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Vendredi 8 novembre 2024, LEX INSIDE reçoit Sophie Dechaumet (Partner, Winston & Strawn LLP) , Théo Ducharme (Maître de conférences en droit public, Paris 1 Panthéon-Sorbonne) et Andras Haragovitch (Associé Fondateur, KUBE M&A;)

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00:00Bonjour, je suis ravi de vous retrouver pour un nouveau numéro de Lex Inside, l'émission
00:27qui donne du sens à l'actualité juridique. Au programme de ce numéro, on va parler de
00:32l'appréciation du motif économique en matière de licenciement. Ce sera dans quelques instants
00:37avec Sophie de Chaumet, avocate associée au sein du cabinet Winston & Stone. On évoquera
00:43ensuite la responsabilité de l'État du fait des lois inconstitutionnelles avec Théo
00:48Ducharme, maître de conférence en droit public à l'université Paris Panthéon-Sorbonne
00:54et enfin on parlera de répartition des risques en matière de M&A avec Andras Aragovic, associé
01:01fondateur de Cube M&A. Voilà pour les titres, c'est parti pour Lex Inside !
01:05On commence tout de suite ce Lex Inside et on va parler de l'appréciation du motif
01:20économique en matière de licenciement avec mon invitée Sophie de Chaumet, avocate associée
01:25au sein du cabinet Winston & Stone. Sophie de Chaumet, bonjour !
01:29Bonjour Arnaud !
01:30Nous allons aborder la question du périmètre d'appréciation de la cause économique du
01:34licenciement. Mais avant toute chose, quelles sont les exigences légales entourant le licenciement
01:41économique ?
01:42Alors Arnaud, cela ne va pas vous étonner, mais le licenciement pour motif économique
01:47en France répond à des exigences légales extrêmement strictes et précises qui le
01:53rendent à défaut d'être réuni, infondé. Donc on peut finalement comparer le licenciement
01:59pour motif économique à un parcours semé d'obstacles avec plusieurs étapes. La première,
02:06c'est évidemment la justification économique. Il faut que deux conditions soient réunies.
02:12Donc en premier lieu, il faut une cause économique, c'est-à-dire les raisons pour lesquelles
02:17l'employeur doit se réorganiser. Donc il peut s'agir de difficultés financières,
02:22de mutations technologiques, de la nécessité de sauvegarder la compétitivité qui est
02:28très employée en France et également la cessation d'activité. Et ensuite, il faut
02:34qu'il y ait une conséquence évidemment sur l'emploi de ces causes. Elles peuvent
02:41être par exemple la transformation d'un emploi, les suppressions de postes évidemment
02:47et une modification d'un contrat de travail. Vous avez ensuite une deuxième étape qui
02:52est quels sont les salariés qui vont être concernés par ces licenciements avec ce qu'on
02:56appelle les critères d'ordre qui peuvent être par exemple l'ancienneté, les charges
03:00de famille ou les qualités professionnelles. Et ensuite, vous avez l'obligation de reclassement
03:05qui est très importante puisque l'employeur doit démontrer qu'il a mis tout en œuvre
03:08en termes de formation, d'adaptation, de reclassement au sein de l'entreprise. Donc
03:12vous voyez que c'est quand même un parcours qui est semé d'embûches.
03:15Tout à fait, un parcours semé d'embûches. On a vu le cadre juridique. Intéressons-nous
03:19maintenant aux obligations de l'employeur. Comment l'employeur doit-il démontrer le
03:25caractère sérieux du motif économique invoqué pour le licenciement ?
03:29Alors c'est une excellente question parce qu'évidemment, il ne suffit pas que les
03:32conditions que je viens de vous énoncer soient réunies. Il faut évidemment pouvoir les
03:35démontrer. Alors la charge de la preuve incombe à l'employeur et il doit fournir
03:40des éléments concrets, précis, vérifiables. Alors évidemment, tout passe par la documentation.
