LEX INSIDE - Emission du vendredi 11 octobre

  • il y a 9 heures
Vendredi 11 octobre 2024, LEX INSIDE reçoit Marion Ayadi (Associée fondatrice, Raphaël Avocats) , Marianne Gorgelin (Directrice juridique, Afnic) et Mathieu Lanteri (Avocat, Bougartchev Moyne)

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00:00Bonjour, je suis ravi de vous retrouver pour un nouveau numéro de Lex Inside,
00:26l'émission qui donne du sens à l'actualité juridique. Au programme de ce numéro, on va
00:32parler nom de domaine et abus en ligne. Ce sera dans quelques instants avec Marianne
00:37Georgelin, directrice juridique de l'AFNIC. On parlera ensuite responsabilité pénale des
00:42dirigeants avec Mathieu Lanterie, avocat chez Bourgachev Moines Associés. Et enfin,
00:48on parlera du débauchage des salariés des concurrents avec Marion Ayadi,
00:53avocate fondatrice de Raphaël Avocat. Voilà pour les titres, c'est parti pour Lex Inside.
01:07On commence tout de suite ce Lex Inside et on va parler nom de domaine et abus en ligne avec
01:16Marianne Georgelin, directrice juridique de l'AFNIC. Marianne Georgelin, bonjour.
01:22Les noms de domaine sont des actifs numériques essentiels pour les entreprises, mais ils sont
01:27la cible souvent de nombreux abus. Pouvez-vous nous présenter les différents types d'abus les
01:33plus courants liés aux noms de domaine ? Oui, tout à fait. Alors, on catégorise à
01:37peu près trois types d'abus, grosso modo. Le premier va concerner la création d'un nom de
01:43domaine et un abus dans sa composition, c'est-à-dire qu'on va reprendre un terme qui
01:48correspond au nom d'une marque ou d'une société, mais à l'insu de cette marque ou de cette
01:52société. Je vous donne un exemple. Par exemple, j'enregistre le nom de domaine Carrefour.fr,
01:56mais je ne suis pas l'hypermarché Carrefour. On parlera alors de cybersquatting en anglais,
02:00cybersquattage en français. Et si d'aventure, j'enregistre Carrefour.fr avec deux F et un zéro
02:06à la place du O, on parlera alors de typosquatting, c'est-à-dire qu'on crée des fautes
02:11d'orthographe ou des fautes de frappe pour justement induire les internautes en erreur
02:15au moment où ils chercheront à se connecter à ce nom de domaine. Donc ça, c'est la première
02:18catégorie d'abus. Ensuite, on caractérise des abus liés aux données d'enregistrement des noms
02:23de domaines, c'est-à-dire qu'au moment où j'enregistre un nom de domaine, je dois fournir
02:27des données me concernant. Je suis titulaire, je donne mon nom, mon prénom, si je suis une société,
02:31le nom de mon organisation, mon adresse postale, une adresse mail et mon numéro de téléphone.
02:36Il arrive parfois que ces données ne soient pas correctes ou alors complètement fantaisistes,
02:40par exemple Mickey Mouse qui habite à Marne-la-Vallée, ou encore qu'elles soient correctes,
02:44mais qu'elles reprennent des données de tiers qui ne sont pas au courant. Et là,
02:47on va parler d'usurpation d'identité. Donc voilà, tout ce qui concerne les données des titulaires
02:51de noms de domaines. Et enfin, on a une dernière catégorie d'abus en ligne. Et là, c'est lié,
02:57toujours au nom de domaine, mais à l'utilisation de celui-ci. C'est-à-dire, par exemple,
03:02j'ai enregistré ce fameux nom de domaine qui reprend une marque qui ne m'appartient pas.
