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Jeudi 19 décembre 2024, HR MAKERS reçoit Danièle Linhart (Sociologue spécialiste du travail et de l'emploi) et Guillaume Rabel-Suquet (Directeur des Ressources Humaines, Le Petit Forestier)

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00:00Bonjour, bienvenue sur le plateau Hedge Farm Makers. Que peut la sociologie pour le monde du travail ?
00:17C'est la question que j'ose poser à mes deux invités aujourd'hui.
00:20Objet d'études centrales pour la sociologie, le monde du travail ne cesse de nous questionner.
00:25Mais concrètement, sur le terrain, que peut la sociologie face aux défis actuels du monde du travail ?
00:30On va en parler aujourd'hui avec mes deux invités.
00:33J'ai le grand plaisir de recevoir sur ce plateau Daniel Linnart.
00:37Bonjour.
00:38Vous êtes sociologue spécialiste du travail et des organisations.
00:41Bonjour.
00:42Et vous êtes accompagné de Guillaume Rabel Suquet, directeur des ressources humaines, de la communication et de la RSE au centre du groupe Le Petit Forestier.
00:50Bonjour.
00:51Merci beaucoup d'avoir accepté cette invitation.
00:55Guillaume, ma première question, je l'adresse à vous en tant que DRH, car c'est vous qui m'avez donné l'idée de cette émission, je ne le cache pas.
01:06Pourquoi pensez-vous que la sociologie peut être un outil précieux pour accompagner votre fonction ?
01:12Vous m'avez dit un jour, il faut qu'on revienne à la sociologie.
01:16D'où vous est venue cette idée et qu'est-ce que vous entendez par là ?
01:21C'est une réflexion de long terme.
01:24C'est une réflexion de plus de 25 ans de pratique et probablement sur les 5-10 dernières années sur le besoin de revenir à la compréhension des interrelations humaines.
01:39Une organisation, c'est un construit d'humain.
01:42C'est savoir aller chercher la compréhension des comportements au sein des organisations, des interrelations entre les différents acteurs.
01:55Ce sont des éléments importants.
01:59C'est revenir à l'humain, revenir à ce que nous sommes et comment nous interréagissons ensemble.
02:06C'est un élément extrêmement important.
02:09On se rend compte très rapidement que lorsqu'on parle de sociologie, c'est un mot qui fait peut-être peur, sur lequel on se dit que c'est très théorique.
02:22En fait, c'est très pratique.
02:24Je pense que Daniel va nous montrer l'inverse.
02:26C'est très pratique et on peut s'en servir au quotidien.
02:30C'est ce besoin de revenir à l'humain, de comprendre les dynamiques des organisations pour pouvoir mieux faire son métier et le faire de façon plus profonde.
02:44Oui, complètement.
02:46Daniel, vous de votre côté, ça fait longtemps que vous travaillez sur la question du travail.
02:51Ma première question est quand même liée à l'actualité.
02:55On parle beaucoup de souffrance au travail.
02:57Les taux de burn-out, on nous dit qu'ils n'ont jamais été aussi élevés.
03:01Je voulais avoir un petit peu votre diagnostic sur la situation en un premier temps.
03:05Qu'est-ce qui se passe ?
03:06Est-ce que déjà, c'est vrai ?
03:08Et aussi, pourquoi est-ce qu'on est dans cette situation ?
03:11Oui, alors malheureusement, c'est vrai.
03:12Il y a beaucoup de références médiatiques à de nombreux burn-out, de nombreux suicides.
03:20Il faut se rappeler le procès de France Télécom où les dirigeants ont été condamnés pour harcèlement moral institutionnel.
03:26C'est la suite d'une série importante de suicides.
03:29Malheureusement, il y a même des addictions nombreuses aux substances psychoactives pour tenir au travail.
03:35Donc effectivement, mal-être, risques psychosociaux, souffrance au travail,
03:39sont des mots qui reviennent et qui hantent un peu notre monde du travail.
