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00:00Bienvenue au Cœur du Crime, un podcast issu des archives d'Europe 1.
00:08Savez-vous que plus d'un tiers des crimes et délits commis en France sont traités par la gendarmerie nationale ?
00:18Bonsoir, je m'appelle Jan Kermadek, je suis commandant de gendarmerie.
00:27Je dirige une section de recherche dont la mission essentielle est une mission de police judiciaire.
00:42L'histoire que je vais vous raconter est une histoire vraie.
00:46Tous les faits sont réels et se sont déroulés en France.
00:50Seuls les noms des personnes et des lieux ont été changés.
00:56C'était ce qu'on appelle aujourd'hui communément une ville nouvelle.
01:00On avait essayé d'en faire une cité gaie et accueillante.
01:04On avait planté des arbres, créé des espaces verts, évité de construire des immeubles trop élevés.
01:11Vraiment, l'architecte s'était donné un mâle de chien pour éviter le genre cité dortoir.
01:17Il y avait même une place de l'église super vaste avec un parking pratique pour les mariages et les enterrements.
01:23L'église, elle, n'était pas réussie.
01:26C'était un bâtiment austère, ailé, avec une vague croix en pointillé, des vitraux tristes, gris.
01:34L'ensemble donnant une irrésistible envie de prendre le large.
01:39Un peu après la ville nouvelle, il y avait la zone industrielle.
01:43Et c'est là que j'avais rendez-vous avec Pierre De Villers.
01:48Il m'avait demandé de venir le voir, sans m'en donner la raison,
01:51mais il m'avait semblé percevoir une certaine inquiétude dans sa voix au téléphone.
01:57Depuis le temps que j'avais fait sa connaissance, Pierre De Villers était pratiquement devenu un ami.
02:02En effet, je l'avais souvent rencontré à la SNEC, la société dont il était le président et directeur général,
02:08lors de visites de routine que j'avais effectuées dans le cadre du contrôle de la surveillance de son entreprise.
02:15Je pénétrais donc ce lundi matin dans le vaste hall de la SNEC, société nationale d'éléments de construction,
02:22et demandais à l'hôtesse de m'annoncer.
02:25Quelques minutes plus tard, j'étais introduit dans le bureau de Pierre De Villers,
02:30qui m'accueillit avec son amabilité coutumière.
02:34La SNEC est spécialisée dans la construction de poutrelles, planchers, charpentes et armatures en béton.
02:41C'est ce qu'on appelle une entreprise leader.
02:44C'est elle, entre autres, qui a réalisé les poutres de soutènement de l'Arche de la Défense,
02:48ainsi que 175 000 m² de prédales pour ce même édifice.
02:53Également l'Opéra de la Bastille, ou encore le ministère des Finances à Bercy.
02:59Pierre De Villers est très préoccupé, me semble-t-il, et il me fait part de ses inquiétudes.
03:06Tout d'abord, mon commandant, merci d'être venu si vite.
03:10Voilà, il y a ici un mystère.
03:14Depuis quelques mois, aucune des études réalisées par mon entreprise n'est retenue,
03:19et les débits proposés sont systématiquement plus élevés que ceux de l'unique concurrent
03:23arrivé récemment sur le marché et qui, fait étrange, propose les mêmes réalisations que nous.
03:31Au début, j'ai pensé qu'il s'agissait d'une forme de compétition déloyale,
03:35mais aujourd'hui, j'ai acquis la certitude d'avoir été concurrencé sur des chantiers
03:40où j'ai été le seul consulté.
03:44Je suis donc pratiquement certain que les fuites se produisent au sein même de mon entreprise.
03:50C'est pour cela que je vous ai demandé de venir, mon commandant.
03:53Il se passe ici des choses qui m'échappent et qui risquent de conduire mon entreprise à la ruine.
04:00Non, vraiment, je ne plaisante pas, mon commandant.
04:04Vous savez ce que ça veut dire pour nous ? Pas une étude retenue en six mois ?
04:08C'est épouvantable.
