HR MAKERS - HR MAKERS, 1er partie du 7 octobre 2024

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Lundi 7 octobre 2024, HR MAKERS reçoit Grégory Pardieu (DRH, Akuo) et Jean-Christophe Villette (directeur général, administrateur, cabinet EKILIBRE, FIRPS)

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Transcription
00:00Générique
00:12Bonjour, vous êtes en direct sur le plateau Hedge Farm Makers.
00:15Aujourd'hui, focus sur les enquêtes internes.
00:18Vous le savez, depuis notamment la loi Sapin II,
00:20les alertes pour harcèlement en entreprise n'ont cessé de croître.
00:23Elles sont à la fois le reflet d'une société au sein de laquelle la parole se libère,
00:29toutefois, que nous disent-elles des organisations de travail,
00:32du climat social au sein des entreprises ?
00:35On fait le point aujourd'hui avec Jean-Christophe Villette,
00:39directeur général du cabinet équilibre et psychologue du travail et des organisations.
00:44Bonjour.
00:45Bonjour.
00:46Vous êtes accompagné de Grégory Pardieu, DRH du groupe Accio.
00:50Bonjour Grégory.
00:51Bonjour Alisa.
00:52Merci à tous les deux d'avoir accepté cette invitation.
00:56On le sait, les enquêtes internes, on en entend beaucoup parler.
00:59On va faire le point en un premier temps sur cette explosion dont on parle.
01:05S'agit-il réellement d'un phénomène important ?
01:07Et puis aussi revenir sur les raisons pour lesquelles on en parle davantage.
01:12Et bien évidemment, on va avoir le retour aussi sur le terrain,
01:15de la façon dont on peut mener à bien ces enquêtes.
01:18Jean-Christophe, vous êtes un petit peu l'expert en la matière,
01:20vu que ça fait de nombreuses années que vous accompagnez vos clients
01:23et les entreprises pour mener les enquêtes.
01:25D'où vient cette explosion et est-ce que vous le ressentez réellement sur le terrain ?
01:30Combien d'enquêtes aussi peut-être menez-vous par an ?
01:33Merci de le rappeler.
01:34C'est vrai que le phénomène enquête et la réalisation des enquêtes,
01:37ce n'est pas nouveau avec Equilibre.
01:39Ça fait maintenant plus de dix ans qu'on est fortement mobilisés sur ce sujet.
01:42C'est une partie importante de nos activités.
01:44Donc, on a pu mener un grand nombre de retours d'expérience
01:49pour solidifier l'ensemble des méthodologies
01:52qui peuvent être mises en œuvre dans le cadre des enquêtes.
01:55Nous, on a constaté entre l'année dernière et cette année
01:58une augmentation de 30% des sollicitations.
02:01Mais on était déjà très sollicité.
02:03Quand on regarde l'ensemble des acteurs, que ce soit nos confrères,
02:06par exemple les cabinets spécialisés qui peuvent être membres de la FIRBS,
02:08tout le monde constate une augmentation du nombre d'enquêtes.
02:11Et puis globalement, tous les acteurs de la sphère RH,
02:14que ce soit en interne ou en conseil,
02:16sont unanimes sur l'augmentation des situations de tension
02:21dans les organisations de façon macro.
02:23Il y a toujours des exceptions possibles.
02:25Mais de façon macro, l'augmentation des tensions
02:29qui découle sur des alertes, des signalements
02:32et la mise en place d'enquêtes.
02:33Après, est-ce qu'elles sont toujours obligatoires ?
02:35C'est quelque chose dont on pourra parler peut-être ensemble un peu plus tard.
02:37Oui, on va revenir sur ce point-là.
02:39Puis on va aussi regarder si ce nombre d'enquêtes
02:41veut dire que le nombre de harcèlements augmente
02:44ou si c'est un effet de l'esprit,
02:46une association trop rapide que l'on peut faire.
02:48Après, sur les raisons,
02:50peut-être que je peux apporter quelques premiers éléments de réponse.
02:52C'était aussi une de vos questions où on peut répondre.
02:54Oui, alors juste rapidement, Grégory,
02:56vous, parce que là vous êtes des RH d'Accio,
02:58auparavant vous étiez des RH chez Valourec.
03:00Est-ce que vous avez senti ces tensions s'augmenter ces dernières années ?
03:04Et si oui, est-ce que c'est depuis deux, trois ans ?
03:07Parce qu'on sait que le COVID
03:08et les nouvelles organisations de travail aussi sont passées par là.
03:10Est-ce que vous l'avez ressenti sur le terrain ?
03:12Ce qui est assez certain,
03:13c'est qu'il y a une sensibilité accrue de toute façon
03:15de la part à la fois des entreprises
03:17et également des collaborateurs
03:19sur la qualité de la relation au travail,
03:21que ce soit avec les collaborateurs entre eux
03:23ou que ce soit la relation managériale.
