Avec Jean-François Husson, Rapporteur général de la commission des finances et sénateur LR de Meurthe et Moselle
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00:00— Sud Radio Bercov, dans tous ses états.
00:03— Une note qui fait littéralement fureur, une note qui a provoqué une polémique très forte mais une polémique extrêmement importante
00:10parce que c'est une note de fond. Une note qui s'intitule « Octobre 2023, septembre 2024, une irresponsabilité budgétaire assumée,
00:19un Parlement ignoré ». Et on parle de double discours. Le président de la Commission des finances du Sénat, le socialiste Claude Reynal,
00:26le rapporteur général, le sénateur Jean-François Husson, le LR, disent « Voilà ce qui se passe, voilà la mécanique,
00:34et voilà ce qui s'est passé », surtout divisant les deux gouvernements, Élisabeth Borne et Gabriel Attal.
00:41Bonjour, Jean-François Husson. — Bonjour. — Merci d'être avec nous. Donc vous êtes rapporteur général de la Commission des finances
00:48et sénateur LR de Meurthe-et-Moselle. Alors ce qu'on voudrait comprendre, nous, les contribuables, les citoyens,
00:55justement, que vous représentez, qu'est-ce qui s'est passé dans cette espèce de... dans cette, je dirais, cette mécanique qui consistait
01:06à la fois à dire les choses, à reporter les choses et avoir une opacité assez remarquée ?
01:14— Il se passe simplement d'abord que, je veux le dire très tranquillement et posément, le Parlement dispose, les deux chambres,
01:22de pouvoirs d'évaluation et de contrôles de l'action du gouvernement, et notamment les rapporteurs généraux,
01:32présidentes ou présidents de commissions des finances, qui nous amènent parfois à faire, je dirais, des contrôles sur pièce et sur place.
01:42— Ce qui est votre métier. Enfin, votre... Voilà. — En tous les cas, c'est une faculté qui est à notre disposition,
01:49dont on abuse peu, puisque ça faisait extrêmement longtemps que mes collègues prédécesseurs n'avaient utilisé cette possibilité, cette faculté.
02:01Pourquoi ? Parce qu'à un moment donné, alors que nous alertions... D'abord, je veux dire une première chose.
02:08Nous sommes préoccupés de l'état de dégradation des comptes publics de la nation, bien avant cette dérive.
02:17Deux éléments pour le démontrer. Lors de l'examen budgétaire à l'automne 2023 pour le budget de l'année 2024, la majorité sénatoriale,
02:28puis le Sénat, avaient adopté 7 milliards d'économies. D'ailleurs, j'avais dit à ce moment-là à l'issue du vote au ministre
02:38« Voilà. Nous vous offrons 7 milliards d'économies. Faites-en bon usage. » On avait malheureusement constaté que le gouvernement n'en avait rien retenu.
02:48Ce qui, de notre point de vue, est dommageable. C'est juste pour poser l'esprit de responsabilité et, quelque part, la gravité qui nous habitait,
02:56parce que jamais depuis 1958, sous la Ve République, donc, une opposition au Parlement ne s'était livrée à ce type d'exercice.
03:05— Ah, c'est la première fois depuis 1958. Intéressant. — C'était la première fois qu'effectivement, il y avait une proposition votée par la majorité sénatoriale
03:14et donc adoptée par le Sénat. Je pense que c'est important dans le climat de polémiques un peu inutiles, même si, évidemment, nous avons aussi souligné
03:25ce qui nous est apparu être des carences dans les gestions des affaires publiques. Je rappelle donc, pour faire simple, à la fin de l'année 2023,
03:38le gouvernement prévoyait un déficit public – alors là, je parle juste au moment du budget, je vais faire simple – de 4,4% pour l'année 2024.
03:50Il va finir, d'ailleurs, à 6,1%, sachant que ça fait en fait 50 milliards d'écarts. Moi, si vous voulez, je veux bien entendre que les exécutants,
04:08les membres de l'exécutif, sous l'autorité de deux premiers ministres, Élisabeth Borne, Gabriel Attal, les ministres, et notamment Bruno Le Maire
04:17disent « On a tout fait, on n'a rien négligé ». Alors, à ce moment-là, c'est encore plus préoccupant, parce que ça veut dire que, même s'ils ont tout fait et tout bien fait,
04:28il manque, évidemment, un écart substantiel. – 50 milliards. Certains, M. Husson, parlent même de 100 milliards d'euros de trous.
