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00:0013h-14h, Europe 1-13h, avec Céline Djerbos sur Europe 1-13h17, Céline d'accueillir vos
00:06chroniqueurs du jour, l'écrivain et philosophe Nathan Devers et le journaliste politique au
00:09journal du dimanche, Jules Torres. C'est ma classe biberon du mercredi. Dis ça pour nos auditeurs,
00:15vous êtes les plus jeunes, mais vous ne faites pas votre âge, évidemment. 13h17,
00:19on va commencer par cette ultra-violence et cette culture du couteau au lendemain de la
00:23mort de ce jeune de 16 ans devant un lycée parisien et cinq jours après le décès de la jeune Inès
00:29poignardée près de Limoges. Cette question, est-ce que les règlements de comptes au couteau sont
00:33devenus monnaie courante chez les jeunes ? En tout cas, de plus en plus de jeunes s'équipent pour
00:38faire face à cette violence devant leur établissement scolaire. Illustration avec ce
00:42reportage de Charles Lhuillier devant un lycée toulousain. Dans ce lycée de 600 élèves au
00:48coeur d'un quartier populaire, Cathy, 16 ans, ne vient jamais sans son attirail. J'ai pris un
00:52couteau de cuisine dans mon sac. J'ai aussi un scalpel, c'est pour se défendre. Dans les années
00:55précédentes, il s'est passé des choses devant le lycée, des règlements de comptes, ça me rassure
00:58de savoir que j'ai un truc pour me défendre. Un moyen de défense qui fait des émules auprès des
01:01autres élèves. Si Ombline n'est pas équipée pour l'instant, c'est uniquement parce qu'elle n'a pas
01:06besoin de rentrer chez elle le soir. Ma meilleure amie, elle a toujours un couteau sur elle parce
01:09qu'elle n'est pas rassurée avec tout ce qui se passe. Moi, je n'en ai pas parce que je suis à
01:12l'internat. Si je n'étais pas à l'internat, je pense que j'aurais moi aussi un couteau parce
01:15que ça sert. Un attrait pour le couteau, ici, caché, voire tabou, car bien souvent dans le
01:19dos des parents. D'où le peu de signalements reçus par Christophe Amance pour le syndicat
01:23de police unité, des jeunes qui, selon lui, ne sont que dans le sillon d'une société devenue
01:28ultra-violente. À l'époque, il y avait des bombes lacrymogènes, mais seulement maintenant,
01:32la plupart des bagarres, en fait, c'est des couteaux. Parce qu'un couteau, encore,
01:34il faut savoir s'en servir. Et c'est vrai que les jeunes, très très peu, se défendent au couteau
01:37correctement, en fait. Un manque de dextérité évident associé à un phénomène qui pourtant
01:42prend de l'ampleur et face auquel les établissements semblent totalement démunis. Toulouse,
01:46Charles Lully, Europain. Voilà, et on l'entend dans ce reportage, je voyais vos regards interloqués,
01:53c'est vrai que c'est édifiant ce qu'on entend quand même. La peur, la vulnérabilité comme
01:57facteur clé, Nathan Devers, véritablement, de ce développement des armes blanches chez les plus
02:02jeunes. C'est, en effet, extrêmement inquiétant. Je pense qu'il y a deux types de personnes qui
02:08prennent des couteaux, et le reportage le montrait bien, à la fois des gens qui le prennent,
02:13qui en prennent sur eux avec des intentions qui sont clairement agressives. Non, mais ce sont des
02:16collégiens des lycéens, c'est pas des... Exactement. Qui l'amènent dans leur sac à l'école. Exactement,
02:21mais là c'est ça qui était frappant dans ce témoignage, c'était des jeunes filles qui disaient
02:24qu'elles prenaient un couteau pour se défendre en cas d'attaque. Et ça, je pense que ça montre
02:30une sorte de faillite globale de notre société et de l'État à régler la question de l'insécurité.
02:37Vous savez, il y avait cette expression de Dupond-Moretti sur le sentiment d'insécurité.
02:41C'est une expression absurde parce que le sentiment d'insécurité, ça s'appelle la peur. Et en effet,
02:45il y a des gens en France, de plus en plus nombreux, qui ont peur de se faire agresser,
02:50notamment des jeunes femmes. Cette peur, elle correspond à une réalité. Mais avant, on avait
02:54des bombes anti-agression, on avait d'autres moyens de défense. Aujourd'hui, on est sur des
02:58armes blanches. Exactement, et c'est ça qui est terrible, qui montre bien comment cette peur,
03:03elle peut donner lieu aussi à des réactions qui ne sont pas rationnelles ou qui sont très
03:09problématiques. Mais je crois qu'il faudra, à un moment, s'emparer profondément de la question
03:15de l'insécurité, le faire sans idéologie, ça veut dire sans pensée. Et de la façon dont les
03:18jeunes perçoivent finalement la sécurité aussi, la façon de se défendre, parce que c'est ça,
03:22c'est la perception qu'on a de l'insécurité. Exactement, et avec des phénomènes qui sont un
03:26peu différents les uns des autres, mais qui correspondent à des réalités qu'on peut
03:29appréhender à la fois des rixes, des bandes de lycéens ou de jeunes qui peuvent se comporter
03:34de manière extrêmement violente et faire régner une sorte de loi du plus fort dans les établissements,
03:39mais surtout en dehors des établissements. La question, évidemment, du trafic de drogue,
03:42parce que très, très souvent, quand il y a des agressions au couteau ou des meurtres au couteau,
03:45très souvent, c'est lié à quelqu'un qui a voulu vendre de la cocaïne en sortie de boîte de nuit
03:50ou dans une rue, etc. Donc, ça doit être traité sans idéologie et sans pensée que cette question
03:54est une question qui ontologiquement serait une question de droite. C'est une question neutre.