03:25Donc oui, effectivement, il y a une sensibilité accrue.
03:28En parallèle de ça, on a toujours été très attentifs
03:31à mieux former le management intermédiaire,
03:33à mieux former les services médicaux,
03:36à mieux former aussi les DRH et leurs équipes
03:38pour à la fois prévenir
03:40et aussi mener le cas échéant des enquêtes
03:43comme révélateur finalement
03:45de la situation de mal-être ou de tension
03:47au sein des collaborateurs.
03:48Donc ce qui est certain,
03:49c'est qu'il y a une plus grande sensibilité
03:50à ce genre de sujet dans les entreprises.
03:52Plus grande sensibilité,
03:53ça fait partie des raisons peut-être
03:55de ce lancement d'alerte.
03:57Est-ce que vous en avez perçu d'autres ?
03:59Oui, il y a de toute façon,
04:00comme ça vient d'être dit,
04:01il y a un avant et un après crise sanitaire.
04:04Il y a une sensibilité plus forte
04:06dans les rapports au travail
04:08et dans les relations au sein du travail.
04:12On peut peut-être aussi se questionner
04:14autour de l'augmentation de la centralisation
04:16des fonctions RH
04:18et peut-être la disparition de possibilités
04:20de régulation de proximité,
04:23notamment avec la possibilité
04:25d'acteurs de proximité.
04:27Peut-être l'évolution aussi,
04:28je dis peut-être parce que le retour d'expérience
04:30n'est pas complet sur le sujet,
04:32peut-être que l'évolution
04:34avec la disparition des CHSCT
04:36est aussi une explication possible
04:40dans les régulations de proximité,
04:42dans la possibilité d'être à l'écoute
04:44et d'aller réguler des sujets
04:46sans forcément les centraliser, les remonter.
04:48Plus on remonte un sujet,
04:49plus ça prend peut-être du temps.
04:51Ça prend du temps dans l'analyse de la situation,
04:53dans la prise de décision sur comment agir.
04:55Et pendant que ce temps est pris,
04:57c'est une situation de tension
04:59qui ne trouve pas forcément de régulation.
05:00Ce qui veut dire que les enquêtes
05:02arrivent parfois à des moments
05:04où on a atteint des points de non-retour
05:05dans les situations de conflit.
05:07Peut-être juste aussi un mot
05:09sur la médecine du travail.
05:11Également, on la sent de moins en moins proche
05:14des salariés.
05:16Est-ce que ça aussi, ça peut rentrer en compte ?
05:19Les entreprises dans lesquelles on intervient,
05:21elles ont des situations vraiment très différentes
05:23dans leur rapport avec les services de santé au travail.
05:25Certaines entreprises ont des services de santé
05:28au travail interne à l'entreprise,
05:31d'autres travaillent avec des services inter-entreprise.
05:34C'est vraiment hétérogène.
05:36Après, on a vu, nous en tout cas,
05:38une diminution des alertes provenant
05:41des services de santé au travail sur ce sujet.
05:43Du harcèlement moral et ou du harcèlement sexuel.
05:47Mais plutôt une augmentation
05:50des signalements en parallèle.
05:52Et une médecine du travail qui est prise
05:54par le temps dont elle dispose en réalité
05:56pour pouvoir, à un moment donné,
05:58se préoccuper de ces sujets.
06:00Grégory, le rôle du manager,
06:03est aussi extrêmement important.
06:06Dans les acteurs de proximité,
06:08il y a le manager de proximité.
06:10Est-ce que vous avez aussi perçu un changement ?
06:12On sait que les managers, d'ailleurs,
06:14sont souvent en burn-out.
06:16En tout cas, le taux de burn-out des managers
06:18a augmenté avec la crise sanitaire.
06:21Votre regard ?
06:23Les managers ont un rôle qui est toujours très compliqué.
06:26On dit souvent qu'ils sont entre le marteau et l'enclume.
06:28En tout cas, c'est certain.
06:30Ce sont les premiers en relation directe
06:32avec les collaborateurs.
06:34Les attendus des collaborateurs vis-à-vis des managers
06:37ont augmenté, en tout cas changé.
06:39Ils doivent maintenant manager des collaborateurs
06:41qui ont une approche exigeante
06:43dans leur relation auprès de leurs managers.
06:46Les managers doivent piloter des collaborateurs
06:48qui ont une relation très distancielle
06:50avec l'entreprise.
06:52L'entreprise est maintenant, pour beaucoup,
06:54un moyen pour faire d'autres choses à côté.
06:56Non plus un moyen d'accomplissement.