03:45Donc ça peut être par exemple des bilans comptables, des rapports financiers, des tableaux
03:49de bord, des prévisionnels. Ça peut être également des études de marché avec des
03:54comparaisons sur ce qu'il se passe par exemple chez les concurrents, notamment pour la sauvegarde
03:59de la compétitivité. Ça peut être également des rapports d'experts et notamment par exemple
04:03pour les mutations technologiques. On essaie d'être le plus précis et le plus exhaustif
04:08possible.
04:09Alors la situation est beaucoup plus complexe dans les cas des groupes d'entreprise. Quelles
04:14sont les spécificités de l'appréciation de la cause économique quand l'entreprise
04:18appartient à un groupe ?
04:19Alors lorsqu'une entreprise fait partie d'un groupe, l'appréciation de la cause économique
04:25doit se faire au niveau du secteur d'activité du groupe auquel appartient cette entité.
04:30C'est vraiment le principe de base. Le secteur d'activité, comment se définit-il ? En fait,
04:35c'était à l'origine la jurisprudence. Ça a été consacré par le faisceau d'indices et ça a été
04:41consacré en 2017. Et donc le secteur d'activité et notamment ce qui veut dire que ça peut être
04:46d'autres éléments caractérisés par la nature des produits, biens et services délivrés, par la
04:52clientèle ciblée, par les réseaux et modes de distribution se rapportant à un même marché.
04:59Il y a plusieurs questions qu'il faut se poser. C'est déjà, est-ce que l'entreprise fait partie
05:04d'un groupe ? C'est très important et nous dans nos dossiers, on se pose systématiquement la
05:08question. Étant précisé que la notion de groupe, elle est définie justement pour l'appréciation du
05:14motif économique mais elle peut être différente par exemple pour l'appréciation de l'obligation
05:18de reclassement. Donc là, en l'occurrence, c'est le code de commerce et non le code du travail qui
05:23le définit. Et c'est finalement un ensemble d'entreprises sous la direction d'une entreprise
05:29dominante qui contrôle les autres entreprises. D'accord. Ça c'est la première chose. Et la
05:33seconde chose, c'est que depuis 2017, il faut savoir que même si le groupe a une dimension
05:39internationale, ce qui arrive souvent, le secteur d'activité ne se limite finalement qu'au territoire
05:44national. Donc on va regarder vraiment que les entreprises qui se situent en France.
05:49Il y a un arrêt qui est venu le 24 juin dernier, apporter des précisions sur l'appréciation de la
05:55cause économique du licenciement. Que dit cet arrêt ? Alors cet arrêt en fait est une consécration. Ce
06:02n'est pas un revirement de jurisprudence puisqu'il y avait déjà plusieurs arrêts de la part de la
06:07Cour de cassation et puis il y a eu évidemment les ordonnances de 2017. Donc en fait, c'est une
06:11confirmation. Un, ça vient confirmer la définition du secteur d'activité et ensuite,
06:17ça vient dire que la spécialisation d'une entité au sein du groupe ne suffit pas à exclure son
06:24rattachement au secteur d'activité plus large du groupe. Et donc il faut finalement, on est sur
06:30une interprétation qui est très large du secteur d'activité. Concrètement, quelles sont les
06:35implications de cette décision pour la gestion des restructurations dans les groupes ? Alors,
06:41ça a quand même des répercussions significatives parce que ça vient confirmer le fait qu'on ne
06:46peut pas se limiter finalement à l'étude de la filiale ou du groupe de manière générale. Donc,
06:51ça vient complexifier quand même les choses puisque finalement, il faut avoir une documentation
06:56assez précise maintenant sur tout ce qui concerne finalement le secteur d'activité. Et donc moi,
07:03je dirais que finalement, un, ça complexifie les choses encore davantage et deux, il y a encore
07:11des risques plus conséquents au niveau du licenciement pour motifs économiques, des
07:14risques judiciaires évidemment. Et donc, on se pose toujours la question quand on voit ô combien
07:19ces procédures peuvent être complexes, peut-être des modes alternatifs de rupture du contrat de
07:25travail parce qu'on a quand même des outils merveilleux en France comme la RCC, un accord