03:58Ensuite, les réponses peuvent être des réponses de droite ou des réponses de gauche.
04:01Gilles Taurez.
04:02Non, moi, ce qui me surprend beaucoup dans ce sujet, c'est que je connaissais la grande
04:06omerta qui régnait autour des attaques au couteau. On sait très bien que le couteau est aujourd'hui
04:13utilisé dans les agressions.
04:1529% des homicides ont été commis à l'aide de couteaux.
04:18C'est les chiffres de la Direction nationale de la police judiciaire du mois de mai.
04:21L'Observatoire national de l'indélégance nous disait que c'était 120 attaques au couteau par jour.
04:25On se souvient, vous vous souvenez l'an dernier à Annecy, on se souvient de ce qui s'était passé
04:31dans la gare d'Arras avec Dominique Bernard, évidemment. À Crépole, c'est également des
04:36couteaux et les amis de Thomas, qui est malheureusement décédé lors de cette soirée,
04:40disait justement que la bande rivale, la bande d'en face était arrivée avec des couteaux et
04:45qu'ils n'avaient que leur point. Donc je connaissais évidemment ce sujet-là sur les personnes qui
04:50attaquent, mais aujourd'hui les couteaux sont aussi pour ceux qui se défendent. Et c'est sans doute ça
04:54le vrai sujet. Et ce qui est intéressant dans cette histoire, c'est qu'aujourd'hui, des jeunes
05:00filles, moi j'ai souvent entendu des jeunes filles, notamment lorsque j'étais au collège ou au lycée,
05:03nous dire, moi j'habitais en Vendée donc c'est pas le département le plus criminogène, mais on
05:08avait souvent, vous savez, le gaz moutarde, la bombe lacrymo. Aujourd'hui non, les jeunes filles
05:14sont obligées de se balader dans la rue et de mettre dans leur sac des couteaux. C'est évidemment
05:19très dangereux, mais ça dit beaucoup sur l'état d'ensauvagement de notre société, à l'heure où
05:24tous les homicides montent, la violence avec ou sans armes augmente. C'est une question que moi
05:29je ne savais pas et je l'apprends grâce à vous, mais ça appelle en effet les autorités et les
05:34services de l'état à prendre la mesure aujourd'hui de la gravité de la situation. Et vous le disiez
05:38effectivement, Nathan Devers, il y a à la fois effectivement le fait de se protéger et il y a
05:42aussi le fait de se dire, voilà, on fait partie d'un gang, c'est un signe de virilité d'avoir un
05:46couteau, il y a aussi ce côté, voilà, on s'équipe, voilà, et avant on avait d'autres armes, aujourd'hui
05:52on est sur de l'arme blanche quoi. Oui et puis une question très concrète, pragmatique, c'est que le
05:55couteau est l'arme simple, pas cher, qui ne demande pas d'autorisation de port d'armes, c'est une arme
06:00que tout le monde a chez soi et donc si vous voulez c'est l'arme la plus accessible. Je pense
06:05qu'on peut résumer les choses ainsi, dans toutes les théories du contrat social, il est clairement
06:09dit, posé, que l'état, l'individu cède sa liberté naturelle pour avoir notamment la protection de
06:15l'état et que ce qui permet d'éviter d'être à l'état de nature où l'homme peut être un loup
06:20pour l'homme et où chacun est un danger pour chacun, et bien c'est précisément que l'état
06:24garantit la sécurité. Lorsque l'état devient défaillant sur ces questions-là, ou que l'insécurité
06:32augmente dans une société, notamment liée au trafic de drogue, et bien il peut y avoir, et c'est
06:38extrêmement dangereux, cette tentation chez certains citoyens de se substituer à l'état pour
06:44faire leur propre, pour devenir leur propre protecteur, et ça évidemment c'est une sorte
06:48de spirale, c'est une sorte d'engrenage qu'on a vu, je ne compare pas l'incomparable, mais à des
06:53échelles bien plus graves dans certains pays d'Amérique du Sud, où les milices viennent à
06:58remplacer la police pour protéger les citoyens des gangs, et après c'est évidemment catastrophique,
07:03donc il est central de poser deux choses, un, ne pas faire l'apologie du port d'armes chez les
07:10citoyens, quelle que soit la nature de ces armes, et deuxièmement, à un niveau politique, estimer
07:14qu'il faut lutter contre l'insécurité de manière plus pragmatique. Et puis ce qui est intéressant,
07:19c'est le rajeunissement aussi de ces détenteurs de couteaux. Pourquoi il y a 20 ans, nos enfants,
07:27non, mais vos enfants, ne portaient pas de couteau, parce qu'évidemment on est dans une déliquescence
07:33de la société, une société de plus en plus violente, où des jeunes filles de 12, 13, 14 ans
