Mardi 26 novembre 2024, SMART IMPACT reçoit Axel Reinaud (Cofondateur et PDG, Net Zero)
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00:00L'invité de ce Smart Impact, c'est Axel Reynaud, bonjour, bienvenue, vous êtes le cofondateur, président de NetZéro, créé en janvier 2021, bientôt 4 années d'existence,
00:18avec une ambition, séquestrer du carbone en produisant du biochar à grande échelle. On va raconter tout ça, l'histoire de l'entreprise.
00:25Il faut commencer par faire un peu de pédagogie, par définir le biochar, de quoi s'agit-il ?
00:31Alors le biochar, c'est en fait du carbone qui a été extrait de végétaux de manière générale, puisque à peu près la moitié de la matière sèche de végétaux, c'est du carbone.
00:43Et ce carbone, les végétaux poussent en captant du CO2 de l'atmosphère, et puis ensuite les végétaux mènent leur vie, et puis un jour ils meurent, ils sont coupés, etc.
00:53Ils se dégradent, et le carbone retourne dans l'atmosphère. Ça, c'est le cycle naturel qui existe depuis des millions d'années.
00:59Le biochar, en fait, ça permet d'extraire ce carbone. Ça ressemble un petit peu à de la poudre de charbon, ce qui est un peu au fond des sacs de charbon de bois, vous savez, quand vous avez fini votre barbecue.
01:09C'est fait à plus haute température, mais ça ressemble un peu à ça. C'est du carbone stabilisé qui provient de la biomasse.
01:15On utilise un procédé qui s'appelle la pyrolyse. On chauffe à très haute température sans oxygène. Ça permet d'extraire le carbone et de le stabiliser, et faire que ce carbone ne va plus se dégrader.
01:25Quoi qu'on en fasse, on peut le mettre dans l'eau, dans le sol, le laisser à l'air libre. On peut faire ce qu'on veut. Ce carbone, sauf si on décidait de le brûler, ne va pas se dégrader.
01:34On l'a séquestré d'une certaine façon.
01:36On l'a transformé du carbone qui tournait dans le cycle atmosphérique en un carbone très stable.
01:41Ça, c'est l'effet climatique. Ça permet en net d'enlever du carbone de l'atmosphère.
01:46Ce carbone a un usage parce que si on le mélange dans les sols agricoles, il améliore la qualité des sols.
01:52Il permet d'augmenter les rendements agricoles et d'améliorer la capacité à résister notamment au stress hydrique.
01:59On transforme un polluant, le CO2 dans l'atmosphère, qui contribue à réchauffer le climat en un produit utile pour l'agriculture.
02:08Effectivement. Vous avez créé cette entreprise NetZéro avec plusieurs cofondateurs.
02:15Il y a notamment le climatologue Jean Jouzel. Il y a aussi des partenaires camerounais, brésiliens.
02:23Qu'est-ce qui vous a réuni ? L'ambition de trouver une solution à grande échelle ?
02:27Je pense que c'est un mot important.
02:29Le biochar, c'est un produit qui est connu empiriquement de l'humanité depuis des milliers d'années,
02:36scientifiquement depuis une trentaine d'années, qui a toutes les vertus climatiques et agricoles que je décrivais,
02:43mais qui n'a pas trouvé de modèle pour passer à grande échelle.
02:47Ce qui nous a réuni, c'est un intérêt pour les sujets climatiques, un intérêt pour les sujets agricoles,
02:54et puis cette volonté de dire qu'il y a une solution.
02:57On n'a pas encore trouvé ni le modèle technologique ni le modèle économique pour le faire passer à grande échelle.
03:02Nous, on va essayer de s'y attaquer.
03:04Pourquoi le Cameroun et le Brésil ? Parce que notre modèle fonctionne en zone tropicale.
03:08Les tropiques, c'est la zone de la photosynthèse sur Terre.
03:11C'est là où les rayons du soleil tapent le plus fort, et donc c'est là où ça pousse le plus.
03:15Donc, il y a beaucoup de plantes qui poussent.
03:17C'est aussi une zone sur Terre où les sols sont particulièrement acides et pauvres.
03:24Contrairement à l'imaginaire, on voit la forêt tropicale luxuriante,
03:27on peut penser qu'il y a des sols très riches. En fait, pas du tout.
03:29Les sols sont très pauvres.
03:30Donc, il faut les nourrir.
03:31C'est eux qui répondent le mieux quand on met du biochar.
03:34Et donc, c'est là qu'on a en pourcentage la plus forte augmentation de rendement.
03:38On a entre plus 20 et plus 100 % de rendement.
03:41C'est absolument massif.
03:42Et puis, troisième intérêt des zones tropicales,
03:44c'est des endroits où l'agriculture ne valorise pas les déchets agricoles.
03:49Quand vous faites pousser du maïs, des noix de coco, de la canne à sucre, du café, etc.,
03:55en gros, ce que vous récoltez, il y a à peu près la moitié qui est utile et qu'on va manger,
04:00et puis en poids.