03:45À quoi est-il dû ?
03:47Alors, peut-être aussi en réponse à votre introduction,
03:50et ce n'est pas par esprit de contradiction, mais pour engager le débat,
03:55les sociologues ne sont pas spécialistes de l'humain.
03:58Oui, ce sont les psychologues, je dirais, qui le sont.
04:01Nous sommes spécialistes du social.
04:04C'est très différent, c'est-à-dire l'interaction notamment entre des rôles sociaux différents.
04:10Et nous, ce qui nous intéresse comme sociologues du travail, c'est le rôle professionnel.
04:14C'est comment les professionnels peuvent souffrir au travail, pas comment les humains peuvent souffrir au travail.
04:20Ce qui est primordial dans le monde du travail, c'est précisément cette dimension professionnelle.
04:25Et donc, ce sens du travail que vous évoquiez en aparté tout à l'heure est fondamental,
04:30mais pas en tant qu'humain, en tant que professionnel.
04:33Donc c'est la dimension que nous analysons.
04:35Et ce qui nous frappe, nous les sociologues, c'est que la modernisation managériale,
04:40à partir des années 80, s'est fondée sur une focalisation sur l'humain,
04:46au détriment de la professionnalité.
04:49Et les DRH sont nombreux à penser qu'il faut prendre en compte, prendre sérieux la dimension humaine,
04:56et non pas ce que nous nous pensons en tant que sociologues, respecter la professionnalité des salariés.
05:02C'est ce qui est fondamental, ce qui les définit, ce qui fait qu'ils sont dans le monde du travail pour cette raison,
05:08pour contribuer avec autrui à la satisfaction des besoins d'autrui.
05:13Donc ils sont véritablement des membres de la société qui cherchent à contribuer à la pérennité de la société,
05:20en donnant du temps, de l'énergie, et en mobilisant leurs compétences, pour avoir un rôle professionnel efficace.
05:28Oui, oui. Mais Guillaume, j'aimerais bien vous entendre là-dessus, parce que c'est très intéressant,
05:32parce qu'en effet, on dit tout le temps « remettre l'humain au cœur ».
05:36C'est vraiment une phrase qui est très présente.
05:39C'est vrai que les DRH s'emparent de cette thématique de l'humain, et quelque part, moi je me suis toujours dit,
05:44mais moi, quand je viens au travail, ce n'est pas moi, ce n'est pas Elsa de la vie de tous les jours.
05:51Et c'est vrai que la frontière vie privée-vie professionnelle, j'ai l'impression qu'elle tend parfois à devenir beaucoup plus poreuse.
05:57Ça crée des très belles choses, ça crée plus de flexibilité, ça crée de temps en temps des considérations pour aider, par exemple, les aidants.
06:03Mais quelque part, est-ce que c'est aussi un risque ? Enfin, votre regard sur cette notion de…
06:09Qu'est-ce que vous entendez finalement par « humain » ? Est-ce qu'on franchit un petit peu cette ligne vie privée-vie professionnelle ?
06:17Alors, je vais poursuivre en fait sur votre réflexion.
06:21On est effectivement en fait sur la prise en compte de l'humain dans le cadre du travail.
06:26Donc ça, j'aurais peut-être dû préciser cet élément-là.
06:31Nous, ce qui nous intéresse, c'est comment on recrée des nouvelles dimensions relationnelles, des nouveaux modèles relationnels au sein de l'entreprise, au sein du collectif.
06:44C'est quoi le collectif aujourd'hui ?
06:46Lorsque vous avez, si on se replace en fait dans votre question, lorsque vous avez du télétravail,
06:52et que nous sommes dans des situations hybrides de présence par présence, on rencontre nos collègues plus ou moins fréquemment,
07:00en fonction en fait de la présence des uns et des autres au bureau, de nos interactions par Teams.
