Pierre Bellemare comme vous ne l’avez jamais entendu ! C’est la promesse de ce nouveau podcast imaginé à partir des archives exceptionnelles du Service Patrimoine Sonore d’Europe 1.
Affaires criminelles, true crime, crimes, enquêtes, crimes historiques ou plus récents, crimes crapuleux, crimes familiaux, crimes inexpliqués surtout : Pierre Bellemare est le pionnier des grands conteurs de récits radiophoniques. Dans les années 70, cette voix culte d’Europe 1 a tenu en haleine les auditeurs avec ses histoires extraordinaires. Des histoires vraies de crimes en tout genre qui mettent en scène des personnages effrayants, bizarres ou fous. Des phrases à couper le souffle, des silences lourds de suspense, un univers de polar saisissant et puissant.
Avec un son remasterisé et un habillage modernisé, plongez ou replongez dans les grands récits extraordinaires de Pierre Bellemare.
Retrouvez "Les Récits extraordinaires de Pierre Bellemare" sur : http://www.europe1.fr/emissions/les-recits-extraordinaires-de-pierre-bellemare
Affaires criminelles, true crime, crimes, enquêtes, crimes historiques ou plus récents, crimes crapuleux, crimes familiaux, crimes inexpliqués surtout : Pierre Bellemare est le pionnier des grands conteurs de récits radiophoniques. Dans les années 70, cette voix culte d’Europe 1 a tenu en haleine les auditeurs avec ses histoires extraordinaires. Des histoires vraies de crimes en tout genre qui mettent en scène des personnages effrayants, bizarres ou fous. Des phrases à couper le souffle, des silences lourds de suspense, un univers de polar saisissant et puissant.
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00:00Bienvenue dans les récits extraordinaires de Pierre Bellemare, un podcast issu des archives d'Europe 1.
00:10Intelligent ? Ah oui, très au-dessus de la moyenne.
00:15Répugnant ? Oui, on n'a jamais vu plus répugnant.
00:20Émouvant ? Très émouvant.
00:24Sinistre ? Oui.
00:26Drôle ? Oui.
00:28Vous allez voir, très drôle.
00:32Alors fascinant ? Certes, le plus fascinant criminel de l'après-guerre.
00:39Alors il est exceptionnel ? Oui.
00:41C'est un monstre, un vrai si j'ose dire, comme il n'en existe plus.
00:48Mais c'est aussi le fruit monstrueux, vénéneux, mais inévitable d'une époque.
00:56Le champignon poussé en quelques heures sur le corps de l'Allemagne blessée en 1944.
01:02Il s'appelle Rudolf Pley.
01:071944, l'Allemagne de la Débarque.
01:11C'est un immense no man's land où les armées alliées, la population en exode, la Wehrmacht en déroute,
01:18forment un magma insoluble.
01:20Des cadavres inconnus dont ne sera jamais ni le nom, ni le meurtrier, peuple et forêt.
01:25Les femmes se vendent pour une croûte de pain.
01:28Les jeunes déserteurs forment des bandes de pillards vivant dans les bois et se jetant sur les fermes isolées.
01:33La faim et la peur habitent l'Allemagne.
01:38Puis ce cauchemar s'organise.
01:40Bientôt ce n'est plus le désordre absolu autour de la frontière intérieure séparant les deux zones qui deviennent deux Allemagnes.
01:47Tout un monde équivoque s'installe, trafic, marché noir, espionnage et bien entendu, des passeurs.
01:56C'est alors que le monstre, sujet de notre histoire, Rudolf Pley, va émerger des ténèbres violentes de la défaite allemande
02:06et jaillir des ruines de sa patrie comme ces bêtes de profondeur qu'une excavatrice soudain ramène des entrailles de la terre.
02:18C'est le premier chapitre de cette étonnante histoire que Jacques-Antoine a intitulée
02:24« On ne punit pas les lions, on les tue ».