04:01Et l'autre moitié, c'est des déchets.
04:02Et ces déchets, dans nos pays du Nord, ils sont déjà en partie, en tout cas, assez bien valorisés.
04:07On a progressé.
04:08On a progressé.
04:09Dans les pays du Sud, il n'y a pas de filière de valorisation.
04:11En plus, c'est souvent des très grands espaces, très décentralisés.
04:14Donc, au fin fond des campagnes, que ce soit du Brésil, du Cameroun, de l'Indonésie ou de l'Inde,
04:20en fait, les agriculteurs ne font rien de ces déchets.
04:23Et donc, ils terminent jetés dans un trou ou brûlés.
04:25Je ne sais pas si tout le monde a vu, là, depuis quelques jours, on parle des pollutions en Inde.
04:29On voit les images de Delhi, là, dans une espèce de smog épouvantable.
04:33Des gens qui font leur footing dans la pollution.
04:34Voilà.
04:35Et en fait, cette pollution, c'est les agriculteurs en Inde qui brûlent les résidus de canne à sucre
04:40et les récoltent.
04:41Et donc, il y a ces quantités gigantesques.
04:44On pense qu'il y a à peu près 2 milliards de tonnes de résidus agricoles disponibles en zone tropicale.
04:48Et c'est ça qu'on veut valoriser.
04:49Donc, voilà.
04:50C'est la combinaison, la photosynthèse, les sols et les résidus.
04:53Et alors, c'est quoi le modèle économique de Net Zero ?
04:55Comment vous gagnez de l'argent ?
04:56Alors, on gagne de l'argent en disant, on récupère des résidus que les agriculteurs nous donnent
05:02puisque pour eux, c'est un encombrement.
05:04Et on les transforme en trois produits à valeur ajoutée.
05:07Donc, le produit physique, le biochar qu'on va vendre pour l'agriculture.
05:11Des crédits carbone, puisque l'effet de la production du biochar, c'est cet effet de séquestration,
05:17d'enlever du CO2 de l'atmosphère.
05:19Donc, on vend des crédits carbone à des entreprises qui veulent compenser avec des crédits carbone de qualité.
05:25Parce que le mot crédit carbone est un peu galvaudé.
05:27Des crédits carbone de qualité veulent compenser leurs émissions incompressibles.
05:31Et puis, le process de production génère de l'énergie.
05:34Et cette énergie, on peut la vendre soit sous forme de chaleur, par exemple pour sécher des produits agricoles,
05:39soit sous forme d'électricité.
05:41Vous en êtes où aujourd'hui ? On est quasiment à quatre années d'existence.
05:46Alors, on a aujourd'hui trois usines.
05:49Une au Cameroun, deux au Brésil.
05:52On a deux usines en construction au Brésil.
05:55Et l'année prochaine, on a prévu d'en construire six à huit.
05:59Ça va dépendre un petit peu de la taille des usines.
06:01C'est un peu modulaire.
06:03Donc, on commence la trajectoire de croissance.
06:07Alors, petite échelle pour commencer.
06:09Mais bon, il faut bien commencer.
06:11On a d'un point de vue financier, on a terminé notre série A qu'on a closée il y a quelques jours.
06:19Donc voilà, on a un modèle qui commence à se démontrer.
06:23Ça a été facile de lever des fonds ?
06:24C'était très compliqué.
06:26La période est compliquée ?
06:28Ou alors, c'est sur ces enjeux-là que c'est peut-être plus compliqué ?
06:31La période est compliquée.
06:33Et surtout quand on est une start-up industrielle,
06:35où on dit, nous, il va nous falloir quand même des montants assez significatifs,
06:38parce qu'on fait de la R&D, on construit des usines, il y a des actifs, etc.
06:42Ce n'est pas du logiciel dans un garage.
06:45Et puis bon, il y a tout le contexte macroéconomique qu'on connaît.
06:48Et donc, depuis deux ans et demi, c'est compliqué.
06:51Donc nous, c'était pile le moment de la série A.
06:54Après, il y a des éléments particuliers, qui est qu'on est sur un marché très nouveau.
06:58Le biochar, personne n'en fait. Il n'y a pas de marché du biochar.
07:01Le marché des crédits carbone de séquestration long terme est aussi un marché émergent.
07:05Et en plus, nous, on rajoute un petit zeste de complexité en disant,
07:08et on va faire ça dans les pays du sud.
07:11Alors, il y a des gens qui, quand ils voient tout ça, disent, ouh là là, ils sont fous.
07:15Bon, il y en a d'autres qui voient que derrière, il y a quand même des fondamentaux assez sérieux sur le modèle.
07:19Maintenant, le modèle, il est prouvé.
07:21Notre première usine industrielle, elle est rentable.
07:25On a trouvé des investisseurs, plutôt industriels d'ailleurs, pas les fonds,
07:29plutôt des industriels, qui se sont joints à nous dans l'aventure.
