Ali Baddou reçoit Vinciane Despret, philosophe des sciences et professeure à l’université de Liège, pour son livre "Dieu, Darwin, tout et n’importe quoi" aux éditions Les Arènes.
15' de plus par Ali Baddou sur France Inter (20 Septembre 2024)
Retrouvez toutes les chroniques d'Ali Baddou sur https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/15-de-plus
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00:0015 minutes de plus et ce matin, j'ai le bonheur de recevoir une philosophe inclassable,
00:05une vraie rockstar, passionnée par le comportement des animaux, par la vie tout court.
00:10Elle est professeure à l'université de Liège et elle publie « Dieu, Darwin, tout
00:15et n'importe quoi », un livre illustré par le plus grand dessinateur de presse belge
00:20Pierre Kroll.
00:21C'est l'histoire des histoires naturelles, l'histoire d'un monde, notre monde qui
00:26aurait pu tout aussi bien ne pas avoir existé.
00:30Il y est question de colibris, de la moule lampsyl, du crappé harlequin, mais aussi
00:35des chiens et des bernard l'ermite, c'est absolument passionnant et c'est très drôle
00:40et c'est publié aux éditions Les Arènes.
00:42Bonjour, Vinciane Després.
00:43Bonjour, Alip Ba Du.
00:44Et bienvenue.
00:45Merci d'avoir fait le voyage depuis votre pays, la Belgique, pour être avec nous ce
00:49matin.
00:50On va démarrer comme chaque semaine avec une expérience de pensée, Vinciane Després,
00:54et ce matin, on va faire un petit voyage dans le temps.
00:56On est en 1860, en compagnie de l'immense scientifique et théoricien de l'évolution
01:02Charles Darwin.
01:03On se promène dans un parc naturel et puis on tombe sur un pan.
01:07Un pan, on voit ses plumes bleues qui sont étalées comme un éventail.
01:12C'est le cauchemar de Darwin.
01:14Pourquoi ?
01:15Alors, il disait que c'était son cauchemar parce qu'en fait, il pensait que c'était…
01:19En fait, le pan n'aurait pas dû normalement être sélectionné.
01:22Je veux dire, si la sélection naturelle est un peu raisonnable, on va le dire en termes
01:25un peu anthropomorphes.
01:26Normalement, le pan, c'est quand même une aberration, c'est une extravagance on va
01:30pouvoir dire.
01:31Et pendant des années, Darwin va se creuser pour comprendre « mais qu'est-ce qui m'a
01:34foutu ce truc-là ? ». Et puis des années après, il va résoudre l'énigme et en fait
01:39il va trouver une très très très belle théorie.
01:41Parce que justement, avant de trouver cette théorie, il en était malade ! Je le cite
01:45Darwin, c'est vous qui le transcrivez, « la vue d'une plume dans la queue d'un pan,
01:51chaque fois que je la regarde, me rend malade ! » disait Darwin.
01:54Oui, c'est ça, ça pouvait contredire sa théorie.
01:57Enfin, en tout cas, ça pouvait être un argument à l'encontre de sa théorie.
01:59Ou selon cette théorie, un peu prise de façon un peu rigide, ce serait de dire « ben tout
02:05est adapté, or le pan n'est tout sauf vraiment… ». Ce n'est pas une adaptation ça, c'est
02:10vraiment…
02:11Non, c'est un animal extrêmement voyant, il est une attraction pour tous les prédateurs
02:15qui passent.
02:16Exactement, oui.
02:17Et pourtant, il est toujours là, dans cette toilette exubérante.
02:21Alors donc, quelle est son explication ?
02:22Alors Darwin va avoir une explication qui ne sera pas acceptée pendant très longtemps,
02:26et qui est de dire « on va imaginer que peut-être le pan fait l'objet d'une pression sélective,
02:32d'un mécanisme qui ne sera pas celui de la sélection naturelle mais qui sera celui
02:35qu'il appellera de la sélection sexuelle ». Ça veut tout simplement dire que si les
02:39femelles préfèrent les pans très colorés, avec de belles plumes, avec de très longues
02:43traînes, il est possible en effet qu'en choisissant les plus colorés et ceux à la
02:48longue, d'une certaine manière, ça va produire des excroissances les plus invraisemblables.
02:53Ce serait donc le caprice des femelles, caprice non pas au sens du fait qu'elles seraient
02:56versatiles ou quoi que ce soit, mais au sens où ce sont des goûts qui ne sont justifiés
03:00par aucune forme de rationalité.