07:39sont obligées de s'armer, et d'ailleurs, ce n'est pas que la question des couteaux, parce qu'on le
07:43voit également, par exemple, on voit qu'il y a une explosion des cours d'autodéfense, que ce soit sur
07:47des arts martiaux comme le Krav Maga, le Budako, on voit que ces dernières années, il y a eu une
07:52augmentation considérable du nombre de licenciés, et que la raison principale, le motif invoqué,
07:56c'est celui de l'autodéfense. C'est toujours l'insécurité, voilà. Alors vous parliez de la défaillance de l'État,
07:59elle est au cœur, évidemment, du débat politique aussi concernant la situation à Mayotte. En
08:04attendant l'aide venue de la métropole, la solidarité s'organise sur l'île. Je voulais
08:08vous faire écouter, quelques instants, le témoignage de Germain. Il habite à Mayotte
08:13depuis 4 ans, il a vécu le passage du cyclone dans sa maison. Écoutez sa réaction quand il a pu
08:18ressortir une fois la tempête terminée. Moi, cette image, quand je suis sorti, je crois que c'est le silence
08:22qui m'a pris. Je ne reconnaissais pas, en fait. Je n'ai pas reconnu où j'habitais. J'avais l'impression
08:28d'avoir été téléporté ailleurs. Je n'ai pas reconnu la cour, je n'ai pas reconnu la maison de ma propriétaire
08:32qui habitait juste en dessous. Tout avait changé, en fait. Les arbres ont été rasés. J'ai l'impression
08:38que c'est comme s'il y avait des bombes, ou comme si ça avait été cassiné. Je crois que j'étais pris
08:41d'émotions au fur et à mesure de la journée. C'est comme une guerre, en fait, je crois. Je pense qu'il y avait ce
08:45sentiment qu'on ne sait plus où on habite, on ne sait plus où on est, on est un peu perdu.
08:49Voilà, Germain, ce matin, au micro d'Europe 1, Jules Torres, une réaction. Voilà, on a la sensation, ça y est,
08:55que les choses avancent, quoi. 120 tonnes de vivres et d'eau sont arrivées sur l'île. Emmanuel Macron arrive
09:00demain. Moi, vraiment, ce que je trouve beau, finalement, dans ce désastre, c'est la gravité, la solennité
09:09de ces sinistrés. C'est-à-dire qu'on n'est pas dans la polémique. Il y a les services de l'État qui se sont mis
09:16très rapidement, qui ont mis le pied de grue pour réagir rapidement. On sait que Sébastien Lecornu a envoyé un avion
09:22à 430 avec du fret humanitaire. Bruno Rotailleau s'est rendu sur place. Le Président va y aller demain.
09:29Donc, on voit très bien que le temps est à l'urgence. L'urgence de compter nos morts, de sauver des vies.
09:37Ensuite, viendra le temps de la reconstruction. Mais moi, ce qui me frappe, c'est vraiment la gravité que peuvent avoir
09:43les sinistrés, alors qu'ils mériteraient d'être beaucoup plus énervés.
09:45En quelques mots, Nathan Devers ?
09:47C'est quand même incroyable de se dire qu'il a fallu attendre une catastrophe de cette nature pour que, je ne veux pas être trop optimiste,
09:55mais pour envisager que l'État puisse vraiment reconstruire Mayotte en répondant à tous les problèmes gravissimes
10:02qui existaient jusque-là.
10:03Vous savez, Hans Jonas, philosophe important, théoricien de l'écologie, avait montré que dans les démocraties modernes,
10:11avec l'accélération de l'information, avec la détérioration du débat, cette dictature du présent,
10:15malheureusement, il faisait presque l'éloge des catastrophes en disant qu'il fallait attendre des catastrophes pour que les gens ouvrent des yeux.
10:22Et c'est évidemment très triste, et je pense que ça doit nous faire réfléchir sur le fait que depuis quelques années,
10:27on parle régulièrement de Mayotte, et chaque fois qu'on en parle, c'est systématiquement pour ne rien changer à la situation,
10:33avec des politiques qui font bien souvent...
10:35Il y a eu un bouche ou un, ou un bouche ou deux, effectivement, et pas grand-chose de neuf sous les états.
10:38Essentiellement de la communication, il faut bien le dire comme ça.
10:41Allez, 13h28, on reste ensemble, bien sûr.
10:43Dans quelques instants, on va revenir sur ce qui se passe à Matignon, à peine nommé déjà étrier.
10:48Les débuts compliqués, on peut le dire, de François Bayrou, qui font débat, mais est-ce vraiment important ?
10:53Est-ce qu'il va résister à la pression ? Comment va-t-il former son gouvernement ?
10:56Eh bien, on va en débattre avec vous, Jules Taurez et Nathan Devers, à tout de suite.

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