07:06Quelle est notre relation ? Quels sont nos liens relationnels ?
07:12Ensuite, lorsqu'on est en permanence, soit par mail, soit par chat, soit par WhatsApp, soit par SMS, en connexion les uns les autres,
07:24en fait, quelles relations on construit ?
07:26Et moi, ce qui me paraît important, c'est de venir travailler, et on est à un moment où on sait que tout le monde souhaite qu'on revienne progressivement au travail,
07:41qu'on revienne au présentiel.
07:43Vous avez beaucoup d'entreprises qui, après avoir fait du tout distanciel, reviennent au tout présentiel.
07:48Je ne suis pas favorable à ce qu'on fasse ce revirement complet, mais il faut arriver à trouver un juste milieu.
07:55Il faut construire la relation qu'on a avec l'entreprise, la relation qu'on a avec nos collaborateurs, la relation qu'on a avec notre collectif,
08:05et puis quelle culture on veut mettre là-dedans.
08:07Donc en fait, il faut que chaque entreprise redéfinisse ce qu'elle a envie de faire, comment elle a envie de le faire,
08:13et j'allais dire en fait, j'avais développé, le terme est peut-être un peu trop fort, mais j'avais développé un concept au sortir des crises du Covid,
08:26c'était de dire en fait qu'on doit recréer au sein de l'équipe un contrat de confiance, un contrat de confiance de comment on inter-réagit ensemble,
08:35comment on travaille ensemble.
08:37Si moi je suis en distanciel, tu es en présentiel, est-ce que je réponds à ton coup de téléphone alors que je suis déjà sur un Teams,
08:45que je fais déjà des mails en même temps, que je réponds à des chats, comment en fait on travaille ensemble ?
08:51Et donc en fait, c'est de retrouver, reprendre le temps pour définir ensemble, en tant qu'équipe, quel est ce contrat de confiance,
08:59ce contrat d'équipe de comment on travaille ensemble.
09:02Et donc en fait, là, pour revenir à cette notion de sociologie, la sociologie pour moi en fait c'est comment les comportements,
09:12c'est l'analyse des comportements humains, et l'analyse de comment ces comportements interagissent ensemble.
09:18Et donc en fait, sans prendre des grands concepts, sans venir sur de la théorie, c'est comment on peut revenir à cette base,
09:28pour prendre le temps en fait de regarder comment en fait mon équipe, moi je suis manager, comment mon équipe travaille ensemble,
09:34comment je fais en sorte que ça travaille bien ensemble, et que les uns et les autres fonctionnent ensemble.
09:40Comment je m'assure en fait qu'avec du distanciel, j'ai tous les membres de l'équipe qui se voient fréquemment,
09:47et qu'on recrée en fait des rimes du café le matin, où en fait tout le monde se retrouvait, ou de l'après-midi,
09:56où on se retrouvait fréquemment à la machine à café et qu'on échangeait, que là, à distance, ou en situation hybride,
10:02on ait en fait ce même croissement, ce même échange au sein de l'équipe.
10:06Donc c'est d'aller retrouver sur des comportements et de l'interaction, ou de l'interrelation entre ces comportements.
10:14– C'est important, vous précisez quand même qu'il y a les nouvelles organisations de travail
10:17qui sont apparues depuis la crise sanitaire, qui ont un rôle important, sur la notion de collectif.
10:22Daniel, je vais vous laisser la parole tout de suite, pacte social et collectif, c'est à vous.
10:27– Alors sur le collectif aussi, évidemment en tant que sociologue, j'ai un regard critique, vous savez.
10:33– C'est normal, c'est pour ça que…
10:35– Il y a raison, on peut avoir un peu peur de…
10:37– C'est normal, c'est vrai.
10:38– Je suis universitaire, j'ai une formation universitaire,
10:41la critique constructive est quelque chose de très important pour moi.
10:44– J'en suis persuadé.