03:02Le pan donc se reproduit parce qu'il est capable de séduire et de séduire les femelles,
03:07mais les animaux donc auraient une idée de quelque chose comme la beauté, Vincent Depré,
03:11ou c'est du pur anthropomorphisme ?
03:13Ah non, non, non, je suis d'accord avec Darwin sur cette question.
03:16Darwin disait très clairement, il l'a écrit à plusieurs reprises, et c'est très étonnant
03:20d'ailleurs de lire ça, que les animaux sont sensibles à la beauté.
03:24Alors en plus, dans la « Descendance de l'Homme », il y a d'autres trites, on va pas chipoter
03:28là-dessus, à un moment donné il m'a écrit, ça m'avait fait vraiment rire, et je me
03:31demande pour les singes comment ça marche, disait-il, parce qu'ils ne sont vraiment
03:34pas très beaux.
03:35Donc Darwin était persuadé que beaucoup d'animaux utilisaient des stratégies qui
03:40pouvaient toucher la sensibilité des autres, et notamment des stratégies de beauté.
03:43Et puis on va oublier ça.
03:45Je veux dire, les biologistes ne vont pas du tout être d'accord avec Darwin, sélection
03:48sexuelle, c'est vraiment quelque chose qui sera inacceptable, pour des raisons idéologiques
03:51aussi, parce que ça voudrait dire que ce sont les femelles qui déterminent l'apparence
03:55des mâles, on est au XIXe siècle des fois, enfin bon, même maintenant, c'est le cas.
03:59Non, non, même au XXIe, ce serait toujours le cas.
04:01Et deuxièmement, ça voudrait dire, et ça c'est encore plus inacceptable, que les mâles
04:05viendraient parader devant les femelles pour montrer leur beauté.
04:08Et ça donc, c'était vraiment une aversion trop forte.
04:10Et donc ça a été refusé pour des raisons idéologiques, pour des raisons aussi, je veux
04:14dire, théoriques.
04:15Et puis au début du XXe siècle, il y a des scientifiques qui vont dire, mais tout compte
04:19fait, ça pourrait marcher, à condition qu'on imagine que la beauté représente quelque
04:25chose qui est un caractère qui est d'une certaine manière souhaitable.
04:27Et que la beauté, par exemple, serait signe de la vigueur physique ou d'un bon matériel
04:31génétique.
04:32Et alors la théorie va être réacceptée à ce moment-là.
04:35Et puis il y a des scientifiques, ces dernières années, qui vont faire une proposition extraordinaire
04:39et dire, revenons-en à Darwin et imaginons que ce n'est pas du tout fonctionnel, que
04:44ce n'est pas du tout parce que ça représente de la vigueur.
04:46Simplement, les femelles seraient attirées parce que la beauté attire.
04:50Il y a quelque chose de formidable dans ce livre, c'est que c'est à la fois un immense
04:55travail de recherche, ces histoires naturelles, elles sont extrêmement documentées.
04:59Et il y a aussi ces dialogues qui sont amusants, mais profonds aussi, entre Dieu et Darwin.
05:05Et on se dit, mais Dieu et Darwin, qu'est-ce qu'ils pourraient bien avoir à se dire ? Puisque
05:11vous mettez en scène leurs dialogues sous forme de BD.
05:14Alors oui, c'est Pierre Kroll qui avait eu l'idée au départ, c'était de se dire…
05:19Au départ, l'idée était la suivante, c'était, et si les animaux en fait avaient
05:23affaire à Dieu, qu'est-ce qu'ils lui diraient ? Beaucoup viendraient réclamer.
05:26On s'était dit, on va faire un bureau des réclamations.
05:28Et Dieu le recevrait de 7 à 8 pour que la girafe puisse venir réclamer, pour que le
05:33Bernard l'hermite vienne se plaindre du fait de ne pas avoir de coquilles, pour que
05:36le pan se plaigne de tout ce qui doit traîner derrière lui.
05:38Et puis on s'est dit, bon mais non, mais ça c'est très humoristique, mais pourquoi
05:41ne pas impliquer Darwin aussi dans cette affaire-là ? Parce que Darwin pourrait de
05:44temps en temps quand même rectifier un peu les choses.
05:46Et en fait, ça fait un dialogue permanent entre Dieu et Darwin, où Dieu continue à
05:49être complètement persuadé d'avoir créé le monde, et où Darwin ricane, se moque de
05:55lui, lui dit par exemple « Ankyronis vous vous souvenez ? Parce que quand même, c'est
05:58pas vraiment une réussite de disparaître, elle est l'Ande-Irlande ! ». Bref, où Darwin
06:02ne cesse de se moquer d'un Dieu un tout petit peu empoté et gâteux, qui par exemple
06:07ne se souvient pas d'avoir créé le foxtérier.