02:36La frontière entre la zone Est et la zone Ouest
02:49En Allemagne, de 1946 à 1947, la frontière entre la zone Est et la zone Ouest a donné naissance à un nouveau type de criminel qui, se prétendant passeur,
03:03s'engage à faire franchir la frontière aux malheureux qui veulent revoir ou rejoindre leur famille et les tue, la plupart du temps pour les dévaliser.
03:13C'est ainsi que, le 13 avril 1947, un commerçant, M. B. de Hambourg, fait la connaissance d'un homme qui lui propose de le passer dans la zone russe.
03:25Le passeur essoue et rate l'endroit favorable au passage.
03:30Lorsque M. B. lui fait des reproches, l'inconnu tue M. B. de plusieurs coups de lâche qu'il a remportés.
03:37Le cadavre est pillé.
03:39Le 18 avril, l'auteur de ce crime retourne sur les lieux et est arrêté.
03:45Il s'agit du garçon de café Rudolf Pley, âgé de 22 ans.
03:51C'est un homme grand et fort, au visage rond, légèrement empâté, au front très haut, aux yeux enfoncés, à la lèvre gourmande et surtout avec un léger sourire ironique qui fait irrésistiblement penser à Orson Welles.
04:05On ne croyait pas, chers amis, que l'arrestation de cet homme va constituer subitement un fait divers passionnant.
04:11Non, non, tout se traîne d'abord dans une banalité écœurante.
04:15D'abord, il se défend tant bien que mal, puis, voyant que c'est inutile, avoue qu'il était saoul lorsqu'il s'est querellé avec le commerçant à qui il avait promis de faire franchir la frontière dans une crise de colère.
04:25Il l'a abattu.
04:27À noter toutefois qu'il s'avère en prison extrêmement violent, attaque un de ses compagnons de cellules qui n'échappe à la mort que de justesse.
04:34Finalement, il passe en jugement en 1949 et récolte 12 ans de travaux forcés suivis d'un séjour dans une clinique spécialisée.
04:45Là, chers amis, je me permets d'attirer votre attention sur ce détail qui prendra dans la suite toute son importance.
04:50Le tribunal estime en effet nécessaire que Rudolf Pley accomplisse un séjour dans une clinique spécialisée.
04:58Pourquoi ?
04:59Est-il fou ?
05:00Non, pas du tout.
05:01Un examen psychiatrique à Köttingen a démontré qu'il était parfaitement responsable de ses actes.
05:06Alors, alcoolique ?
05:07Oui, ça, il est alcoolique.
05:09Il a appris à boire pendant la guerre, mais pourquoi une clinique spécialisée ?
05:13On peut penser que 12 ans de réclusion suffiront à le guérir.
05:18Épileptique ?
05:19Ah, ce n'est pas pour ça, bien qu'il soit épileptique.
05:23Après s'être sauvé d'un bateau coulé par une bombe pendant la guerre et s'être extirpé de la carcasse d'un avion abattu en flammes,
05:31il a fait une première et grave crise d'épilepsie bientôt suivie d'une seconde.
05:35On l'a soigné à la manière énergique du troisième Reich.
05:38On a même voulu le stériliser, comme on l'avait fait déjà à sa sœur.
05:42Mais l'hôpital où il attendait cette cruelle opération a été détruit de fond en comble par les bombardements.
05:49Vous voyez, chers amis, que le destin a d'étranges détours.
05:53Car s'il avait été stérilisé, le plus grand criminel de l'après-guerre en Allemagne n'aurait peut-être été qu'un mouton inoffensif.
06:00Enfin, mais ce n'est pas pour son épilepsie que le tribunal souhaite le séjour de Rudolf Pleie dans une clinique spécialisée.
06:09Non, c'est parce que Rudolf Pleie est un être trop étrange, par trop inquiétant, par trop différent.
