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Mardi 26 novembre 2024, REBONDS ! reçoit Véronique Pernin (Fondatrice Associée, VP Strat) , Lionel Gouget (Associé, VALTUS) , Emmanuel Bourgeois (CEO, Ducatillon) et Guilhem Bremond (Partner, Freshfields Bruckhaus Deringer LLP)

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00:00Bonjour à tous et bienvenue dans Rebond, votre émission mensuelle dédiée aux difficultés
00:21des entreprises, amiables, procédures collectives, gestion de crise, nous allons vous apporter
00:26toutes les clés pour affronter avec succès ces petits ou gros problèmes qui peuvent
00:31surgir dans la vie d'une entreprise.
00:34Aujourd'hui, je vous propose une réflexion autour du restructuring et du leadership,
00:39et plus précisément, savoir comment traverser les crises avec ses équipes.
00:44Une question que nous allons décortiquer avec nos invités, et j'ai le plaisir de
00:49recevoir sur cette émission tout d'abord Véronique Pernin.
00:53Bonjour.
00:54Bonjour Véronique.
00:55Alors vous êtes une ancienne experte en communication financière à Wall Street, et en 2005, vous
01:00avez fondé l'agence VP Strat, qui est partenaire de cette émission, et cette agence a pour
01:05objectif d'offrir un accompagnement sur mesure aux entreprises, à leurs dirigeants,
01:10mais aussi à leurs conseils.
01:11Alors, ça peut être en communication corporelle, ça peut être en relations médias, ça peut
01:15être en e-réputation ou en communication de crise, et vous êtes aussi la cofondatrice
01:21des WIR, c'est l'association des Women in Restructuring, c'est bien ça ?
01:25Absolument.
01:26Merci.
01:27Oui, tout à fait.
01:28Bienvenue sur ce plateau.
01:29Merci.
01:30A ma droite, j'ai également Guilhem Brémont.
01:32Bonjour.
01:33Bonjour Guilhem.
01:34Vous êtes associé au sein du cabinet d'avocats Freshfields, vous avez 30 ans d'expérience
01:38à peu près en matière de restructuration judiciaire, extrajudiciaire également, ainsi
01:43qu'en contentieux des restructurations, vous êtes aussi spécialisé dans tout ce
01:47qui est opérations de distress.
01:49Merci beaucoup de participer à cette émission.
01:51Avec grand plaisir.
01:52A ma gauche, Emmanuel Bourgeois.
01:55Alors, vous êtes le directeur général de Ducatillon depuis janvier 2021, c'est bien
01:59ça ?
02:00Oui, bonjour à tous, oui tout à fait.
02:01Alors, Ducatillon, c'est une entreprise du nord de la France qui est spécialisée
02:05dans le loisir outdoor, en quelques mots.
02:07Oui, du e-commerce, on vend tout produit pour l'outdoor, chasse, élevage, et puis
02:13on est multicanal, et puis multipayé, voilà, et donc Ducatillon, comme beaucoup d'entreprises
02:19e-commerce, a vécu en quelques années trois séquences, pour nous un MNA en LBO,
02:24puis après un redressement judiciaire, c'était la crise économique, et maintenant un retournement.
02:29Voilà, donc passionnant et beaucoup de séquences en même temps.
02:33Super, et puis ça va nous permettre de voir en fait en interne comment ça s'est passé
02:37pour vous, et quel justement enseignement vous allez pouvoir nous apporter sur justement
02:42cette gestion de crise avec ces équipes ?
02:44Ça a été riche.
02:45Ça a été riche, j'en doute pas.
02:47Yoann El Gougé.
02:48Bonjour à tous.
02:49Bonjour Lionel.
02:50Vous avez été directeur financier pendant 30 ans, à peu près, c'est ça, dans plusieurs
02:55entreprises de tailles différentes, sous LBO, en restructuration.
02:59Exactement, 10 ans de LBO et 10 ans de restructuring.
03:01La totale.
03:02Et vous avez été à la manœuvre, par exemple, de quelles entreprises on pourrait solliciter ?
03:08Ça a été parti en restructuring, j'ai passé 4 ans en restructuring, de 2008 à
03:122012, sur le groupe R100 Médias, qui est un dossier qui est passé de 600 millions
03:17à 1 milliard, de 1 milliard à 250 millions, dans la période où j'étais.
03:21Donc c'est là que j'ai fait mes premières armes, des dossiers comme Next Era One, suite
03:26à la reprise par Butler Capital à la barre, et puis plus récemment un dossier qui s'appelle
03:335 à sec, avant de rejoindre Valtus.
03:36Valtus, c'était en 2021, c'est ça ?
03:38J'ai rejoint il y a 4 ans Valtus, effectivement, donc je suis maintenant un des associés,
03:43avec une valance importante sur la partie, notamment restructuring et LBO, sachant qu'on
03:48est le leader européen du management de transition, niveau exec.
