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Avec Maroun Eddé, essayiste, auteur de "La destruction de l’Etat" (Editions Bouquins)

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##LA_VERITE_EN_FACE-2024-11-18##

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Transcription
00:009h-10h, Sud Radio, la vérité en face, Patrick Roger.
00:05Le ministre de la fonction publique n'a rien trouvé de plus judicieux ce matin que de s'acoquiner avec Elon Musk.
00:10Félicitations Elon Musk pour ce grand défi, je me réjouis de partager avec vous les meilleures pratiques pour faire face à l'excès de bureaucratie.
00:17J'ai fait un tweet qui est absolument banal où je salue un homologue d'un pays allié et ami.
00:22Pour un ministre de la fonction publique, ce sont des mots qui peuvent en effet étonner.
00:26Moi je souhaite continuer à travailler dans le dialogue, dans le respect des fonctionnaires, dans le respect des organisations syndicales, de façon calme et apaisée.
00:34Vous l'avez entendu, il y a quelques jours, il y a eu l'élection de Donald Trump.
00:39Elon Musk qui est nommé à un poste, bon alors c'est pas encore complètement officiel,
00:44il va être chargé de l'efficacité administrative ou bureaucratique, je ne connais plus le terme.
00:51Résultat, le ministre en France, Guillaume Gasparian, l'a félicité, bienvenue Elon Musk.
00:58Et parce que c'est vrai que la bureaucratie, l'administration d'une façon générale, on en parle beaucoup,
01:03les agriculteurs notamment en ce moment, ils disent que ça les bloque et qu'il y a énormément de contraintes.
01:09Parlons-en avec vous, Maroun Eddeh, bonjour.
01:11Bonjour.
01:12Vous êtes essayiste, auteur de La Destruction de l'État.
01:15Et d'ailleurs dans votre livre, vous dites qu'il y a un vrai malaise depuis quelques années en fait dans l'État.
01:20Tout est lourd, et pourtant on a l'impression qu'il y a de plus en plus de fonctionnaires au fil du temps,
01:27alors qu'on a dit qu'il fallait supprimer des postes dans la fonction publique,
01:31il y en a de plus en plus et on nous dit que c'est de moins en moins efficace.
01:35Je résume un petit peu la situation, c'est ça ou pas ?
01:38Exactement. Depuis qu'on a commencé à dire il y a une vingtaine d'années qu'on voulait réduire le nombre de fonctionnaires,
01:43on est passé de 4,6 à 5,7 millions de fonctionnaires.
01:47Donc vous en avez eu à peu près un million en plus, alors qu'on a dit qu'on voulait les réduire.
01:52Et idem, on a dit qu'on voulait réduire les dépenses publiques et en fait elles ont augmenté.
01:57Et on tient aujourd'hui, M.Casbaria, on tient exactement les mêmes discours que ceux qui nous ont conduits là,
02:02et donc il faudrait peut-être commencer à faire autrement.
02:04Oui, mais alors c'est quoi ? Pourquoi on en est arrivé là justement ?
02:08Alors que ça fait 30 ans qu'on dit qu'il faut alléger, entre guillemets, un petit peu la masse publique.
02:14L'une des raisons, c'est qu'on n'a pas allégé aux bons endroits.
02:16Si vous voulez, il y a eu un peu un mensonge initial par rapport aux Français sur ce que c'est que l'État.
02:22On a beaucoup assimilé l'État aux seules formalités administratives et bureaucratiques,
02:27et les fonctionnaires à des personnes qui travaillent de 10h à 16h sur des formulaires auxquels personne ne comprend rien,
02:32alors que l'État c'est aussi, comme vous le disiez bien, les enseignants, les infirmiers, les policiers.
02:37Et en fait ce qu'on a fait, c'est qu'on n'a pas simplifié là où c'était nécessaire,
02:42c'est-à-dire dans les lourdeurs administratives, mais là où c'était le plus facile.
02:46C'est le cas notamment depuis 2007 où on s'en est pris à l'armée, parce que la grande muette ne peut pas dire grand-chose.
02:52On s'en est pris aux techniciens et aux ingénieurs d'État, parce que pas grand monde ne les connaissait.