04:10Notre chiffre d'affaires tombe en flèche.
04:12Ça veut dire, si l'entreprise est mise en faillite, plus d'une centaine de personnes au chômage,
04:18avec tout ce que cela comporte.
04:22Si je comprends bien, monsieur De Villers, il s'agit d'une affaire de vol de documents commerciaux
04:28avec communication de secrets de fabrication.
04:31C'est exactement ça, mon commandant.
04:33J'ai bien peur que l'on se trouve en pleine affaire d'espionnage industriel, comme on dit.
04:39Eh bien, monsieur De Villers, je vais prendre des dispositions et mener mon enquête,
04:44discrètement, mais immédiatement.
04:50C'est ainsi que, pendant plusieurs jours, je me rendis à la SNEC
04:54où, sous prétexte de contrôles divers,
04:57je me mis au courant des us et coutumes de la profession et du fonctionnement de la société.
05:03Et ma conclusion fut que le vol de documents et de divulgation de secrets de fabrication
05:09était bien constitué.
05:12Le substitut du procureur de la République chargé des affaires relatives aux entreprises
05:17confirma les qualifications pénales proposées et il fut convenu,
05:22avec le magistrat, qu'après une rapide enquête préliminaire,
05:26une information serait ouverte de manière à élargir notre champ d'action.
05:32La commission regatoire délivrée le 8 juin m'avait été confiée.
05:37Mon enquête pouvait commencer.
05:41Au fur et à mesure que je me renseignais sur les méthodes de travail au sein de la société
05:46et sur les habitudes de chacun,
05:49je me rendis compte que les soupçons pouvaient se limiter à un nombre très restreint de personnes.
05:56Je m'étais procuré la liste des employés licenciés récemment
05:59et j'avais remarqué que, parmi eux,
06:02deux anciens cadres étaient maintenant responsables de la CMI,
06:07compagnie de matériaux industriels,
06:09implantée tout récemment à Montigny, dans le département voisin,
06:13et qui raflait tous les contrats à la SNEC depuis quelque temps.
06:18En poussant un peu plus loin mes recherches,
06:21je m'étais aperçu que la CMI était une filiale du groupe SED,
06:26Société pour l'étude et le développement implantée en Aquitaine.
06:31Ce groupe SED était un concurrent sérieux de la société SNEC de mon ami Pierre De Villers.
06:38Je décidai donc de faire surveiller les deux cadres licenciés par la SNEC
06:44et, comme on dit, passer à l'ennemi.
06:49Il s'agit de Bernard Dumas, 48 ans, directeur de la CMI,
06:54et de Jean-Michel Moulinet, 35 ans, son adjoint.
06:59Ces deux-là reçoivent vraisemblablement des informations venant de la SNEC.
07:04Mais de qui ?
07:07À la SNEC, je fais la liste des personnes ayant accès aux dossiers technico-commerciaux.
07:13Je sais qu'elles sont peu nombreuses, mais je m'aperçois avec stupéfaction
07:17qu'en fait, trois personnes seulement ont accès au dossier complet.
07:23Pierre De Villers, le PDG, son adjoint François Berthet,
07:28et la secrétaire de direction, mademoiselle Simone Laveau.
07:33Pierre De Villers est bien sûr, a priori, hors de cause.
07:38En ce qui concerne la secrétaire, mademoiselle Laveau,
07:43j'avoue qu'il est très difficile de l'imaginer en matahari.
07:48En effet, mademoiselle Laveau est le modèle de la parfaite secrétaire.
07:53La cinquantaine, le cheveu grisonnant, ni laide ni belle,
08:00elle est dans la maison depuis plus de 25 ans
08:03et mène une existence effacée entre son travail
08:07et sa petite maison où elle a pour seul compagnon
08:11trois chats, deux canaris et un poisson rouge.
08:16Le directeur adjoint, François Berthet, a lui aussi accès au dossier.
08:22Alors lui, c'est un homme ouvert, affable, vêtu avec recherche.
08:28Il est marié et vient d'acheter une magnifique propriété
08:32qui lui a coûté une petite fortune.