03:51Fantastique, merci beaucoup Lionel d'être avec nous aujourd'hui.
03:54Merci à vous.
03:55Et puis merci à tous les 4 d'avoir accepté cette invitation, donc on va rentrer dans
03:59le vif du sujet, donc restructuring et leadership, traverser les crises avec ses équipes.
04:04Alors, une crise, avant tout c'est un changement de paradigme, où en fait l'urgence c'est
04:10le maître mot, mais pourtant on est dans un flou, tout est quand même assez incertain.
04:14Comment on peut sortir de cette zone d'inconfort déjà pour démarrer le process dans les
04:20bonnes conditions ?
04:21Alors, avant de voir comment on en sort, juste pour décrire en quelques mots le passage
04:26et le changement de paradigme.
04:27On repasse d'un format qui est assez, entre guillemets, normé, son reporting financier,
04:33sa communication classique, ses relations, son actionnaire, ses banques, etc., qui sont
04:37assez normées, on reste dans sa zone de confort.
04:39Et on arrive d'un seul coup dans une zone sur laquelle tout vient s'accélérer, on
04:43manque de cash, les relations avec les fournisseurs, les parties prenantes, les actionnaires,
04:47les banquiers et compagnie se durcissent, on rentre dans une zone qui devient un total
04:51inconfort, tout s'accélère, les décisions deviennent de plus en plus courtes, c'est-à-dire
04:54les aspects qui sont le budget, le forecast, la communication longue, se raccourcissent
04:58à est-ce que je sais faire ma paye dans 15 jours par exemple, pour donner quelques éléments.
05:04On rentre dans une zone, quand on est manager, dans laquelle on est très très très très
05:09secoué, on perd pas mal de repères, c'est quelque chose qui ne s'apprend pas, même
05:14dans les parties école et compagnie, la trésorerie de crise, la relation de crise, la responsabilité
05:20du dirigeant, c'est tout un tas d'éléments qu'on n'apprend pas à l'école.
05:24En plus ça fait peur, ça fait un peu épouvantable.
05:25Ça fait peur et on arrive un peu dans cette zone-là, donc effectivement on rentre dans
05:29une terra incognita complète, on est dans une phase sur laquelle, comme dans l'hypercroissance
05:34d'ailleurs, tout vient de façon extrêmement urgente, accélérée, etc. et dans laquelle
05:39il faut garder à la fois le long terme, c'est-à-dire est-ce que je sais m'en sortir, est-ce que
05:42mon projet peut y aller, etc. mais également dans le court terme qui est est-ce que l'iceberg
05:45n'est pas trop près, est-ce que je sais encore faire mes payes, comment on se le disait.
05:49Donc il y a cette partie effectivement court terme, long terme, urgence qui vient de changer
05:52complètement et il y a un aspect complémentaire, je pense que tu pourras appuyer dans cette
05:57partie-là qui est une dimension entre guillemets également psychologique, dans laquelle on
06:00passe d'un format qui est tout va bien et typiquement je suis invité par mes banquiers
06:06au rugby ou machin au bidule, etc. et on passe dans une zone sur laquelle d'un seul coup
06:10on devient par certains côtés une sorte de paria et dans laquelle il y a ce truc du
06:16mon dieu, mon dieu, c'est l'échec, etc. donc ça renvoie à quelque chose qui est très
06:19compliqué et on se retrouve dans une phase parfois un peu complexe au niveau psychologique
06:25dans laquelle on parle souvent des 3D qui sont je dépose, je divorce, je déprime,
06:31c'est super réjouissant comme intro, fallait pas m'excuser, je suis désolé, donc il y a
06:35effectivement toute cette dimension qui est le changement de paradigme derrière.