02:56On s'en est pris aux enseignants, après s'être assuré de leur donner une mauvaise réputation.
02:59Et donc on a coupé là où c'était nécessaire, là où il y avait des vrais besoins,
03:03tout en gonflant les strates de l'administration intermédiaire et d'une décentralisation mal contrôlée.
03:07Quelle administration intermédiaire que l'on a gonflée ? Vous pensez aux collectivités territoriales notamment, c'est ça ?
03:13Principalement.
03:14Des organismes aussi régionaux qui existent, on l'a vu, notamment l'ARS par exemple pour la santé.
03:21Toutes ces organisations parallèles, c'est ça ?
03:24Exactement. Aujourd'hui dans l'hôpital, un chiffre simple, mais 35% du personnel, c'est du personnel administratif.
03:31Si vous prenez la PHP, simplement la région parisienne, c'est entre 40 et 50%.
03:35Entre 40 et 50% du personnel des hôpitaux en région parisienne est affecté à des tâches administratives.
03:42Et c'est notamment lié ?
03:43C'est ça. Mais que font-ils ? C'est une vraie question.
03:48Parce qu'on demande aussi, la bureaucratie et l'exigence de normes de reporting est de plus en plus importante dans l'hôpital.
03:54J'interroge un médecin dans mon livre qui me dit si je devais remplir seul les tâches, ça me prendrait 4 heures par jour.
04:00Et un autre qui me dit, on ne me demande plus de soigner des patients mais de soigner des chiffres.
04:03Ils doivent remplir des rapports, des quotations dans tous les sens.
04:06Et donc plutôt que de simplifier cette bureaucratie-là, qu'est-ce qu'on fait ?
04:09On recrute des personnes pour remplir ça.
04:12Et pour répondre à votre question...
04:13Et c'est la même chose en agriculture, je fais juste une parenthèse, mais c'est ce que disent les agriculteurs.
04:17C'est-à-dire qu'on leur demande d'appliquer de plus en plus de choses, de normes qui peuvent être sur le papier plutôt intéressantes.
04:23Sauf qu'il faut remplir tous ces exemplaires, ils les reçoivent en permanence.
04:27Et puis un jour c'est une administration, le lendemain c'est l'autre, le surlendemain c'est une autre.
04:32Et à la fin, moi je discute de temps en temps avec certains agriculteurs, et je les vois, ils me montrent leur papier.
04:38C'est délirant quoi ! Il faut avoir un bac plus 10 pour tout remplir.
04:42Non mais c'est vrai !
04:43Avec une superposition des couches de façon non coordonnée.
04:46Parce que vous avez l'Union européenne qui vous demande quelque chose, vous avez l'État central, vous avez les collectivités.
04:49Et donc pour reprendre, oui c'est les collectivités où ça a gonflé.
04:53On le voit bien dans les graphiques, les chiffres de l'État central ça a diminué.
04:56Mais en fait, on a faim de supprimer les postes de ce fonctionnaire, mais on l'a simplement fait passer aux collectivités.
05:02Comme ça, les dirigeants ont pu dire, moi j'ai supprimé 100 000, 150 000.
05:06Sauf qu'en fait, ils n'ont pas supprimé du tout, ils sont passés aux collectivités.
05:09Vous, sur votre feuille d'impôt, ça ne change rien.
05:11Parce que finalement, c'est la dépense globale de l'État.
05:13Oui, sauf que localement, on le voit parfois sur certains impôts, parce que...
05:17Tiens, je vais prendre l'exemple de votre facture d'eau.
05:23Quand on regarde une facture d'eau, aujourd'hui, les deux tiers quasiment sont composés de taxes.
05:29Par rapport, en fait, à l'eau que vous consommez.
05:32Pourquoi ? Parce qu'il y a l'ensemble des contrôles qui ont lieu localement, un petit peu partout.
05:38Et c'est ce qui fait gonfler, et ça correspond à ça.
05:41Donc finalement, on le voit quand même, d'une manière ou d'une autre, sans se rendre totalement compte.
05:46Bien sûr, on le voit, et en fait, on le voit aussi par l'inflation de cette bureaucratie intermédiaire.
