Vendredi 6 décembre 2024, SMART BOURSE reçoit Olivier Delooz (Associé gérant, Clartan Associés)
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00:00Le dernier quart d'heure de Smart Bourges chaque soir, c'est le quart d'heure thématique et une fois par mois, nous avons rendez-vous avec les équipes de Clartemps Associés pour décrypter un cas d'investissement avec l'aide notamment de l'analyse fondamentale.
00:21Olivier Delos est avec nous ce soir associé et gérant chez Clartemps Associés. Bonsoir Olivier.
00:25Bonsoir Grégoire.
00:26Et nous parlons avec vous ce soir du cas Inditex, un cas passionnant qui est d'abord l'histoire d'un homme, j'ai envie de dire Olivier, d'un self-made man à l'espagnol.
00:36Inditex, le grand public ne le connaît pas forcément parce que c'est le nom générique de la maison mère de Zara, bien plus connue évidemment.
00:46Et puis aussi de Massimo Dutti, de Stradivarius, Deutsche Show, donc des marques qui sont pour le coup...
00:53Berchka aujourd'hui, Pullenberg, qui sont des marques un peu plus récentes que l'historique Zara mais qui viennent compléter le portefeuille.
00:59Et Zara, ça a été créé par Amancio Ortega qui est toujours d'ailleurs l'actionnaire principal du groupe Inditex et qui a fondé cette entreprise dans les années 60.
01:12C'était un jeune homme de 14 ans sans le sou et qui a arrêté ses études pour être coursier dans le textile.
01:20Et à une trentaine d'années, il a créé une société qui faisait essentiellement des robes de chambre et des pyjamas.
01:28Il avait créé ça avec sa femme et dix ans plus tard, il a un petit peu étendu son activité et créé la première boutique Zara à la Corogne.
01:36Et chez Carton Associé, on aime beaucoup ces entrepreneurs qui partent vraiment du métier pour en faire après des empires.
01:44Et aujourd'hui, Inditex, c'est une société qui est un groupe qui fait 40 milliards d'euros de chiffre d'affaires.
01:48C'est le plus gros retailer textile au monde.
01:53Oui, c'est le leader du textile dans le monde avec une part de marché de 7% uniquement.
02:00Donc on voit qu'il y a encore pas mal de place pour l'expansion.
02:03Et ce qui est intéressant, c'est que c'est une société qui ne fait pas que du retail.
02:06On a l'impression que c'est la distribution, mais en fait c'est un groupe totalement intégré.
02:11Depuis la conception, la fabrication, la commercialisation et bien sûr la communication autour de tout ça.
02:18Quel est le génie justement du modèle qu'a bâti Armandio Ortega chez Inditex et Zara en premier lieu ?
02:24Alors la première chose, je dirais, c'est qu'ils savent ce qu'ils font.
02:28Ils ont un métier, ils n'ont jamais dévié de ce métier.
02:32Et il y a, je pense, ce goût de faire d'assez belles choses.
02:37Ce sont des produits qui sont de bonne qualité, abordables, très abordables.
02:42Et avec toujours la volonté de coller le plus possible au marché.
02:46Et pour ça, ils ont des centaines de designers qui collent au plus près des demandes des clients, qui dessinent.
02:54Alors il y a une petite partie de s'inspirer de ce que font les grands de la mode, pour ne pas dire plus que ça.
03:01Mais ils savent faire ça très très bien.
03:04Et surtout, ils ont en fait une relation avec les magasins à partir du centre qui est à la Corogne.
03:10Pour faire en sorte d'avoir des petites séries et de réapprovisionner toujours ce qui marche le mieux.
03:15Donc ça veut dire qu'ils ont des remontées du terrain en temps réel.
03:18Et ça, c'est quelque chose qui est assez spécifique.
03:21C'est-à-dire qu'en fait, ils ont d'abord un très bon design et une très bonne organisation digitale.
03:27Et ça, c'est une grande particularité par rapport à leurs concurrents.
03:30Et en multipliant ces petites séries, parce qu'on est quand même dans du prêt-à-porter industriel,
03:36on arrive à créer la perception d'une rareté.
03:39Là, on est quand même dans quelque chose de mass market, d'industriel.
03:44En renouvelant régulièrement les collections, on arrive à quelque chose d'assez puissant vis-à-vis du consommateur.