08:36Tiens, tiens, tiens, tiens.
08:38Il aime aussi beaucoup sortir, ce François Berthet.
08:42On le voit dans les boîtes de nuit à la molle,
08:45il fait du bateau, joue au golf, monte à cheval.
08:49Bref, c'est un homme qui apparemment aime à jouir de la vie
08:52et qui ne se refuse rien.
08:55Quelques jours de filature discrète ne donnent aucun résultat positif.
09:01François Berthet est aussi un bourreau de travail.
09:04Il arrive très tôt à son bureau, en sort pour rentrer chez lui,
09:07va souvent dîner au restaurant avec sa femme,
09:09puis se rend dans une discothèque avant de rentrer à l'aube.
09:15Le week-end, il fait un parcours de golf le samedi
09:19et une longue promenade à cheval le dimanche.
09:22Cet homme est infatigable.
09:24Je me demande vraiment quand il prend le temps de dormir.
09:35Est-ce que ce serait lui, l'espion?
09:43C'est ce que vous saurez dans quelques instants.
10:05En moins d'un an, la société Snek a vu son chiffre d'affaires
10:11chuter d'une façon vertigineuse.
10:14En effet, depuis plusieurs mois, pas une étude de marché n'a été acceptée.
10:19Tous les devis ont été refusés au bénéfice d'une autre société,
10:23la CMI, qui, à chaque fois, propose des prix moins élevés.
10:28Le PDG de la Snek, Pierre de Villers,
10:31soupçonne ses concurrents d'avoir au sein de sa propre société
10:35un espion qui vole des documents sur place
10:38et communique les secrets de fabrication.
10:42L'enquête commence et je m'aperçois que seules trois personnes
10:46ont accès aux dossiers technico-commerciaux.
10:49Le PDG lui-même, Pierre de Villers,
10:52son adjoint, François Berthet,
10:54et la secrétaire de direction, Mlle Simone Laveau.
10:59François Berthet, lui, dépense beaucoup d'argent.
11:02Il semble vivre très au-dessus de ses moyens
11:05et vient d'acheter une magnifique propriété.
11:08Je décide d'en parler à Pierre de Villers un jour
11:11que nous avons rendez-vous pour faire le point de la situation.
11:15M. de Villers, en ce moment, nous enquêtons sur votre adjoint, François Berthet.
11:20Savez-vous d'où vient l'argent qui lui a servi à payer sa somptueuse propriété
11:25et qui lui permet de mener un tel train de vie ?
11:29Est-ce qu'il a une fortune personnelle ?
11:32Oh, mon commandant !
11:35Je crois que vous ne fassiez fausse route.
11:38François Berthet a toute ma confiance.
11:40En plus, il a épousé une femme très, très riche.
11:43Voilà tout.
11:44Elle vient ces derniers temps d'hériter de ses parents
11:47et c'est elle qui a payé la super propriété.
11:50Je connais, d'ailleurs.
11:51Il est vrai que François a une formidable fitalité.
11:54Il ne dort que trois heures ou quatre heures par nuit.
11:56Ça lui suffit.
11:57Le reste du temps, il travaille, il fait du sport.
12:00Il est increvable.
12:01Non, non.
12:02Je crois que vous allez être obligé de le rayer de la liste de vos suspects.
12:06François est un ami.
12:07J'ai toute confiance en lui.
12:10Bah, alors le plus étrange, M. de Villers,
12:12c'est qu'il ne reste plus sur cette liste que vous
12:16et Mlle Laveau, votre secrétaire.
12:19Vous êtes les seules personnes ayant accès au dossier.
12:22À moins que vous, M. de Villers, ayez une autre idée.
12:26Ah non, mon commandant, ça je n'ai héhéhé, hélas,
12:30pas d'autre suggestion à vous proposer, non, non ?
12:33Tout de même, Mlle Laveau, la pauvre,
12:37si la situation n'était pas aussi dramatique, je hurlerais de rire.