10:46Le collectif, il a été déstabilisé par la modernisation managériale, largement déstabilisé,
10:52par la promotion de l'individu, la personnalisation de la relation de chacun à son travail,
10:58et puis surtout par une individualisation systématique
11:02qui a mis en concurrence les salariés les uns avec les autres,
11:06puisque chacun a des objectifs personnalisés, des évaluations personnalisées de sa performance,
11:12et donc des primes différentes, des salaires différents, des promotions, des carrières, etc.
11:17Donc il y a véritablement une déstabilisation qu'on comprend des collectifs
11:21où il n'y a plus de solidarité, de sentiment d'un destin commun, de partager les mêmes valeurs,
11:27mais chacun essaye de tirer son épingle du jeu,
11:30et du coup ça a constamment déstabilisé les collectifs.
11:34Mais il y a pire que ça, il y a aussi une psychologisation de la relation de chacun à son travail,
11:40et alors les salariés ne se trouvent pas simplement en concurrence les uns avec les autres,
11:44mais chacun en concurrence avec soi-même.
11:47Il faut toujours se dépasser, montrer qu'on vise l'excellence,
11:51vouloir être le meilleur, être résilient, savoir sortir de sa zone de confort.
11:57Maintenant les recruteurs disent qu'on leur demande de trouver la bonne personne,
12:02c'est-à-dire la personne qui est aussi apte au bonheur.
12:04Donc on voit qu'il y a une sorte de hyper-personnalisation,
12:09pour ne pas dire narcissisation, de la relation de chacun à son travail,
12:13qui fait que le collectif de travail est véritablement maintenant inexistant.
12:20Et ce qui ressort quand nous les sociologues faisons des interviews,
12:24c'est véritablement le sentiment que partagent les salariés de grande solitude, d'être tout seuls.
12:30Ils ne peuvent pas, quand vous parlez de café partagé,
12:34oui il y a les cafés partagés, mais on ne parle pas de travail.
12:37On parle de ce qu'on a vu à la télé ou de la série qu'on a regardée,
12:43mais il n'y a pas véritablement ce sentiment de coopération, collaboration,
12:49entraide, solidarité, transmission de savoir qui est très importante,
12:54notamment pour les jeunes, et ça c'est véritablement un problème professionnel.
13:00Pas humain, parce que les gens ont des relations en dehors de l'entreprise.
13:06Là-dessus, en fait, sur la première partie de votre intervention,
13:10quand on est une certaine individualité, je pense qu'il y a des aspirations
13:16d'être compris dans un sens de la biéloréalité, d'être compris dans ce que chacun d'entre nous est.
13:24Et donc ça, c'est un élément, je pense, d'importance,
13:28et qui va se renforcer dans les années qui vont venir,
13:32parce que chacun demande d'avoir une réponse individuelle à des situations individuelles.
13:37Et donc qu'il y ait une organisation qui prenne en compte ces éléments-là,
13:42que les directions des ressources humaines fassent de plus en plus d'attention à ces éléments-là,
13:45je pense que c'est un élément de fond, un mouvement de fond.
13:51Et ce n'est pas une mauvaise chose en soi, à mon sens.
13:55Là où je vais vous rejoindre complètement, c'est sur la partie du collectif.
14:00Oui, parce que tous les DRH en parlent énormément, de ce besoin de revenir au collectif,
14:05et c'est intéressant parce que, Daniel, vous mettez aussi en avant le fait que les classes sociales,
14:10qui n'étaient pas très présentes durant les Trente Glorieuses,
14:13on ne va pas y revenir, mais n'existent plus, et c'est vrai que ça crée un sentiment de solitude.
14:17Je vous laisse continuer.
14:18Je pense qu'il faut revenir à la notion de collectif.
14:22Le collectif, ça commence par une équipe.
