la poursuite du chauffeur récalcitrant.
03:50Yves Rossy, gêné par le brouillard, n'effectue sa propre manœuvre qu'une centaine de mètres plus loin et se lance, à son tour, derrière son camarade.
03:59Georges Decoin parvient à rattraper le véhicule. C'est une voiture américaine de marque Mercury, de couleur noire.
04:05La plaque d'immatriculation porte les lettres CD, corps diplomatique.
04:09« En tant pis, » dit le motard. « Tout diplomate qu'il soit, il a bien mérité une petite leçon. »
04:15Il accélère, se porte à la gauche de la voiture, la serre, lui fait signe de stopper.
04:21L'automobiliste opte en paire. Decoin passe devant, s'arrête sur le bas côté et descend de moto.
04:28À cet instant, dans un hurlement de moteur, le chauffeur embraye, la voiture bondit, frôle le gendarme qui venait à sa rencontre et file dans la nuit.
04:36C'est alors que le deuxième motard, Yves Rossy, survient au ralenti. « Alors fonce ! » lui crie Decoin.
04:42Rossy démarre comme une flèche. Le temps que le chef de patrouille rejoigne sa propre moto, la remette en marche, son camarade a déjà pris 300 mètres d'avance et il a disparu dans la nuit.
04:53Georges Decoin est furieux, il appuie, il met toute la gomme. Il roule à plus de 100 km à l'heure dans un brouillard qui s'épaissit de minute en minute.
05:00Heureusement que la route est droite et bien revêtue. Assez rapidement, du reste, il aperçoit le feu rouge de l'autre moto.
05:05La voiture n'est pas très loin devant eux, une soixantaine de mètres à peine. Au moment où ils vont essayer de la doubler, ils entrent dans l'agglomération de Saint-Oil-aux-Mônes.
05:14Ce n'est évidemment pas le moment de se livrer à un rodeo acrobatique. Et c'est pourtant bien une sorte de rodeo que les entraîne le fugitif.
05:22La voiture, suivie de ses anges gardiens, traverse la ville en tempête. Et soudain, dans un virage, un camion surgit devant les deux motards, en plein milieu de la rue.
05:31Rossi, qui tient bien sa droite, passe sans difficulté. Decoin, qui roule décalé par rapport à son camarade, est obligé de se rabattre, de freiner violemment.
05:39Quand il repart, les 3 ou 4 précieuses secondes qu'il vient de perdre l'ont égaré. D'ailleurs, le brouillard est de plus en plus dense. On n'y voit pas à plus de 20 mètres.
05:47A chaque carrefour, le chef de patrouille se demande quelle direction prendre. Et naturellement, vient un moment où il se trompe. Il tourne à gauche au lieu de tourner à droite.
05:55Il s'en aperçoit assez vite et fait demi-tour, fou de colère et de désarroi. Où aller maintenant ?
06:01Un homme poursuivi peut prendre absolument n'importe quelle direction. Il est impossible de prévoir celle qu'il choisira.
06:06A tout hasard, Decoin suit la route de Rouen. Et soudain, un taxi surgit devant lui. La voiture s'arrête dans un crissement de frein brutal. Un bras lui fait signe par la portière.
06:14« Votre camarade est blessé, nous le transportons à l'hôpital. »
06:17« Blessé ? Mais comment ? »
06:19« Un automobiliste lui a tiré dessus, il a pris la fuite. »
06:22« Mais où ça ? »
06:23« Vous tournez à droite, c'est tout de suite là. »
06:27Georges Decoin n'a que quelques mètres à faire, en effet, pour trouver le lieu du drame. La grosse mercurielle a immobilisé contre le mur d'une villa, son aile avant profondément enfoncée, son pare-brise éclatée.
06:39Quelques personnes l'entourent. Decoin s'approche. Que s'est-il passé ?
06:44Une voisine, Mme Nicolas, lui répond.