06:58Le fait qu'il y ait un sentiment
07:00de distanciation avec l'entreprise,
07:02ça rend le job du manager
07:04probablement beaucoup plus compliqué.
07:07Je ne sais pas dire si les managers
07:10sont plus ou moins en burn-out.
07:13Je me garderais bien de faire ce type d'effet de manche.
07:16Ce qui est certain, c'est que les managers
07:18sont probablement mieux formés.
07:20Les managers ont d'ores et déjà intégré
07:22que pour être performants,
07:24il faut avoir des collaborateurs heureux,
07:26qui travaillent sereinement.
07:28C'est là où on a opéré une mue
07:30dans le rôle du manager.
07:32La performance n'est pas l'indicateur clé
07:34sur le tableau Excel,
07:36c'est le bien-être au travail.
07:38C'est une condition, un prérequis
07:40de la performance d'une entreprise.
07:42C'est étonnant ce que vous dites.
07:44Le bien-être au travail devient un prérequis.
07:46Par ailleurs, on nous dit tout le temps
07:48que les taux de burn-out augmentent.
07:50Ce nombre d'enquêtes internes
07:52pourrait nous faire croire que le nombre
07:54de harcèlement est beaucoup plus important.
07:56On sait aussi qu'il y a beaucoup
07:58d'enquêtes qui n'aboutissent pas
08:00au final à une situation de harcèlement,
08:02voire même que c'était la personne
08:04qui se disait harcelée
08:06qui était en fait dans une position
08:08de harcèlement.
08:10Jean-Christophe, vous qui les menez,
08:12qu'est-ce que vous percevez ?
08:14Ce qui est clair, c'est que la convergence
08:16des différentes enquêtes qui sont faites
08:18met en évidence que le niveau de risque
08:20psychosocial est plus important
08:22au niveau des fonctions managériales.
08:24D'un côté, les managers sont mieux
08:26accompagnés, mieux formés,
08:28à la fois pour prévenir le stress,
08:30gérer leur énergie, être en capacité
08:32d'identifier un certain nombre
08:34de comportements inappropriés
08:36et développer des bonnes pratiques.
08:38Ils sont en même temps,
08:40toutes les études le disent,
08:42de plus en plus exposés à des situations
08:44complexes auxquelles ils doivent faire face,
08:46notamment en lien avec l'évolution
08:48des organisations.
08:50Vous citiez un peu plus tôt
08:52la distance dans les relations de travail.
08:54C'est un élément important.
08:56Après, sur les situations de harcèlement
08:58vertical qui mettent en cause
09:00le comportement ou les comportements
09:02de personnes en responsabilité,
09:04c'est intéressant de mobiliser les résultats
09:06des études parce que
09:08le pourcentage de comportements
09:10inappropriés est le plus important
09:12dans les relations horizontales de travail,
09:14c'est-à-dire dans la relation entre collègues.
09:16Pour un certain nombre de raisons,
09:18c'est que la plupart du temps,
09:20les moments où ces comportements peuvent s'exprimer,
09:22si on parle des blagues en entreprise
09:24qui n'en sont pas, entendons-nous bien,
09:26en lien avec des propos discriminants,
09:28des propos sexistes par exemple,
09:30ça se passe la plupart du temps dans des moments de convivialité,
09:32à la pause café, dans un verre
09:34pris à la fin de la journée
09:36ou dans le déjeuner pris ensemble.
09:38Et puis, les formations en entreprise
09:40ne vont pas forcément
09:42concerner l'intégralité
09:44des collaboratrices et des collaborateurs
09:46au même niveau d'intensité.
09:48Donc, on peut avoir des écarts sur ce sujet.
09:50Après, sur les chiffres, vous parlez
09:52du burn-out, de l'épuisement professionnel,
09:54on ne va pas rentrer dans les détails,
09:56mais il y a aujourd'hui
09:58une différence énorme entre les chiffres
10:00officiels de Santé publique France
10:02et les chiffres
10:04que l'on peut entendre à la cantonade
10:06sur augmentation de l'épuisement professionnel,
10:08tout le monde serait en burn-out,
10:10de la même façon qu'il y a des explications de texte
10:12parfois à faire sur le terme de détresse
10:14psychologique que l'on peut entendre
10:16à chaque fois qu'on allume la radio
10:18ou la télévision, ou qu'on s'intéresse au travail,
10:20qui ne veut pas dire qu'on a une personne
10:22sur deux qui est en dépression
10:24et certainement pas une personne
10:26sur deux en dépression en lien
10:28avec le travail. Donc, il faut prendre de la mesure
10:30et pour répondre à la
10:32dernière partie de la question,
10:34le chiffre qui a été constaté
10:36d'enquêtes réalisées par
10:38les acteurs de la firme,
10:40c'est 21 cabinets, ce n'est pas l'ensemble des cabinets qui travaillent
10:42sur ce sujet, c'est 250
10:44enquêtes qui ont été réalisées au total
10:46sur l'année 2023. C'est loin
10:48d'être peut-être les chiffres auxquels on
10:50pouvait s'attendre, mais ce sont
10:52uniquement les enquêtes externalisées.