03:06Je repars sur l'exemple de carrefour.fr et je vais l'utiliser pour faire ce qu'on appelle du
03:12phishing ou du hamsonnage en français. C'est-à-dire, je vais créer une adresse email à
03:16partir de ce nom de domaine et je vais envoyer ces adresses email en espérant que certains cliqueront
03:21sur les liens qui figureront dans les mails envoyés. Alors évidemment, on a tous été un petit peu
03:27victime de ce type d'envoi par mail, par SMS. On a tendance à confondre un petit peu ces liens
03:34qu'on nous envoie parce qu'on retrouve des marques. C'est très bien fait. Je vous donne
03:38un exemple, chronopost avec un E tiré service, etc. Donc, on pense recevoir un message parfaitement
03:44légitime. Ce n'est pas le cas. Alors surtout, surtout ne pas cliquer sur ces liens, bien sûr,
03:49parce qu'à ce moment-là, on va tomber sur une page web qui va reprendre un petit peu les pages
03:53web des services en question en nous faisant croire que ce sont les services officiels et les
03:59personnes ont tendance à rentrer des données, des données personnelles et parfois des données
04:02bancaires. Donc, on voit les risques qu'on peut encourir à ce niveau-là. Alors, on a vu,
04:07les entreprises doivent être vigilantes pour protéger leurs actifs numériques. Quelles sont
04:12les principales stratégies que vous recommandez aux entreprises pour protéger leurs marques? Alors,
04:18c'est un petit peu comme les stratégies de protection de marques que vont mettre en place
04:21les entreprises. Là, c'est une stratégie de protection des noms de domaine. L'idée, c'est
04:26évidemment toujours d'enregistrer ses marques en tant que nom de domaine ou ses enseignes
04:31commerciales, sa dénomination sociale, etc. On peut envisager des variantes dans les enregistrements
04:37ou sans tirer, avec des accents et dans plusieurs extensions possibles. Donc moi,
04:42je travaille pour le .fr. Évidemment, je vais recommander d'enregistrer un nom de domaine
04:45en .fr, mais bien sûr, il existe d'autres extensions. Donc, ça, c'est la première chose à faire.
04:49Ensuite, il y a toujours le risque de perdre son nom de domaine si on oublie de le renouveler
04:54parce qu'un nom de domaine est enregistré pour un temps. Donc, il faut être quand même vigilant,
04:58prudent dans ces échéances-là et bien s'assurer que les noms de domaine sont à jour et renouvelés
05:04dans les temps. Malgré ces précautions, il peut arriver qu'une entreprise détecte un dépôt
05:09portant atteinte à sa marque. Dans ce cas, quels sont les différents dispositifs à activer pour
05:15les marques quand il y a détection d'un dépôt portant atteinte à une marque ? Alors, les noms
05:22de domaine, les enregistrements de noms de domaine en .fr sont encadrés par la loi. Donc, c'est une
05:25bonne nouvelle. Il existe un article L45.2 du Code des postes et des communications électroniques
05:31qui va être décliné dans la charte de nommage du .fr. Donc, c'est un document de référence pour
05:35le .fr. Donc déjà, en général, on invite les entreprises à aller lire ce document et à
05:41s'y intéresser. Et dans ce document, on va répertorier tous les outils, toutes les procédures
05:46qui existent pour se protéger au mieux. Donc par exemple, la première chose que nous allons nous
05:51recommander aux personnes qui suspectent un abus lié à un nom de domaine, c'est de nous contacter.