06:47« Nous avons été réveillés en sursaut par un grand bruit de tôle froissée, suivi de trois coups de revolver. »
06:52« Nous sommes descendus avec mes filles et nous avons trouvé un motocycliste couché par terre. Il perdait beaucoup de sang. »
06:58« Alors M. Hainaut, notre voisin qui fait le taxi, l'a tout de suite conduit à l'hôpital. »
07:03« Et l'automobiliste ? »
07:04« Il a disparu. »
07:06« À mon avis, il est parti du côté d'Oni. Il n'avait pas intérêt à suivre la route à pied, de toute façon. »
07:11Les agents de police et les gendarmes de pontoise, alertés, se mettent aussitôt en campagne pour fouiller les environs.
07:17Ce n'est pas une tâche facile. La région est couverte de bois et de carrières.
07:21Avec la nuit et le brouillard, on n'a pratiquement aucune chance de retrouver le fugitif.
07:26Pourtant, les recherches s'intensifient. À une heure du matin, toute la région est quadrillée par les CRS.
07:31Toutes les routes sont contrôlées, sur 30 kilomètres, par la brigade mobile d'Argenteuil.
07:35Une heure du matin, c'est l'heure où ses camarades apprennent que le courageux Yves Rossy a cessé de vivre.
07:43La surveillance se poursuit pendant toute la nuit.
07:46À l'aube, il est clair que l'assassin mystérieux est passé à travers les mailles du filet.
07:52On abandonne sa recherche sur le terrain.
07:55Mais un autre service s'intéresse à lui maintenant, la police judiciaire.
07:59Le commissaire Brunet commence à réunir les premiers éléments de son enquête.
08:03Les récits extraordinaires de Pierre Bellemare, un podcast européen.
08:10Le commissaire Brunet a disposé sur son bureau les maigres éléments d'un dossier qui lui paraît particulièrement douloureux.
08:17Durant la nuit du 24 novembre 1952,
08:21le gendarme Yves Rossy de la brigade de motocyclistes d'Argenteuil a été assassiné de deux batailles.
08:26Par un automobiliste qu'il poursuivait.
08:29Le meurtrier a pris la fuite en laissant sa voiture sur place accidentée.
08:34Les témoignages, bien entendu, sont d'un faible secours.
08:37Les rares personnes qui se sont présentées ont été réveillées en sursaut par le choc de l'automobile contre le mur d'une ville la voisine,
08:44et par les coups de feu qui ont suivi.
08:46Elles sont sorties, ont découvert la voiture,
08:49et ont été arrêtées.
08:50Toutes les recherches entreprises sur place pendant le reste de la nuit, pour retrouver son assassin, se sont révélées négatives.
08:57Alors de quoi dispose le commissaire Brunet au matin du mardi 25 novembre ?
09:02Eh bien, il a identifié la voiture.
09:05C'est une Mercury qui appartient à un membre du consulat de Grèce,
09:09et qui a été retrouvée dans son bureau.
09:11Le commissaire Brunet a donc été le premier à trouver la voiture.
09:14Eh bien, il a identifié la voiture.
09:17C'est une Mercury qui appartient à un membre du consulat de Grèce.
09:20Elle a été volée le soir même du crime, vers 21h.
09:23Le commissaire a également identifié les deux balles qui ont frappé le gendarme Yves Rossy.
09:28Elles sont de calibre 7.65,
09:30et le pistolet qui les a tirées est de fabrication italienne, avec éjection des douilles à gauche.
09:35Le volant de la Mercury portait des empreintes, mais bien peu nettes.
09:39On aura beaucoup de chance si l'on arrive à en tirer quelque chose.
09:43Pourtant, il serait certainement précieux de les identifier.
09:47Un automobiliste poursuivi qui tue un représentant de l'ordre à coup de pistolet,
09:52a certainement besoin de cacher des méfaits beaucoup plus graves qu'un simple vol de voiture.
09:57Le fleur du commissaire Brunet ne l'a pas trompé.