10:54Aujourd'hui, il n'y a pas de comptabilisation des
10:56enquêtes internes qui peuvent être faites dans les entreprises,
10:58plus des enquêtes qui peuvent être faites
11:00par des indépendants, donc le chiffre
11:02réel des enquêtes aujourd'hui, il est compliqué
11:04à estimer, mais on peut entendre
11:06aussi dans la mobilisation de ces enquêtes
11:08des chiffres qui, de mon point de vue,
11:10mériteraient un peu de prudence
11:12selon lesquels
11:1475%
11:16par exemple
11:18des enquêtes ne concerneraient pas des situations
11:20de harcèlement. Derrière
11:22ça, il faut vraiment faire la différence
11:24entre une situation qui sera
11:26jugée comme étant une situation
11:28de harcèlement par les autorités compétentes
11:30et la conclusion d'un rapport
11:32d'enquête qui, à un moment donné,
11:34n'est pas forcément, dans 100%
11:36des cas, l'objectivation
11:38de la vérité, mais qui est limitée
11:40aux informations qui ont été recueillies pour rendre
11:42une conclusion, et parfois la conclusion, c'est
11:44qu'on ne peut pas conclure.
11:46Oui, ça c'est important de le souligner.
11:48Il y a d'autres,
11:50Grégory, vous, sur votre
11:52en tant que
11:54DRH, ces tensions
11:56aussi sociales,
11:58vous les percevez ou vous ne les
12:00percevez peut-être pas, et est-ce que
12:02cette notion de harcèlement
12:04est peut-être aussi de temps en temps
12:06galvaudée par des personnes
12:08qui vont dire tout de suite, oula,
12:10attention, harcèlement, j'ai eu deux mails,
12:12la journée, je caricature énormément,
12:14mais c'est vrai qu'à force d'en entendre parler, cette sensibilisation
12:16peut aller à l'encontre
12:18de ce qu'on souhaiterait.
12:20Alors, sur les questions de tensions sociales,
12:22il y a un facteur
12:24clé sur les questions de tensions sociales,
12:26en tout cas d'interne, c'est la santé économique
12:28de l'entreprise, premièrement.
12:30Quand une entreprise va bien, on constate
12:32et ça fait 25 ans que je fais ce métier,
12:34quand l'entreprise va bien, on se rend
12:36compte que, finalement, le bonheur
12:38au travail, ou en tout cas les relations entre collègues
12:40et leur association managériale, sont plutôt
12:42beau fixe. Là où on sent
12:44que les choses se dégradent, c'est lorsque
12:46on rentre dans une phase où
12:48il y a des incertitudes sur
12:50la santé de l'entreprise, lorsqu'on est
12:52dans des situations de sous-activité,
12:54donc il y a un premier corollaire sur ce sujet-là.
12:56Ensuite,
12:58sur la question
13:00des enquêtes,
13:02il faut savoir aussi
13:04qu'il y a parfois raison gardée,
13:06parce que des relations
13:08qui peuvent être considérées comme conflictuelles
13:10ne méritent pas pour autant une enquête
13:12et en tout cas, en aucun cas,
13:14d'être qualifiées comme du harcèlement.
13:16C'est la raison pour laquelle,
13:18lorsqu'on doit mener ce genre d'enquête,
13:20et généralement, on les garde
13:22d'abord en interne et on va faire appel à un tiers
13:24lorsqu'on en a besoin, on doit garder
13:26une totale confidentialité sur les choses
13:28puisque les conclusions relèvent souvent
13:30de la qualité relationnelle ou de l'absence
13:32de qualité relationnelle que du harcèlement.
13:34Pour répondre à votre point,
13:36je ne pense pas qu'on ait
13:38une dégradation des tensions
13:40dans l'entreprise.
13:42Par contre, c'est le révélateur d'une absence
13:44de perspective ou d'incertitude dans l'entreprise,
13:46c'est certain.
13:48Il faut le souligner quand même,
13:50il y a eu un arrêt de la Cour de cassation
13:52en juin 2024,
13:54stipulant pour réguler un petit peu
13:56ce nombre d'enquêtes internes
13:58et l'entreprise maintenant n'est plus tout à fait
14:00obligée de mener une enquête
14:02dès qu'il y a eu harcèlement.
14:04Alors, qu'est-ce qui se passe autour de ces enquêtes ?
