Anne Fulda reçoit David Frèche pour son livre «Un jour, il n’y aura plus de pères» dans #HDLivres
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00:00Bienvenue à l'Heure des livres, David Frêche.
00:03Alors, on ne vous connaît pas très bien.
00:05Vous êtes un entrepreneur franco-britannique.
00:08Vous vous intéressez aux livres et à la littérature.
00:11Vous avez même créé un prix littéraire qui s'appelle le Prix Méduse.
00:13Et vous venez de publier votre premier roman qui s'appelle
00:16« Un jour, il n'y aura plus de père ».
00:18Un livre qui est publié aux éditions du Rocher.
00:20Un livre sensible et tendre, documenté également.
00:24Un roman aux accents très autobiographiques, mais un roman quand même.
00:28Pourquoi avez-vous choisi cette forme ?
00:30Parce que le héros, le narrateur, a vraiment beaucoup de points communs avec vous.
00:35Vous avez bien raison de dire que ce livre est à la frontière entre le roman et le récit.
00:42Et effectivement, ça a été un choix pour moi d'aller sur le récit.
00:47On peut dire qu'Adam Fier, qui est à la fois le personnage principal et le narrateur,
00:51est un peu mon double littéraire.
00:54Alors pourquoi un roman plus qu'un récit ?
00:57J'avais envie d'avoir une liberté absolue.
01:00J'avais envie également d'être, pour ce premier roman, le plus sincère possible.
01:05Surtout en ce qui concerne l'émotion des personnages.
01:09Et je me suis dit que pour pas mal d'éléments, notamment ceux concernant l'enquête,
01:14la forme romanesque allait pouvoir me donner plus de liberté
01:18pour à la fois être dans la sincérité et pouvoir dire le plus de choses sur l'Algérie.
01:24Et je pense qu'on aura l'occasion d'en parler.
01:26Ce livre est une sorte d'enquête familiale pour percer à jour les nondits,
01:33les secrets tûts de votre famille.
01:36Il y en a un surtout, qui est le fait que votre grand-père paternel
01:42a été assassiné en 1957, dans les rues d'Alger, par le FLN.
01:48Et c'est un sujet dont on ne parle pas.
01:51Alors vous avez décidé, comment avez-vous travaillé ?
01:53Parce que vous êtes documenté, c'est votre héros,
01:56mais vous êtes beaucoup documenté, vous êtes allé en Algérie.
01:59C'est une vraie enquête ?
02:02C'est exactement ça.
02:04Sur ce que vous dites, justement, entre d'un côté la grande histoire
02:09et d'un autre côté ces traumatismes de famille
02:13qui se transmettent de génération en génération.
02:17Et bien entendu, le fait que ce soit au cœur de la grande histoire,
02:21ce conflit algérien si violent, il y a une odeur de poudre, du sang,
02:26des tragédies, des meurtres.
02:28Et donc forcément, ça donne une dimension beaucoup plus dramatique.
02:31Mais au-delà de cette particularité, de cette dimension dramatique,
02:36ce qui m'a vraiment importé dans ce roman,
02:39c'était ce que j'appelle les mythologies de famille.
02:42C'est-à-dire ces traumatismes, ces éléments,
02:44parfois qui sont transmis volontairement, parfois par nondits,
02:48et qui laissent des traces de génération en génération.
02:53Et le narrateur Adam Fier a, au moment où s'ouvre le récit,
02:58cette intuition que beaucoup de réponses,
03:02l'origine de cette narration de famille,
03:05se trouve justement avec cette mort de ce grand-père qui a été assassiné.
03:14Et comme vous l'avez dit, qui a été assassiné quelque part à la place d'un autre.
03:19Et donc ça évoque aussi pour moi cette réflexion sur l'absurde.
03:25Ce n'est pas rien d'être mort pour un autre,
03:28il n'est pas mort parce qu'il était lui-même,
03:30il est mort à la place d'une personne.
03:32Et ce que se demande le narrateur aussi à ce moment-là,
03:35c'est soit ce n'est pas vrai, on m'a menti et on a passé ça par tes profits,
03:41et dans ce cas-là, ça mérite une enquête,
03:44ou soit c'est la vérité, il a été tué à la place d'un autre,
03:48et dans ce cas-là, connaissant son père qui est un homme qui va toujours jusqu'au bout des choses,
03:52s'il s'est bien fait tuer à la place d'un autre et qu'il n'a pas cherché à en savoir plus,
03:56ça mérite également de creuser.
03:59Alors le narrateur et vous-même creusé de concert,
04:03notamment en vous rendant en Algérie,
04:06enfin, et le narrateur,
04:10et on découvre sous votre plume un pays, un drôle de pays en fait,
04:18parce que le narrateur arrive avec quelques a priori,
04:24mais en fait, c'est plus compliqué que ça l'Algérie.
04:28Ce qui est intéressant, c'est, je voudrais savoir vous,
04:30quand vous êtes rendu en Algérie, quel a été votre sentiment ?
04:36Kamel Daoud vient de recevoir le Goncourt pour son livre Ouris.
04:40On a l'impression que vous avez ressenti la même chose,
04:43c'est-à-dire ce culte de la martyrologie en fait,
04:47qui demeure avec une guerre d'indépendance
04:51qui demeure plus importante dans les têtes que la décennie noire.
04:56Oui, c'est exactement ça.
04:58J'aimerais en profiter pour féliciter Kamel Daoud pour le prix Goncourt.
05:04Pour moi, le discours de Kamel Daoud est très important.
05:07Il s'inscrit dans une lignée qui m'est très chère,
05:11qui est celle de la justice, qui est celle de Camus.
05:14Sur l'Algérie, c'est exactement ça.
05:17Je vais arrêter de parler à la place du narrateur.
05:21Pour le coup, c'est moi qui suis allé.
05:23Allez, tombons les masques et concluons.
05:27Quand je vais en Algérie, j'essaie d'y aller sans trop d'a priori,
05:33bien que ce soit très difficile.
05:35Je tiens vraiment à ne pas avoir de jugement.
05:38Pour être très clair, j'ai quand même eu, suite à ce voyage,
05:43un rapport assez négatif à ce pays.
05:47Je vais commencer par le positif, qui a été l'accueil de toutes les personnes.
05:52J'avais un pèlerinage à faire et à chaque fois que j'ai frappé aux portes des gens
05:56en leur disant simplement que je suis à la recherche de mes origines,
05:59je pense que mes grands-parents, mon père est né ici,
06:02les portes m'ont toujours été ouvertes.
06:04Mais après, j'ai senti, si vous voulez, l'antichambre d'une dictature.
06:10Ça m'a fait penser un peu aux mouches de Sartre,
06:13c'est-à-dire ce pays qui est toujours à ses temps zéro de son histoire,
06:18qui est marqué par ses martyrs.
06:23Je vous donne cet exemple des rues, tous les noms ont le nom des martyrs.
06:27En tout cas, si je vous conseille de lire ce livre,
06:30de vous interrompre un peu brutalement,
06:32il est question d'Algérie, d'hier, d'aujourd'hui, de paternité, d'identité,
06:36de secret, de non-dit.
06:37Ça s'appelle Un jour où il n'y aura plus de père.
06:39C'est publié aux éditions du Rocher.
06:41Merci beaucoup David Frêche.
06:42Merci Angela.