10:00Et la chance est avec lui, ou plutôt, l'obstination de ses collaborateurs de l'identité judiciaire.
10:05Car les empreintes du meurtrier ne sont pas d'une très grande qualité, c'est vrai.
10:09Mais elles sont nombreuses.
10:10Et nombreuses pour que les spécialistes puissent par recoupement les reconstituer avec une précision suffisante.
10:16Et ces empreintes ne sont pas inconnues en effet.
10:19Elles appartiennent à un certain Roger Fauvel, né le 14 août 1923 à Rouen.
10:26Les détails, c'est Interpol qui les fournit, car Roger Fauvel s'est fixé encore adolescent aux Etats-Unis.
10:32Il a fait la guerre dans les marines, s'est marié, puis a définitivement opté pour la nationalité américaine.
10:38C'était à la Nouvelle-Orléans, puis dans l'état de New York, que sa carrière de malfaiteur a pris une tournure professionnelle.
10:45À sa dernière sortie de prison toutefois, on l'a fermement invité à réintégrer son pays d'origine.
10:51Alors Fauvel s'est incliné, il a regagné la France.
10:55Et on perd sa trace.
10:57Pendant un certain temps.
10:59Mais ce n'est pas cette période de sa vie qui intéresse le commissaire Brunet.
11:02C'est une période beaucoup plus récente, celle qui précède immédiatement le meurtre.
11:06Pourquoi ?
11:07Parce que c'est en fouillant dans son proche passé, dans ses dernières activités, dans ses dernières relations,
11:12que l'on peut espérer découvrir les étapes de sa fuite, et pourquoi pas, sa cachette actuelle.
11:17Un avis de recherche est naturellement lancé auprès de tous les services de police.
11:21C'est la photo de Roger Fauvel publiée dans la presse.
11:23Et assez rapidement, les témoignages affluent.
11:27Un coup de téléphone anonyme donne son adresse.
11:30Hôtel Saint-Michel, rue Bonaparte, à Saint-Germain-des-Prés.
11:34Dans cet établissement tout à fait honorable, il passe pour un client paisible courtois.
11:38Il a disparu en effet depuis quelques jours.
11:40Il n'y vivait pas seul d'ailleurs, mais avec une jeune femme appelée Simone.
11:44On retrouve Simone.
11:46Fauvel s'est toujours conduit très gentiment avec elle.
11:49Elle n'aurait jamais imaginé qu'elle vivait avec un gangster.
11:51Pourtant, un détail l'inquiétait tout de même.
11:54Son amant ne s'endormait jamais sans placer un pistolet sous son oreiller.
11:59Une vieille habitude de l'armée, disait-il.
12:02Simone n'a aucune nouvelle de lui.
12:04Mais depuis quelques temps, ils étaient un peu là l'un de l'autre.
12:07La disparition de Fauvel ne l'a pas particulièrement surprise.
12:12Le vendredi 28 novembre, à 8 heures du soir,
12:15une nouvelle plus fraîche arrive.
12:17Le jour même, vers 17 heures, place de Viarmes, près de la Bourse du Commerce.
12:22M. Michel Paco, courtier, marche tranquillement dans la rue.
12:25Un passant l'accoste, le saisit par le bras, l'entraîne vers les arcades.
12:28— Excusez-moi, j'ai quelque chose à vous demander.
12:31Effectivement, l'inconnu demande son portefeuille à M. Paco,
12:34et pour appuyer sa requête, il lui plante un pistolet sous le nez.
12:38Le portefeuille subtilisé, l'agresseur se perd dans la nuit.
12:42Quelques minutes plus tard, M. Paco porte plainte auprès du commissaire de police du quartier,
12:46lequel alerte immédiatement la PJ.
12:49Le courtier raconte son histoire.
12:50On lui présente une série de photos anthropométriques,
12:53et sans hésiter une seconde, il désigne celle de Roger Fauvel.
12:58Celui-ci se trouve donc à Paris.