04:40– Oui, on l'a dit également, mais c'est parce que c'est la différence entre la loi de programmation des finances publiques – ça, ça donne la trajectoire
04:50jusqu'à l'horizon 2027 – et qui était donc, à ce moment-là, plus faible, qui était de mémoire à 3,7% le déficit public.
05:02– Exact. Et on est arrivé à plus, oui. – Voilà. Donc, si vous voulez, je pense qu'il faut prendre les chiffres tels qu'ils sont.
05:11– Tout à fait. – Il faut les repositionner en matière de dégradation. Moi, je pense, je l'ai dit, je pense que cette année, c'est une forme de dérive,
05:20parce que nous avions déjà eu l'incident sur l'année 2023, où en fait, on avait eu une dégradation plus importante que prévue du déficit.
05:29C'est ce qui m'avait amené à m'inviter à Bercy pour regarder et surtout comprendre comment il y avait pu avoir ce dérapage.
05:38Mais on n'était malheureusement qu'au début d'une dégradation qui s'est accélérée, ce qui, quand même, me préoccupe, parce que c'est l'avenir de la France et des Français.
05:48– Bien sûr. Ce dérapage s'est transformé, quand même, comme vous le dites, en dérive. Et justement, vous parlez de cette irresponsabilité assumée,
05:55et vous parlez d'un Parlement ignoré. C'est-à-dire qu'il n'y a pas eu, parce qu'à un moment donné, vous en parlez, et on dit « Ah oui, écoutez, ce serait bien que d'ailleurs,
06:05une lettre adressée par Bruno Le Maire et Tom Cazaille, il dit « On recommandait de partager largement le caractère critique de l'association budgétaire,
06:14à la fois au sein du gouvernement, mais également dans l'opinion publique ». Volonté d'informer, elle n'a pas eu lieu ?
06:19– Non. Et je note, on va noter deux choses. À ce moment-là, on est au mois de décembre, lorsqu'on a la trajectoire qui est annoncée.
06:31Et cette note est une note du 6 décembre, je crois, 2020. Non, il y a une note du 13h qui indique qu'il y a un risque de dérapage.
06:44Il y a une note du 13 décembre qui est co-signée des deux ministres adressés à Elisabeth Borne en disant ce que vous venez de dire.
06:50« Attention, il y a un risque de situation critique. Il faut vite informer le gouvernement et l'opinion publique ».
06:57Et en fait, il y a peu de réactivité. Il y a évidemment insuffisamment de mesures. Il y en a quelques-unes, mais qui sont très à la marge.
07:08Et d'ailleurs, je vous ai dit quel était l'objectif du gouvernement. Ils votent en décembre 2023 du Parlement.
07:17Et c'est moins de 60 jours après que le ministre et le gouvernement, dans un temps très court, très rapide, brusquent un peu les choses
07:27et décident par décret de supprimer 10 milliards de dépenses qui venaient d'être votées, évidemment, dans la totalité du budget.
07:37Donc il y a une forme, si vous voulez, de précipitation.
07:40— Oui. Il n'est pas peut-être la meilleure des démarches à prendre, effectivement. Mais ce que vous dites, d'ailleurs, si j'ai bien compris...
07:49Corrigez-moi si je me trompe. En fait, Elisabeth Borne aurait pu prendre des mesures pour un montant total de 1,5 milliard d'euros,
08:00force est de constater que la première ministre les a exclus sans en proposer aucune autre.
08:04Pour Gabriel Attal, reproché d'avoir privilégié pour redresser des comptes des annulations de crédit, on va pas rentrer dans la technique.
08:11Vous avez bien expliqué le projet de loi des finances rectificatives. Mais en fait, tout ça s'est passé quand même dans une opacité assez totale, M. le sénateur.
08:21— Voilà. Effectivement, ce qui est, de notre point de vue, aussi dommageable, c'est que toutes ces opérations se font uniquement par le choix du gouvernement,
08:31sans associer jamais le Parlement, au moins les deux commissions des finances, les temps d'être président-rapporteur,
08:42de la même manière que dans les explications, les mesures, en tout cas certaines des mesures qu'annonçait le Premier ministre d'alors, Gabriel Attal,
08:54il y avait un sursis à statuer. Un report plus tard, on comprend que la sensibilité politique peut-être du sujet, et notamment alors qu'arrivaient les élections européennes,
09:08a été certainement un des facteurs explicatifs. Mais comme je le dis, le Parlement n'a pas été associé d'aucune manière, alors qu'on avait fait notre rapport,
09:19je dirais, de la première étape. On pensait que ce serait la première et dernière étape de la dégradation de nos comptes publics.