05:57Alors, je parle de nom de domaine en .fr, bien sûr, puisque nous sommes le registre des .fr. C'est
06:01de nous signaler cet abus. Donc, en fonction de la catégorie d'abus, vous savez, celle dont je
06:05vous ai parlé juste au début de notre conversation, eh bien, il va y avoir différents outils ou
06:09différents types de réponses possibles. Alors, on a un formulaire en ligne de signalement, donc par
06:14le biais de ce formulaire de signalement. Et ce qu'on fera aussi, c'est qu'on donnera des informations
06:19aux personnes pour qu'ils puissent justement aller vers les bonnes procédures. Si c'est
06:24lié à un contenu de site web, ce n'est pas de notre sort. En revanche, admettons que ça concerne
06:29un problème lié à des droits de la consommation, à ce moment-là, on va renvoyer vers les autorités
06:35compétentes de protection des consommateurs. Alors, je continue. Si d'aventure, ça concerne bien un nom
06:41de domaine en .fr, la première chose à faire, c'est de savoir quand on est victime comme ça d'un
06:47enregistrement abusif, c'est de savoir qui a enregistré le nom de domaine en question. Au
06:50moment de l'enregistrement du nom de domaine, vous savez, je vous avais parlé des données qu'on
06:53fournissait. Et donc, il existe une sorte d'annuaire en ligne qu'on va appeler le Whois qui
06:58est disponible sur notre site web, donc www.afnic.fr. Et à partir duquel, on va avoir toutes les
07:04données concernant les noms de domaine en .fr. Mais bien évidemment, nous ne donnons pas les
07:09données, nous ne fournissons pas les données des personnes physiques puisque celles-ci sont
07:14protégées. Ce sont des données à caractère personnel. Et donc, pour obtenir ces données
07:18qui vont concerner des titulaires personnes physiques, on peut nous demander une divulgation
07:22de données personnelles. On en traite à peu près 700 par an et on répond en 24 heures. C'est
07:26assez efficace. Un autre élément important, ce sont les recours et les procédures. Pouvez-vous
07:33nous décrire ces recours et ces procédures ? Alors, on a mis en place des procédures de
07:38résolution des litiges. On appelle ça des procédures alternatives de résolution des
07:41litiges. C'est une forme d'arbitrage juridique. Il en existe deux pour le .fr. La première s'appelle
07:47Syreli, système de résolution des litiges. Et la seconde, Parl'expert. La première, c'est une
07:52procédure qui est entièrement gérée par l'AFNIC. Et la seconde, elle est gérée en coopération avec
07:57l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle, pour vous donner un petit peu la
08:00différence. Alors, la première, Syreli, avait le coût de dépôt d'un dossier de 250 euros. Pour
08:08Parl'expert, c'est 1500 euros. Pour Syreli, c'est un panel qui s'appelle un collège qui va rendre
08:14une décision. Pour Parl'expert, c'est un expert désigné par l'OMPI, par l'Organisation mondiale
08:19de la propriété intellectuelle. En dehors de ces différences, elles fonctionnent exactement de la
08:23même manière. Donc, une entreprise, en général des avocats, mais pas seulement, puisqu'il peut
08:27y avoir des TPE, PME, qui elles-mêmes déposent directement leur dossier. Donc, une entreprise
08:33va déposer un dossier. Nous, ce qu'on recommande aux personnes qui souhaitent le faire, c'est
08:39d'aller lire nos guides pratiques qui permettent un petit peu d'expliquer comment s'y prendre,
08:43parce qu'il y a plusieurs étapes à respecter. Et puis, par ailleurs, on a un peu de recul sur la
08:47question. On a mis en place la première procédure Syreli depuis 2011. On a déjà rendu 2700 décisions.
08:54Alors, qu'est-ce qui en ressort ? Quels sont les enseignements ?
08:57Alors, justement, on est capable aujourd'hui de fournir une base de données à travers un
09:02moteur de recherche qui va être très utile aux personnes qui vont vouloir déposer un nom de
09:07domaine. Donc, de manière générale, lorsqu'un nom de domaine reprend une marque, à l'identique
09:13ou à l'approchant, et que le demandeur, donc le requérant, qu'on va appeler le requérant,
09:18l'entreprise parvient à démontrer que le titulaire n'a pas d'intérêt légitime à disposer de ce nom
09:23de domaine et agit de mauvaise foi, alors il obtiendra gain de cause et la transmission du
09:27nom de domaine en sa faveur. D'où l'intérêt de passer par cette procédure. Absolument. Elle
09:31est assez rapide. On obtient ce résultat en deux mois. Donc, c'est quand même très intéressant.
09:36C'est appréciable. On sait le temps que ça prend en comptant sur.
09:38Exactement. Voilà. Et puis, donc, elle a un coût quand même relativement abordable,
09:44ce qui permet d'anticiper et de pouvoir déposer plusieurs dossiers.
09:49On va conclure là-dessus. Merci d'être venu sur notre plateau.