06:39Après on reviendra mais il y a plein de solutions pour en sortir et tout le monde n'est pas
06:46fait pour ça, c'est-à-dire qu'avant même de rentrer dans le comment on en sort, il n'est
06:50pas honteux de dire je ne sais pas ou je ne veux pas faire, c'est quelque chose qui
06:54effectivement est totalement respectable mais c'est un métier totalement à part et ça
06:58ne s'apprend pas. Emmanuel ? Je vais rebondir sur Lionel parce que des
07:03exemples j'en ai, on passe d'un monde on va dire à certains à l'incertitude, du moyen
07:10long terme à l'urgence, je vais donner des exemples, c'est vrai qu'on gère la journée,
07:15on gère la semaine, on gère les fins de mois, un exemple très concret, vous passez au tribunal,
07:21le lendemain votre entreprise elle fonctionne, vous avez des commandes, des clients, vous achetez,
07:26etc. et puis vous livrez vos clients dans la France entière et puis qu'est-ce qui se passe ? Il y a
07:32un transporteur, des transporteurs qui apprend que vous êtes en redressement judiciaire,
07:36il appuie sur un bouton, tout s'arrête, vos colis sont dans la France entière bloqués partout et là
07:40vous êtes dans quoi ? L'urgence, l'agilité, vous prenez vos téléphones pour débloquer la situation
07:45et voilà vous allez vivre ça au quotidien, tous les jours, il va y avoir une liste de sujets et de
07:51problèmes, il va falloir réagir très vite, c'est vrai sur la trésorerie, on pilote une trésorerie
07:57normalement dans une entreprise, là c'est tous les jours, c'est comme le lait sur le feu, c'est
08:01sportif, et puis la troisième chose qui me semble très importante aussi c'est que vous
08:07comprenez que vous avez quatre grands piliers, vous avez les clients et il faut détruire le moins
08:13possible de valeurs parce que votre entreprise elle est quand même mal en point, vous avez vos
08:17fournisseurs parce qu'il va falloir travailler avec eux sur la suite et puis vous avez bien
08:21entendu vos équipes, il va falloir garder les meilleurs et puis vous avez bien entendu vos
08:27actionnaires parce qu'il va falloir les embarquer dans l'histoire et puis vous avez les RP parce
08:32qu'il y a un moment donné si vous voulez sortir de l'entreprise du trou et bien va falloir être
08:36au dessus des radars surtout une PME et donc se montrer et là on fait appel à Véronique, AVP
08:42Strat et là on lui dit comment on y va et comment on fait et là on structure et là Véronique a
08:47été extraordinaire, elle m'a aidé à structurer ma communication pour faire face à l'ensemble des
08:52quatre piliers et puis on a formé deux équipes, j'ai formé deux équipes, j'ai formé une équipe
08:56qui était vraiment à gérer tout ce qui est procédure collective avec moi, contrôle de
09:02gestion, Daf, Véronique bien sûr, Emmanuel Grey en tant qu'avocat et donc on a constitué une
09:08task force qui était dédiée à ça. Puis j'avais une autre équipe qui était dédiée au commerce et
09:12qui était là pour faire marcher le business, l'idée étant qu'à un moment donné le dirigeant doit
09:16faire l'intersection et l'interaction entre les deux et si vous menez de front, tout le monde
09:20leur dit vous devez être sur les deux fronts, vous les perdez tous voilà parce que derrière il
09:24va falloir avoir un projet, un cap, vous allez donner une vision comme dit Lionel, il va falloir
09:28se projeter même dans les difficultés à court terme pour emmener son équipe, embarquer ses
09:32managers, embarquer les relais sur la communication etc. pour que l'entreprise tourne et qu'à un
09:37moment donné votre entreprise elle ne soit pas obérée par vos décisions et que dans 12 mois
09:42souvent, vous trouvez un trou de table qui dit qu'à un moment donné le business est là, le
09:46modèle économique n'est pas cassé et on peut relancer la machine. Et à un moment donné je dis
09:51il ne faut pas avoir peur de l'échec, je pense que Léon Marchand nous a été extrêmement apporteurs,
09:56c'est à dire que lui il dit moi je n'ai pas peur de l'échec parce qu'à un moment donné j'ai appris
09:59à le gérer, c'est à dire à l'accepter et donc par moment on prend des bonnes décisions et par moment
10:03des mauvaises décisions et bien ça fait partie de la vie et on fait les quelques victoires qu'on a
10:07et voilà et on se relance et on passe le cap avec ses équipes le mieux possible pour trouver un
10:12rebond et on en parlera tout à l'heure. Oui effectivement quand un chef d'entreprise
10:18rentre dans la crise, il va devoir se réinventer, le premier stade ça va être l'acceptation
10:23personnelle individuelle de dire je suis en crise, je suis face à une situation que je ne sais a
10:28priori pas gérer et je vais l'affronter, je vais l'apprendre à bas le corps. Une fois que cette
10:33décision est prise, il va falloir entraîner toutes les équipes et là c'est un vrai défi de
10:37leadership, c'est à dire que toute une entreprise qui a l'habitude de tourner par définition sur
10:43des procédures, par définition sur une certaine routine qui est nécessaire au bon
10:49fonctionnement de l'entreprise même si chaque jour elle doit se réinventer et réagir aux
10:53situations. Là tout d'un coup toutes ces routines vont être cassées, il va falloir que le chef
10:57d'entreprise exerce un leadership très fort pour expliquer aux gens comment tout ce qu'il faisait
11:03avant en fait ils vont devoir le faire différemment. Je donne un exemple tout bête quand on rentre dans
11:09la crise, en général c'est une crise de trésorerie qui révèle la nécessité de la prendre en main tout
11:16de suite. La crise de trésorerie ça veut dire que je vais plus gérer mon entreprise par le chiffre
11:21d'affaires, je vais la gérer par le cash. Donc je ne vais plus chercher ce qui va me faire de la
11:26rentabilité maximale, je vais chercher ce qui va me libérer du cash ou en consommer au minimum.
