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Dans son édito du 16/09/2024, Mathieu Bock-Côté revient sur [thématique de l'édito]

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00:00Je vais dédouaner le monde, parce que c'est pas que le monde, je suis en train d'attaquer le monde partout, je vous embête, je vous taquine, mais tout le monde a donné un peu ce récit.
00:09Vous avez tout à fait raison, mais c'est pas tout le monde qui se prend pour le journal de référence.
00:12Donc puisque le journal de référence a décidé de nous dire que c'est, je le redis, une violence d'atmosphère que Donald Trump n'a cessé d'alimenter, finalement c'est lui le responsable, presque le coupable.
00:24On a ça devant nous, reste à voir si ça va changer le cours de la campagne, mais c'est intéressant.
00:27Alors, faut-il voir dans ces deux tentatives d'assassinat l'effet du discours ambiant à propos du candidat républicain ?
00:33C'est ce que nous dit Donald Trump. Donald Trump dit, on me présente comme un monstre, on me diabolise, on me présente comme un monstre sur terre, ne soyez pas surpris que des gens vous prennent au sérieux et décident de vouloir me descendre, m'abattre.
00:47Et de ce point de vue, je vais dire une phrase qui va choquer quelqu'un, mais Donald Trump a raison sur cette question.
00:53C'est-à-dire, on le présente comme un monstre, on le présente comme la pire des ordures, on nous dit s'il se fait élire, la démocratie tombe aux États-Unis.
01:02Donc on nous présente tout ça, il ne faut pas être surpris que des gens tirent la conclusion qu'il faut tirer sur le personnage.
01:09Je note, soit dit en passant, que cette hitlérisation, à la rigueur, il y a presque une histoire du tyrannicide.
01:15Depuis les Grecs jusqu'à Saint-Thomas, jusqu'au temps présent, il y a toujours cette idée que que fait-on devant un tyran qui menace la cité ?
01:23Il est permis de l'abattre. Ça fait partie de l'histoire de la pensée politique.
01:28Et au XXe siècle, il y a une figure magnifique en la matière, une vraie figure magnifique, c'est Stauffenberg qui organise le complot de juillet 1944 pour tuer Hitler,
01:36pour faire tomber le troisième Reich parce qu'il dit « notre pays est devenu atroce, nous devons nous délivrer de cet homme qui nous défigure ».
01:42Le problème aujourd'hui, c'est quand on décide d'hitlériser tout le monde.
01:46Parce qu'on hitlérise tout le monde, on crée des conditions pour que des espèces de demi-lettrés, incultes, fanatisés, quelques fois manipulés, puissent se prendre pour Stauffenberg,
01:55qui, lui, est un authentique héros. Donc, quand vous créez un récit médiatique qui dit « Hitler, Hitler, Hitler », ne soyez pas surpris qu'un jour, un homme dégaine son pistolet.
02:05J'ajoute une chose. Il y a une histoire qui est fascinante parce qu'on nous dit aujourd'hui, quand on regarde les médias, « violence politique égale extrême droite », c'est un peu le récit.
02:14Mais il y a toute une histoire de la violence politique à gauche, et je ne remonte pas à la Révolution, évidemment, mais tout simplement au XXe siècle, depuis 1950 environ.
02:23Il y a une violence politique à gauche récurrente, mais qui n'est jamais assumée comme telle, c'est-à-dire qu'elle n'appartient pas à l'histoire de la violence politique officielle.
02:32Pensez aux Brigades Rouges, pensez à la Bande Abadère, pensez à Action Directe, pensez à tout ce courant qui, dans les années 70, croyait accélérer la Révolution par le meurtre politique, par le kidnapping, par l'assassinat, et ainsi de suite.
02:47Je note que les gens qui, à l'époque, célébraient cette violence ont pu faire de très belles carrières médiatiques ou politiques ensuite, et on ne leur reproche pas.
02:58Je pense par exemple à Edwin Plenel, qui par ailleurs s'est excusé ensuite, il faut le dire, mais il avait applaudi les attentats de Munich contre les athlètes israéliens. Ensuite, il s'en est excusé.
03:09Je reconnais sans faute. Mais inversement, à droite, des types qui étaient associés à des mouvements d'extrême-droite, occident, ainsi de suite, qui ont donné un coup de poing de trop, on va leur rappeler toute leur vie, dans chaque circonstance, qu'ils étaient des violents irrécupérables dans leur jeunesse.
03:24Ayons ça à l'esprit. Donc, la violence de gauche, même la plus meurtrière, peut être pardonnée parce qu'il s'agit d'une violence bien intentionnée, souvent.
03:33Soit dit en passant, la violence politique, on l'a vu, la vraie violence, la tentative d'assassinat, ces dernières années, je vais donner quelques exemples récents, depuis une vingtaine d'années, contre des leaders politiques.
03:44Je ne dis pas qu'il n'y en a pas d'autres, mais j'en donne plusieurs, et il y a une trame de fond.
03:482002, Pim Fortuyn, aux Pays-Bas, leader populiste originel, à certains égards, pour de l'Europe contemporaine, abattu, de mémoire, par un militant proche de la cause des animaux, qui lui reprochait, par ailleurs, d'être un danger pour les musulmans dans son pays.
04:05Pim Fortuyn, assassiné. Tentative d'assassinat au Québec, celle-là, un peu oubliée.
04:092012, Pauline Marois, chef du mouvement du Parti québécois, Parti indépendantiste, prend le pouvoir, un anglophone radicalisé, veut l'abattre, réussit à tuer quelqu'un d'autre.