14:25Il faut reprendre ça au maillon le plus simple de l'organisation, de l'entreprise,
14:31c'est comment cette équipe fonctionne ensemble,
14:35comment cette équipe prend plaisir à travailler ensemble,
14:39et développe un sentiment d'esprit collectif, d'ambition collective, de vie collective.
14:51Il faut qu'on revienne à ces éléments-là,
14:55et il faut faire en sorte de travailler sur ce maillon-là au sein des entreprises,
15:02au sein de l'ensemble des organisations,
15:04parce que c'est là où vous parliez de performance.
15:08Je pense que c'est là où on va aller chercher la performance.
15:10C'est là où on peut aller chercher une meilleure performance.
15:14Ce n'est pas forcément uniquement sur la performance individuelle.
15:17On peut travailler sur la performance individuelle avec le développement de chacun,
15:21faire en sorte que chacun se sente bien dans son travail et s'épanouisse dans son travail,
15:24mais il y a aussi une dimension collective sur laquelle la performance peut aller se chercher à ce niveau-là.
15:30Oui, allez-y.
15:32Je suis totalement d'accord avec vous dans la première partie de ce que vous exposiez,
15:37à savoir pourquoi ne pas dire qu'effectivement c'est une bonne évolution
15:41que de prendre en considération la personne, son besoin de voir son engagement personnel reconnu,
15:47pris en compte, son besoin d'autonomie, de reconnaissance, de fierté de ce qu'il fait.
15:53Pourquoi ? C'est une très bonne chose. Je suis d'accord avec vous.
15:55Mais le problème, c'est que dans la majeure partie des cas,
15:59cette sollicitation presque de la subjectivité des salariés,
16:05et d'ailleurs on parle de gestion émotionnelle, de management des affects,
16:09qui sollicite l'intuition, la réactivité, etc.,
16:14et bien tout cela vient se fracasser contre une organisation du travail
16:18qui précisément ne donne pas ses marges de liberté.
16:21Parce que nous avons encore des logiques largement imprégnées du taylorisme dans l'organisation du travail,
16:27avec les procédures, les protocoles, les process, les reporting, les méthodologies,
16:32qui sont conçues par des experts à distance de la réalité du terrain et des métiers qu'ils encadrent,
16:39et qui viennent s'imposer aux professionnels sans qu'ils soient sollicités pour les aménager ou les penser eux-mêmes.
16:47Donc on a une contradiction entre ce que vous disiez à juste titre, qui peut être valable,
16:52c'est-à-dire saisir chacun dans ses capacités propres pour qu'il puisse contribuer de façon personnelle,
16:57par son intelligence, sa réactivité au travail,
17:00mais encore faudrait-il lui laisser les marges de manœuvre nécessaires au sein de l'organisation du travail pour qu'il puisse les faire.
17:06Or là, on n'a vraiment que des contradictions pour ne pas dire des paradoxes.
17:09Allez-y, montrez qui vous êtes, comme Lucas se sent en dire,
17:13mais comment montrer qui l'on est quand on doit appliquer des procédures et protocoles pensés par d'autres ?
17:19Donc ça ne va pas.
17:21Et de la même manière, comment faire des collectifs performants qui cherchent à partager des valeurs
17:28quand il y a cet esprit de concurrence, de compétition et de narcissisme qui est diffusé dans l'entreprise ?
17:35Ne désespérez pas Guillaume !
17:41En fait, c'est en ça pour moi que la sociologie peut nous accompagner dans l'entreprise
17:47pour aller rechercher cette dimension de compréhension des transformations, des changements dans l'entreprise.
17:56Et de faire en sorte que ces changements, ces transformations passent par l'implication des personnes qui ont à les mettre en œuvre.