14:06Jean-Christophe, vous qui l'avez menée depuis longtemps,
14:08je suppose aussi qu'elle ne se mène pas tout à fait
14:10de la même façon qu'il y a quelques années
14:12et qu'il y a peut-être aussi
14:14une certaine méthode
14:16à mettre en place.
14:18Le moins important, c'est le surmesure.
14:20Ça, c'est un point très important. Après, il y a des points de repère
14:22dans la méthodologie à mettre en place.
14:24Il y a quand même des règles
14:26à suivre, un certain nombre de règles à suivre
14:28dans la mise en place de l'enquête.
14:30Est-ce qu'elle se mène aujourd'hui différemment qu'elle pouvait
14:32se mener il y a un an,
14:34il y a deux ans, il y a trois ans ?
14:36Dans notre pratique, en réalité, non.
14:38Maintenant, le vrai sujet, c'est
14:40l'évolution
14:42qu'on a constatée, c'est
14:44un certain nombre de situations qui auraient mérité
14:46une enquête,
14:48qui ne trouvaient pas de réponse en matière d'enquête
14:50dans bon nombre d'organisations
14:52parce qu'on ne savait pas forcément les mettre en place,
14:54parce que l'enquête, ça fait peur, parce qu'on ne sait pas comment gérer
14:56ce que l'on va trouver comme information derrière.
14:58À un extrême, c'est la systématisation
15:00des enquêtes quand il y a une situation
15:02d'alerte en lien avec un conflit.
15:04Et comme vous le disiez tout à fait justement,
15:06l'enquête, c'est un
15:08outil à un moment donné
15:10qui intervient consécutivement
15:12à une alerte. Ces alertes
15:14sont généralement
15:16au milieu d'une situation
15:18de tension, et donc
15:20la réponse que l'on doit apporter, c'est la réponse
15:22à une situation de conflit dans
15:24l'organisation, qui doit être calibrée
15:26aux justes mesures, mais dont on doit pouvoir
15:28se poser les questions de quelle est la suite
15:30par rapport à ça. Et donc, l'arrêt de la courbe de cassation
15:32dont vous parlez, c'est un arrêt qui clarifie
15:34le fait que l'enquête, dans
15:36certains cas, n'est pas obligatoire, parce qu'il y a
15:38des cas de figure où l'enquête est obligatoire,
15:40notamment un droit d'alerte qui peut
15:42être émis par les représentants du personnel,
15:44ou encore d'autres cas de figure. Mais quand elle n'est
15:46pas obligatoire, on a la liberté de se
15:48poser la question de, est-ce que
15:50l'enquête est le meilleur outil
15:52à mettre en place dans la situation
15:54dont on est informé.
15:56Et donc, ça doit renforcer,
15:58s'il y a vraiment une étape qui doit être renforcée,
16:00c'est celle de l'analyse de la situation
16:02avant la prise de décision
16:04de mettre en œuvre une enquête, et
16:06en lien avec cette analyse de la situation,
16:08de calibrer l'intensité de
16:10cette enquête, les modalités de cette enquête
16:12que l'on doit composer sur mesure. Et quand vous dites
16:14que les pratiques évoluent, j'espère
16:16qu'elles vont évoluer
16:18dans le fait de pouvoir faire en sorte
16:20qu'au sein de la même entreprise, il y ait
16:22des discussions paritaires
16:24pour structurer des règles propres à chaque
16:26entreprise. Je ne suis pas pour une
16:28réglementation globale des enquêtes, parce que je pense
16:30que ça peut rigidifier les marges
16:32de manœuvre dont on a besoin pour intervenir
16:34sur ces sujets. Mais chaque entreprise,
16:36c'est intéressant qu'elle se pose la question
16:38des bonnes règles à appliquer. En tout cas,
16:40aujourd'hui, quand on intervient dans une entreprise
16:42et qu'on voit le travail qui a été fait,
16:44il y a vraiment de tout,
16:46vraiment de tout. Il y a des rapports
16:48magnifiquement conduits, et puis il y a du grand
16:50n'importe quoi. J'invite à beaucoup de prudence
16:52sur ces sujets et à être très clair sur
16:54la méthodologie qu'on souhaite en interne
16:56dans l'entreprise, comme quand on mobilise un prestataire,
16:58il n'y a pas de fait magique.
17:00Il faut être clair sur la méthodologie.
17:02Grégory, vous de votre côté, comment est-ce que vous
17:04communiquez auprès
17:06des collaborateurs sur ces thématiques
17:08de harcèlement ?
17:10C'est vrai que les formations,
17:12parfois, s'adressent plus
17:14aux managers, mais ceci dit, c'est aussi
17:16important que chaque personne sache
17:18ce qu'on entend par harcèlement.
17:20Qu'est-ce que vous
17:22pouvez mettre en place ? Vos conseils aussi,
17:24peut-être, pour atténuer certaines situations
17:26où on penserait que c'est du harcèlement
17:28alors que peut-être que ce n'en est pas.