13:00Il se cache peut-être même autour des Halles.
13:03À tout hasard, la police boucle le quartier et procède pendant la nuit
13:07à des dizaines de vérifications d'identité.
13:10Ce n'est pas tout à fait pour rien.
13:11On apprend que l'avant-veille, le mercredi 26,
13:14une femme rencontrée dans un dancing de Montmartre l'abritait pour la nuit.
13:18Et que la nuit précédente, c'est un soldat américain qui accepte
13:21de partager sa chambre avec lui au nom de la vieille fraternité militaire.
13:24Car, permettez-moi de vous le rappeler,
13:26Roger Fauvel a fait la guerre dans les marines américains.
13:30On se rapproche de lui chemin faisant.
13:32Bien entendu, on ne peut pas deviner qui l'hébergera ce soir ou demain,
13:35mais il semble bien que le cercle se referme lentement autour de lui.
13:40Que manque-t-il encore pour qu'on lui mette la main au collet ?
13:44Juste l'ombre d'une chance.
13:47Cette chance que les policiers connaissent bien,
13:50elle sera une fois de plus au rendez-vous.
13:52Depuis quelques jours, le propriétaire d'une péniche à marais
13:55près du pont Alexandre III est inquiet.
13:58Il a le sentiment d'avoir surpris à deux reprises
14:01des allées et venues furtives tout près de son bateau
14:04et peut-être même sur son bateau.
14:07Ce marinier d'opérette est une personnalité assez célèbre du tout Paris,
14:11c'est pourquoi ne m'en veuillez pas si je ne vous livre pas son nom.
14:16Le samedi 29 novembre, vers 9 heures du matin,
14:19M. B, le marinier, se présente au commissariat de la rue Aristide Brillant
14:24et fait part de ses craintes, ou plutôt de ses soupçons.
14:28La police établit une surveillance discrète.
14:32Le soir même, alors que M. B est absent
14:34et que la péniche est plongée dans l'obscurité,
14:37une ombre franchit sans bruit la passerelle avec un paquet dans chaque main.
14:42Elle se dirige sans hésiter vers la poupe du bateau
14:46et se penche vers le petit canot qui s'y trouve amarré.
14:51Quand elle se relève, l'ombre a les mains vides.
14:55Au sortir de la passerelle, sur le chemin du retour,
14:58elle se trouve face à face avec deux autres ombres.
15:02Celles-ci pointent des objets brillants et leurs voies sont fermes.
15:06Ne bougez pas.
15:08Un claquement métallique,
15:09des menottes se sont refermées sur les poignets du visiteur nocturne.
15:12Il n'a pas protesté.
15:13Il se laisse emmener sans résistance.
15:16Quand il apparaît en pleine lumière,
15:18les deux inspecteurs sursautent.
15:20Ça, par exemple,
15:22c'est l'assassin du motard d'Argenteuil.
15:25Et c'est bien lui, c'est bien Roger Fauvel.
15:29Tous les gens qui l'ont connu,
15:31des plus proches aux plus simples relations de bistrots,
15:34ont toujours dépeint le bandit comme un homme calme et paisible,
15:37à voix douce, aux gestes courtois.
15:39C'est bien ainsi qu'il se présente pendant toute l'instruction de son affaire
15:42et pendant son procès.
15:44Dès les premiers interrogatoires,
15:45Roger Fauvel a construit son système de défense.
15:48« J'ai tué le gendarme Rossi, je l'avoue.
15:50Mais...
15:51il avait tiré le premier.
15:53Il a tiré en l'air, un coup de semence,
15:55comme le règlement le prévoit.
15:57En l'air, c'est vous qui le dites.
15:59Allons, Fauvel.
16:00Yves Rossi était un tireur d'élite.
16:02Il se trouvait à deux mètres de vous.
16:04S'il avait voulu vous atteindre,
16:05il ne vous aurait pas manqué.
16:06Il ne vous aurait pas manqué.
16:08C'est possible, mais que voulez-vous ?