03:50Ce n'est plus la collection printemps-été suivie d'automne-hiver et on reste avec six mois avec la même collection.
03:56Ceux qui visitent souvent ce genre de magasins verront à quel point ça tourne vite.
03:59En général, ils tournent quasiment dix fois plus vite que les autres concurrents.
04:02Donc ça, ça fait une vraie différence parce qu'on a envie de retourner dans les boutiques.
04:06La deuxième chose qui les distingue, c'est qu'ils ont des emplacements de boutique
04:10qui, en dehors des centres commerciaux, sont des endroits de plus en plus prime.
04:15Et ça, on le voit. En plus, ils entretiennent ce parc immobilier,
04:19qu'ils louent, ce n'est pas des propriétaires, et ils savent le rénover pour monter progressivement en gamme.
04:25C'est intéressant si on regarde leurs emplacements à Tokyo, au Moyen-Orient, à Londres, à Milan ou même à Paris,
04:33de voir comment ils ont renouvelé et remodernisé l'une de leurs boutiques phares qui était rue de Rivoli.
04:42On voit que c'est vraiment quelque chose où on a envie. Finalement, on se sent bien.
04:45L'espace est beaucoup mieux occupé, c'est bien fait.
04:49Et donc ça, ça les distingue de leurs concurrents qui peuvent être H&M, Primark, etc.
04:54Autre point qui est très intéressant, et on s'en rend compte uniquement quand on le sait,
04:58c'est que c'est une entreprise qui ne fait pas de publicité.
05:00Pas de publicité à l'ancienne, c'est-à-dire que leur moyen, leur canal de communication,
05:05ça a longtemps été leur boutique, leur vitrine, et évidemment avec le digital, sur lequel ils étaient très en avance,
05:12ils ont été très bons effectivement dans la communication, via les réseaux sociaux, via les influenceurs.
05:16Et il y a des collections capsule qui ne sont sans peine commercialisées que sur leur site internet.
05:23Donc ça, ça fait aussi une très grande force.
05:27Et puis enfin, c'est l'empreinte géographique.
05:29Donc l'ensemble de tous ces points font que finalement, ils ont une force de frappe,
05:35une génération de trésorerie qui est très supérieure à leurs concurrents.
05:38Et donc c'est un modèle qui continue en fait à se développer.
05:41C'est un peu la stratégie du Nenufar où ils ont conquis l'Espagne, ils ont conquis l'Europe,
05:45et puis ils commencent tout juste aux Etats-Unis et en Asie.
05:49Quelques dizaines de magasins, c'est ça aujourd'hui aux Etats-Unis ?
05:53Exactement. Si on regarde le chiffre d'affaires, il y a 50% en Europe, 15% en Espagne,
05:59et uniquement pour l'instant 20% aux Etats-Unis, mais dans les Amériques.
06:04C'est-à-dire que les Amériques, c'est surtout le Mexique.
06:07Mais aux Etats-Unis, ils ont 100 boutiques, alors qu'en Espagne, ils en ont 1 200.
06:12Donc ça ne veut pas dire qu'ils vont faire la même chose aux Etats-Unis qu'en Espagne,
06:15mais ça veut dire que le Nenufar peut continuer à croître.
06:18J'ai l'impression que c'est un groupe qui n'a pas raté beaucoup de mouvements stratégiques,
06:23en termes de diversification notamment.
06:25Là, ils sont en train d'essayer de tester le terrain de la maison, le terrain de la beauté.
06:31Qu'est-ce que ça donne déjà ? Est-ce que c'est des résultats satisfaisants pour eux ?
06:34Est-ce que ça permet justement d'imaginer un périmètre et une emprise encore plus large auprès des consommateurs ?
06:40Oui, exactement. Alors, ils testent.
06:43C'est du test encore ?
06:44On ne peut pas dire que ce soit encore du test.
06:46Parce que les Zaraomes, on les voit depuis quelques années.
06:49Ils sont prudents, c'est ça qu'on peut dire.
06:51À partir du moment où ils ont bien développé un modèle,
06:53ils se disent « est-ce qu'on ne peut pas voir des activités un peu connexes,
06:57sur lesquelles on est très bon, et essayer de dupliquer cette activité ? »
07:01Donc ils ont fait plus que le tester, vous avez raison, sur Zaraomes,
07:05et donc ça c'est vraiment en développement.