11:30Ça il faut amener les équipes à le faire, ça veut dire que pour le chef d'entreprise il va falloir
11:35déjà auprès de ses équipes avoir une communication, leur donner confiance pour les entraîner sur des
11:42sentiers caouteux alors que jusqu'à présent ils étaient sur du goudron bien lisse et sur des
11:47directions connues. Ça c'est un vrai défi de leadership et c'est pour nous alors avocats
11:53quand on travaille avec des clients qui rentrent dans la crise. Par définition ce ne sont pas des
11:59habitués de la crise et il faut révéler chez le chef d'entreprise qui est notre client cette
12:06capacité à embrasser la stratégie, à embrasser la volonté de s'en sortir, de dépasser les
12:13difficultés et pour cela emmener toutes ses équipes en commençant par son directeur financier, sa DRH
12:20et puis ensuite toutes les équipes en dessous en ayant un discours de vérité parce qu'en réalité
12:24si on ne dit pas la vérité aux gens ils ne suivent pas ou ça dure cinq minutes et puis ensuite on perd
12:29leur confiance. Or dire la vérité quand la vérité c'est dire on est en grande difficulté c'est
12:35quelque chose que le chef d'entreprise n'a pas l'habitude de dire parce que son métier en général
12:39c'est plutôt de dire allez les gars on a confiance on y va ça cartonne et on va cartonner encore plus.
12:44Là tout d'un coup il faut changer le paradigme. L'entrée dans la crise c'est accepter ce changement
12:49de paradigme, reconstituer des équipes. Il y a l'équipe proche du dirigeant direction financière
12:57DRH comme je l'ai signalé essentiellement c'est les proches et puis il va falloir créer des équipes
13:02externes, des équipes de conseil. On avait généralement un bon conseil financier, un bon
13:07expert comptable, un avocat du quotidien ou des opérations de croissance et puis tout d'un coup
13:13on a un avocat de crise qui est beaucoup plus présent, beaucoup plus en contact au quotidien
13:18voire de manière multicotidienne avec le chef d'entreprise et puis il va falloir le cas échéant
13:22aller désigner un conciliateur, un mandataire ad hoc, des conseils financiers spécialisés, des conseils
13:28en management comme l'équipe de Lionel, des conseils en communication comme l'équipe de Véronique.
13:33Il y a un leadership dans l'entreprise qui se réinvente, il y a un leadership autour
13:40d'une task force qui va se constituer extérieur à l'entreprise mais qui doit fonctionner en
13:45synergie totale, en cohésion et tirer dans le même sens.
13:48Finalement, sortir de l'ornia pour une entreprise en difficulté et surtout pour son dirigeante, c'est bien s'entourer en interne et en externe.
13:54C'est bien s'entourer en externe, en interne c'est trop tard pour bien s'entourer.
14:00Il faut faire avec les équipes qu'on a. Parfois on a les bonnes équipes. Nous c'est un premier
14:06diagnostic, c'est qu'est-ce que vous avez comme direction financière, qu'est-ce que vous avez
14:10comme direction des ressources humaines, jusqu'où on peut leur faire confiance.
14:14S'il y a des points faibles, là on va aller chercher, c'est le travail de Malthus que
14:19dirait Lionel, c'est aller chercher la compétence mais on ne peut pas non plus rechanger tout
14:23le management.
14:24Il va falloir entraîner les équipes telles qu'elles sont, le temps n'étant pas là
14:29pour passer six mois à trouver quelqu'un d'autre.
14:32C'est vraiment un exercice de leadership très puissant.
14:36Moi je vais vous dire de mon expérience, on sait très rapidement les entreprises qui
14:40vont s'en sortir ou pas, ça ne dépend pas de leurs difficultés, ça dépend du leadership
14:44du patron.
14:45Et de la dynamique.
14:46La pugnacité et la confiance de ces équipes.
14:50Et la constitution de cette équipe en noyau corps effectivement, le status force qui doit
14:55être extrêmement soulé.
14:56Je sais que j'ai gardé mes équipes, y compris les conseils d'ailleurs d'il y a plus de
15:02quinze ans, encore d'excellents copains.
15:05Oui parce que vous faites la guerre ensemble quelque part.
15:07Exactement.
15:08Et c'est vrai que lorsqu'on fait visiter à des actionnaires potentiels une entreprise,
15:13ce n'est pas la même chose s'il y a des gens avec un piqué de grève qui font brûler
15:15des pneus ou s'il y a des gens qui sont là en train de vendre son entreprise, vendre
15:19son métier et la projeter.
15:21C'est le premier actif de l'entreprise.
15:23Le cap est clair.