05:50Parce que vous êtes obligé de recruter des gens pour compenser tout ça, dans un système qui s'auto-alimente.
05:55Parce que ces personnes-là vont aspirer les moyens de l'activité réelle,
05:59et demander à des personnes sur le terrain de plus en plus de formalité.
06:03Et donc, en fait, vous allez devoir en recruter plus pour les remplir.
06:06On discutait avec le patron de l'APHP, qui disait de l'excès de normes.
06:11Et en fait, sa réaction, c'était de dire, on va recruter 600 personnes en plus pour s'occuper des normes.
06:16Ouais, mais c'est dingue, quoi.
06:17Il n'y a pas une prise de conscience, vous qui connaissez parfaitement ce sujet,
06:21auteur de ce livre, La Destruction de l'État.
06:23Il y a une prise de conscience, quand même, dans chaque service ?
06:26Ou pas vraiment ? On se dit, bon ben, on fait avec.
06:28Et puis, un peu comme lui, là, à l'instant, le directeur de l'APHP, qui vous dit,
06:33ben, on va recruter pour s'occuper, en fait, des papiers administratifs en plus, quoi.
06:36Je crains que la prise de conscience soit sur le terrain.
06:39Avec les quelques personnes qui sont encore là,
06:41essayent de porter à bout de bras des services qui sont en train de s'effondrer.
06:45Simplement, dans les instances administratives, il n'y a pas vraiment de prise de conscience.
06:49Parce que c'est des personnes, même par leur formation, qui sont généralistes,
06:51qui gèrent ça par des chiffres, par des tableurs Excel,
06:54qui n'ont pas de véritable politique éducative, sanitaire.
06:57Et donc, en fait, ça les arrange aussi d'avoir tous ces indicateurs.
07:00Ça donne l'impression que vous pouvez gérer à peu près tout.
07:02Oui, et ça existe dans d'autres pays.
07:04Aux États-Unis, alors, peut-être pas à la même échelle, mais ça existe aussi.
07:07La preuve, donc, je le disais, Elon Musk, qui est nommé ministre de l'Efficacité Gouvernementale.
07:12C'est ça, donc, c'est administratif.
07:14Est-ce qu'il pourrait... Alors, on verra ce que ça va donner, bien sûr.
07:18Mais est-ce qu'on pourrait imaginer la même chose en France ?
07:22Il faut toujours faire attention à imiter les États-Unis,
07:25parce que c'est un pays qui est assez différent.
07:26La principale différence, c'est que Elon Musk va chercher à réduire l'État fédéral,
07:31et pas les États locaux.
07:32Et en fait, l'État fédéral aux États-Unis, c'est plutôt l'équivalent,
07:35un peu plus, bien sûr, parce qu'il prend en charge la défense,
07:37mais de l'Union européenne chez nous.
07:38Ça veut dire, il y a des aides locales,
07:40mais il prend surtout en charge un peu la sécurité sociale,
07:43qui est moins lourde que chez nous.
07:44Et pour le reste, c'est principalement la réglementation,
07:46notamment sur les questions énergétiques ou de transition écologique.
07:49Ce que nous, on appelle les services publics aux États-Unis,
07:51c'est pris en charge par les États locaux.
07:52L'éducation, la santé, l'enseignement supérieur.
07:55Et il y a aussi beaucoup plus de privés.
07:57Dit autrement, Elon Musk ne va pas toucher aux fondamentaux
08:00des services publics et de l'État aux États-Unis,
08:01simplement à cette suprastructure, à cette couche qui s'est surajoutée
08:05par une forme de gonflement de l'État fédéral.
08:07Et on peut aussi lui faire confiance pour ne toucher ni à la défense,
08:09ni aux vrais aides des entreprises.
08:11Donc, si on veut s'inspirer de M. Musk,
08:13c'est plutôt, je dirais, un programme de simplification
08:15au niveau de l'Union Européenne,
08:16notamment par rapport aux agriculteurs, les normes, etc.
08:19Mais en fait, dire qu'on veut...
08:20Mais même peut-être sur des couches aussi intermédiaires en France, quoi.
08:23Parce qu'il y en a beaucoup.