17:30Le premier principe
17:32qui est double, c'est la transparence et la confidentialité.
17:34C'est-à-dire qu'il faut
17:36être transparent auprès des parties prenantes sur la façon
17:38dont on va conduire les investigations,
17:40tout en garantissant
17:42un bon niveau de confidentialité, parce que
17:44on ne sait pas ce qui va aboutir finalement
17:46de l'enquête. Donc le premier
17:48principe, c'est la transparence et la confidentialité.
17:50Ensuite, ce qui est assez évident,
17:52c'est qu'il faut arriver dans ce genre de
17:54situation à prendre un pas de côté
17:56et se détacher de l'émotion du moment,
17:58où naturellement, lorsqu'on est alerté sur ce
18:00genre de situation,
18:02il y a de l'émotion, qui est bien
18:04souvent d'ailleurs légitime,
18:06mais lorsqu'on doit mener
18:08ce type de démarche,
18:10en tout cas ce type d'enquête, lorsqu'on est dans le cadre d'une enquête,
18:12il faut sortir de la phase
18:14d'émotion, s'assurer que les parties
18:16prenantes de l'enquête contradictoire
18:18soient des gens qui soient suffisamment
18:20détachés des faits pour être objectifs.
18:22Cette phase d'enquête contradictoire,
18:24elle doit mener aussi à la qualification
18:26des faits, puisque bien
18:28souvent lorsqu'on remonte des faits,
18:30il faut souffler sur ce nuage autour de
18:32tout pour avoir quels sont les faits réels
18:34et quelles sont les causes profondes.
18:36Ensuite, lorsqu'on en a besoin, il faut
18:38aussi se rapprocher des CSE ou des commissions
18:40de proximité, qui sont de formidables
18:42atouts et qui eux-mêmes ont
18:44un vrai montant en compétence sur
18:46la logique de harcèlement
18:48et d'enquête interne. Le dernier
18:50point que je voudrais souligner, c'est que la question
18:52du harcèlement, il ne faut pas
18:54systématiquement chercher une personne
18:56ou une autre personne.
18:58On peut avoir aussi une analyse beaucoup plus organique
19:00ou beaucoup plus systémique, où c'est l'entreprise
19:02qui par ses pratiques
19:04peut induire des relations conflictuelles,
19:06des objectifs mal calibrés,
19:08de l'antagonisme dans le fonctionnement
19:10des services. Donc, n'ayons pas
19:12une lecture uniquement d'intitus
19:14personnels et de relations individuelles, mais également
19:16une lecture organique, systémique.
19:18C'est bien souvent, ou c'est bien aussi,
19:20une des causes de harcèlement.
19:22Est-ce une fatalité,
19:24ces enquêtes
19:26internes ? On a l'impression
19:28qu'on ne s'en sortira pas.
19:30Il faut quand même souligner la prise de conscience
19:32sociétale et une libération
19:34de la parole qui est très importante,
19:36notamment concernant le harcèlement
19:38sexuel. Ça permet aussi
19:40des avancées importantes,
19:42mais on espère quand même pouvoir sortir
19:44de ce climat de tensions
19:46au sein des entreprises.
19:48Qu'est-ce qu'on peut mettre en place ? Il y a aussi
19:50peut-être un phénomène de prévention
19:52qui n'est toujours pas assez
19:54développé.
19:56Peut-être après,
19:58cette fatalité autour de l'enquête,
20:00je ne sais pas comment, sous quel angle,
20:02on doit le prendre. Je pense que l'enquête
20:04est une solution,
20:06à un moment donné, par rapport à une
20:08problématique. C'est déjà une solution.
20:10Maintenant, il faut pouvoir utiliser
20:12la bonne solution par rapport
20:14à la bonne problématique. Ce n'est pas la seule
20:16solution. Il y a d'autres solutions qui existent.
20:18Il y a des décisions managériales rapides qui peuvent
20:20être prises dans certaines situations,
20:22des principes de précaution. Il peut y avoir des médiations
20:24qui sont organisées, on va dire,
20:26dans la gestion de la situation.
20:28Il y a un nombre
20:30de solutions importantes d'un point de vue
20:32préventif. On peut peut-être les lister.
20:34On aura certainement des exemples à donner
20:36tous les deux sur ce sujet-là.
20:38Ce sujet de la fatalité,
20:40j'aimerais qu'on le transforme
20:42plutôt comme étant une solution.
20:44Une solution à laquelle on doit être
20:46attentif,
20:48parce qu'utiliser
20:50alors que ce n'est pas
20:52un besoin,
20:54on va au-devant de risques
20:56opérationnels,
20:58émotionnels importants.