09:52Merci à vous.
09:53On poursuit ce Lex Inside. On va parler responsabilité pénale des dirigeants avec
10:08mon invité Mathieu Lanterie, avocat chez Bougarde Chef, moine associé. Mathieu Lanterie, bonjour.
10:15Bonjour Arnaud.
10:16Nous allons aborder un sujet qui préoccupe les entreprises, la responsabilité pénale des
10:23dirigeants. Qu'entend-on exactement par responsabilité pénale des dirigeants?
10:29Alors, de prime abord, c'est une notion assez simple à définir, bien qu'aucun texte légal
10:34ne le prévoit. Toute personne qui adopte un comportement que la loi définit comme
10:41infractionnel se rend potentiellement coupable d'une infraction et sa responsabilité pénale peut
10:47être engagée. Mais dans une entreprise, il y a beaucoup de situations qui en elles-mêmes peuvent
10:53devenir des situations délictueuses. C'est pour ça qu'un dirigeant n'est pas un justiciable comme
10:57les autres. C'est un justiciable qui a, qui court plus de risques, soit par ses propres faits,
11:04soit par l'effet de ses préposés. C'est pour ça qu'on parle tant de responsabilité pénale des
11:10dirigeants, parce que c'est un risque qu'on connaît, mais qu'il faut maîtriser au sein des
11:14entreprises. Dans quel cas la responsabilité pénale des dirigeants peut-elle être engagée?
11:18Globalement, il y a deux cas de figure. En principe, la responsabilité pénale du dirigeant
11:26est engagée lorsque, c'est ce que je disais, le dirigeant commet lui-même personnellement des
11:32actes ou adopte un comportement qui est infractionnel, un comportement qui correspond
11:37aux éléments constitutifs d'une infraction pénale. C'est la première hypothèse, c'est le
11:42premier cas. On pense notamment, par exemple, à l'abus de biens sociaux d'un dirigeant qui
11:49utiliserait les fonds de sa société dont il est dirigeant pour, par exemple, abonder la trésorerie
11:58d'une autre société dans laquelle il aurait des intérêts. Eh bien, ça peut parfois, dans
12:03certaines circonstances, constituer un cas de responsabilité pénale. Ça, c'est l'action du
12:07dirigeant lui-même qui, avec son papier, son stylo, signe un ordre de virement, évidemment. Mais il y a
12:15une deuxième situation qui est celle, non pas du dirigeant lui-même, mais de l'hypothèse où cette
12:21fois ce sont des actions diverses qui sont réalisées au sein de la société. Parfois, on ne sait pas
12:26exactement dire qui précisément a pris la décision. Eh bien, dans ces circonstances, il peut arriver
12:33que le dirigeant soit responsable pénalement. Dans quelles circonstances un dirigeant peut-il
12:39être tenu responsable pénalement pour des actes commis par des employés ? Eh bien, ça correspond
12:44à cette deuxième hypothèse, en réalité. En principe, en droit pénal, la règle, c'est la
12:50responsabilité pénale du fait personnel. Je suis coupable, responsable de ce que j'ai fait et
12:56seulement de ce que j'ai fait, pas de ce que les autres ont fait, et heureusement. Mais si on ne peut
13:02pas dire que la responsabilité pénale du dirigeant soit une entorse à ce principe, une exception à
13:06ce principe, ça reste quand même une nuance. Parce qu'on observe que la jurisprudence est très
13:11rigoureuse à l'encontre des dirigeants et très souvent, elle fait peser sur les dirigeants cette
13:15responsabilité de ce qui se passe dans l'entreprise. Pourquoi ? Parce que le dirigeant est considéré,
13:19en droit pénal des affaires, en droit pénal du travail, comme ne pouvant pas ignorer ce qui se
13:24passe au sein de son entreprise. Plusieurs exemples, c'est notamment dans le domaine du
13:29droit pénal du travail qu'on retrouve régulièrement ce cas de figure-là. L'exemple d'un accident sur
13:36un chantier. Sur un chantier, un accident intervient, un ouvrier du chantier est blessé.