06:20Et que les êtres humains qui composent le tribunal, s'ils estiment que son crime ne vaut pas plus de douze ans de bagne,
06:27hésitent tout de même à laisser gambader dans une humanité qui n'est cependant pas paisible,
06:31un être qu'ils devinent absolument inhumain, je dirais même non humain.
06:39Bref, monstrueux.
06:42Au bout d'un an d'incarcération, la véritable affaire Pleie commence.
06:49En effet, Rudolf Pleie s'ennuie.
06:53Je suppose que tout à l'heure, vous comprendrez, chers amis, pourquoi il s'ennuie.
06:58Alors, comme il s'ennuie, il veut faire quelque chose, se rendre utile.
07:03Et il écrit à l'administration pénitentiaire.
07:07Ne croyez pas que l'énormité de la demande qu'il va faire lui échappe.
07:10Ne croyez pas que c'est un naïf, non.
07:13C'est à la fois avec le plus grand sérieux, et un humour qui dépasse la commune mesure,
07:19que Rudolf Pleie postule l'emploi de bourreau.
07:27Oui, nommez-moi bourreau, demande Rudolf Pleie.
07:30On lui répond qu'il existe déjà un titulaire à cette fonction.
07:34Oui, réplique Rudolf Pleie, mais je serai un meilleur bourreau.
07:39L'administration répond qu'elle n'a rien à reprocher au bourreau actuel quant à la qualité de ses exécutions.
07:45Peut-être, réplique Rudolf Pleie, mais celui-ci fait son travail par devoir.
07:50Moi, ce sera par plaisir.
07:53L'administration pense clore les discussions en affirmant qu'elle ne s'est jamais souciée du plaisir
08:00que prend à son travail l'exécuteur des hautes œuvres.
08:04Alors Pleie parle technique.
08:07Il assure qu'il a déjà fait ses preuves.
08:11Et, tout tranquillement, il énumère ses titres.
08:18Soixante personnes égorgées, étranglées ou assommées entre septembre 1946 et mars 1947
08:29dans la zone russe, la Bavière, le Hanover, etc.
08:34Évidemment, on ne le croit pas.
08:36Alors Pleie demande à récupérer la veste qu'il portait lorsqu'il a été arrêté,
08:41d'où il extrait de la doublure des notes prises lors de son premier assassinat en 1946.
08:48Il propose aux policiers héberlués de les conduire sur les lieux du crime.
08:53Les policiers acceptent.
08:55Et commence alors, de village en village, de la zone anglaise à la zone américaine
09:01et, d'un côté et de l'autre du rideau de fer, un rallye.
09:05Une course au trésor, une sorte de jeu de piste géant et macabre comme on n'en a jamais vu.
09:24Je vous rappelle, chers amis, que sur la proposition même de Rudolf Pleie,
09:28commence de village en village, de la zone anglaise à la zone américaine
09:32et, d'un côté et de l'autre du rideau de fer, un rallye.
09:34Une course au trésor, une sorte de jeu de piste géant et macabre comme on n'en a jamais vu.
09:39À la suite du colosse souriant et goguenard, les policiers vont exhumer cadavre sur cadavre.
09:48Avant d'aller plus loin, chers amis, je dois vous dire deux mots sur la vie de Rudolf Pleie.
09:52Vous comprendrez que c'est nécessaire.
09:54Je vous demande de ne jamais oublier que l'essentiel se déroule dans une ambiance démente.
09:59Celle de l'Allemagne nazie, puis, dantesque, celle de l'envahissement de l'Allemagne par les alliés.
10:05Rudolf Pleie est né en Tchécoslovaquie.
10:08Son père, marchand ambulant, buvé.
10:10Sa sœur épileptique a été stérilisée très jeune.
10:12Milieu familial très perturbé.
10:15Rudolf Pleie redouble souvent ses classes et s'adonne à la contrebande.
10:19Il se montre bon camarade, fait des cadeaux à ses petits amis,
10:21mais dès qu'il n'est pas le centre de la bande, il voit rouge et attaque brutalement ses camarades
10:26en les blessant grièvement.