06:10Et il y a un chapitre consacré à cette Eland-Irlande qui est assez passionnante, on ne sait pas
06:14pourquoi il a disparu, il y a plusieurs hypothèses, et vous menez l'enquête, Darwin rencontre
06:19Dieu dans un café, il lui demande « Vous dites que vous avez créé tout ça en 6 jours
06:23! ». C'est très ironique ! Et ensuite il y a une phrase très forte, assez mystérieuse,
06:29qui aurait été prononcée… Mais alors, pour le coup, expliquez-nous, Vinciane Despréels,
06:34n'est pas attribuée à Dieu, on la trouve dans le Talmud, pourvu que celui-ci tienne
06:39! C'est que Dieu aurait fait 26 tentatives de créer le monde, il a créé 26 mondes
06:47avant le nôtre ! Qu'est-ce qu'elle raconte cette phrase, pourvu que celui-ci tienne ?
06:51C'est une phrase du Talmud que j'ai trouvée moi-même, ce qui est référencé dans le
06:56livre d'Isabelle Stengers, dans la Nouvelle Alliance, et eux vont utiliser cette phrase
07:02pour dire que finalement il y a une intuition dans le Talmud qui est absolument extraordinaire.
07:05C'est que toute création est périlleuse, que ce monde n'est pas du tout comme une
07:10horloge, c'est pas du tout un mécanicien qui a tout bien fait, et qu'en fait ce monde
07:14est fait de débris d'autres mondes qui ont été recyclés.
07:17Et quand on y pense, c'est comme ça que travaille la sélection naturelle, c'est
07:20à partir de débris, de recyclage, etc.
07:23Vous savez, un œil, c'est du recyclage d'autres choses, une oreille, c'est du
07:26recyclage… Je veux dire, la plupart des organes, c'est du recyclage, une aile, c'est
07:30un recyclage de pâte à vent.
07:33Parce qu'il y a des planches à hurler de rire, où les animaux se moquent les uns des
07:36autres, de la manière dont ils ont été conçus, de la laideur de l'un et des formes
07:41très curieuses de l'autre, parce qu'on a une conception déterministe de la nature,
07:44on a l'impression qu'il y a comme une sorte de plan divin, que chaque espèce est là
07:49pour une raison spécifique.
07:51Mais on va essayer avec la deuxième expérience de pensée d'en arriver à ce que vous touchez
07:56du doigt, Vinciane Després.
07:57Imaginons qu'on est sur la plage, petite crique, entre les rochers, on voit ce qu'on
08:02appelle des « Bernard l'Ermite ». Qu'est-ce que c'est ? Alors, il y a une forme de
08:06file d'attente, ils sont les uns derrière les autres, les Bernard l'Ermite, qu'est-ce
08:10qu'ils ont de particulier et qu'est-ce qu'ils nous racontent, eux, de notre monde
08:14et de l'histoire naturelle ?
08:15Alors, les Bernard l'Ermite ont ceci de particulier, que selon, parce que ce n'est
08:19pas tous les Bernard l'Ermite qui le font, dans la même espèce de Bernard l'Ermite
08:23commun, certains vont faire ce qu'on appelle, ce que vous venez de décrire, une chaîne
08:27de vacances.
08:28En fait, plutôt de vivre solitairement et de chercher une coquille quand le Bernard
08:32l'Ermite devient trop gros, puisqu'il n'a pas de coquille, en fait c'est ça.
08:34C'est là où il aurait pu se plaindre s'il y avait eu un bureau d'éclamations, c'est
08:38de dire, mais mon dieu, moi je suis en danger de mort, je suis en danger de mort permanent
08:43parce que le moindre prédateur qui passe, je suis cuit, si je me retrouve au soleil,
08:47je suis sec.
08:48Donc certains Bernard l'Ermite, quand ils deviennent trop gros pour leur coquille, doivent
08:52partir en quête d'une nouvelle coquille et c'est un moment très périlleux.
08:54Et puis il y en a d'autres qui ont trouvé un autre système, qui s'associent et font
08:58une espèce de chaîne et se déplacent tous ensemble.
09:01Et quand le plus gros devient trop gros pour sa coquille, il en trouve une autre et le
09:06précédent peut utiliser sa coquille, etc.
09:09Donc ça fait autant de Bernard l'Ermite heureux, plus un, puisque le plus petit qui
09:14abandonne sa coquille, la laisse à un nouveau Bernard l'Ermite.