13:44Évidemment que ce n'est pas le dirigeant qui, avec ses petites mains, a rédigé les clauses
13:50techniques. Évidemment que ce n'est pas lui qui a rédigé le registre de sécurité et qui était sur
13:54place pour vérifier ce qui se faisait. Néanmoins, c'est au dirigeant qu'il appartenait de faire en
13:59sorte que les mesures de sécurité idoine soient respectées. Et donc, si ces préposés n'étaient
14:05pas suffisamment formés, si ces préposés n'étaient pas suffisamment informés des règles de sécurité,
14:11c'est sur le dirigeant que la responsabilité portera. On retrouve ça également en matière
14:15de travail dissimulé, on retrouve ça également en matière de harcèlement. On sait que dans des
14:20affaires récentes, la jurisprudence a dégagé la notion de harcèlement institutionnel où on n'est
14:27plus seulement sur le harcèlement d'un supérieur, sur un préposé, un subordonné, mais l'organisation
14:32entière. Et dans ce cas-là, ça sera au premier chef la responsabilité des dirigeants qui sera
14:38cherché, puis éventuellement de la personne morale, les dirigeants en étant le vecteur.
14:43Quelles sont les principales infractions pour lesquelles les dirigeants d'entreprises
14:47risquent-ils d'être poursuivis pénalement ? La réponse simple, c'est pour toute infraction. Parce
14:52que, en réalité, toutes les infractions de droit commun peuvent être reprochées à un dirigeant
14:58d'une société commerciale, d'une entreprise. La responsabilité est extrêmement large. On pense,
15:03là encore, dans une actualité relativement récente, aux dirigeants d'un ancien cimentier
15:08français qui ont été mis en examen pour financement du terrorisme. On n'imagine pas forcément que c'est
15:15le risque premier du dirigeant d'une entreprise. Et pourtant, ça arrive. Donc, toutes les infractions
15:21peuvent être reprochées. Toutes les infractions de l'arsenal législatif et infractionnel peuvent
15:27être reprochées à un dirigeant. Néanmoins, il y a quand même des marottes particulières,
15:33des infractions qui reviennent spécifiquement sur les dirigeants. Ça va être, par exemple,
15:38ce qu'on évoquait tout à l'heure, l'abus de biens sociaux, toutes les infractions du droit pénal du
15:42travail. Ça sera le droit pénal du travail, donc le harcèlement, le travail dissimulé, les ATMT,
15:51accidents du travail, maladies professionnelles, et notamment les blessures involontaires. Toutes
15:56ces infractions involontaires qui seront reprochées également aux dirigeants. Donc, l'arsenal est
15:59infini. Quelles sont les sanctions encourues par un dirigeant reconnu pénalement responsable ?
16:05Eh bien, en principe, le dirigeant est injusticiable comme un autre. Donc, il encourt la peine qui est
16:11prévue par le texte d'incrimination. C'est aussi simple que ça, et ça c'est la théorie. C'est-à-dire
16:16que si le texte prévoit une peine d'emprisonnement et une peine d'amende, eh bien le dirigeant encourt
16:22les deux. En pratique, les peines d'emprisonnement fermes, non aménageables, sont rarement prononcées.