08:24Bien sûr, et sur des couches intermédiaires en France.
08:26Mais ça, ça nécessiterait une vraie analyse
08:28qui n'existe pas réellement parce que...
08:30Il y a eu des rapports quand même, non ?
08:31Cours des comptes et puis de certains organismes, quoi, sur l'efficacité.
08:36Il y a eu des rapports, mais vous avez deux choses.
08:38La première chose, c'est que...
08:38Vous le dites d'ailleurs dans votre livre, vous en parlez.
08:40La Cour des comptes se concentre généralement sur des sujets très précis,
08:43mais elle manque les grandes masses.
08:44Quand on fait vraiment des erreurs globales
08:46qui nous coûtent en dizaines de milliards,
08:48ça, elle le voit pas forcément parce que c'est une façon de faire.
08:50L'autre problème, c'est le courage politique.
08:51Vous avez au pouvoir, en partie, LR par exemple.
08:54LR, ils sont bien parce qu'ils tiennent ce discours.
08:56Mais c'est en partie des lieux locaux.
08:58Et donc, en fait, ils vont tenir ce discours,
09:00mais dans les faits, ils vont jamais taper sur les collectivités
09:02parce que c'est un parti des lieux locaux.
09:04Et donc, ils continuent à taper sur l'État central
09:06qui est déjà largement décharné,
09:08alors même que c'est au niveau des collectivités
09:10que les dépenses incontrôlées continuent à augmenter.
09:11— Bon, allez, on va continuer d'en parler jusqu'à 10h.
09:13On se dit les choses, la vérité en face sur Sud Radio.
09:15Vous pouvez réagir d'ailleurs à ce que vient de dire Maroun Hédé
09:18si vous avez des propositions, des suggestions à faire.
09:21Et ce qui est assez terrible, c'est que d'un côté,
09:23évidemment, on amasse en fait des couches,
09:25on engraisse, si je puis dire,
09:26et puis de l'autre, on détruit.
09:28On détruit. Et des choses qui sont...
09:31qui pourraient faire naître de la créativité,
09:34de l'emploi, de la compétitivité de la France.
09:37C'est pour ça que la France est passée de la 3e puissance mondiale
09:40dans les années... fin des années 60
09:42à aujourd'hui, je crois qu'on est 7e.
09:43Et on va dégringoler.
09:44Certains prédisent qu'on sera aux environs de la 20e position
09:49dans une dizaine d'années si on ne bouge pas.
09:51Vous voulez réagir ?
09:520826-300-300, la vérité en face.
09:56— Sud Radio, la vérité en face, Patrick Roger.
10:01— Il est 9h51, la vérité en face.
10:03Comment expliquer que le niveau des services publics
10:05ne cesse de reculer en France
10:07alors que finalement, des dépenses continuent d'augmenter ?
10:10C'est ce que vous nous avez dit, Maroun Hédé, en fait, tout à l'heure.
10:13Vous êtes auteur de ce livre que tout le monde devrait lire.
10:15Je compte notamment sur Éric Revelle pour le lire.
10:18« La destruction de l'État » aux éditions Bouquin.
10:20Éric Revelle qui fait la chronique, évidemment,
10:22« Économie », tous les matins avec Jean-Jacques Bourdin
10:25pour aller chercher, en fait, dans votre livre,
10:27énormément de perles là-dessus.
10:29Ce qui est assez terrible,
10:30c'est que d'un côté, on dépense toujours plus.
10:34On réclame aussi après de l'allègement dans certains secteurs.
10:39Et finalement, l'allègement, on va au plus simple.
10:42On le fait sur des choses qui ne se voient pas et tout,
10:45mais qui contribuent, c'est ce que vous dites,
10:47à la destruction de l'État, Maroun Hédé.
10:50Qu'est-ce que vous visez précisément ?
10:52Qu'est-ce que vous décrivez ?
10:53On avait en France un État qui savait faire.
10:55On parlait des années 60.
10:56On savait bâtir 20 centrales nucléaires en 10 ans.
10:59On n'arrive plus à en faire une en 20 ans.
11:01On savait bâtir le principal réseau métropolitain, par exemple.