04:19Il ne réussit pas à la tuer elle, mais veut l'abattre, pourquoi? Parce qu'elle persécuterait les droits des minorités et des anglophones.
04:25Robert Ficot, il y a quelques mois, en Slovaquie, qui s'est fait agresser, il est passé près de la mort.
04:32Un poète de gauche était révolté contre lui et voulait en finir avec cet homme.
04:38Bolsonaro, 2018, poignardé par un militant de gauche pendant sa campagne électorale.
04:44Je note que lorsqu'on nous raconte le récit de Bolsonaro poignardé, on nous dit que cette tentative d'assassinat avait galvanisé ses troupes.
04:52Un peu plus, il l'avait organisée lui-même. C'est quand même singulier.
04:55Donc, recevez un coup de couteau, finalement, on dirait que vous faites le jeu du candidat que vous cherchez à assassiner.
05:04Vous galvanisez ses troupes impardonnables.
05:06Il y a donc une forme d'histoire récente des tentatives d'assassinat politique souvent dirigées contre des figures dites de droite.
05:17Et on ne les présente pas comme une manifestation de violence progressiste.
05:22Parce que nous avons établi, une fois pour toutes, que la violence est par définition de droite.
05:27Et lorsqu'elle est de gauche, elle n'est qu'accidentelle.
05:29Ce qui s'intéresse, et je note que soit dit en passant, qu'un assassinat politique peut changer le cours de l'histoire, vraiment.
05:35Ce n'est pas un fait divers, ce n'est pas une balle perdue.
05:38Et Jean-Christophe Buisson, en 2013 de mémoire, a écrit un très beau livre, Assassiner,
05:43où il raconte différents assassinats politiques et il montre comment ces assassinats ont changé complètement le cours de l'histoire.
05:52De ce point de vue, ne traitons pas ces événements sur le simple mode de la folie.
05:56Un assassinat, pensons à John Kennedy, son frère Robert Kennedy, on pourrait en nommer d'autres.
06:01L'histoire change lorsque de tels assassins se manifestent.
06:04Aujourd'hui, on traite ça à la manière d'un événement rocambolesque.
06:08Ça réveille beaucoup de choses, tout ce que vous dites.
06:11Est-ce qu'à dire que la violence politique est de retour partout en Occident, je pense à nous en France, aussi dans le dos ?
06:17Il y a une parenthèse, en fait, qui est la parenthèse enchantée de l'après-guerre, telle qu'on l'avait vécue mentalement, qui se ferme.
06:24On croyait, l'après-guerre, c'est quoi ? Il y aura d'un côté les capitalistes qui produisent la richesse,
06:29puis de l'autre côté, les sociodémocrates qui veulent la partager.
06:31Puis là, on s'échange le pouvoir entre honorables gestionnaires de gauche et de droite.
06:35Mais on oublie qu'à l'échelle de l'histoire, la politique et la violence sont intimement liées et presque inséparables.
06:43Vous connaissez la formule probablement de Clausewitz qui dit « la guerre est la poursuite de la politique par d'autres moyens ».
06:50Mais Lénine, à certains égards le fondateur de la politique moderne, dit « la politique est la poursuite de la guerre par d'autres moyens ».
06:57Autrement dit, on accepte de ne pas vous tirer dessus si on peut gagner le pouvoir démocratiquement,
07:01mais ne nous interdisons pas la violence si c'est nécessaire.
07:05Racontons l'histoire en quelques mots des mouvements populistes en Europe et particulièrement en France, populistes, identitaires, conservateurs, depuis 30 ans.
07:13On a tendance à l'oublier, mais un parti qui a été la cible régulièrement de violences politiques,
07:19de harcèlement militant, de harcèlement systématique, c'était le Front National, version Jean-Marie Le Pen.
07:25Alors on peut être en désaccord complet évidemment avec ce parti,
07:28mais à l'époque, il y avait un harcèlement politique violent, systématique à l'endroit de ce parti.
07:34Je ne dis pas qu'il n'y avait pas d'éléments troubles dans ce parti-là, mais ce harcèlement était jugé comme légitime.
07:39On pouvait le harceler, on pouvait agresser, on pouvait frapper.
07:43C'était vu comme de l'autodéfense contre les fascistes.
07:46De la même manière, pendant la présidentielle, le rôle des antifas, puis même au-delà de la présidentielle,
07:52qui se permettent de troubler des meetings d'Éric Zemmour ou du Rassemblement National,
07:56et qui se disent, ils mettent quelquefois, rappelez-vous, il y avait une cible sur le front d'Éric Zemmour dans une campagne d'intimidation.
08:03Je me rappelle qu'un leader politique de gauche importante, vous savez, quand les gens entendent des discours si violents,
08:09ils réagissent, ils se défendent.
08:11Donc autrement dit, vouloir mettre une cible au front de Zemmour, c'était de l'autodéfense.
08:17Jean-Luc Mélenchon, qui disait tout récemment, sur le mode halluciné, il y a des milices d'extrême droite partout en France aujourd'hui,
08:24nous allons devoir organiser notre autodéfense.
08:27Autrement dit, la violence vient du camp d'en face, si nous frappons, c'est pour nous défendre.
08:32Donc la violence, elle est de retour aujourd'hui en politique.
08:35En fait, elle n'est jamais disparue complètement, mais elle frappe aujourd'hui au visage de nos sociétés.
08:40Il n'est plus possible de la cacher, mais il est toujours possible de la respectabiliser si elle frappe les bonnes cibles.
08:47Donald Trump, cible rocambolesque.

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