16:29On sera plutôt sur des peines d'avertissement ou des peines financières lourdes, ce qui dépendront
16:34bien sûr de la personnalité et du casier judiciaire de la personne, mais généralement c'est ça. En
16:38revanche, ce qui inquiète surtout les dirigeants, ce sont les peines complémentaires et notamment
16:42l'interdiction de diriger, l'interdiction de gérer. C'est-à-dire que, bon, on se voit prononcer une
16:46amende qui peut être relativement élevée. En matière de travail dissimulé, par exemple, c'est
16:5045 000 euros, mais ça reste une somme relative par rapport aux fonctions que peuvent exercer
16:56certains dirigeants. En revanche, une interdiction de diriger qui parfois peut être définitive, eh bien
17:01les conséquences sont beaucoup plus graves. Comment les dirigeants peuvent-ils anticiper
17:05et prévenir les risques pénaux liés à leurs fonctions ? Bien sûr, eh bien la première chose
17:12à faire, c'est de travailler en amont, c'est de cartographier ces risques en fonction du secteur
17:17dans lequel on intervient, en fonction de son industrie, de savoir précisément quels risques
17:21sont susceptibles d'intervenir et de maîtriser ces risques après les avoir identifiés. En droit pénal,
17:28une infraction, on le sait, a un élément matériel, un élément intentionnel. Une fois qu'on sait où
17:34sont les risques, il suffit de faire en sorte que l'élément matériel, l'élément intentionnel ne
17:38survienne pas. En matière d'accident du travail, en matière de blessure involontaire, l'un des
17:44critères qui permettent de caractériser l'infraction, c'est le manquement d'une obligation de sécurité
17:50ou de prudence, eh bien il suffit de faire en sorte que ces manquements n'interviennent pas.
17:53Donc respecter, identifier les règles de sécurité et de prudence qui s'imposent à nous selon l'industrie
17:58dans laquelle on est, les identifier, les corriger, les prévenir et les respecter. Et ça,
18:03quand on fait ça mécaniquement, on écarte le risque de responsabilité sur l'élément matériel.
18:08Et sur l'élément intentionnel, dès lors qu'on met en place les processus internes qui permettent
18:12de démontrer la volonté du dirigeant, la volonté de l'entreprise de respecter la loi, de respecter
18:17la réglementation, d'être dans une démarche de conformité, c'est un mot à la mode, eh bien on
18:23aura d'autant plus d'éléments à faire valoir devant un juge pénal pour présenter l'absence
18:27d'éléments intentionnels. Quels sont les outils ou mécanismes à la disposition des dirigeants
18:32pour se protéger contre ces risques ? L'élément classique, bien connu, qu'on ne peut pas ne pas
18:39évoquer quand on parle de responsabilité pénale des dirigeants, c'est la délégation de pouvoir.
18:42Évidemment, un dirigeant, s'il sait qu'il repose sur lui un risque de responsabilité pénale,
18:49va faire des délégations de pouvoir. Sauf que la délégation de pouvoir, on le sait aussi,
18:54n'est pas absolue. On ne peut pas déléguer l'entièreté de ses pouvoirs. Il faut que la
18:57délégation soit précise et il faut qu'elle soit déléguée à une personne qui a les moyens,
19:02les compétences et l'autorité nécessaires pour l'exécuter. Ce sont les critères jurisprudentiels
19:06en la matière. D'où l'importance de bien maîtriser sa délégation de pouvoir, de l'inscrire dans une
19:14organisation interne cohérente et réfléchie. On va conclure là-dessus. Merci Mathieu Lanterry
19:23d'être venu sur notre plateau. Débauchage des salariés des concurrents, quels sont les
19:38risques ? On en parle tout de suite avec mon invité Marion Ayadi, associée fondatrice de
19:43Raphaël Avocat. Marion Ayadi, bonjour. Bonjour Arnaud. On va parler d'un sujet particulièrement
19:49prégnant, le débauchage des salariés d'un concurrent. Qu'entend-on exactement par débauchage
19:56de salariés d'un point de vue juridique ? Le principe, ça reste la liberté du travail. La
20:04liberté du travail, ça signifie que le salarié est libre de quitter son employeur pour en rejoindre
20:09un autre et ça signifie également que n'importe quelle entreprise, n'importe quel employeur peut
20:14proposer à un salarié qu'il s'est pourtant lié par un contrat de travail à une autre entreprise,
20:19il peut lui proposer de rejoindre. En soi, le débauchage n'est pas interdit. C'est le débauchage
20:25fautif, ce dont on va parler ensemble, qui en revanche est répréhensible et qui peut être
20:31sanctionné. Dans quel cas le débauchage des salariés d'un concurrent peut-il être considéré
20:36comme illégal ? Alors ça va dépendre en fait du moment auquel intervient le débauchage. Ça va
20:43dépendre des clauses qui figurent dans le contrat de travail du salarié qui va être débauché et ça
20:48va dépendre des moyens mis en oeuvre par le nouvel employeur pour arriver à ses fins et convaincre
20:54le salarié de le rejoindre en fait. Puisque d'abord un salarié qui est en cours de contrat avec son
21:01employeur peut selon les cas décider d'avoir un autre contrat de travail. Il peut cumuler deux
21:07contrats de travail. Et en fait l'employeur qui essaye de le convaincre de le rejoindre doit
21:18quand même vérifier qu'il n'est pas lié par une clause d'exclusivité par exemple. Et puis surtout
21:24alors qu'il est toujours en cours de contrat, si le salarié décide de quitter son employeur pour
21:29le rejoindre, la rupture ne doit pas se transformer en rupture abusive. Et le nouvel
21:35employeur ne doit pas participer à cette rupture abusive. Ça veut dire finalement mettre des moyens
21:41assez lourds pour le persuader de venir vite. Et donc de ne pas respecter ses propres
21:46obligations contractuelles en ne respectant pas son préavis. Et puis au passage en emportant des
21:52fichiers clients. Et puis au passage en convainquant un ou deux collègues de le rejoindre également.