12:41Non, Mlle Laveau, en espionnouée.
12:43Vous l'avez regardée ?
12:45Elle ressemble davantage à une grenouille de bénitier
12:48qu'à une James Bond girl.
12:50Vous ne trouvez pas, mon commandant ?
12:53En effet, mais vous savez, M. de Villers,
12:56il ne faut négliger aucune piste, on ne sait jamais.
12:59Quoi qu'il en soit, dès demain, je ferai surveiller...
13:02Non, n'ayez pas peur, discrètement, Mlle Laveau.
13:06Eh bien, vous n'allez pas vous ennuyer, mon commandant.
13:09Entre le cimetière où est enterrée sa maman
13:12et le cabinet vétérinaire où elle va faire castrer ses chats,
13:16vous allez passer de bons moments.
13:18M. de Villers, permettez-moi de vous dire
13:21que vous n'avez aucune imagination, sauf votre respect.
13:24Votre secrétaire grise et insignifiante
13:26se transforme peut-être la nuit venue
13:28en une redoutable espionne de la série noire.
13:31Vous allez trop au cinéma, mon commandant.
13:34C'est hanchereux pour un gendarme.
13:37Un gendarme ne doit négliger aucune possibilité, M. de Villers.
13:41Allez, au revoir. Je vous tiens au courant.
13:44Au revoir, commandant Kermadec.
13:48La filature de Mlle Laveau nous apprit beaucoup de choses.
13:53Elle nous apprit surtout que Mlle Simone Laveau
13:57n'avait pas besoin de se déguiser en vampe platinée
14:00pour se rendre à un rendez-vous galant.
14:03Que ce rendez-vous n'avait lieu ni au cimetière,
14:06ni chez le vétérinaire,
14:08mais dans un hôtel discret et élégant de Chaumont.
14:13Elle y rencontrait un jeune homme d'environ 35 ans
14:16qui n'était autre que Jean-Michel Moulinet,
14:19le directeur adjoint de la CMI,
14:22firme concurrente de la SNEC.
14:27M. de Villers n'en crut pas ses oreilles.
14:30Sa secrétaire, une vieille fille de 52 ans,
14:36filait le parfait amour avec un jeune cadre aux dents longues
14:40qui devait enregistrer soigneusement
14:42toutes ses confidences sur l'oreiller.
14:46Mais il ne me suffisait pas de savoir
14:49que Mlle Laveau entretenait des relations très intimes
14:54avec Jean-Michel Moulinet.
14:56Encore fallait-il avoir la preuve
14:58qu'elle faisait passer des documents à son jeune amant.
15:01Pour cela, je devais lui tendre un piège.
15:05Le 13 juin, M. de Villers,
15:09qui a du mal à garder son sang-froid
15:11face à cette mésaline entailleur stricte,
15:14lui donne à taper quatre études et les deux vies correspondant.
15:19En fin de matinée, un de mes hommes en costume civil,
15:23chargé de la surveillance de Mlle Laveau
15:26et qui, aussi discrètement que possible,
15:29épie tous ses faits et gestes,
15:31constate qu'elle fait des photocopies
15:34de tous les deux vies qui lui sont confiées
15:36et d'une partie des documents remis.
15:39Or, le travail de la secrétaire s'est très précis,
15:43consiste à dactylographier les deux vies
15:46sur une liasse comportant quatre feuillets.
15:49Un point, c'est tout.
15:51Aucune photocopie ne lui était demandée.
15:55Je décide qu'une opération sera déclenchée le soir même,
15:59après la sortie des bureaux.
16:02Je constitue trois équipes.
16:05La première de ces équipes
16:07doit interpeller la secrétaire, Mlle Simone Laveau,
16:11sur la route, à proximité de l'entreprise,
16:14puis effectuer une perquisition à son appartement.
16:18La deuxième équipe doit perquisitionner
16:21dans les bureaux de la CMI.
16:24La troisième équipe, quant à elle,
16:26doit agir à Buxières, au domicile de Bernard Dumas,
16:30le directeur de la CMI.