21:00Une enquête mal conduite
21:02parce qu'on manque d'expertise, parce qu'on manque
21:04de retour d'expérience,
21:06c'est des risques juridiques,
21:08des risques opérationnels et des risques
21:10émotionnels au-devant desquels on va
21:12aussi sans forcément en avoir conscience.
21:14C'est une solution, mais c'est une solution à utiliser
21:16avec l'expertise qu'il faut
21:18pour pouvoir être en maîtrise parfaitement
21:20des risques et des enjeux autour de cette
21:22enquête. Pas la seule solution, ce qui nous
21:24renvoie vers l'analyse de la situation
21:26et une vraie démarche de risque management.
21:28Prendre de la hauteur, et je suis tout à fait d'accord
21:30avec ce que vous avez dit, et c'est fondamental
21:32en réalité de considérer
21:34cette situation comme le symptôme
21:36peut-être de
21:38causes profondes, peut-être, peut-être,
21:40de causes profondes d'un niveau
21:42organisationnel et de remonter la chaîne
21:44de valeur pour entreprendre un dispositif de
21:46prévention plus complet. Et je pense
21:48qu'en tout cas, à travers votre entreprise aussi, vous avez
21:50beaucoup d'exemples, et je pourrais peut-être
21:52en donner d'autres après. Oui, oui, oui, complètement,
21:54à Grégory. Oui, vous parlez de fatalité des
21:56enquêtes. Moi, je voudrais quand même rappeler que
21:58en théorie, et bien
22:00souvent en pratique, l'entreprise, c'est un
22:02sanctuaire où le bien-être des
22:04collaborateurs se vit. C'est-à-dire que
22:06c'est pas
22:08le harcèlement tous les jours,
22:10c'est pas des motivations tous les jours.
22:12Les collaborateurs
22:14viennent généralement dans une
22:16entreprise où ils sont driveés par la
22:18même mission, où les relations avec les
22:20collègues sont plutôt bonnes, et l'exception,
22:22ce sont les enquêtes pour harcèlement.
22:24Donc, la première des choses, c'est rappeler
22:26que l'entreprise est un lieu où, généralement,
22:28c'est prescrit, on sait ce qui va nous arriver,
22:30ce qui n'est pas le cas dans le monde dans lequel
22:32on vit aujourd'hui. Donc,
22:34premièrement. Ensuite, sur
22:36le...
22:38la formation
22:40des managers,
22:42bien souvent, on
22:44a parlé, et on a abusé même
22:46d'exigence et de bienveillance.
22:48Et ce qui
22:50était compris par les managers, c'était
22:52l'exigence vis-à-vis des collaborateurs pour
22:54qu'ils atteignent leurs objectifs, puis éventuellement
22:56la bienveillance quand ça n'allait pas. Moi,
22:58je préfère retourner le prisme
23:00en disant à mes managers,
23:02aux communautés de managers que j'ai eu l'occasion de rencontrer
23:04depuis quelques années déjà,
23:06soyez exigeants
23:08sur le bien-être de
23:10vos collaborateurs, parce que c'est le prérequis,
23:12la condition essentielle d'une performance durable,
23:14et soyez bienveillants
23:16dans la lecture des KPI,
23:18des objectifs, et c'est dans ce sens-là
23:20que doivent se faire les choses. Le capital humain
23:22doit être respecté, donc on doit être exigeants dans la
23:24préservation du capital humain, et on doit être
23:26bienveillants dans la lecture des objectifs.
23:28Et c'est dans ce sens-là qu'on sera
23:30capable finalement d'instaurer un cadre de confiance,
23:32qui est quand même la condition sine qua non
23:34pour éviter les enquêtes pour harcèlement,
23:36en tout cas les situations de harcèlement,
23:38et le bien-être au travail, donc la performance durable.
23:40Oui.
23:42Allez-y. Après, dans les...
23:44pas 100% d'enquêtes, mais
23:46quand bien même on crée les conditions
23:48de la santé
23:50au travail, on observe
23:52aussi l'utilisation
23:54de cet outil à des
23:56fins qui sont des
23:58fins de négociation, de fin de contrat,
24:00ou de sortie d'entreprise.
24:02Il y a le plafonnement des indemnités
24:04de preuves de mal, par exemple, qui peut être
24:06à un moment donné une des raisons, et
24:08utiliser cet outil-là pour
24:10servir d'autres fins que
24:12peut-être la réalité
24:14de certaines situations est aussi
24:16une des possibilités. Donc, ça fait
24:18partie, cette possibilité, à un moment donné,
24:20d'une utilisation
24:22à des fins personnelles,
24:24pas forcément toujours associées aux éléments
24:26de la situation, avec
24:28potentiellement des contextes contentieux
24:30qui se développent autour de cette notion d'enquête.