21:57Voilà là on est dans une participation active du nouvel employeur et donc dans un débauchage qui
22:05devient fautif. Évidemment si le salarié est par ailleurs lié par une clause de non-concurrence et
22:11bien le nouvel employeur qui va le débaucher alors qu'il est lié par une clause de non-concurrence
22:16commet un acte de débauchage qui est fautif en soi. Et enfin si l'employeur met en oeuvre des
22:26manœuvres qui sont des manœuvres déloyales avec des moyens importants, c'est à dire qu'il débauche
22:33plusieurs salariés, une équipe entière, un service entier ou les quatre ou cinq dirigeants d'une
22:39même d'une même entité. Là évidemment on arrive à du débauchage massif et qui en général est
22:46évidemment fautif parce qu'il constitue un indice de concurrence déloyale. Quels sont les principaux
22:52risques juridiques pour une entreprise qui débauche des salariés des concurrents ? Alors d'abord
22:58l'employeur risque de recevoir une lettre de mise en demeure de la part de l'ancien employeur du ou
23:06des salariés débauchés et une lettre recommandée donc qui vise à lui demander de mettre fin au
23:13contrat de travail des salariés qui ont été débauchés illégalement. Ensuite si ça ne suffit
23:18pas il peut y avoir des actions en référé pour justement qu'il soit ordonné à l'employeur de
23:25mettre un terme au contrat de travail qui a été conclu illégalement. Et puis ça peut aller aussi
23:31jusqu'à des actions en concurrence déloyale sur le fond donc éventuellement devant le tribunal de
23:36commerce puisque en général les employeurs, les entreprises sont commerçants donc c'est devant le
23:41tribunal de commerce. Ce sont des actions au fond pour obtenir des dommages intérêts. Mais pour
23:46mettre en oeuvre toutes ces actions, il y a un outil qui est de plus en plus utilisé, c'est
23:53l'article 145 du code de procédure civile. Ça veut dire qu'en fait l'ancien employeur qui
24:00sait que son salarié ou ses salariés sont partis chez un concurrent va présenter une requête devant
24:05un juge en lui demandant d'envoyer un huissier qu'on appelle aujourd'hui commissaire de justice,
24:10d'envoyer donc un commissaire de justice dans les locaux du nouvel employeur pour aller chercher
24:17la preuve de ce débauchage fautif, chercher la preuve d'une concurrence déloyale. Donc on est
24:22avant tout procès, parfois il n'y a pas une mise en demeure et en fait un huissier se présente,
24:28saisit des pièces, le contrat de travail, l'aide d'embauche, de la messagerie pour pouvoir démontrer
24:33quand ont eu lieu les actes d'approche, les actes de débauchage et puis pour voir s'il n'y a pas
24:40d'autres actes associés. Ça se constitue des preuves. Exactement, ça se constitue des preuves,
24:44c'est très efficace et c'est de plus en plus utilisé. Existe-t-il des situations où le
24:49débauchage de salariés est permis ? Alors oui, heureusement, il y a des cas où le débauchage
24:57qui est effectué dans des conditions tout à fait régulières, un salarié qui est approché par un
25:02autre employeur mais sans manœuvre déloyale, sans qu'il y ait une participation active pour
25:07lui faire violer ses obligations contractuelles, ça ne posera aucune difficulté. De la même façon,
25:14en fait, même quand il y a un débauchage de plusieurs salariés d'une même entreprise,
25:20mais si les raisons profondes du départ c'est que l'entreprise elle-même est en difficulté ou
25:28qu'il y a un climat social qui est dégradé, que de toute façon les salariés en fait seraient partis,
25:34même sans une intervention extérieure, eh bien le débauchage n'est pas considéré comme fautif.