07:29de GEPP ou un plan de départ volontaire. Donc, on peut quand même se poser la question face à tous
07:34ces obstacles. Pour finir, quelles sont les pratiques que vous recommandez en la matière
07:40pour des entreprises, des groupes qui envisageraient un licenciement économique ? La pratique, je pense
07:48que d'une part, il faut anticiper, il faut avoir une démarche beaucoup plus proactive et en fait,
07:54il faut avoir, comment dire, adopter une dimension beaucoup plus globale. On ne peut plus se concentrer
07:59uniquement sur l'entreprise qui est concernée. Et donc, ça demande en termes juridiques RH comptable
08:05finalement de mettre en place des bilans, etc. sur le secteur d'activité qui est concerné. Et donc,
08:12ça demande un effort et il y a une charge de travail évidemment plus importante. Et donc,
08:16d'être assez proactif là-dedans. Et donc, je dirais finalement anticiper les risques en alimentant la
08:22base de données et en finalement regroupant toutes les données financières, économiques, etc. et en
08:27les mettant à jour de manière régulière. Ensuite, je dirais évidemment jouer de transparence avec les
08:35représentants du personnel en informant, consultant le CSE par exemple, en ayant quand même, je dirais,
08:40un bon dialogue social sur ces sujets qui sont quand même très touchy. Ça veut dire qu'il faut
08:44faire part des difficultés dès qu'on les connaît, dès qu'on sait qu'elles sont importantes ? Oui, voilà. Je pense
08:48qu'en tout cas, il faut être assez transparent et assez honnête puisque on sait de toute façon
08:54qu'on a besoin. On a besoin d'eux après dans le cadre de la procédure. Et donc, autant être, encore
09:00une fois, sans violer les données qui sont confidentielles, être assez transparent. Et ensuite,
09:05je dirais qu'il faut faire un effort de formation vis-à-vis des équipes RH, juridiques, comptables,
09:10pour les sensibiliser quand même à tous ces sujets qui sont très techniques. Et enfin, je dirais
09:16évidemment s'entourer d'experts pour pouvoir évidemment être confronté à ces problématiques
09:22de la manière la plus sereine possible. Sur la formation, ça veut dire qu'il faut organiser
09:26des ateliers sur ces sujets, comment vous imaginez ? Oui, absolument. Il est tout à fait possible de
09:31faire des formations pour les salariés, pour justement pouvoir leur proposer des adaptations
09:38à leur poste et à toutes les évolutions auxquelles ils sont confrontés. On va conclure là-dessus.
09:44Merci d'être venu sur le plateau. Merci à vous. Merci Arnaud. À bientôt.
09:57On poursuit ce Lex Inside et on va parler de la responsabilité de l'État du fait des lois
10:02inconstitutionnelles avec mon invité Théo Ducharme, maître de conférence en droit public à l'université
10:08Paris Panthéon-Sorbonne. Théo Ducharme, bonjour. Bonjour, je vous remercie de l'invitation.
10:14Nous allons nous intéresser à un sujet complexe, la responsabilité de l'État du fait des lois
10:20inconstitutionnelles et on verra ensemble que c'est un recours encore sous-exploité.
10:25Commençons par les bases. Pouvez-vous nous expliquer ce qu'est la responsabilité de l'État
10:31du fait des lois inconstitutionnelles ? Cette responsabilité de l'État du fait des
10:36lois inconstitutionnelles, elle prend son origine dans la question prioritaire de constitutionnalité.
10:40Dès lors qu'on peut contester une loi qui a existé, se pose la question de savoir si cette loi
10:45a pu causer un préjudice à un individu ou à une société par exemple. Et donc, à la suite d'une
10:51déclaration d'inconstitutionnalité, le Conseil d'État a progressivement reconnu le principe
10:56suivant lequel un individu peut engager la responsabilité de l'État pour être indemnisé
11:01du fait de l'application d'une loi que le Conseil constitutionnel a déclaré contraire à la
11:05constitution. D'accord. Alors maintenant, on a une idée générale de ce qu'est la responsabilité
11:10de l'État du fait des lois inconstitutionnelles. Entrons dans le détail. Quelles sont les
11:15conditions pour engager la responsabilité de l'État du fait des lois inconstitutionnelles ?