18:07Et c'est en cela que je pense que la sociologie peut nous apporter quelque chose, beaucoup de choses à mon sens,
18:16et de remettre à la fois de la compréhension, de la contribution que chacun peut amener dans le projet collectif,
18:26d'aller chercher de l'autonomie et de négocier cette autonomie dans cette nouvelle organisation, dans ces changements,
18:37et puis de venir expliquer comment l'organisation fonctionnait réellement avant,
18:45parce qu'on sait qu'on met en place un schéma organisationnel, le collectif s'approprie ce changement,
18:53les individus s'approprient le changement, et puis je pourrais m'y mettre moi aussi en tant qu'individu,
18:58et on va chacun d'entre nous faire une appropriation qui va aller chercher une adaptation par rapport à la situation,
19:09pour venir gérer nos contraintes, trouver des solutions,
19:14et donc c'est dans cette adaptation qu'il faut trouver une certaine autonomie qu'on donne à l'individu.
19:21Et donc lorsqu'on fait des transformations, lorsqu'on va aller chercher à changer des modèles d'organisation,
19:28des modèles des processus, des façons de travailler, si on peut à un moment donné,
19:33parce que c'est ça qu'on va chercher ce matin, réintroduire cette notion de sociologie,
19:38pour venir travailler sur comment accompagner le collectif dans s'approprier, se projeter dans cette nouvelle organisation,
19:47ensuite redéfinir ces adaptations, ces ajustements concertés,
19:56qui permettent à chacun de trouver sa place dans l'organisation, d'être bien,
20:02et ensuite d'aller chercher cette performance collective aussi.
20:06J'aimerais vous entendre, Daniel, sur l'autonomie. On en parle énormément.
20:10L'autonomie, les gens n'en ont pas malheureusement.
20:12Alors, ils n'en ont pas malheureusement à cause de cette organisation du travail qui ne prend pas en compte leur professionnalité
20:19au moment de la définition des missions et des moyens pour les mener.
20:24Et puis aussi, il y a un autre facteur qui est extrêmement délétère pour les salariés,
20:29c'est la pratique du changement permanent, perpétuel.
20:33Et cette pratique, elle est largement développée dans une grande partie des entreprises,
20:37et elle contribue à mettre en obsolescence l'expérience et les savoirs constitués par les salariés,
20:44puisque tout change tout le temps.
20:46Ils sont obligés en permanence d'essayer de reconquérir une maîtrise cognitive de leur nouvel environnement de travail
20:54et du nouveau contenu de leur travail.
20:56Donc ce sont des efforts qui contribuent beaucoup au burn-out,
20:59parce qu'il faut encore essayer de comprendre qui sont les interlocuteurs,
21:03comment fonctionne le nouveau logiciel, comment a été reproposé le métier,
21:07comment ont été fusionnés les départements, etc.
21:10Et sans arrêt, tout en sachant que ça va rechanger dans 2-3 ans.
21:15Un des problèmes manifestes de la pratique du changement permanent,
21:18c'est qu'il n'est pas prévu de moment de bilan collectif à la suite de chaque innovation, de chaque changement.
21:27On passe d'un changement à l'autre et du coup les salariés perdent tous leurs repères,
21:33ils sont déboussolés et ils sont ravalés à quoi ?
21:35Ces bons professionnels sont ravalés au rang d'apprentis à vie.
21:40Ils ne connaissent pas et du coup ils deviennent très malléables du point de vue de la hiérarchie.
21:46Mais oui, c'est une espèce de mise à nu, de mise en difficulté permanente des salariés
21:51qui leur pose problème et qui contribue beaucoup à la souffrance au travail.
21:55C'est le phénomène notamment de France Télécom.
21:58Oui, ça c'est vrai. Par contre, Guillaume peut vous rétorquer qu'on n'a plus le choix, les transformations sont permanentes.
22:05Encore faut-il faire des bilans à la suite de choses.
22:09De se réunir collectivement pour le coup, pour dire qu'est-ce qui a changé, qu'est-ce qui s'est amélioré,
22:15qu'est-ce qui s'est peut-être dégradé, comment peut-on trouver des solutions ?
