SMART BOURSE - Quart d'heure américain
Lundi 7 octobre 2024, SMART BOURSE reçoit Pierre-Yves Dugua (Correspondant américain)
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00:00Le dernier quart d'heure de Smart Bourse, c'est le quart d'heure thématique et chaque
00:07lundi, le thème, c'est le thème américain, c'est notre quart d'heure américain, nous
00:11retrouvons en visio notre correspondant américain Pierre-Yves Dugas qui est avec nous.
00:15Bonsoir Pierre-Yves, merci beaucoup de nous permettre de suivre comme ça chaque semaine
00:20les enjeux de l'élection présidentielle américaine, puisque c'est bien de ça dont
00:23on parle avec vous Pierre-Yves.
00:25Sur le volet économique, on parlait la semaine dernière, le tabou de la campagne c'est le
00:32déficit public, l'obsession de la campagne, que ce soit pour Kamala Harris ou Donald Trump,
00:37c'est l'emploi et particulièrement l'emploi industriel.
00:40Et pas simplement aux Etats-Unis, j'ai l'impression qu'il y a pas mal de pays en Europe où on
00:46est obsédés à nouveau par l'urgence de la réindustrialisation.
00:52On présente aux Etats-Unis la désindustrialisation comme une calamité, il n'y aurait de vraie
00:58croissance que s'il y a réindustrialisation et que cet impératif justifie des mesures
01:08soit protectionnistes des barrières douanières pour encourager les industries domestiques,
01:14soit des aides fiscales, des subventions, des crédits d'impôts, à un coût fiscal
01:20exorbitant, mais quand on aime, on ne compte pas, et Donald Trump a un petit peu inventé
01:30ce type de promesses électorales dans sa première campagne, beaucoup de ces éléments ont été
01:35repris par les démocrates et aujourd'hui le thème de la réindustrialisation bat son
01:39plein.
01:40Je suis frappé de voir qu'en dépit de toutes ces largesses, qu'il s'agisse de largesses
01:49fiscales, de crédits d'impôts, et Dieu sait si les lois votées par le Congrès et en particulier
01:55l'IRA votée sous Joe Biden comprenaient des aides massives pour les industries américaines
02:04politiquement correctes, et même en ce qui concerne les politiques industrielles mises
02:09en place sous l'administration Trump, l'emploi industriel américain ne bouge pas, la production
02:15industrielle américaine en gros ne bouge pas, on est toujours à un niveau de pratiquement
02:2313 millions d'Américains employés dans l'industrie, et la production industrielle américaine
02:27en gros n'a pas bougé depuis 2019, elle est certes à un niveau historique, elle ne baisse
02:33plus, elle a naturellement considérablement rebondi après son effondrement durant la
02:39pandémie, mais les effets macroéconomiques de toutes ces politiques, de tous ces discours,
02:47y compris les discours enflammés du New York Times, il y a longtemps que je n'avais pas
02:51dit du mal du New York Times, sur la résurgence de l'emploi industriel syndiqué, ça ne
03:00se voit pas dans les chiffres du PIB, et c'est quand même assez surprenant.
03:05Les fact-checkers qui ont tellement de travail à faire pour vérifier les dires de Donald
03:14Trump, qu'ils n'ont jamais, figurez-vous, jamais le temps d'aller vérifier ce que raconte
03:18Kamala Harris, ils sont trop occupés à vérifier ce que dit Donald Trump, et bien ils laissent
03:24Kamala Harris dire que sous son administration et celle de Joe Biden, on a battu tous les
03:30records de création de l'emploi industriel, en fait il s'accapare, il s'attribue le rebond
03:35de l'emploi industriel lié à la sortie de la pandémie, c'est 700 000 emplois industriels
03:40qui ont été créés entre le moment où Joe Biden arrive à la Maison-Blanche et en
03:45gros le niveau de l'emploi aujourd'hui, mais dans ce cas-là Joe Biden est aussi responsable,
03:50avec sa merveilleuse politique, du rebond de l'emploi industriel au Canada, en France,
03:55au Royaume-Uni, au Brésil, you name it, soyons sérieux.