11:20Ce régime de responsabilité est un régime de responsabilité qui ressemble à un régime de
11:25responsabilité pour faute classique. C'est-à-dire qu'il faut un fait dommageable, donc une loi
11:30déclarée contraire à la constitution. Il faut ensuite un ou plusieurs préjudices qui sont
11:35indemnisables et enfin un lien de causalité entre les deux. Ça va fonctionner de la manière
11:39suivante. Le fait dommageable sera identifié par le Conseil constitutionnel lorsqu'il examinera
11:44la QPC et ensuite le Conseil d'État, lui, engagera la responsabilité de l'État si ce fait
11:50dommageable et bien en lien avec les préjudices invoqués. Donc si on a ce fameux triptyque réuni,
11:55on peut engager la responsabilité de l'État ? Exactement. Il faut pouvoir réunir ce triptyque.
12:01Alors toute la difficulté pour le requérant va être de montrer que c'est bien cette
12:06inconstitutionnalité de la loi qui est à l'origine des préjudices qu'il a subis.
12:12Vous évoquez les préjudices. Quels types de préjudices peuvent être indemnisés par ce recours ?
12:17A priori tous les préjudices qui découlent de l'application de la loi peuvent être indemnisés,
12:22que ce soit des préjudices patrimoniaux, des préjudices de perte de chance. Il n'y a pas
12:26de limitation sur le type de préjudice, même si on peut plus difficilement envisager un préjudice
12:31corporel. En revanche la difficulté va plutôt porter sur les délais de prescription. Le
12:36Conseil d'État est assez restrictif. Qu'est-ce qu'il dit ? Il considère que la prescription
12:41quadriennale s'applique, mais il estime que la décision du Conseil constitutionnel ne fait pas
12:47repartir le délai de prescription de zéro. Et donc si on vous applique la loi depuis 30 ans,
12:52c'est seulement les 4 dernières années qui pourront être indemnisées, ce qui limite fortement les
12:57capacités d'obtenir une réparation. Alors vous estimez que ce recours est
13:03sous-exploité ? Pourquoi ? Alors ce recours est sous-exploité pour deux raisons principales. La
13:09QPC, on le sait, a irrigué les différentes branches du droit, ça devient un outil qui est
13:13utilisé par les professionnels du droit et par les conseils. Assez largement ? Assez largement.
13:18En revanche, l'après QPC est parfois un petit peu délaissé, c'est-à-dire qu'on en reste au fait
13:25qu'on a obtenu la constitutionnalité de la loi, mais on ne poursuit pas le débat sur le terrain,
13:30par exemple, de la responsabilité. Et il faut dire aussi que la jurisprudence du Conseil d'État
13:34est très récente, elle date de 2019, donc il y a plusieurs exemples dans la jurisprudence qui
13:39restent relativement éparses et pour le moment, il faut le dire, assez mal construits, ce qui n'a
13:43pas conduit à engager la responsabilité de l'État. Alors concrètement, elle dit quoi cette
13:47jurisprudence pour résumer ? Cette jurisprudence du Conseil d'État ou des juridictions du Conseil
13:53d'État ? Cette juridiction, cette jurisprudence du Conseil d'État, c'est celle qui fixe le
13:57principe de la responsabilité qu'il est possible d'engager. Et ensuite, le Conseil constitutionnel
14:02est venu poser des bornes en estimant que c'est lui qui avait la charge dans ses décisions de
14:08dire si au cas par cas, telle inconstitutionnalité pouvait permettre d'engager la responsabilité de
14:13l'État. Il y a toujours ce coup près du Conseil qui peut dire, certes la loi est abrogée, mais
14:19vous ne pourrez pas engager la responsabilité de l'État, et on le comprend bien, pour protéger
14:23entre autres les finances publiques. Alors abordons maintenant des questions pratiques. Quelles sont
14:27les principales difficultés pour mettre en oeuvre ce type de recours ? Les principales difficultés
14:33pour mettre en oeuvre ce type de recours vont reposer sur principalement la détermination du
14:39lien de causalité. Il va falloir que les requérants démontrent que c'est bien l'application de cette
14:45loi qui est à l'origine des préjudices. Et la jurisprudence pour le moment est assez restrictive
14:51sur ce lien de causalité, ce qui est assez classique en droit administratif, ce que le juge
14:55donne d'une main, il le reprend souvent de l'autre. Et en l'espèce, par exemple, ce qu'on appelle
15:02une incompétence négative, c'est-à-dire lorsque le législateur n'a pas épuisé toute sa compétence,
15:06va conduire à rompre le lien de causalité, puisque finalement on ne sait pas quelle loi le législateur
15:12aurait dû prendre, donc on ne peut pas considérer que son absence de loi est à l'origine des préjudices.