10:28Il avoue facilement ses brutalités après coup.
10:30Il ne termine aucun apprentissage, vit d'expédient, fait presque le tour du monde comme mousse et marmiton.
10:36De 1940 à 1941, il est steward d'un bateau qui, du fait de la guerre, ne quitte pas le port de Hambourg.
10:42Le service du travail obligatoire l'envoie dans différentes usines
10:46où il n'a aucun rapport sexuel avec aucune femme.
10:49Il se met à boire lorsqu'il devient garçon de café à Marienberg de 1944 jusqu'au 7 février 1945.
10:56C'est un garçon honnête, propre, travailleur et poli.
10:58Il lit beaucoup de romans policiers et aime raconter avec grand brillo à ses collègues ce qu'il a lu.
11:04Il a un enfant avec une fille qu'il a connue à Marienberg.
11:07Il fait la connaissance d'une autre, presque en même temps avec laquelle il a un autre enfant,
11:11et il l'épouse. Oui, il épouse cette dernière.
11:14Au début de son mariage, ses relations sexuelles avec sa femme sont tout à fait normales.
11:18Après la capitulation de l'Allemagne, Pleie devient auxiliaire de police en zone russe.
11:24Et là, c'est peut-être la chose qu'on lui reprochera le plus, davantage que ses crimes.
11:31Pour un Allemand de la zone occidentale, il est aussi déshonorant d'avoir été policier de l'autre côté
11:36qu'en France d'avoir par exemple servi la Gestapo entre 40 et 42.
11:42Pleie en est d'ailleurs rapidement chassé car un jour où il doit arrêter le pillage d'une ferme,
11:47un coup de son fusil part par inadvertance et blesse un des pillers.
11:52Pleie enlève les vêtements du blessé pour voir la plaie.
11:57Le contact et la vue de ce corps dénudé, plein de sang, éveillent en lui des sensations
12:04d'une intensité extraordinaire.
12:08Et après cette expérience, il ne veut plus coucher normalement avec sa femme.
12:13Mais ce qui lui demande, bien qu'assez anodin d'après ce que nous avons cru comprendre,
12:17déplait à cette dernière et elle le repousse.
12:21Il essaie de l'enivrer pour qu'elle se laisse faire mais elle le repousse encore.
12:25Pleie est devenu entre temps représentant de commerce et pendant ses déplacements
12:29il tâche de rencontrer des femmes qui seraient prêtes à accepter ses curieuses habitudes.
12:34Mais il n'en trouve pas car, il faut bien le dire, son physique est assez inquiétant.
12:40Pendant un de ses voyages d'affaires qu'il fait avec un camarade, dénommé Hoffman,
12:44il lui fait part de ses déconvenues avec les femmes.
12:48Et celui-ci lui dit,
12:50« Si une femme ne veut pas se tenir tranquille, il faut la rendre immobile. »
12:58Cette idée ne quitte plus Pleie et lorsqu'il retrouve Hoffman le 23 mars 1946
13:03pour un voyage d'affaires commun, il se décide à agir sur la frontière
13:08entre les deux zones, ce qui leur paraît l'endroit le plus propice.
13:12C'est là donc que Rudolf Pleie conduit les policiers pour leur faire le récit suivant.
13:18« Dans le noir, nous rencontrons en effet Eva, une jeune femme de 36 ans,
13:23qui s'est perdue dans les bois près de Leipzig.
13:26Nous nous offrons à la conduire et je la tue avec une hache
13:30alors qu'elle marchait devant moi avec Hoffman.
13:32Aussitôt je m'agenouille près de la morte.
13:34Mais inutile messieurs de laisser libre cours à votre imagination.
13:39Une fois la malheureuse étendue sur le sol, il ne se passe rien de vraiment extraordinaire.