03:58Quand on regarde les enquêtes, c'est intéressant Pierre, ce que vous décrivez, on le voit
04:03dans les enquêtes, que ce soit PMI, ISM, etc, l'enquête service est toujours assez
04:09stellaire, l'enquête industrielle est toujours très très plombée, c'est toujours cette
04:14image de la gueule de crocodile entre les deux.
04:17On a connu 16 mois consécutifs de contraction de l'activité manufacturière, avec une
04:25exception, c'était au moins de mars 2024, et depuis le mois de mars, cette exception
04:30a été balayée, on est de nouveau en contraction, si l'on juge l'activité industrielle,
04:35précisément en fonction du PMI.
04:38Alors moi je voudrais, sans vouloir faire un cours de développement économique, rappeler
04:42que la désindustrialisation des Etats-Unis s'est accompagnée d'une explosion de la
04:47production économique américaine, d'un enrichissement général de tous les Américains, et que
04:52ça n'est pas forcément une calamité.
04:54Je rappellerai quelques chiffres, en 1947, la part de l'emploi manufacturier aux Etats-Unis
05:02était de 32%, elle est tombée aujourd'hui à peu près à 8%.
05:06Cela n'a pas empêché, dans le même temps, de voir en dollars constants.
05:11Le revenu moyen par habitant de passer de 15 000 à plus de 66 000 dollars.
05:17Donc cette corrélation, qui semble-t-il est intuitive, a été admise par tout le monde,
05:23sur tous les continents, selon lequel la richesse, ça veut dire plus d'industrie, elle n'est
05:28pas du tout évidente, si on regarde les chiffres.
05:31Il y a eu de la productivité aussi quand même, Pierre-Yves, c'est ça qui est intéressant,
05:35c'est que ce qui caractérise le schéma américain, notamment post-Covid, mais même
05:41préalablement, c'est quand même ces gains de productivité.
05:44Alors évidemment, c'est toujours très difficile à évaluer, surtout à l'instant T, etc.
05:50Mais aujourd'hui, là je regardais encore, on est peut-être sur un rythme de progression
05:54d'une année sur l'autre de la productivité aux Etats-Unis de 2, voire 2,5% quand même.
05:59Vous avez mis le doigt sur l'élément qui manque dans le raisonnement simpliste qui
06:04est développé par les politiques aux Etats-Unis, de tous les partis, mais ailleurs aussi, qui
06:09est l'impact essentiel de la technologie dans les processus industriels.
06:13On arrive à fabriquer autant, et même beaucoup plus, avec beaucoup moins de monde, avoir
06:18plus d'innovation et plus de qualité, et c'est une bonne chose, tout le monde devrait
06:23s'en féliciter au lieu de pleurer.
06:25Vous savez, ça me rappelle l'histoire de Milton Friedman qui rendait visite à un pays
06:30d'Amérique centrale où on l'expliquait que pour créer des emplois, on avait chargé
06:35des dizaines de milliers de chômeurs avec des pelles de faire des trous pour créer
06:40des digues.
06:41Et que ça c'était un programme de stimulation de l'emploi, et Milton Friedman avait dit
06:47mais dans ce cas-là ne leur donnez pas des pelles, donnez-leur des petites cuillères.
06:50Un mot de la course quand même entre Kamala Harris et Donald Trump.
06:57Je lisais, Pierre-Yves, je ne sais pas si vous l'avez lu encore, mais il y a quelques
07:00propos du...
07:01Alors c'est Howard Lutnick qui est le chef de l'équipe de transition de Donald Trump,
07:07c'est un investisseur, il a présidé la firme d'investissement Cantor Fitzgerald, et donc
07:12il explique un petit peu comment est-ce que Trump ne se fera pas avoir deux fois sur la
07:16transition justement s'il devait accéder à nouveau à la Maison Blanche, et s'il devait
07:20mettre en place toutes les équipes à la tête des administrations.
07:24On demandera à tous les prétendants d'être loyaux et fidèles, fidèles et loyaux au
07:30programme de Donald Trump, mais au président lui-même, vous verrez, Donald Trump aura
07:34les moyens cette fois de déployer son agenda à une vitesse que personne n'aura jamais
07:39vue.
07:40Alors si Donald Trump est élu, la grande différence par rapport à la situation dans
07:46laquelle il s'est trouvé lorsqu'il a été élu précédemment, c'est qu'il va avoir
07:50une idée un peu plus claire de ce qu'il peut faire.