15:24Et là je peux vous dire que le deal n'est pas le même.
15:28On avait travaillé avec Véronique sur Ascoval pendant quelques années, une entreprise
15:32dont on a prédit la fin pendant longtemps.
15:35Ce qui a fait la différence en dehors du travail qui a été accompli remarquable
15:40par les administrateurs judiciaires, par les conseils qui étaient là, ce qui fait la
15:44différence c'est que les salariés de l'entreprise, les syndicats, les représentants du personnel
15:51à tous les niveaux ont dit on va se battre et on va avancer dans la cause.
15:55Tout le monde était uni.
15:56Et ça, ça a été un travail conjoint avec un chef d'entreprise Cédric Orban qui était
16:00là, qui a su galvaniser ses troupes, les canaliser et les emmener dans une même direction.
16:06C'est vraiment un énorme exercice de leadership.
16:08Emmanuel Bourgeois y est passé, il sait ce que c'est, il faut emmener des troupes dans
16:13des terrains inconnus.
16:14Pour rester dans cette image de guerre, ce plan d'attaque, comment on le construit ?
16:19Parce que là on est vraiment sur un vocabulaire guerrier.
16:21Déjà, moi je voulais quand même faire une petite introduction sur le rôle de la communication.
16:25On a dit changement de paradigme, c'est sûr qu'on annonce un jour que l'entreprise est
16:31malade quelque part.
16:32Donc ce jour-là, il faut le préparer et ça se prépare en amont bien sûr.
16:36Qu'est-ce qui se passe ? Il y a une perte de rationalité, il y a une hypersensibilité
16:41qui s'installe, il y a des divergences d'intérêts, c'est-à-dire que là où tout le monde était
16:45d'accord, d'un seul coup, ça tiraille de tous les côtés.
16:48Il y a une perte de confiance potentielle, or l'entreprise a besoin de fonctionner dans
16:53un écosystème avec ses clients, ses fournisseurs, les gens qui la financent, etc.
16:58Il y a aussi une accélération du facteur temps.
17:01En ce qui concerne la communication, souvent les entreprises sont équipées en communication,
17:08sauf qu'en fait on passe dans une autre forme de communication parce qu'il y a un changement
17:11de paradigme, on passe en communication de crise.
17:14La communication de crise, c'est autre chose, ce n'est pas la communication classique qu'on
17:18fait habituellement.
17:20C'est une communication qui prend en compte ces enjeux de difficultés, qui traite l'urgence,
17:26qui doit connaître aussi les difficultés rencontrées par l'entreprise, qui doit avoir
17:30une compréhension des problématiques financières et juridiques, judiciaires, d'équipe, RH, etc.
17:38Et donc c'est important, c'est très important de savoir accepter d'être accompagné par
17:45des gens qui sont extérieurs, qui sont spécialisés et qui vont protéger les équipes.
17:50Parce que les équipes en réalité qui sont en place, elles vont en fait devoir continuer
17:55de faire vivre l'entreprise avec sa communication normale, son marketing normal.
18:00Et donc elles doivent être en prise toujours directes avec ces problématiques.
18:04Et nous par contre, communiquant de crise, on vient protéger, on vient donner des réponses,
18:10expliquer, etc.
18:11Alors il va falloir construire un plan, il va falloir avoir un projet parce que pour
18:15retourner une entreprise, il faut un projet, il faut un cap.
18:20Alors on ne va pas citer Sénèque, mais pour savoir dans quel port on va arriver, effectivement,
18:24il faut avoir un cap.
18:25Et celui-ci, il est porté par les dirigeants, il est porté aussi par les équipes.
18:30Ça c'est très important parce que c'est eux qui vont finalement faire avancer la
18:34transformation de l'entreprise ou son évolution.
18:36Et puis il faut aussi l'accord des actionnaires, il ne faut pas oublier ça.
18:40Donc les actionnaires sont très importants et il faut pouvoir leur expliquer le projet
18:43et les convaincre.
18:45Voilà, donc le rôle de la communication, ça va être quoi ?
18:47Ça va être finalement de bâtir des éléments de langage pour expliquer le projet que l'on
18:53va mettre en place, pour expliquer les difficultés déjà, bien sûr, avoir des éléments de
18:58langage pédagogique qui seront des éléments d'ailleurs de langage commun pour tout le
19:04monde, pour que tout le monde se réaligne sur un cap et puis un discours.
19:08Donc on explique les difficultés et on explique le projet de redressement.
19:13Comment on va finalement sortir de ces difficultés ou de cet impasse ?
19:17Donc là on a un rôle en communication interne et externe et bien sûr il y a la presse qui
19:23vient jouer son rôle parce que vous pouvez être une marque très connue, dans ce cas-là
19:30évidemment la presse va tout de suite s'emparer, nous on a travaillé pour Célio, pour Flunge,
19:33pour La Paire.