24:32C'est la raison pour laquelle on
24:34doit être extrêmement rigoureux et
24:36aussi associer des compétences
24:38expertes complémentaires
24:40qui permettent à la fois de prendre les dimensions
24:42RH en lien avec
24:44une vision des enjeux propres à chacune des entreprises,
24:46une dimension juridique
24:48obligatoirement forte, à la fois
24:50dans l'analyse de la situation et dans
24:52l'anticipation de la lecture
24:54des potentiels résultats en fonction
24:56de la confirmation ou de l'affirmation des hypothèses
24:58et une expertise psychosociale,
25:00ainsi qu'opérationnelle en conduite de projet,
25:02parce qu'il y a un certain nombre d'éléments.
25:04Il n'y a rien, en fait, qui ressemble plus
25:06à une autre enquête quand on aborde les principes
25:08génériques ou les ingrédients génériques d'une enquête,
25:10mais il n'y a aucune enquête qui ressemble
25:12vraiment à l'autre enquête
25:14quand on rentre dans les détails de l'enquête.
25:16Et peut-être qu'on doit s'autoriser
25:18d'un point de vue plus préventif
25:20à respecter quelques fondamentaux.
25:22Le premier,
25:24c'est d'abord s'assurer que l'ensemble
25:26des pratiques RH
25:28de conformité sont présentes.
25:30On a encore des entreprises que l'on rend compte
25:32qui ne mettent pas en place
25:34d'entretiens ou qui les déclarent
25:36mais qui ne les font pas,
25:38lors desquels le point sur la charge de travail
25:40n'est, par exemple, pas abordé.
25:42C'est quand même un sujet. Et puis, quand bien même
25:44on le fait d'un point de vue strictement juridique,
25:46il y a la manière de pouvoir aborder
25:48cette thématique de la charge de travail.
25:50Et surtout, une fois qu'une personne
25:52s'émeut ou
25:54s'exprime en lien avec une charge de travail élevée,
25:56eh bien, qu'est-ce que l'on fait
25:58de cette situation ? Comment on la gère ?
26:00Comment on en parle ? Et éventuellement, comment on va chercher
26:02du soutien dans son organisation ?
26:04Pour conclure, Grégory,
26:06sur les fondamentaux à bien avoir
26:08à l'exemple. Oui, exactement.
26:10Le premier outil de prévention
26:12d'une situation de harcèlement,
26:14ce sont les rituels de management.
26:16Il est bien évident que lorsqu'on
26:18a à cœur d'être clair
26:20sur les attendus de la mission du collaborateur,
26:22aussi sur son domaine
26:24d'autonomie, parce qu'on a besoin
26:26d'autonomie pour avoir du bonheur
26:28au travail, lorsqu'on est clair sur les objectifs
26:30également, sur la façon dont on va
26:32les piloter.
26:34Tout à l'heure, je parlais des femmes équipées,
26:36ça ne se pilote pas comme ça un objectif.
26:38Un objectif, c'est quelque chose qui donne du sens à l'action.
26:40Et il faut le lire ainsi.
26:42Et ensuite, avoir à cœur de souder
26:44le collectif. Tout à l'heure,
26:46vous disiez que les situations de harcèlement,
26:48elles étaient aussi horizontales.
26:50Il faut aussi créer un collectif
26:52dans lequel la situation de désaccord
26:54est complètement naturelle.
26:56Et c'est ce qui crée les conditions d'une équipe performante.
26:58Donc, verbaliser des désaccords dans un collectif,
27:00c'est quelque chose de normal.
27:02Il faut encore instituer le cadre
27:04de confiance.
27:06C'est les rituels de management,
27:08c'est l'attitude managériale
27:10qui est le premier outil pour moi de prévention.
27:12La place du dialogue, ce que vous dites,
27:14qui est très important, c'est
27:16moins on a de dialogue dans une organisation,
27:18plus on a d'émergence de conflits,
27:20moins on a de possibilités
27:22de réguler ces conflits.
27:24Et de façon mathématique,
27:26plus on a potentiellement d'alertes
27:28sur ces situations. Le sujet central,
27:30c'est celui du dialogue, des espaces
27:32de dialogue, mais des compétences pour pouvoir dialoguer
27:34et des valeurs pour pouvoir le faire aussi.
27:36Merci beaucoup. On est obligé de rendre l'antenne.
27:38Merci beaucoup Grégory Pardieu.
27:40Je rappelle que vous êtes DRH du groupe AQO.
27:42Jean-Christophe Villette. Je rappelle que vous êtes
27:44directeur général du cabinet équilibre
27:46et psychologue du travail et des organisations.
27:48Merci beaucoup
27:50à vous. A très bientôt sur
27:52le plateau HR Makers.

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