09:16Et c'est assez génial parce que ce petit animal a un comportement qui est sophistiqué,
09:22qui est louable, vertueux et une organisation assez remarquable.
09:26Ils ne le font pas tous, mais nous sommes des êtres mal programmés et pleins de défauts.
09:32C'est ce que dit un philosophe que vous citez, un philosophe allemand et vous dites
09:36qu'au fond, ça aurait pu être quelque chose que prononcerait un Bernard l'Ermite.
09:39Oui absolument, que prononcerait un énorme nombre d'animaux, je veux dire, l'ornithorynque
09:44aussi pourrait se plaindre.
09:45L'ornithorynque qui a droit à un chapitre.
09:47Oui, tout à fait, il pourrait se plaindre aussi.
09:49L'ornithorynque, on ne sait pas où classer, avec son bec de canard, ses queues de poils.
09:53Des poils, il pond des œufs, mais c'est un mammifère.
09:57Enfin, il allait de ses petits, mais il n'a pas de mamelles, il le fait.
10:01Bref, c'est vraiment l'animal qui est une pétition contre les catégories.
10:05Et en fait, on a l'impression que c'est vraiment le bricolage de Brick and Brock,
10:08parce que c'est un peu tous les animaux en même temps.
10:10Et ça, c'est vraiment un très joli exemple d'une évolution qui a gardé des traits
10:14archaïques et qui, d'une certaine manière, et tout ce détournement de tous ces traits
10:19produit un animal qui finalement se débrouille extrêmement bien.
10:22C'est un bricoleur, un expert bricoleur comme le Bernard Lhermitte.
10:26Mais autre expérience de pensée, et celle-là, elle va nous ramener plus près de chez nous.
10:31Il faut qu'on s'imagine comme vous, promenant son chien.
10:34Alors, on n'a pas tous la chance d'avoir un chien aussi beau, noble et majestueux
10:38que la digne Alba, mais on connaît l'expression « le chien est le meilleur ami de l'homme ».
10:44Est-ce que Darwin pensait la même chose ?
10:46Ah oui, Darwin, il adorait les chiens.
10:47Il a d'ailleurs vécu toute sa vie avec des chiens, sauf à l'époque où il était
10:51sur le bateau nommé Bigole, c'est peut-être pas un hasard, il y a des signes qui ne trompent pas.
10:56Il a été parcourir le monde et où il est allé, notamment au Galapagos.
11:00Oui, tout à fait.
11:01Et il n'a jamais cessé d'aimer les chiens, de vivre avec des chiens et d'observer les chiens.
11:05Et ce qui est très intéressant, c'est qu'il cite énormément les chiens.
11:09Il les cite une vingtaine de fois dans « L'origine des espèces ».
11:12En revanche, dans « La descendance de l'homme », j'ai compté, j'étais arrivée à 111.
11:17J'ai pu en louper certains.
11:18111 fois pour un livre où le mot « chien » est prononcé.
11:21Et finalement, j'ai trouvé une hypothèse.
11:23Pourquoi ? D'abord, il parle de ce qu'il aime, il parle de ce qu'il connaît.
11:26Il parle beaucoup aussi de la domestication, parce que pour lui, la domestication est une
11:31mise en exercice, en quelque sorte, de sa théorie de la sélection naturelle.
11:34Sauf que c'est une sélection artificielle, mais elle met en jeu les mêmes principes,
11:38sélectionner certains traits.
11:39Oui, mais vous, vous posez une question qui est curieuse, totalement contre-intuitive.
11:43Qui a domestiqué qui ?
11:44Alors là, c'est Budiansky qui va proposer cette idée, qui dit, vous savez, le chien
11:49quand même, c'est le pire des escrocs, celui qui vous vide les poches en vous laissant
11:54souriant.
11:55Les chiens, et j'en sais quelque chose, choisissent où vous partez en vacances, qui
11:58sont vos amis, quand vous allez dormir, quand vous devez vous lever, quand vous devez faire
12:02du sport, quand vous allez en promenade, et voilà.
12:04Et donc, on croit qu'on a domestiqué les chiens, il dit, mais il semble, dit-il, que
12:08ce petit tout de l'inverse, ils nous ont domestiqués, preuve en est, leur réussite
12:12est quand même incroyable, alors que le loup a été tellement longtemps à la limite
12:15de l'extinction, les chiens ont peuplé la totalité, pratiquement, de nos habitants.
12:20Et donc, il va faire l'hypothèse qu'en fait, tous les processus de domestication
12:24dont nous pensons que nous sommes les auteurs, les acteurs principaux, il dit, non, non,
12:29peut-être que le chien, c'est lui qui nous a domestiqués, qui nous a convaincus.