19:34Ce sont des marques qui immédiatement attirent les journalistes et il faut savoir ce qu'on
19:39doit leur dire.
19:40Et puis vous pouvez aussi être par contre des marques peut-être plus locales, mais
19:44le local c'est pareil, vous avez les élus locaux qui vont s'intéresser à vous, vous
19:49avez la presse locale, donc il va falloir maîtriser.
19:52Et si vous ne voulez pas que d'autres parlent à votre place, il faut être en maîtrise
19:56de votre discours et donc c'est important de préempter, de savoir ce que vous allez
20:00dire aux équipes, que les équipes soient des bons relais des éléments de langage.
20:05Les managers et l'encadrement sont absolument clés dans cette étape, on doit leur dire
20:10et leur donner les outils avec des Q&A qui leur permettent de répondre aux questions
20:13de leurs équipes.
20:14Et puis donc tout ça va s'enclencher avec un ensemble de méthodes et de techniques
20:18extrêmement structurées, presque militaires.
20:21Et on parlait de confiance tout à l'heure, ça fait partie des choses qu'il faut toujours
20:26restaurer puis conserver pendant la crise, c'est clé effectivement à la communication.
20:30Et le rôle de la com' est de maintenir la confiance, tout à fait, éviter le phénomène
20:34du sauf-qui-peut.
20:35Oui, parler vrai aux équipes, je crois qu'on a beaucoup travaillé la pédagogie, expliquer
20:45ce que c'est qu'un redressement, parce qu'un redressement judiciaire c'est liquidation
20:47pour les gens, c'est un strike direct, non, il y a plusieurs possibilités, il faut expliquer
20:52les choses.
20:53Le redressement judiciaire c'est en fait un outil juridique qui nous est offert par
20:58le droit français et qui nous permet de geler nos dettes antérieures, donc c'est une chance
21:02pour nous, entreprise en difficulté, de gagner du temps, de récupérer de la trésorerie
21:07et de pouvoir mettre en place ou accélérer le projet de transformation.
21:11Il faut essayer toujours de voir le verre à moitié plein.
21:14Exactement, et donc ça permet, déjà il y a un côté pédagogique, il y a un rôle
21:17du CSE qui est extrêmement important aussi parce qu'on est présent au tribunal avec
21:22des représentants du personnel, voire la secrétaire du CSE.
21:25Et ce qu'on a essayé de faire avec Véronique Hache systématiquement c'est des rites et
21:28des rythmes.
21:29Donc systématiquement, tous les mois, je prenais la parole devant les équipes pour
21:34dire on en était, les projets, comment ils avancent, etc.
21:37Et chaque fois qu'on sortait du tribunal de commerce, dans l'heure qui suivait, on sortait
21:41à 17h, à 17h30, on était devant les équipes à prendre la parole pour dire voilà ce qui
21:46a été dit, voilà ce qui a été décidé, et on est en présence, des représentants
21:50du personnel bien sûr avec, mais aussi l'administrateur judiciaire qui était là, voire les avocats.
21:55Et donc tout ça, cette pédagogie, ces points d'étape qui sont très importants pour amener
21:59les équipes et les amener jusqu'au bout et de réussir.
22:02Et les aligner sur le projet aussi ?
22:04Cet alignement sur le projet, il est primordial parce qu'en l'occurrence, il faut vivre le
22:09quotidien à l'immédiateté, mais il faut projeter les équipes parce que sinon, s'il
22:13n'y a pas d'espoir et d'espérance, les gens ne lèvent le bas.
22:16La vision stratégique est très importante.
22:18Et donc si je vous donne un exemple, nous on était vraiment en grande difficulté et
22:23il s'avérait qu'on avait des clients qui étaient amoureux de la nature mais plutôt
22:26chasseurs puis des clients qui étaient amoureux de la nature non chasseurs.
22:30En moins de deux mois, on a monté un site e-commerce pour aller cibler ces clients non
22:35chasseurs et pouvoir aller leur permettre de vendre et d'acheter des produits en dehors
22:40des produits de la chasse.
22:41Et ce projet a été monté par toutes les équipes.
22:44Le service clientèle écrivait les fiches produits, les photos étaient faites par
22:48l'équipe logistique, le marketing faisait la plateforme.
22:52Et donc, on amène tout le monde à un projet qui va faire que tout le monde va vivre au
22:56quotidien et c'est dur.
22:57Lionel l'a dit, c'est du art.
22:58Mais inversement, on va aller projeter sur l'avenir en disant mais il y a un avenir
23:01parce qu'on est en train de monter une double réponse qu'on n'avait même pas avant.
23:05Et donc, ce rebond qu'on a en tête, ça va permettre de faire des choses extraordinaires
23:11en moins de deux mois sans moyen alors que peut-être on aurait mis dix mois ou deux
23:15ou un an pour faire la même chose.