15:16Quelle est la tendance de la jurisprudence sur cette question ?
15:20La tendance de la jurisprudence, elle est relativement... on va dire que c'est une
15:25jurisprudence relativement prudente, eu égard principalement à deux éléments. D'abord la
15:31concurrence des droits européens, qui reste souvent plus sollicitée encore que le contrôle
15:37de constitutionnalité, c'est plus aisé, et puis c'est plus ancré dans la tradition jurisprudentielle.
15:42Il y a un recours de responsabilité similaire pour les lois inconventionnelles, ce qui fait
15:49que la responsabilité du fait des lois inconstitutionnelles est un petit peu en
15:52retrait. En tout cas, elle est un petit peu plus en retrait, on va dire, par rapport à
15:56l'inconventionnalité, qui a quand même plus de place historiquement.
15:59Est-ce qu'il y a une façon d'expliquer justement cette tendance de la jurisprudence à restreindre
16:09ce recours ? Une tendance souvent difficile à identifier dans la jurisprudence, la raison
16:16pour laquelle il va limiter tel ou tel recours... Alors je pense qu'il y a d'abord le fait que les
16:21partis ne le demandent pas toujours. Ils le demandent d'ailleurs assez rarement, ce qui
16:26s'explique aussi par le fait que la QPC est devenue un outil principalement utilisé par des associations
16:31entre autres, pour conduire à modifier le droit. Mais les associations elles ne sont pas directement
16:37impactées par la disposition législative, elles n'ont pas de préjudice à faire valoir,
16:42donc elles n'engagent pas la responsabilité. Ensuite, je pense qu'il y a un défaut de
16:47culture toujours autour de la Constitution, qui reste un outil sous-exploité dans les recours,
16:54tout simplement parce qu'il y a d'autres possibilités qui sont plus traditionnelles
16:58pour pouvoir obtenir ce que souhaitent les requérants. Vous l'avez dit avec l'usage de
17:02la QPC par exemple ? Exactement, et aussi avec le recours pour excès de pouvoir. Plutôt que de
17:08contester directement la loi, on va essayer de contester les actes d'application, ce qui est
17:12plus traditionnel dans l'esprit des conseils. Alors pour finir, comment on pourrait remédier
17:17à cette situation et faire en sorte que justement ce recours soit plus accessible et plus efficace ?
17:23Peut-être plus de communication sur les recours existants, sur les modalités. Par exemple,
17:30la responsabilité de l'État du fait des lois inconstitutionnelles, elle a un avantage
17:33manifeste pour faire une QPC. Pour faire une QPC, le préalable c'est d'avoir un recours. Ce n'est
17:39pas toujours évident de créer un recours. Et donc là, on a une instance et on peut insérer
17:43après une QPC dans cette instance. Pour créer un recours en responsabilité, rien de plus simple,
17:48vous envoyez une lettre à un ministère en demandant une indemnisation, il ne vous répond
17:52pas. Au bout de deux mois, vous avez un refus et vous pouvez contester ce refus devant le juge.
17:57Là, vous avez votre instance pour pouvoir ensuite contester la constitutionnalité de la loi. Donc,
18:02je pense qu'il y a encore un manque de culture dans l'utilisation de ces modalités pour pouvoir
18:06contester la loi. Donc, il faut faire encore preuve de pédagogie, de communication sur ce sujet.