07:32Oui, j'ai vu qu'il y avait Stellantis, L'Oréal, CMACGM.
07:36Maintenant, on a l'OCP, qui est le grand fabricant de phosphate.
07:43En fait, c'est la première fois, je pense, qu'une entreprise du sud investit dans une start-up du nord
07:48sur des sujets de séquestration carbone. Donc, on était assez fiers.
07:51On a aussi le fonds d'infrastructure Stoa, le fonds de la Caisse des dépôts et de l'AFD.
07:55Donc voilà, il y a quand même des gens sérieux qui ont regardé notre modèle et qui se sont dit, ce n'est pas des rigolos.
07:59Mais c'est vrai que la période a été assez compliquée.
08:02Et quand je partage d'ailleurs avec d'autres collègues qui sont dans des start-ups industriels,
08:05tout le monde a beaucoup, beaucoup de mal.
08:07Je pense que les marchés se sont habitués à financer des start-ups dites « asset light ».
08:12Et quand on dit, non mais attendez, moi, c'est de l'industrie.
08:14Alors, il y a tous les discours, l'industrie, c'est bien.
08:16Oui, c'est ça, la réindustrialisation.
08:17Quand on arrive au bord du truc et qu'on dit, ah oui, mais il faut construire une usine, là, il y a un peu moins de volontaires.
08:21Alors, je pense qu'on sort de cette phase-là. Maintenant, ça va être, j'espère, plus facile.
08:25Il y a un autre partenariat industriel dont je vous ai parlé avec Dassault Systèmes.
08:28C'est quoi ? C'est un laboratoire d'innovation que vous bénéficiez ?
08:33Alors, en fait, Dassault, ils ont un programme pour aider des start-ups, des start-ups industriels,
08:38à utiliser leurs outils de conception.
08:41Puisque vous savez, les outils de Dassault Systèmes, on s'en sert pour concevoir des voitures, des fusées, des avions, etc.
08:46C'est des outils, on va dire, totalement surdimensionnés.
08:49Quand on a une petite start-up, c'est très cher.
08:51Et ils ont fait un programme où ils sélectionnent tous les ans quelques start-ups
08:54à qui ils donnent pendant deux ans l'accès gratuit à leur logiciel.
08:58Et nous, ça nous a permis de faire la conception de nos systèmes.
09:01Puisque NetZéro, au-delà de construire des usines et de les exploiter,
09:04en fait, au cœur, il y a de la technologie.
09:06Il y a la conception des systèmes, le hardware, le software,
09:09pour avoir des usines très simples à installer, automatisées, connectées par satellite, pilotables à distance, etc.
09:16Et donc, voilà, ce partenariat, ça nous a donné accès à ces outils et ça nous a permis d'accélérer.
09:21Il y a un dernier bénéfice dont on n'a pas parlé, mais je veux en parler parce qu'il est important.
09:25On a bien compris le bénéfice climatique, le bénéfice agricole.
09:28Il y a aussi un bénéfice social.
09:29Vous créez de l'emploi industriel dans des régions du sud qui en ont peut-être besoin.
09:35Ah oui, alors tout à fait.
09:36Parce qu'on crée, en fait, nous on fait des petites usines.
09:39L'idée, c'est d'en faire beaucoup.
09:40Et on crée de l'emploi industriel dans des zones rurales où il n'y a jamais eu d'industrie.
09:46Le plus qu'il y a, c'est du décortiquage, vous voyez, de petits produits agricoles.
09:50Et donc ça, c'est assez intéressant parce qu'on arrive en fait à transformer l'économie des petits villages
09:57ou des petites villes à côté desquelles on s'installe.
10:01On forme des gens qui étaient agriculteurs, qui étaient boulangers,
10:04qui n'avaient pas de compétences industrielles et on les forme à des emplois industriels.
10:09Nos usines, ce n'est pas un petit atelier qui fume et qui est tout noir.
10:13On dit qu'ils font un truc comme du charbon.
10:15Ce sont des usines extrêmement, avec les meilleurs standards industriels,
10:20toutes propres, avec des standards de sécurité, etc.
10:25Et donc finalement, ça amène une petite transformation au sein de ces villas.
10:30Ça amène de l'énergie et puis ça amène une augmentation du niveau de vie
10:34pour les agriculteurs qui voient leur rendement augmenter.
10:38Et ça, c'est un peu la base.
10:41Donc il y a un volet climat, mais aussi un volet pour les gens.
10:46Et c'est très important parce que finalement, ça permet de créer un modèle
10:50où les communautés veulent que l'on vienne s'installer et pas nous qui nous imposons.
10:54Merci beaucoup. Voilà une très bonne nouvelle.
10:56Merci Axel Reynaud et à bientôt sur Be Smart for Change.
10:59On passe tout de suite à notre débat.
11:02On va parler notamment inclusion tout de suite.