23:18Sur la question du leadership, je voudrais faire deux réflexions.
23:22La première, Véronique a mentionné tout à l'heure la relation avec les actionnaires.
23:26D'une manière générale, moi, avocat spécialisé en retournement, je suis généralement
23:30appelé soit par les actionnaires, soit par le management.
23:33Quand c'est les actionnaires qui m'appellent, la première question que je leur pose, c'est
23:35est-ce que vous avez confiance dans votre management et est-ce que votre management
23:38a confiance en vous ?
23:40Quand c'est le manager qui m'appelle, la première question que je lui pose, c'est
23:43est-ce que vous avez confiance dans vos actionnaires et est-ce qu'ils ont confiance en
23:45vous ? Et si je ne suis pas moi convaincu de la réponse, c'est le premier sujet
23:50que je vais traiter. C'est-à-dire qu'il faut, à partir du haut, avoir la certitude
23:55qu'il y aura un alignement.
23:58Premier point. Deuxième point, et je reviens sur le sujet du débat d'aujourd'hui,
24:02qui est la question du leadership.
24:04Un chef d'entreprise dans les difficultés va devoir, et on l'a dit, exercer un fort
24:10leadership sur ses équipes.
24:11Mais il va devoir aussi imposer un leadership sur l'environnement extérieur à
24:17l'entreprise. Je viens de mentionner les actionnaires.
24:20Les actionnaires peuvent être très directifs, mais à la fin, il n'y a que le
24:23management qui est au contact de l'entreprise, de ses clients, de ses salariés, de ses
24:27fournisseurs, de ses partenaires.
24:28Et il va devoir parfois s'imposer un peu.
24:31Donc, il faut une confiance et une écoute, mais le management va devoir s'imposer.
24:36De la même manière, et je vais jeter une pierre dans mon propre jardin, dès lors
24:42qu'on rentre en restructuration, on aura une équipe de conseils autour de l'entreprise.
24:48Lionel, Véronique, moi, avocat, financier, gestion, communication.
24:53On est tous des experts.
24:55On sait tous mieux que le chef d'entreprise ce qu'il faut faire.
24:59Mais quand même, à la fin, il faut que le chef d'entreprise nous dirige.
25:03Il faut qu'il ait suffisamment confiance dans son équipe de conseils pour
25:07l'écouter et intégrer tout ce que nous pouvons lui dire, nos conseils.
25:11Et en même temps, c'est à lui de donner le cap.
25:13Nous ne sommes que des conseils.
25:14Et ça, ce leadership, il doit aussi s'exercer dans ce groupe-là, ce qui est un
25:19exercice difficile parce qu'on n'y est pas toujours préparé.
25:23Donc, il y a une confiance qui doit s'établir pour qu'il y ait suffisamment
25:26d'écoute. Et à la fin, quand même, l'entreprise, elle a un leader, un patron,
25:30un management. Et c'est ce management qui doit donner la direction à la fin.
25:34Parce que ce plan, il va falloir le mettre sous pression en plus.
25:36Oui, c'est ça. Alors ça, c'est effectivement là encore, la communication
25:40joue son rôle parce que la communication, c'est ce qui se voit.
25:44Et le fait de dire on va faire quelque chose et de l'écrire, si possible,
25:51voilà, ça peut être une newsletter interne, en tout cas, laisser des traces
25:55de ce plan, ça oblige les équipes à le faire.
25:59Et en plus, l'idée, c'est de leur dire on va célébrer les succès.
26:05On va, pour la paire, par exemple, on avait mis en place une newsletter
26:09très régulière de suivi du plan de transformation.
26:13Et en fait, les équipes, chaque mois, devaient donner des éléments pour dire
26:18voilà, voilà les avancées, même si c'était des petites avancées.
26:22En fait, ça les obligeait à avoir des choses à dire.
26:24Donc, il fallait qu'elles avancent sur le plan.
26:27Donc, ça met le plan sous pression.
26:29Donc, ça, c'est très important, effectivement, et d'analyser les résultats.
26:33Parce que le plus beau plan de la Terre, s'il n'est pas mis en œuvre,
26:37il ne sert à rien. Donc, c'est très important.
26:40On passe vraiment dans une phase d'ultra-action, c'est-à-dire qu'on ne peut
26:42pas se permettre d'attendre et de voir venir et de voir décanter.
26:45On est vraiment dans une phase où tout s'actionne, etc.
26:47Il faut suivre les résultats, fêter les petites victoires.
26:49Et c'est extrêmement important de conserver de façon permanente cette adhésion
26:53et cet alignement depuis l'actionnaire jusqu'aux équipes, en passant par
26:57les partenaires.
26:58On a eu ça sur Ascoval, sauf avec l'actionnaire.