18:11Exactement. Faire preuve de pédagogie, faire preuve de communication et expliquer que les
18:17modalités techniques d'engagement de la responsabilité sont relativement aisées.
18:22Le fait dommageable, c'est le conseil constitutionnel. Les préjudices, il n'y a pas
18:27de limite sur ce que vous pouvez invoquer. Et donc, finalement, certes, vous êtes heureux
18:32que la loi constitutionnelle disparaisse, mais vous pouvez également obtenir une indemnisation
18:36du fait d'une loi pénale, d'une loi fiscale. Peu importe les domaines, une indemnisation est
18:41possible. D'accord. On va conclure là-dessus. Merci d'être venu sur notre plateau.
18:46Je vous remercie.
18:52On va parler de la répartition des risques en matière de M&A avec mon invité Andra Saragovic,
19:04associé fondateur de Cube M&A. Andra Saragovic, bonjour.
19:09Bonjour Arnaud.
19:11La répartition des risques est une dimension importante dans une opération de M&A. Quelle
19:16est la manière traditionnelle de répartir les risques en matière de M&A?
19:21Arnaud, merci déjà pour cette invitation. Elle nous permet de parler d'un sujet que
19:27moi je trouve passionnant parce qu'il y a une petite révolution qui est en cours dans la
19:32manière dont on fait des fusacks en France. Et on n'en parle pas souvent.
19:35On n'en parle pas du tout. Donc, merci de nouveau pour cette opportunité. Alors,
19:40rappelons un petit peu le contexte et puis faisons un petit peu d'histoire pour bien se situer.
19:46Alors, nous allons parler des sessions d'entreprise, des sessions d'actifs entre
19:53professionnels. Donc, des choses plutôt... Ce n'est pas la session de fonds de commerce. Donc,
19:56ce n'est pas la boulangerie du coin. On parle d'opérations de plusieurs millions d'euros
20:01à jusqu'à plusieurs milliards. Notant au passage que je pense, selon les rumeurs de marché,
20:07que l'opération d'Oliprane qui vient d'avoir eu lieu a fait l'objet d'une assurance.
20:12D'accord. C'est bon à savoir. Voilà une information.
20:15Plus de 8 milliards d'euros de valeur d'entreprise quand même. Donc,
20:18l'une des plus grosses opérations sur le marché du M&A en Europe en ce moment. Donc,
20:23le sujet est vraiment d'actualité. Tout à fait.
20:25Pourquoi en parler dans votre émission ? Eh bien, au fait, ce dont on va parler,
20:30c'est une affaire de juriste. Une opération de M&A est très complexe. Il appartient donc
20:36aux avocats conseils, aux juristes qui y participent, d'organiser la répartition des
20:41risques. Et on le fait dans le contrat de cession qui reste un document relativement complexe.
20:47Alors, pour revenir à votre question, comment est-ce qu'on organise de manière traditionnelle
20:51cette répartition des risques ? Eh bien, c'est une valse un peu entre acheteur et vendeur uniquement.
20:58D'accord. Vraiment, par le passé,
21:00il y a toujours eu uniquement deux parties prenantes. La manière dont nos systèmes juridiques
21:06ont appréhendé le sujet est assez simple. Tous les risques de l'opération M&A reposent sur
21:13l'acheteur. En effet, en termes de garantie légale sur une cession de titre en France,
21:17l'acheteur est plus ou moins à nu. Il a le droit commun des contrats, donc les vis du consentement.