09:26— Ce qui n'a pas été le cas. Et d'ailleurs, vous avez tout à fait, tout à fait évidemment raison de... Enfin, ce qui me paraît la moindre des choses quand même,
09:35c'est le rôle des parlementaires, et puis cet aspect. Et alors, ce qui est intéressant, je voudrais quand même vous réagissiez, parce que notamment,
09:43Brudel-Omer dit, d'après votre rapport, ce n'est pas un rapport, c'est un réquisitoire d'opposants politiques truffés de mensonges, d'approximations
09:53et d'affirmations sérieuses. Signé Brudel-Omer, avec d'ailleurs Elisabeth Borne et Gabriel Attal. Comment réagissez-vous ?
10:01— Je réagis en déplorant, je pense, un moment ou un sentiment d'agacement. Peut-être pense-t-il qu'il y a une injustice à son endroit, je n'en sais rien.
10:16Mais tous les éléments qui sont les chiffres, etc., qui sont dans nos rapports d'émissions d'informations sont tous des rapports, des chiffres
10:26qui sont les chiffres du gouvernement. Nous n'avons rien fait d'autre que d'utiliser, d'analyser et d'essayer de comprendre. À titre personnel,
10:37à plusieurs reprises, j'avais même interpellé le gouvernement au cours du premier semestre de l'année 2024, m'inquiétant de la dégradation des comptes.
10:49Très souvent, on nous a opposé, je le dis, les positions des Républicains à l'Assemblée nationale. Quand on est au Sénat, on répond déjà aux sénateurs.
11:01Ça me paraît la moindre des choses, notamment au regard de la position des sénateurs, dont je redis deux éléments. Le premier, de dire qu'on avait voté 7 milliards d'économies,
11:11et puis, parce qu'on l'a entendu aussi, le sujet des retraites. Sur les retraites, le Sénat, la majorité sénatoriale, a accompagné et a voté favorablement avec le gouvernement.
11:23Donc je pense qu'il ne faut pas de faux procès. Et nous sommes une mission d'évaluation et de contrôle. Nous ne sommes pas des procureurs. Nous ne sommes pas des censeurs.
11:31On serait bien gardés, d'ailleurs, de le faire.
11:33— Mais vous faites votre métier. Mais juste plus généralement, une dernière question, Jean-François Husson. Est-ce que, quand même, cette espèce de dégradation, de dérive – il faut le dire, vous le dites, d'ailleurs, et c'est clair avec les chiffres qu'on a –
11:45est-ce que ça ne traduit pas, quand même, quelque chose qui, d'ailleurs, précède de loin peut-être les deux derniers gouvernements, cette opacité, ce manque de transparence ?
11:56Enfin, je veux dire, ce n'est pas en cachant les choses, ce n'est pas en dissimulant, ce n'est pas en faisant des faux semblants ou des ruseaux de fumée qu'on va arranger. Le réel, c'est le réel.
12:06— J'ai envie de dire oui, parfaitement. Et oui, malheureusement, j'assume le fait de dire les choses avec un peu de rudesse.
12:15Mais parce que je pense qu'on est dans un moment où peut-être plus encore que par le passé, au regard de la gravité de la situation et de l'instabilité qui gagne le pays,
12:27on doit se dire les choses. On doit le dire en vérité. C'est pas toujours agréable à entendre. Et on doit en tirer les conclusions. Et moi, j'assume les deux.
12:37Un, je dis les choses en face. Ça peut être un peu rugueux. Et puis aujourd'hui, je me retrousse les manches pour essayer de donner le coup de main dans la coalition gouvernementale,
12:50qui est une coalition politiquement minoritaire. Mais on va se retrousser les manches pour essayer de redresser la situation et que la France soit fière de s'engager
12:59dans un sursaut avec un effort massif, mais que les Français peuvent accepter de faire si on leur rend compte de ce qui s'est passé.
13:07— Exactement. Si on rend compte... Tout à fait. Si on se rend compte de ce qui s'est passé. Parce qu'il faut pas leur raconter des histoires.
13:13Et justement, vous essayez... Vous, vous faites. Vous ne leur racontez pas l'histoire. Et on aimerait que cet exemple soit suivi à tous les niveaux et dans tous les pouvoirs.
13:22Merci, Jean-François Husson.