13:43Je me contente de quelques caresses que l'on pourrait considérer comme insignifiantes
13:47si elles ne nécessitaient pas, pour être efficace,
13:50que la partenaire soit en train de rendre le dernier soupir.
13:54« Que voulez-vous ? » précise Pleie.
13:56« Je ne sais pas comment on peut avoir du plaisir avec une femme sans la tuer.
14:00Je ne comprends pas les autres hommes.
14:01Il leur suffit de les caresser, moi.
14:03Il faut qu'elles meurent.
14:05Cela m'est nécessaire. »
14:07Le mot est en allemand « Ich brauche ».
14:10« J'en ai besoin. »
14:14Pendant ce temps, Hoffman, beaucoup plus matérialiste d'après Rudolf Pleie,
14:17pille le cadavre après quoi il conseille à Pleie de garder sa hache qui pourrait resservir.
14:22Les deux hommes se serrent la main pour sceller leur complicité.
14:26Mais ce n'est qu'un début.
14:27Deux mois plus tard, Pleie renouvelle le même cérémonial,
14:30mais cette fois avec un marteau.
14:32Et il obtient deux fois ce qu'il désire pendant la lutte et après.
14:37Il s'endort près du cadavre auquel il n'a rien pris d'autre que la vie.
14:42Car Pleie n'est pas un voleur, bien sûr.
14:44Son premier complice, Hoffman, puis son second complice, Schessler,
14:48ne se priveront pas de piller les cadavres.
14:50Ils essaieront souvent d'orienter le choix de Rudolf Pleie
14:53vers des personnes qu'ils soupçonnent de transporter quelques richesses.
14:56En effet, s'ils écoutaient Pleie, qui de toute évidence les préfère jeune et robuste,
15:00seuls les critères esthétiques détermineraient le choix des victimes.
15:05Mais il faut bien vivre, n'est-ce pas ?
15:08Un jour, où ses complices veulent à tout prix lui faire attaquer
15:13une fille jeune, trop mince, par trop dépourvue de poitrine,
15:17il ne se sent pas assez motivé et au dernier moment, le courage lui manque.
15:22Et puis, il est lui faux entier.
15:25C'est ainsi que lorsqu'Hoffman lui présente un jour une femme,
15:28par ailleurs fort bien faite, mais à qui il vient de couper la tête,
15:31Pleie vomit.
15:33Alors Hoffman se contente de lui prendre son sac.
15:36Et Pleie trouve cela écœurant.
15:38Amputer une femme de sa tête simplement pour lui prendre son sac, on n'a pas idée.
15:42Il a des mots un jour avec Schessler,
15:44parce que celui-ci, pour prendre une bague, a coupé le doigt d'un cadavre.
15:48D'ailleurs, Rudolf Pleie trouve odieux cette manie qu'a Schessler
15:51de se servir d'un couteau de chasseur.
15:53Mais que fait-il des cadavres ?
15:55Si l'assassinat nécessite un certain rituel, à savoir des coups sur la tête,
16:00la dissimulation du cadavre supportent toutes les fantaisies.
16:03Une garde-barrière est jetée dans un puits,
16:05une vieille dame est enterrée dans un cimetière,
16:07une autre est jetée dans la rivière.
16:09Quelquefois, pour empêcher toute identification,
16:11comme la police des diverses zones ne collabore pas toujours,
16:13le corps est laissé sur place et l'un des criminels s'en va,
16:16la tête coupée d'une main, les vêtements de la victime de l'autre,
16:19jeté l'une dans la zone russe, toujours proche, le reste dans la zone britannique.
16:24Notez bien que Rudolf Pleie ne perd jamais son sang-froid.
16:27Voir ainsi un jour qu'il pique-nique avec l'un de ses complices
16:30et deux femmes qu'ils ont rencontrées dans les bois
16:32alors qu'elles cherchaient le passage de la frontière,
16:34Pleie assomme l'une d'elles.