07:52Il était le premier surpris dans son élection, on le voit d'ailleurs très bien dans nos
07:57discours de victoire électorale, il ne sait pas trop quoi dire, il n'avait pas les hommes,
08:02il n'avait pas vraiment de programme.
08:03On racontait même à l'époque que Mélania Trump pleurait le soir de la victoire tellement
08:08elle était surprise et tellement visiblement elle n'avait pas tellement envie de se fader
08:12quatre ans de Maison Blanche.
08:13Exactement, c'était une catastrophe pour la famille Trump.
08:16Cette fois-ci, Donald Trump a complètement pris le contrôle du parti républicain, à
08:22tous les niveaux, il a transformé le parti républicain, nous en avons souvent parlé
08:26ensemble, en parti nationaliste, protectionniste et isolationniste, et il a une idée assez
08:34précise de ce qu'il veut faire, donc ça changerait beaucoup les choses.
08:40Ce qui me surprend beaucoup, à ce point où nous en sommes de la campagne et de l'élection,
08:45puisqu'il y a plus de 30 États américains où l'élection a déjà commencé, il y a
08:51plus d'un million quatre cent mille Américains qui ont déjà voté, c'est que Kamala Harris
08:56a complètement effacé le retard que Joe Biden avait face à Donald Trump, on est passé
09:02d'un déficit de six points à un avantage de deux points, mais ça ne bouge plus depuis
09:09quinze jours, et deux points ça n'est probablement pas suffisant.
09:13Je suis frappé de voir que Kamala Harris est toujours en dessous de 50% et elle est
09:19toujours en dessous de 50% dans des États, par exemple l'Oregon ou le Minnesota, dont
09:25son colistier est quand même gouverneur, qui sont des États largement démocrates.
09:31Alors, elle n'a pas bouclé sa victoire, la course est encore extrêmement étroite
09:37et dans des États plus essentiels que jamais, comme la Pennsylvanie, la Géorgie, l'Arizona,
09:45la Caroline du Nord, si on peut voter malgré les dégâts causés par l'ouragan Hélène,
09:52Kamala Harris n'est pas au point où elle voudrait l'être, et je trouve ça extrêmement
09:57surprenant compte tenu des deux énormes avantages dont Kamala Harris dispose et dont elle devrait
10:03user considérablement au cours des prochains jours, d'abord elle a trois fois plus d'argent
10:09que Donald Trump pour payer de la publicité à la radio et à la télévision, et deuxièmement
10:14elle a le soutien indéfectible de toute la presse, personne ne soutient Donald Trump,
10:20sauf bien évidemment la chaîne Fox News, mais même le Wall Street Journal est assez
10:26critique des positions de plus en plus délirantes, il faut bien le dire, et des discours incroyables
10:32de Donald Trump qui parle de tout et de rien, sans aucune discipline et sans aucune concentration
10:37sur un message précis qui serait susceptible de capter les électeurs encore hésitants.
10:44Mais même avec ça vous dites, Harris n'est pas là où elle devrait être ?
10:48Non, elle n'est pas là où elle devrait être, vous savez ces sondages nationaux reflètent
10:55des choses qui n'ont aucune importance dans l'élection du président qui a lieu mi-décembre
11:00par le Congrès électoral, ça ne sert à rien d'avoir 60% en Californie, ça ne sert
11:06à rien d'avoir 55% ou 60% dans le Maryland, ce qu'il faut c'est avoir 50% plus une voix
11:15dans les états importants, regardez l'Ohio, on se souvient lorsque Bill Clinton par exemple
11:23se présentait, mais même après, l'Ohio était un état qui était l'état type, l'Ohio
11:29votait comme voterait l'Amérique, dans l'Ohio aujourd'hui, Trump a 9 points d'avance.
11:34Bon, il nous reste un mois pour suivre tout ça de près, grâce à vous, merci beaucoup
11:39Pierre-Yves Dugas qui est avec nous chaque lundi, vous l'avez compris, dans ce quart d'heure
11:42américain de Smart Bourse, notre correspondant américain que vous retrouvez bien sûr en
11:46replay sur bsmart.fr ou encore en podcast sur l'ensemble de vos plateformes préférées.