22:19Ça serait un moyen de faire revivre les collectifs justement,
22:24mais pour tirer des bilans communs avant de passer à une énième transformation, un énième changement.
22:31En fait, il faut revenir effectivement à l'environnement des entreprises d'aujourd'hui.
22:38Au fond, c'est des portes ouvertes, mais cet environnement est un environnement qui s'accélère
22:44avec des transformations exogènes qui viennent impacter l'organisation,
22:50avec des transformations endogènes que nous devons faire.
22:54Et donc en fait, on a l'entreprise qui est effectivement sous transformation permanente.
23:02Moi, je parle de polytransformation.
23:06En fait, parce que lorsque j'ai commencé ma carrière, on avait un projet de transformation par an.
23:13Aujourd'hui, on a plusieurs projets de transformation en même temps.
23:17Et donc c'est là la difficulté qu'on peut avoir dans les entreprises,
23:21c'est savoir gérer ces multiples transformations en même temps.
23:25Et c'est pour ça que, et on revient au début de notre discussion,
23:29c'est pour ça que je me dis, lorsque je regarde ces polytransformations,
23:34cette accélération des changements dans l'entreprise,
23:38comment on peut réintroduire ces moments d'échange,
23:41ces moments où on prend le temps d'expliquer,
23:45on prend le temps de redéfinir des méthodes de fonctionnement communs,
23:52des articulations de comportements humains,
23:56et de pouvoir redéfinir quelles sont les interfaces avec les uns et les autres,
24:02comment on peut travailler ensemble, comment on peut adapter nos comportements,
24:06comment on peut adapter nos pratiques pour mieux vivre ces changements,
24:12mieux vivre cette réalité quotidienne qui fait qu'on progresse avec l'entreprise.
24:18Parce qu'en fait, ce que nous essayons en tant qu'DRH,
24:22c'est que ce collectif, on l'a, on veut le développer,
24:26on veut l'embarquer, et bien entendu on y est attaché.
24:31On ne peut être qu'attaché à des gens qui contribuent à la fois au succès de l'entreprise,
24:38qui contribuent au succès de nos produits ou de nos services,
24:41donc il faut embarquer tout le monde.
24:43Et ça c'est un élément extrêmement important.
24:45Et donc c'est d'aller comprendre comment on peut embarquer,
24:48peut-être avec de la sociologie,
24:50pour mieux gérer ces transformations, ces polytransformations,
24:54cette accélération du temps,
24:56et c'est faire en sorte que le collectif soit un élément fondateur,
25:00une colonne vertébrale au sein de l'entreprise, vers le succès de l'entreprise.
25:05Nous n'avons plus qu'une seule minute.
25:08Daniel a deux mots.
25:10Est-ce que la sociologie peut vraiment quelque chose du coup ?
25:13Je crois que la sociologie, elle explique beaucoup de choses,
25:16elle peut expliquer beaucoup de choses,
25:18mais ce qui est au cœur de la problématique du travail,
25:23c'est quand même un rapport de force.
25:25Il faut bien le comprendre.
25:26Donc là, la sociologie, elle n'est pas en mesure de changer le rapport de force.
25:31Je crois qu'à partir du moment où on constate que c'est un lien de subordination
25:35qui est au cœur du contrat salarial,
25:37on voit bien que l'autonomie, la prise en compte des salariés,
25:42elle est quand même relative.
25:44Oui, tout à fait.
25:46Il va falloir rendre l'antenne en or encore.
25:48On pourrait continuer encore d'un coup.
25:50Mais on va continuer.
25:51Merci infiniment pour cet échange passionnant avec deux regards qui se conjuguent
25:59et qui peuvent rebondir.
26:01Tout en se respectant.
26:02Qui se challenge.
26:03Qui se challenge.
26:04C'est intéressant.
26:05Merci beaucoup.
26:06Merci à vous.
26:08On se retrouve tous les lundis sur Best Starts for Change.

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