16:36C'est alors qu'il s'aperçoit que son complice est parti avec l'autre femme
16:39et une bouteille d'eau de vie.
16:41Craignant qu'il boive toute la bouteille sans lui en donner,
16:44il hésite un instant puis abandonne la malheureuse sans y toucher
16:47et part à leur recherche.
16:49La femme survivra grâce à cela
16:51car elle sera découverte quelques heures plus tard par un paysan.
16:54La place, l'autre, fera les frais.
16:57Inutile de vous dire que Pleie et Chesler finiront la bouteille.
17:01Après moultes expériences, Rudolf Pleie préférera utiliser Chesler comme complice
17:06parce qu'il est beau garçon et lui abat de plus belles femmes.
17:10Bien sûr, il leur arrive des avatars.
17:13Par exemple, risquant d'être surpris après avoir tué une femme,
17:17Pleie s'enfuira en emmenant simplement une poupée
17:19qu'il a trouvée dans ses affaires et son manteau.
17:22On peut dire que nous sommes l'avant-veille de Noël.
17:24Il va donc offrir la poupée à sa fille et le manteau à sa femme.
17:29Ils connaissent aussi des coups heureux.
17:31Ils rencontrent par exemple une femme
17:33qui n'excite pas beaucoup l'imagination de Rudolf Pleie
17:36mais il se trouve que c'est à l'endroit même où, trois jours plus tôt,
17:39ils en ont tué une autre
17:41et la pierre qui a servi à tuer la première
17:43est toujours là, quelque part dans les buissons.
17:46Alors, comme dira Hoffman, pour un subtité fort,
17:49c'est toujours ça de pris.
17:52Et la dame a des bijoux dans son sac.
17:55Chacun de ces crimes, bien entendu, Rudolf Pleie les raconte
17:58en long et en large, sans rien dissimuler,
18:00sur les lieux même où il s'était accompli.
18:03Chaque fois, la police retrouve soit le cadavre ou quelques preuves
18:06ou bien reçoit enfin l'explication d'un crime
18:09ou d'une disparition demeurée mystérieuse.
18:12Lorsqu'il a mené les policiers sur les lieux du neuvième crime,
18:16Rudolf Pleie, Gognard, leur déclare
18:19« Toutefois, messieurs, vous avez des preuves qu'il vous fallait.
18:22Pour moi, c'est fini. »
18:25« Eh ! Les autres crimes ? » demandent les policiers.
18:28« Il y en a soixante ! » répète Rudolf Pleie.
18:31« Mais vous avez déjà de quoi travailler.
18:34Moi, j'en ai assez. Pour les autres, trouvez-les.
18:37C'est votre métier. »
18:40Lorsque les policiers en auront enregistré une douzaine,
18:43dont neuf entièrement instruits,
18:45identification de la victime, preuves, autopsie des corps, etc.,
18:48ils estiment qu'ils ont amplement de quoi faire condamner Pleie
18:51et mettent fin à leur enquête.
18:54Mais, comme vous allez le voir,
18:57ils ne mettent pas fin à l'affaire Pleie,
19:00dont le dossier n'est pas prêt de se refermer.
19:03D'abord, il y a les deux incroyables complices.
19:06L'un, Hoffmann, quarante ans, plutôt patibulaire,
19:09l'air d'un vieux baroudeur. L'autre, Schoessler,
19:12vingt-cinq ans, beau gosse, athlétique, propre, net,
19:15assez sérieux. Il est arrêté alors qu'il rentre en Allemagne,
19:18après un engagement de deux ans dans la Légion étrangère.
19:21Il porte encore le poulet vert qu'il a volé à l'une de ses victimes
19:24et avoue sa participation à certains crimes.
19:27Hoffmann, lui, nie tout en bloc et Rudolf Pleie
19:30s'écroule de rire dans sa prison
19:33et, comme pour s'amuser, accable son complice.