25:40On vient de voir les cas où le débauchage était autorisé,
25:44mais comment les employeurs peuvent-ils retenir leurs salariés ?
25:48Les salariés qui sont débauchés, en fait, souvent partent pour obtenir de meilleures
25:56conditions salariales, des meilleures conditions de travail et on voit aujourd'hui l'importance
26:02des réseaux sociaux et des sites spécialisés où les salariés se comparent et comparent les
26:08conditions de travail, vous voyez les sites comme Glace d'or, des sites comme ceux-ci et
26:12c'est important, les employeurs doivent garder un œil sur ces sites, sur les réseaux sociaux
26:17pour finalement rester tout à fait au niveau du marché et pour pouvoir lui-même mettre en place
26:26des mesures salariales et des conditions de travail qui vont lui permettre de conserver
26:31ses salariés, ça va être sa meilleure protection finalement.
26:33Vous parlez des protections, évoquons maintenant les précautions qu'une entreprise doit prendre
26:39quand elle souhaite embaucher des salariés d'un concurrent.
26:43Alors elle doit vérifier qu'il est libre de tout engagement, c'est l'expression consacrée,
26:48c'est d'ailleurs l'expression qu'on utilise dans les contrats de travail, donc elle doit vérifier
26:53qu'il n'est pas lié par une clause de non-concurrence, ça veut dire qu'elle doit lui
26:57poser la question. Beaucoup d'employeurs finalement vont parfois se défausser en disant
27:03mais moi il ne m'a rien dit, je ne savais pas qu'il était lié par une clause de non-concurrence
27:07et c'est un petit peu trop facile et ça la jurisprudence ne l'accepte pas, elle impose à
27:13l'employeur de poser la question. Alors évidemment si le salarié dissimule l'existence d'une clause
27:19de non-concurrence, là dans ce cas c'est le salarié qui sera en faute, ce sera lui qui sera
27:23en faute et l'employeur ne pourra pas avoir sa responsabilité engagée, mais il doit vérifier et
27:30il y a un autre point aussi qui est important qui est que c'est une question qu'ils posent souvent
27:37aux salariés et ensemble ils vont réfléchir souvent en se disant bon on a très envie de te
27:42recruter mais tu as une clause de non-concurrence, on examine ensemble la clause de non-concurrence,
27:48est-ce qu'on ne peut pas considérer que finalement elle est nulle cette clause, parce qu'elle est
27:53trop étendue géographiquement, parce que la contrepartie financière n'est pas assez importante,
27:58bon finalement on se dit qu'on prend le risque de t'embaucher et on considérera que la clause est
28:04nulle. Alors ça c'est un très gros risque parce qu'en fait seul le salarié peut finalement saisir
28:11éventuellement le juge prud'homale pour faire constater la nullité de sa clause. L'employeur
28:16lui de toute façon s'il embauche un salarié dont il sait qu'il est lié par une clause de
28:20non-concurrence mais commet un acte de concurrence déloyale. On va conclure là-dessus, merci d'être
28:28venue sur notre plateau. Merci à vous. Merci à toutes et à tous pour votre fidélité, restez
28:33curieux et informés, à très bientôt sur Bismarck For Change pour un nouveau numéro de LexInside.

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