21:24Il a un petit peu le droit de la vente, donc les garanties sur les vis cachées, les garanties
21:29d'éviction. Mais ce n'est certainement pas suffisant pour le couvrir en cas de problème
21:33majeur sur son acquisition. D'accord. On vient de voir la répartition traditionnelle des risques
21:39en matière de M&A. Vous avez dit tout à l'heure qu'il y avait de la nouveauté. Quelle est cette
21:43nouveauté ? Arnaud, bonne question, mais faisons un petit pas en arrière avant d'y répondre. Donc,
21:48en l'absence de garantie légale pour l'acheteur dans une cession de titre, il fallait bien que
21:54l'acheteur et le vendeur se mettent d'accord sur comment essayer de protéger l'acheteur en cas de
21:59pépin sur l'entreprise qu'il achète. Ce sont les fameuses garanties conventionnelles, donc la
22:04garantie d'actif et de passif. Et c'est la partie du contrat de cession où le vendeur met la main
22:11sur le cœur et promet à son acheteur qu'il a bien fait sa comptabilité, il a bien payé ses impôts en
22:20bonne et due forme et à l'heure, il a respecté tous les lois qui s'appliquent à lui, etc. Donc,
22:27cette garantie d'actif et de passif, elle couvre le passé, donc c'est-à-dire la gestion de la
22:32cible par le vendeur jusqu'à la date de cession. D'accord. Et le dommage potentiel dont on parle,
22:38c'est quelque chose qui a lieu, enfin, qui est relatif à la gestion de la société par le
22:44vendeur. Donc, c'est normal que quelque part, s'il y a des pots cassés, ce soit le vendeur qui paye.
22:48Bien sûr. Donc, la répartition traditionnelle des risques dans une opération de M&A, c'est
22:54entre acheteur et vendeur où le vendeur promet à son acheteur de le rembourser pour une partie
23:00du prix d'acquisition, souvent entre 10 et 30 %. D'accord. Et la nouveauté, alors ? Alors,
23:04la nouveauté, et c'est ça qui est vraiment intéressant, c'est qu'une partie du marché
23:08des assurances s'est intéressée à ce mécanisme. Et quelque part, c'est logique parce que qui dit
23:13risque dit assurance. Bien sûr. Et le mécanisme mis en place est extrêmement simple. L'acheteur
23:20et le vendeur négocient leurs contrats, sauf que l'acheteur prend une police d'assurance auprès
23:25d'un assureur. S'il y a des mauvaises surprises dans la société, au lieu de se retourner contre
23:30son vendeur, l'acheteur va simplement voir l'assureur qui le rembourse. Alors, il faut
23:37vraiment insister sur l'élégance de cette solution puisque le vendeur, lui, est content. Lui, il a
23:44pris son prix d'acquisition, il en fait ce qu'il veut. Donc, si vous êtes un fondateur, vous avez
23:47créé une société, vous avez envie de partir à la retraite, vous n'avez pas besoin de vous
23:50inquiéter que pendant 2-3 ans, vous serez obligé de rembourser une partie du prix de cession. Bien
23:54sûr. Si vous êtes acheteur, vous êtes content puisque, ça se trouve, le vendeur aura liquidé
23:59toutes ses affaires et si vous l'appelez en garantie, il n'y aura plus personne qui appellera
24:04en garantie. Et l'ensemble des parties sont assez contentes puisque le processus de négociation
24:11du contrat de cession des actions est beaucoup plus fluide. Tous les sujets passionnels sur la
24:17garantie sur lesquels, en tant qu'avocat, on s'était écharpé pendant des semaines voire des
24:22mois. Là, on a une solution pour toutes les parties. Exactement. Alors, cette solution, elle semble
24:28évidente. Et pourquoi on n'y a pas pensé avant ? Je pense que pour qu'il y ait un marché, il faut
24:33qu'il y ait des acteurs, il faut qu'il y ait de la compétence. Alors, les acteurs sont là depuis
24:38presque le Moyen Âge. C'est la Lloyds. Les courtiers sont là depuis longtemps aussi. Mais il manquait
24:45la compétence pour essayer de souscrire ce type de risque. Le marché n'était pas prêt ? Non,
24:52pas du tout, puisqu'il n'y avait pas chez les assureurs les gens capables de souscrire un risque
24:57améné. Alors, pourquoi est-ce qu'un risque améné est très différent d'un risque, je ne sais pas,
25:01automobile ou autre ? C'est que le contrat dont on parle, il n'y en a pas beaucoup. Ce n'est pas
25:06des millions de contrats sur des petits montants. C'est très peu de contrats sur des montants
25:12colossaux. En plus, le sous-jacent, c'est-à-dire l'activité économique de la société, est
25:19extrêmement varié. Vous aurez deux sociétés qui ont la même valorisation, la même activité. Au fait,
25:24elles vont faire face à des problèmes totalement différents parce qu'elles ont des histoires
25:27différentes. Et donc, pour appréhender cette complexité, il fallait que les assureurs recrutent
25:33d'abord des juristes, des banquiers d'affaires, des auditeurs pour justement comprendre le risque
25:41à souscrire et pouvoir placer ces policiers-là. Donc, c'est ce qu'ils ont fait, mais ils l'ont fait
25:46peut-être il y a une dizaine d'années. Ils ont commencé... Donc, c'est un marché assez jeune.