16:09J'ai eu peur.
16:11Je venais d'accrocher le mur de la villa,
16:12j'étais pris au piège.
16:14J'ai entendu son coup de feu,
16:15j'ai tiré à mon tour.
16:16C'est un simple réflexe.
16:19Cette question des coups de feu,
16:20de leur nombre,
16:21de leur direction,
16:23va faire l'objet d'interminables palabres
16:25et de reconstitutions minutieuses.
16:28Certains témoins
16:30en ont entendu plus de trois.
16:32On croit voir des traces de balles
16:33sur le crépit du mur de la villa voisine.
16:36On appelle deux célèbres experts,
16:38Gastine Renet et Flaubert,
16:39à la rescousse.
16:41C'est qu'elle a une certaine importance,
16:42cette question du nombre des coups de feu.
16:45Selon le règlement,
16:46les coups de semence
16:47doivent être tirés par salve de trois.
16:51Si le gendarme Rossi
16:52n'a tiré qu'une seule balle,
16:54Fauvel aura beau jeu de prétendre
16:56qu'il n'a pas compris
16:57qu'il s'agissait de sommation
16:59et qu'il s'est légitimement affolé.
17:03Et, en fait, l'accusation
17:04ne pourra pas démontrer
17:05la thèse inverse.
17:07D'autre part, assez curieusement,
17:08une remarque du commissaire Brunet
17:09va jouer en faveur de Roger Fauvel.
17:12Vous vous souvenez peut-être,
17:13tout au début de l'enquête,
17:14ce commissaire avait observé
17:17« Le meurtrier doit avoir
17:18la conscience chargée.
17:19On ne tue pas un gendarme
17:20pour éviter de répondre
17:21d'un simple vol de voiture. »
17:24Or, précisément,
17:26Roger Fauvel n'avait rien de grave
17:28à se reprocher
17:29au moment de sa fuite et perdue.
17:31Rien, en tout cas,
17:32qui soit comparable
17:33à l'assassinat
17:34d'un représentant de l'ordre.
17:37Son avocat, maître Marce Poil,
17:39s'est admirablement joué
17:40de cette absence de mobile.
17:42Il nie l'après-méditation.
17:43Il nie l'assassinat délibéré.
17:46Sa voix est généreuse,
17:47chaude, convaincante.
17:49Les jurés le suivront.
17:52Le tribunal
17:53rend un verdict mesuré
17:54dans le doute.
17:55Il estime que Fauvel
17:56n'avait pas l'intention
17:57de donner la mort.
17:58Il épargne sa tête.
17:59Il le condamne
18:00aux travaux forcés
18:01à perpétuité.
18:04C'est ainsi
18:05que se terminent
18:06les films tragiques.
18:08Le mot fin s'inscrit toujours
18:09sur des images
18:10de deuil, d'affliction.
18:12Aujourd'hui, c'est
18:13une jeune veuve en larmes,
18:14une mère désespérée
18:16et les portes
18:17d'une prison
18:18refermées
18:19pour la vie
18:21sur un homme de 30 ans.
18:34Vous venez d'écouter
18:35les récits extraordinaires
18:36de Pierre Belmar,
18:38un podcast
18:39issu des archives d'Europe 1
18:41et produit par
18:42Europe 1 Studio.
18:44Réalisation et composition
18:45musicale
18:46Julien Tharaud.
18:48Production
18:49Raphaël Mariat.
18:51Patrimoine sonore
18:52Sylvaine Denis,
18:53Laetitia Casanova,
18:54Antoine Reclus.
18:56Remerciements
18:57pour le soutien
18:58de l'équipe
18:59d'Europe 1 Studio.
19:00Les récits extraordinaires
19:01sont disponibles
19:02sur le site
19:03et l'appli Europe 1.
19:05Écoutez aussi
19:06le prochain épisode
19:07en vous abonnant
19:08gratuitement
19:09sur votre plateforme
19:10d'écoute préférée.