19:36Il faut dire que la conduite de Rudolf Pleie en prison
19:39est absolument déconcertante.
19:42Il a prévenu ses gardiens et les magistrats
19:45qu'il ne parlera que dans la mesure où on le nourrit comme il l'entend,
19:48c'est-à-dire qu'il engloutit chaque jour
19:51cinq litres de soupe épaisse, trois kilos de pommes de terre
19:54et de la viande en quantité telle
19:57qu'elle suffirait à nourrir un fauve.
20:00Il tient parole. Dès qu'il a faim,
20:03il ne parle plus.
20:06Et puis, il écrit un livre dans lequel il raconte dans les moindres détails
20:09ce qu'il est, pourquoi il est devenu ce qu'il est,
20:12pourquoi il tue et comment il tue.
20:15Il a dit tuer ce livre, devinez comment ?
20:18Mein Kampf.
20:21Il en négocie la parution avec des journaux étrangers
20:24qui, d'ailleurs, n'oseront jamais le publier,
20:27du moins à notre connaissance, tant le contenu en est horrible.
20:30Mais, bien qu'horrible, ce contenu
20:33ne laisse pas d'être extrêmement troublant.
20:36On y lit par exemple ceci.
20:39Je ne suis pas un homme comme les autres. Je l'ai amplement prouvé.
20:42Si je ne suis pas un homme comme les autres,
20:45qui suis-je ? Un autre peut-être ?
20:48Un non-humain ?
20:51Une autre sorte d'hominien qui a besoin de tuer pour vivre
20:54comme tant d'autres êtres vivants sur la Terre ?
20:57Qu'on me supprime parce que je suis gênant ?
21:00Je suis bien obligé de l'admettre puisque je ne suis pas le plus fort.
21:03Mais je n'accepte pas qu'on me juge,
21:06qu'on me dénie le droit de tuer puisque c'est la nature
21:09qui me l'a donné. On ne juge pas les fauves.
21:12Lorsqu'on veut s'en débarrasser, on les tue.
21:15Sans procès, sans hypocrisie.
21:18Et le monstre, pour ajouter au titre
21:21de son livre, qui est déjà une atroce provocation,
21:24a écrit un sous-titre.
21:27Tonmacher, ce qui signifie « Fabriquant
21:30de morts ». Il s'intitule d'ailleurs
21:33le meilleur spécialiste d'Allemagne en la matière.
21:36Il est vrai que, selon l'humour noir
21:39qui ne le quitte pas, il fait suivre cette qualité
21:42des initiales « AD » qui désignent en Allemagne
21:45la mise à la retraite des fonctionnaires et des militaires.
21:48On pourrait donc traduire par « Rudolf Pley,
21:51fabricant de morts du cadre de réserve ».
21:54Voilà donc les pharens personnages qui va comparaître
21:57devant le jury d'assises du Hanover, où les journalistes
22:00du monde entier sont accourus pour contempler un monstre
22:03authentique comme on n'en fait plus, et surtout assister
22:06à son autopsie. Un monstre inattendu,
22:09plein de surprises, colossal et fragile,
22:12un criminel exceptionnel dans une époque exceptionnelle.
22:27Vous venez d'écouter
22:30les récits extraordinaires de Pierre Belmar,
22:33un podcast issu des archives d'Europe 1
22:36et produit par Europe 1 Studio.
22:39Réalisation et composition musicale,
22:42Julien Tharaud. Production,
22:45Raphaël Mariat. Patrimoine sonore,
22:48Sylvaine Denis, Laetitia Casanova,
22:51Antoine Reclus. Réalisation,
22:54Laetitia Casanova, Antoine Reclus.
22:57Remerciements à Roselyne Belmar.
23:00Les récits extraordinaires sont disponibles sur le site
23:03et l'appli Europe 1. Écoutez aussi
23:06le prochain épisode en vous abonnant gratuitement
23:09sur votre plateforme d'écoute préférée.