11:04Aujourd'hui, le Grand Paris Express, ça fait 10 ans
11:06et on ne l'a toujours pas vu.
11:07Et quand j'interroge dans mon livre les responsables,
11:09ils disent que c'est parce que l'État ne sait plus faire.
11:11Il a perdu les compétences.
11:12Un des excellents exemples, c'est notre retard en informatique.
11:15Au début, en France, on était plutôt bon en informatique dans les années 60-70.
11:19Alcatel, vous citez Alcatel dans votre livre.
11:22Alcatel, c'était le numéro 1 mondial dans les années 2000.
11:27Kubrick l'a vendu.
11:29On a vu, il voulait...
11:31Rappelez-nous ce qu'il voulait en faire.
11:33Alcatel, c'était le mythe à l'époque de l'entreprise sans usine.
11:36En fait, on s'est dit que l'Asie allait produire pour nous
11:38et que nous, on allait simplement garder les tâches un peu intellectuelles
11:41de conception et de recherche et développement.
11:43Et donc, en fait, il a vidé l'ensemble du tissu productif.
11:46Alcatel, c'était 120 000 employés.
11:47C'était le numéro 1 mondial des télécommunications.
11:49C'était le numéro 1 mondial des câbles sous-marins
11:51au début de l'émergence d'Internet.
11:53Vous vous rendez compte de la position qu'aurait eu la France.
11:55Et donc, on a effectivement délocalisé le gros en Asie.
11:58On a vendu toute une partie.
12:00Et en fait, l'entreprise a fini par se crasher.
12:02Et puis aujourd'hui, Alcatel a été vendue.
12:04Il y a beaucoup d'autres usines comme ça, en fait.
12:06ArcelorMittal, Méginet, Alstom, Atos,
12:12beaucoup plus récemment, qui sont des entreprises,
12:14effectivement, qu'on a conduites dans le mur.
12:17Ça peut être par avidité financière.
12:20Ça peut être aussi par naïveté,
12:22puisqu'on a pensé que l'on pouvait maintenir
12:24l'activité productive, mais aussi le même niveau de vie,
12:26alors même que d'autres produisaient pour nous
12:28et que nous, on importait ce que d'autres produisent.
12:30Et donc, on s'est mis à consommer plus qu'on ne produisait.
12:32Et je pense aussi qu'on a pêché par condescendance.
12:34Parce que, dans le fond, quand Sertchourou,
12:36qu'il a tout exporté en Asie,
12:38on n'a jamais pensé que la Chine nous rattraperait aussi vite.
12:40Et en fait, non seulement ils nous ont rattrapés,
12:42mais aujourd'hui, ils nous dépassent.
12:44Et on se réveille avec le Covid, où on se rend compte
12:46qu'en fait, les Doliprane sont produits en Inde
12:48et les microprocesseurs pour nos véhicules à Taïwan
12:50et qu'on ne sait plus les faire localement.
12:52Et toute la politique du général De Gaulle
12:54d'essayer de rendre indépendante l'économie de la France,
12:56là, on l'a un peu foutu en l'air.
12:58Et on n'a pas internalisé les compétences
13:00les plus importantes, par exemple l'informatique.
13:02On a pris la décision, au moment
13:04du début de l'ère informatique,
13:06de supprimer le corps des ingénieurs des télécommunications.
13:08Donc ceux qui auraient pu donner
13:10à l'État cette compétence-là.
13:12Et on s'est rendu dépendants de prestataires externes
13:14qui nous coûtent une fortune. Je vous donne un exemple.
13:16En 2010, l'Éducation nationale
13:18a voulu faire développer
13:20un logiciel de RH.
13:22Ils ont contractualisé avec Abgemini.
13:24Huit ans plus tard, ça avait déjà coûté 400 millions d'euros.
13:26400 millions d'euros.
13:28Aucun logiciel viable n'a vu le jour.
13:30Le projet a été terminé, 400 millions d'euros de perdus.
13:32Et quand vous lisez les rapports de la Cour des comptes,
13:34ils disent qu'il n'y avait même plus, au sein du ministère,
13:36les compétences pour suivre le projet.