07:07Et nous, on trouve que c'est quelque chose qu'ils font très bien,
07:09et sur lequel ils ont des niveaux de marge absolument excellents.
07:13Et ils gardent le même modèle que sur le textile ?
07:15Intégrés, au concept, le design, capable de renouveler les collections, c'est le même ?
07:20Alors, ils produisent moins.
07:21D'accord, parce que c'est des biens différents, j'entends.
07:25Mais donc là, ils ont plus des systèmes de fournisseurs.
07:28Et alors, l'autre chose qui est vraiment très intéressante,
07:31ça que pour l'instant le marché n'a pas encore valorisé,
07:34c'est qu'ils se lancent dans l'activité beauté.
07:37Donc Zara Beauty, c'est quelque chose qui est tout à fait embryonnaire,
07:41et si jamais ça prend, donc ils ont commencé par le parfum,
07:44ils continuent par le maquillage, ils y vont assez doucement,
07:47ils ont fait des recrutements chez L'Oréal, enfin chez vraiment les tout meilleurs.
07:51Et c'est vrai que si jamais ça marche,
07:53ça veut dire que c'est vraiment un relais de croissance qui peut être extrêmement puissant.
07:56Et ils ont déjà tout ce qu'il faut.
07:57Ils ont en fait l'infrastructure des magasins, les sites internet,
08:00donc tout ça, ça peut accélérer effectivement de manière assez impressionnante.
08:04Une fois qu'on a décrit le modèle comme ça, Olivier,
08:07qu'est-ce que ça donne sur les résultats et les ratios clés de l'entreprise Inditex aujourd'hui ?
08:12Alors Inditex, c'est une must-have chez Clartent.
08:16C'est exactement ce qu'on cherche comme société.
08:18C'est d'abord un leader.
08:20Nous on aime beaucoup les leaders,
08:21parce qu'en fait on ne se rend pas compte à quel point il y a une prime au leader.
08:24Souvent le leader, en fait, il va plus vite.
08:26On pense qu'il est plus gros, donc il va moins vite,
08:28mais souvent finalement il peut accélérer.
08:30Donc il y a des effets d'échelle qui jouent vraiment pour eux.
08:33Bon, c'est une Rolls Inditex, c'est certain.
08:36Si on regarde les ratios du compte de résultats,
08:41c'est une entreprise qui fait 40 milliards de chiffre d'affaires,
08:44qui fait quasiment 7 milliards de résultats nets cette année,
08:47presque 6 milliards de free cash flow,
08:50tout en ayant investi 2,5 milliards d'euros cette année, l'année dernière, l'année prochaine.
08:56C'est beaucoup, tout ça, beaucoup d'argent.
08:59C'est une entreprise qui aujourd'hui a 12 milliards d'euros de cash net au bilan.
09:03Donc ça veut dire que ça peut être un dividende additionnel un jour pour l'actionnaire.
09:08Enfin, que la famille Ortega est assez contente pour l'instant de garder en partie au sein du groupe.
09:13Et donc ça, ça va permettre au groupe de continuer à se développer.
09:17Le return on equity de cette société, c'est entre 25 et 30 %,
09:21donc c'est deux fois plus important finalement que la moyenne des sociétés cotées.
09:26Des ratios comme ça, en fait, on le retrouve dans le luxe,
09:28on le retrouve dans les sociétés, même certaines, de logiciels.
09:31Donc c'est très, très impressionnant.
09:33On se dit dans un secteur qui est difficile, où la concurrence est énorme,
09:37on a l'impression qu'on ne fait pas de marge.
09:38Combien de marges ont disparu encore ces derniers mois et ces dernières années,
09:41ne serait-ce que sur le marché français ?
09:43C'est ça, Inditex gagne des parts de marché.
09:45C'est le seul des grands groupes qui ait gagné des parts de marché depuis le Covid
09:49et qui a fait une accélération à ce moment-là.
09:52C'est vraiment très remarquable.
09:53Deux risques ou risques potentiels.
09:55La question de la succession, Armand-Monsieur Ortega est toujours là.
09:58Vous l'avez dit, il n'est plus aux manettes.