16:33L'heure venue, tout se passe comme prévu.
16:37La première équipe interpelle Mlle Laveau,
16:40dont la Citroën blanche est arrêtée à un feu rouge,
16:43à peine sortie du parking de la SNEC.
16:46L'un de mes hommes demande à Mlle Laveau
16:49d'ouvrir son sac à main.
16:51On y découvre des photocopies
16:53de tous les devis confiés dans la journée,
16:56la photocopie d'un cartouche de plans
16:58de chacun des dossiers,
17:00deux feuilles de bloc-notes
17:02sur lesquelles les agents technico-commerciaux
17:04ont reporté les coordonnées de clients potentiels
17:07et une carte de visite professionnelle
17:10de Jean-Michel Moulinet.
17:13Au même instant, au domicile de Simone Laveau,
17:17la deuxième équipe saisit les copies de deux devis
17:20et d'un contrat prévisionnel
17:22portant sur d'importants travaux à réaliser
17:24par PFB, une filiale de la SNEC.
17:28Mes hommes découvrent également
17:30deux lettres de l'amant de Mlle Laveau
17:32dans lesquelles il lui donne des instructions précises
17:35et surtout dans lesquelles est prouvé
17:37la participation en pleine connaissance de cause
17:40de Bernard Dumas, directeur de la CMI.
17:46La perquisition effectuée au domicile de Bernard Dumas
17:49n'a rien révélé.
17:50En revanche, dans ses bureaux de la CMI,
17:53mes hommes saisissent des documents
17:55fort intéressants.
17:57496 feuillets soigneusement classés
18:00qui sont tout simplement
18:02les photocopies de tous les devis établis
18:05par la SNEC depuis environ un an
18:07et d'un cartouche de plans de chaque dossier.
18:11Le montant total des marchés ainsi copiés
18:14et qui ont échappé à la société SNEC
18:17s'élève à plus de 200 millions de francs.
18:21La photocopie de documents,
18:23telle qu'elle a été pratiquée dans cette affaire,
18:25constitue un vol, c'est évident.
18:28La relation entre les études réalisées à la SNEC
18:31et leur arrivée à la CMI est bien fondée.
18:34Le vol est caractérisé.
18:37Reste maintenant à établir le lien
18:39avec les devis défiant toute concurrence
18:41établis par la société SED
18:44dont la CMI est une filiale.
18:47Les investigations vont être poursuivies
18:49à Libourne, en Gironde,
18:51au sein de la société SED
18:53dont la CMI, je vous le répète, est une filiale.
18:57Là encore, les gendarmes font diligence.
19:00Dans les heures qui suivent,
19:02ils découvrent des télécopies de documents
19:04et de notes saisies dans les bureaux de la CMI,
19:07des documents qui révèlent
19:09la divulgation de secrets de fabrication.
19:12Les saisies ainsi opérées
19:14permettent de prouver le lien existant
19:16entre les vols commis par la secrétaire,
19:18mademoiselle Laveau,
19:20et la production de devis moins élevés.
19:24Mais pourquoi Simone Laveau
19:27photocopiait-elle un cartouche de plans
19:29dans chaque dossier ?
19:31Et bien tout simplement
19:33parce qu'il figure la nature de l'ouvrage,
19:35son implantation,
19:37les maîtres d'œuvres et l'architecte.
19:40Munie des précieuses photocopies
19:42fournies par mademoiselle Laveau,
19:44la société SED
19:46faisait l'économie du travail
19:48réalisé par les 40 agents
19:50technico-commerciaux et employés
19:52du bureau d'études de la SNEC.
19:54Elle n'employait, elle,
19:56qu'un seul dessinateur.
19:58Les devis pouvaient ainsi,
20:00sans difficulté, être réduits
20:02de 10 à 20%,
20:04voire à 30%.
20:08Dans toute cette affaire,
20:10dont la presse nationale s'empara avidement,
20:13celle qui fut à la fois
20:15coupable et victime
20:17fut bien évidemment Simone Laveau,
20:19dont la vie avait basculé
20:21le jour où fortuitement,
20:23du moins le croyait-elle naïvement,
20:25elle avait rencontré
20:27Jean-Michel Moulinet.