25:51C'est un marché très jeune. Moi, je l'ai rejoint il y a 6-7 ans. Pareil, j'étais en cabinet pendant
25:5610-12 ans. Un chasseur de tête est venu me voir. Il m'a expliqué le mécanisme. Je lui ai dit,
26:01mais moi, au fait, en presque 14 ans de ménage, je n'ai jamais vu ça. Mais c'est intéressant. Et
26:07c'était il y a 6-7 ans seulement. D'accord. Et quelle est la taille du marché maintenant ? Combien
26:11il y a d'opérations qui sont assurées par an ? Alors, très schématiquement, aux États-Unis,
26:18c'est plutôt dans les 75% d'opérations qui font l'objet d'une assurance. Donc, c'est vraiment les
26:23trois quarts, surtout entre fonds de private equity. Ça s'est étendu à nos amis anglo-saxons et à nos
26:30amis allemands, les pays nordiques, où peut-être on est plutôt dans les 50% jusqu'à 75%. Et chez
26:37nous, en France, en Italie, on a un petit peu de retard. On est plutôt dans l'ordre de moins
26:42d'un quart. Alors, quels sont les nouveaux produits d'assurance et qu'est-ce qu'on assure
26:46finalement ? Eh bien, on vient de parler de l'assurance de gap. Donc, ça, c'est l'assurance
26:51des déclarations et des garanties. Donc, ça, c'est ce qu'on appelle un peu les risques inconnus.
26:57D'accord. C'est-à-dire, on s'attend à un sujet sur le social, sur le fiscal dans une société. C'est
27:02l'objet des déclarations et garanties données. Donc, ça, c'est l'assurance de gap. Et puis,
27:08se développe toute une gamme d'assurances qui visent des sujets spécifiques, c'est-à-dire les
27:14litiges ou des sujets environnementaux, des sujets fiscaux. D'accord. Donc, les sujets qu'on appelle
27:19connus. Connus parce qu'on n'est quand même pas trop loin de la cristallisation du risque. C'est-à-dire,
27:24on savait qu'il y avait peut-être un problème fiscal, mais là, déjà, on a reçu une lettre de
27:28l'administration disant, attention, il y a un sujet sur tel ou tel impôt. Ou alors, peut-être,
27:33il y a une question d'interprétation sur un cycle régulier par l'administration fiscale. Et on se dit,
27:39ah, donc c'est un risque beaucoup plus précis que ce que couvrent les déclarations dans votre
27:46contrat de cession. Pour finir, combien ça coûte ? Très schématiquement, à peu près 1% du montant
27:52assuré. Donc, entre 1,5 et 0,5 du montant assuré. Donc, vous prenez une acquisition dont la valeur
27:58d'entreprise serait de 100 millions d'euros. On assure à peu près 10, 15, 20% de cela. Donc,
28:04disons 10 millions. Eh bien, ça coûtera à peu près 100 000 euros que vous payez en une fois
28:09lorsque la cession se réalise. D'accord. On va conclure là-dessus. Merci d'être venu sur notre
28:15plateau. Merci beaucoup, Arnaud. Merci à toutes et à tous de votre fidélité. C'est le moment de
28:21se quitter. Et on se retrouve très bientôt sur BeSmart for Change pour un nouveau numéro de
28:26Lexinside.

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