10:00De ce point de vue-là, le risque pour vous est complètement annihilé,
10:05d'une certaine manière, parce que la question de la succession a bien été traitée.
10:08La question de l'EHG, dans le milieu de la mode, de la fast fashion, du textile,
10:12on sait que c'est un secteur qui est regardé de près par l'analyse EHG.
10:17Oui, alors la question du risque de la succession, ça pour nous, ça n'en est pas une.
10:21C'est évacué.
10:22Oui, parce qu'il s'est tout de suite, et tout au début de l'histoire,
10:25entouré de gens très capables, qui sont très intéressés au développement du groupe,
10:30grâce à des participations au capital.
10:33Sa fille, et aujourd'hui la présidente, elle est exécutive,
10:40mais on sait que ce n'est pas elle qui pilote le groupe.
10:42C'est quelqu'un qui a bientôt 90 ans, Armand-Monsieur Ortega,
10:46mais qui est en retrait depuis très longtemps.
10:48On ne le voit jamais, absolument jamais.
10:50Il n'y a pas de question.
10:52La passation s'est déjà faite.
10:53Oui, c'est ça.
10:54Alors la question EHG, c'est une vraie question.
10:56Pourquoi ? Parce que le textile, c'est l'un des secteurs qui pollue le plus, c'est vrai,
11:00qui utilise le plus d'eau, qui rejette le plus de déchets.
11:03Ils prennent très au sérieux ça.
11:05Et ça, on a vraiment l'impression, avec une étude approfondie de leur stratégie,
11:09que ce n'est pas du greenwashing.
11:12Ils sont vraiment en train de prendre ça à bras-le-corps.
11:14D'ici 2040, ils visent à baisser de 80% leurs émissions de CO2.
11:20Ils sont de plus en plus dans l'économie circulaire.
11:23Zara Pryon, c'est une très bonne idée.
11:25C'est de dire qu'on essaye de récupérer des vieux vêtements,
11:28de les retaper, de les revendre, d'en réparer d'autres.
11:33Ça, c'est intéressant.
11:35Ils sourcent de plus en plus tout ce qui est l'approvisionnement du coton et autres.
11:38Donc la question ESG, la question S, il faut la prendre très au sérieux aussi,
11:43parce qu'il y a toute cette question sur les chaînes d'approvisionnement
11:46des matières premières et les travails forcés et autres.
11:49Il y a eu des controverses dessus.
11:51Mais Zara, Inditex n'a jamais été finalement inquiétée là-dessus.
11:55On a l'impression qu'ils prennent ça vraiment à bras-le-corps.
11:57Il nous reste 30 secondes pour décrire la manière dont Inditex,
12:00ou dont Clartent gère la position Inditex.
12:03Vous disiez que c'est une Rolls.
12:04C'est quoi ? C'est du cœur de portefeuille ?
12:06C'est une Rolls assez tranquille ?
12:08La performance sur deux ans est spectaculaire.
12:11Un gérant m'a dit que c'est le petit train à crémaillère.
12:14C'est vrai que quand on regarde le graphique, c'est tout à fait ça.
12:16C'est très parlant.
12:17Donc c'est quoi ? Du cœur de portefeuille ?
12:18C'est du cœur de portefeuille.
12:20On a eu des positions importantes avant le Covid.
12:23Beaucoup baissées.
12:24Toutes les périodes n'ont pas été exceptionnelles.
12:27Il y a eu une traversée du désert.
12:28Sans que ce soit une catastrophe boursière.
12:30Il y a eu trois ou quatre ans où le titre n'a pas tellement progressé.
12:33Parce qu'il y avait des questions de marge à ce moment-là.
12:34Parce qu'ils investissaient énormément.
12:36Là, depuis les deux dernières années,
12:39on a eu des grosses positions en portefeuille.
12:41Le titre a plus que doublé depuis maintenant deux ans.
12:44Donc là, on est à peu près au juste prix.
12:46On aura la croissance des résultats dans les prochaines années.
12:50On pense qu'évidemment, le potentiel de revalorisation est plus émoussé.
12:54Belle valeur de croissance européenne et espagnole.
12:57Merci beaucoup Olivier.
12:58Olivier Deleuze, associé et gérant chez Clartemps Associés,
13:00qui est avec nous dans ce dernier quart d'heure de Smart Bourse ce soir.