27:02En tout cas, au maximum, effectivement, en ce qui comprit les partenaires,
27:06en donnant toujours cette visibilité, avec cette notion de confiance qu'il
27:09faut toujours garder, même quand on a une mauvaise nouvelle, il faut la
27:11communiquer, expliquer pourquoi on a dérivé par rapport au plan.
27:15Mais en tout cas, tout ça est réajusté et que tout ça soit limpide,
27:19clair, effectivement.
27:20Et on rentre dans une phase de vraiment d'ultra-action et d'extrême cohésion.
27:25Et il faut avoir cet aspect, il faut être nécessairement dedans de
27:29façon permanente.
27:30D'où cette adhésion.
27:31Il y avait des gens aguerris qui connaissent à la fois l'entreprise,
27:35l'extérieur et qui vont pouvoir avancer dans ce format-là.
27:38Peut-être deux points importants que j'aimerais souligner.
27:42Très important de travailler en cellule.
27:44On l'a dit, mais vraiment, il y a quand même des entreprises encore
27:47qui veulent travailler en silo parce qu'avant, elles fonctionnaient
27:50comme cela.
27:51Et ça ne marche pas.
27:53Quand on passe en crise, on doit être en cellule.
27:55Ça, c'est vraiment très important d'être tous alignés avec un Etat
27:59major, en fait, qui travaille ensemble.
28:01Et le deuxième point, c'est les séquencements.
28:04Les séquencements sont très importants.
28:05Un point sur l'annonce d'une procédure collective, c'est que
28:10quand vous envoyez les convocations au CSE à qui vous allez annoncer
28:16l'ouverture d'une procédure, attention de ne pas dire que vous
28:18rentrez en procédure collective dans la convocation, parce que
28:21sinon, ça y est, c'est fini.
28:22C'est dehors.
28:23Donc, il faut faire attention à ça.
28:25Et deuxième point, votre communication va démarrer à la sortie
28:28du CSE d'annonce parce qu'en réalité, les gens ne vont pas pouvoir
28:32s'empêcher de parler.
28:33Tout le monde parle dès que la crise arrive.
28:35Tout le monde parle.
28:36Donc, il ne faut pas penser que parce qu'ils ont signé un NDA,
28:42personne, tout le monde va garder ça confidentiel, ou alors peut-être
28:45deux, trois heures.
28:46Mais c'est tout.
28:47Le soir, avec leurs épouses, leur épouse ou leurs enfants, tout
28:52le monde, voilà.
28:53Ils ne vont pas en parler en famille.
28:53C'est terminé.
28:54Donc, il faut vraiment penser à préempter la communication dès
28:58la sortie du CSE.
29:00Et donc, il faut faire attention à ce calendrier aussi juridique,
29:03judiciaire de l'audience qui suit le CSE pour que le décage ne soit
29:08pas trop long entre les deux.
29:09Parce que sinon, vous êtes quand même obligé de l'annoncer au conditionnel
29:13en mode projet.
29:14Mais le moment où l'audience se tient, eh bien, si c'est sept jours
29:19après, vous avez les fournisseurs qui débarquent chez vous.
29:23Donc, on avait eu le cas sur Flunch.
29:26On avait complètement fait changer le calendrier parce qu'on m'avait
29:29dit tu communiques à l'audience.
29:30Non, parce que quatre jours avant, une marque comme Flunch, quand on
29:34annonce qu'elle passe en sauvegarde, c'est fini.
29:36Tout le monde sait.
29:37Toute la presse déroule.
29:37Donc, nous, on voulait être en maîtrise.
29:40Alors, juste pour conclure, j'ai envie de vous demander à chacun,
29:44mais vraiment un seul mot, pour résumer ce qui est important,
29:47selon vous, à garder en tête, justement, pour emmener ces équipes
29:49dans le projet.
29:50Je m'en permets deux.
29:51L'équipe et la cohésion est vraiment au sens super corps du terme et
29:56se faire aider par les experts, par les gens qui connaissent,
29:59y compris d'un point de vue, entre guillemets, psychologique.
30:03Encore une fois, c'est un rebond.
30:06Ce n'est pas une échec.
30:07Ce n'est pas un échec.
30:08Donc, cohésion et conseil externe.
30:09Exactement.
30:10Alors, en deux mots, agilité parce qu'on est dans l'immédiateté.
30:14Et puis, anticipation parce que le rôle du dirigeant et du leadership,
30:18c'est de se projeter à 12 mois pour travailler son rebond.
30:23Confiance, donner la confiance, avoir confiance dans ces équipes,
30:27dans les conseils.
30:28Confiance.
30:29Faire des difficultés, des opportunités de se repenser.
30:34Merci beaucoup à tous les quatre pour cet échange.
30:36Merci beaucoup.
30:37On se retrouve le mois prochain pour une nouvelle émission de Rebond.

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