13:38Et donc, en fait, c'est là où vous voyez
13:40qu'on sait tellement plus faire
13:42certaines choses absolument essentielles,
13:44qu'en plus, ça vous coûte une fortune.
13:46– C'est ça, ça correspond. On a mis de la bureaucratie
13:48d'un côté pour appliquer
13:50des normes, et des normes surtout
13:52européennes, bien sûr.
13:54Nous, on allait même au-delà.
13:56Chez les Français, on va au-delà.
13:58Et puis de l'autre, là où on était créatifs,
14:00on a tout cassé. – Exactement.
14:02– Est-ce qu'on peut reconstruire aujourd'hui ?
14:04On est en 2024,
14:06c'est tout l'enjeu du moment.
14:08Est-ce qu'on est capables ?
14:10– Je pense qu'on peut. Je pense que la France
14:12a encore de nombreux atouts.
14:14Parce que je dirais que les atouts de la France
14:16sont plus à ranimer qu'à reconstruire de zéro.
14:18Il y a des pays dans le monde qui ont complètement
14:20perdu leur état, et là, ça va prendre des décennies.
14:22En France, on a encore de bonnes études,
14:24on a encore d'excellents ingénieurs, on a encore
14:26le nucléaire et l'hydroélectrique.
14:28La désindustrialisation est très avancée, mais elle est moins
14:30par exemple que l'Angleterre, où il n'y a plus que
14:32Londres, qui est la finance, et puis le désert
14:34autour. Et donc je pense qu'on peut le faire.
14:36Mais la lutte, c'est au niveau des
14:38mentalités, c'est dans les têtes. Il faut
14:40reprendre conscience de nos atouts, de nos forces
14:42vives. – Mais dans les têtes, à quel niveau ?
14:44Le très grand public, ou alors
14:46l'État, les politiques ?
14:48– Oui, je pense tout le monde, mais à des niveaux différents.
14:50Je pense que les politiques doivent déjà
14:52tirer le bilan du fait qu'il ne faut
14:54pas continuer dans la même direction
14:56ces 30 dernières années, parce que ça n'a pas marché.
14:58Et vous avez très peu, quand j'ai publié
15:00mon livre, c'est une des premières choses qu'on m'a dites,
15:02on a très peu de bilans globaux, en fait, de ce qui a été fait.
15:04On a toujours les mêmes réflexes, il faut supprimer
15:06les fonctionnaires, etc., mais en fait, on se dit pas.
15:08Mais c'est bizarre, parce que ça n'a pas fonctionné, vous le disiez
15:10très bien. La simplification, ça fait 20 ans
15:12qu'on simplifie, en fait, on complexifie, et à un moment,
15:14il faut se poser la question. Et au niveau des gens,
15:16je pense, arrêter de
15:18complexer, en fait, sur
15:20un déclin effectivement réel de la France,
15:22mais rien n'est figé.
15:24Je pense qu'on peut encore
15:26faire beaucoup. Je vous donne un exemple, mais on a 80 000
15:28ingénieurs français dans la Silicon Valley,
15:30il manque 80 000 ingénieurs
15:32numériques en France. Alors, je dis pas
15:34qu'on peut tous les ramener, mais je dis qu'on sait encore les former.
15:36Mais ils se disent, là-bas, je peux réussir,
15:38on va pas m'embêter, alors qu'en France,
15:40on va me compliquer les choses.
15:42Même si j'ai vu Xavier Niel essayer
15:44de relancer sur l'IA, notamment
15:46avec d'autres
15:48grands patrons,
15:50et donc
15:52ça a l'air de marcher, etc. Mais il faut
15:54les rapatrier, ces 80 000, parce qu'ils ont plus
15:56envie d'aller là-bas.
15:58– C'est ça, et je dirais que c'est une façon de poser
16:00la question. – Oui, merci Maroun
16:02Saadé, Maroun Saadé,
16:04Maroun Edé. – Vous m'avez promu.
16:06– Oui, je vous ai promu.
16:08Maroun Edé, la destruction de l'État aux éditions
16:10bouquins. Dans un instant, c'est Valérie Expert,
16:12il va y avoir des débats,
16:14et puis la partie média, et ensuite André Bercoff
16:16sur le ponce-midi, bien sûr.

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