20:29Jean-Michel Moulinet était
20:31jeune, beau, séduisant.
20:33Simone Laveau n'avait rien
20:35d'esclédalant mal
20:37dans cette liaison débutante
20:39qui faisait d'elle
20:41une autre femme,
20:43une femme à part entière.
20:45Quand elle avait appris
20:47que son jeune amant était agent
20:49technico-commercial à la CMI,
20:51entreprise directement concurrente
20:53de celle qu'il employait,
20:55elle avait pensé que c'était
20:57le fruit du hasard.
20:59Et jusque-là, le hasard
21:01avait tellement bien fait les choses.
21:03Et quand, amoureusement,
21:05calinement,
21:07le jeune homme lui avait demandé
21:09les photocopies des devis de la SNEC,
21:11elle avait cru ce qu'il lui disait,
21:13que son métier le passionnait,
21:15qu'il voulait se perfectionner
21:17dans son travail en étudiant
21:19les devis de la société concurrente.
21:21Et puis,
21:23Jean-Michel Moulinet avait insisté
21:25pour avoir d'autres photocopies.
21:27Simone,
21:29elle avait bien sûr eu quelques doutes,
21:31mais l'amour ne facilite pas
21:33la clairvoyance.
21:35Et elle savait peut-être
21:37au fond d'elle-même que
21:39si elle ne fournissait plus les documents
21:41demandés, son bel amant
21:43la quitterait.
21:45Oh, elle n'était pas complètement folle.
21:47Elle avait 52 ans, lui 35,
21:49elle était terne,
21:51fanée, il était jeune,
21:53brillant.
21:55C'était tellement douloureux et insupportable
21:57de renoncer à cet amour
21:59venu au crépuscule de sa vie.
22:01Alors,
22:03elle fermait les yeux
22:05et elle rapportait les dossiers
22:07à Jean-Michel.
22:09Celui-ci, en revanche, avait tout
22:11manigancé depuis le début, oui, oui.
22:13Tout cela avait été
22:15prémédité depuis le jour où il avait été
22:17licencié de la société
22:19SNEC. Il affichait
22:21un cynisme qui le rendait
22:23vraiment très
22:25antipathique.
22:27Je savais que la secrétaire de direction
22:29était une vieille fille qui
22:31tous les samedis allait sur la tombe de sa mère.
22:33Alors je m'étais arrangé pour
22:35la rencontrer au cimetière en faisant semblant
22:37de fleurir la tombe voisine. Bref,
22:39je lui ai joué le grand jeu du jeune
22:41veuf désemparé et
22:43elle m'est tombée dans les bras.
22:45A partir de là, tout a été facile,
22:47vraiment facile, trop facile.
22:49Oui,
22:51tout avait été facile.
22:55Simone Laveau,
22:57Jean-Michel Moulinet, Bernard Dumas
22:59et trois autres cadres
23:01de la société SED
23:03furent présentés aux juges d'instruction
23:05qui les inculpa de vol
23:07de documents, complicité
23:09et recel.
23:11Ils furent écroués, jugés
23:13et condamnés
23:15à de lourdes peines.
23:17Pour Simone Laveau,
23:19il fut tenu compte de
23:21circonstances atténuantes.
23:23Elle n'avait quant à elle tiré
23:25aucun profit matériel personnel
23:27dans toute cette affaire.
23:29Elle aurait tout simplement
23:31vendu son âme au diable pour garder
23:33ce jeune amant qui lui avait
23:35fait découvrir les affres de la passion.
23:37Elle avait tout de même
23:39fait perdre plus de 200 millions
23:41de francs à son employeur.
23:43Mais après tout,
23:45qu'est-ce que c'est
23:47200 millions ?
23:49Quand on aime,
23:51on ne compte pas.
24:11L'application du crime est disponible
24:13sur le site et l'appli européen.
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