12:32Le seul endroit du monde où l'on peut voir un homme digne de ce nom, c'est dans le
12:37regard d'un chien.
12:38Ce sont des mots de Romain Garry, dans un livre assez extraordinaire qui s'appelle
12:41« Chien blanc ». Vous êtes d'accord avec lui, Vincente Després ?
12:43Je trouve que ça, c'est la licence poétique et le romancier qui, d'une certaine manière,
12:49traissent une dramatisation très intéressante.
12:51Mais moi, les généralisations, j'en couche toujours un peu peur et je me dis…
12:55C'est pour ça que vous parlez, oui, de…
12:56Ceux qui aiment les chats, ils rêvent de tomber, je sais pas à quoi il parle, celui-là !
13:00Pourquoi est-ce que tout animal est une sorte de défi ?
13:03Alors, c'est un défi, alors, c'est un défi, mais je veux dire, c'est un défi
13:07à plein de niveaux.
13:08C'est un défi, d'abord, de traduction, comment comprendre des êtres aussi étranges.
13:13C'est un défi aussi de compréhension, de pourquoi est-ce que nous nous y attachons
13:16tellement ?
13:17Je veux dire, on s'attendrait plutôt à ce qu'on soit, je veux dire, plutôt mono-attachement,
13:23qu'on s'intéresse plutôt à l'espèce humaine, alors qu'on voit que les êtres
13:25humains ont d'une très grande flexibilité d'attachement et une très grande curiosité.
13:30Enfin, pas tous, mais certains.
13:31Et puis, c'est un défi aussi parce qu'aujourd'hui, la question se pose de savoir, mais finalement,
13:36est-ce qu'on n'a pas, est-ce qu'on s'est pas un peu trompés dans nos rapports avec
13:39les animaux non-humains ?
13:40Exemple ?
13:41La manière dont on les traite n'est quand même pas des plus glorieuses et il n'y a
13:45pas vraiment de quoi être fier pour beaucoup d'entre eux.
13:47Donc les différents récits, toutes ces histoires, elles permettent de comprendre notre rapport
13:54aux animaux et notamment même aux animaux que nous élevons pour les tuer, pour les
13:59consommer ?
14:00Alors, on parlera peu de ceux-là, évidemment, dans ce livre-là, puisqu'on parle plutôt
14:04des animaux qui posent des grosses énigmes et les animaux qu'on élève pour les tuer,
14:07en général, on ne cherche pas les énigmes parce qu'on n'a pas énormément de curiosité
14:10à leur égard, à quelques exceptions près, dont les travaux, par exemple, de Jocelyne
14:14Porcher, la sociologue de l'élevage.
14:16Mais dans ce livre, ce qu'on a surtout essayé de faire, c'était de se demander, mais
14:21tiens, cette immense inventivité du vivant, comment est-ce que les biologistes l'honorent,
14:24comment est-ce qu'ils la célèbrent ?
14:25Qu'est-ce qui nous amuse dans sa faire ?
14:27Qu'est-ce qui nous épate ?
14:28Comment est-ce que ces étrangers que sont les animaux non-humains nous apprennent plein
14:33de choses, non pas sur nous-mêmes, parce que ce n'est pas vraiment ça, mais sur
14:36la très grande diversité des manières d'être et des manières de vivre ?
14:39Et je conseille notamment le chapitre consacré à la gazelle, la gazelle de Thomson, assez
14:43extraordinaire, le zèle de la gazelle, si vous pensez que l'animal est idiot, soit
14:48vous pensez que l'animal est idiot, soit vous concluez que c'est vous qui l'êtes.
14:52Dernier mot, c'est la fin de ces quinze minutes, la morale de l'histoire, tout est
14:56sans cesse rejoué, Vinciane Després, c'est la leçon de Raouine.
15:01Alors si on ne met pas le mot morale pour conclure, mais je sais que c'est dans l'émission
15:05qu'on doit mettre le mot morale, il n'y a pas de morale de l'histoire, parce que
15:07la morale en général arrête l'histoire, mais tout est à rejouer sans cesse, c'est
15:11à la fois le travail du philosophe, et évidemment c'est ce à quoi procède l'évolution,
15:16et ce à quoi procèdent aussi les scientifiques qui l'étudient.
15:18Dieu, Darwin, tout et n'importe quoi, ces histoires naturelles, Vinciane Després avec
15:24Pierre Kroll, c'est publié aux éditions Les Arènes, et c'est absolument génial.
15:27Merci d'avoir été l'invité d'Inter ce matin.