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Samedi 21 décembre 2024, SMART WOMEN reçoit Audrey Regnier (Directrice Générale, Bohin France)

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00:00Bonjour Audrey Régnier, écoutez, ravi de vous recevoir enfin dans Smart Women.
00:08Je dis enfin pour la petite histoire, c'est parce que vous deviez venir il y a quelques mois
00:12et ça tombait absolument le même jour que votre rachat des parts que vous ne déteniez pas encore dans l'entreprise.
00:18Donc aujourd'hui, grâce à cela, j'ai le plaisir de m'adresser à la directrice générale et propriétaire avec votre mari bien sûr,
00:26de la manufacture Boin. Voilà, donc c'est une anecdote qui demandait à être racontée.
00:30Alors, on va parler de Boin bien évidemment, mais on va aussi parler de vous, donc c'est un portrait,
00:35donc on va redémarrer un petit peu du début. Donc au tout début de l'histoire, et on va faire très court,
00:39mais néanmoins au début de l'histoire, vous avez voulu arrêter vos études après un bac scientifique
00:43parce que vous aviez l'idée de créer un lieu dans lequel il y aurait différentes activités qui seraient associées.
00:49En fait, vous étiez en train de créer et d'inventer le concept de tiers-lieu, mot que vous n'aimez pas,
00:53mais néanmoins c'était un petit peu ça. Bon, alors racontez-nous très très brièvement l'avant Boin,
00:59parce qu'après c'est du Boin, pur sucre tout le temps.
01:01Alors j'ai un très fort caractère, j'ai toujours eu, et à 18 ans je décide d'arrêter mes études.
01:07J'ai fait un bac S à la demande de mes parents et non pas à la demande de mon cœur.
01:11J'ai mon bac, je suis plutôt bonne élève, et donc je dis à mes parents, j'arrête tout, j'ai un super projet,
01:16j'ai le lieu, je sais ce que je vais en faire, ça va être super, j'ai des plans, j'ai tout préparé.
01:21Et mes parents m'écoutent et à la fin me disent, hors de question, tu vas continuer tes études.
01:25Donc en fait, j'ai continué mes études, je suis partie en gestion administration et d'entreprise,
01:31et puis après je continue en événementiel, et au final je me suis retrouvée avec un bac plus 5,
01:34ce qui m'a quand même bien aidée pour la suite de ma carrière.
01:36Bien sûr, vos parents avaient bien raison. Entre temps, vous avez rencontré votre mari,
01:39ce qui était également très bien, puisque ça vous permettait d'envisager l'avenir ensemble dans de bonnes conditions.
01:43Exactement.
01:44Puis alors un jour, dans les années 2011 si je me souviens bien, votre père qui n'avait pas oublié votre rêve malgré tout,
01:50vous invite à aller prendre connaissance d'une offre d'emploi qui parlait visite touristique, industrielle, visite d'usine,
01:57donc ça a été le choc. Donc racontez-nous cette entrée dans le monde boin.
02:00En fait, dans le réseau de mon père qui était chef d'entreprise dans l'Orne,
02:04j'entends parler de ce fameux musée d'une entreprise, et ça ne m'intéresse pas du tout,
02:10parce que moi qui ai vécu en fait dans l'Orne adolescente, en rébellion contre mes idées d'adolescente,
02:15je ne voulais pas vivre dans l'Orne. Alors qu'aujourd'hui j'y suis, j'y suis très heureuse,
02:18mais en tout cas à l'époque je m'étais dit, moi jamais dans l'Orne, je ne travaille pas du tout dans un musée,
02:22je veux travailler à l'international, dans le marketing, la communication, etc.
02:25Et puis en fait, j'ai des jours en trop, et là je me dis, bon allez, j'y vais, je vais aller voir, je suis curieuse.
02:32Et mon père m'avait dit, toi qui voulais être styliste et dans Petit, il fabrique des aiguilles à coudre,
02:37et en plus ils ont une roue hydraulique. Alors je ne sais pas pourquoi, mais ça m'a charmée.
02:42Cette roue hydraulique m'a charmée, donc je suis en fait allée voir cette entreprise,
02:47et je me souviens, c'était un matin d'hiver, donc c'est très bleu, grand soleil.
02:51Même dans l'Orne !
02:52Même dans l'Orne !
02:54Et je suis tombée amoureuse en fait des bâtiments en me disant que c'était une pépite dans une vallée verte méconnue.
03:00Et en fait, de fil en aiguille, c'est le cas de le dire, je suis tombée amoureuse des machines,
03:06des personnes qui avaient son savoir-faire, et puis surtout je me suis rendue compte que ce n'était pas du tout un musée,
03:11c'était une visite d'entreprise.
03:13Et en fait finalement, à 25 ans, on me faisait confiance pour me laisser la gestion de projet,
03:18presque de B à Z, parce qu'on m'était ficelée bien sûr en amont,
03:22mais en fait j'avais une grande liberté pour pouvoir mener à bien un projet d'entreprise.
03:26Donc c'est l'entrée chez BO1, par ce côté-là.
03:30Tout ça, ça a duré 6-7 ans, et c'est en 2018 que vous rentrez dans le dur en quelque sorte,
03:35puisque c'est là que vous faites un rachat partiel de l'entreprise.
03:39Une entreprise qui est plus que son tonnerre, mais qui avait entre-temps été en liquidation judiciaire,
03:42qui avait été reprise, donc qui avait déjà connu des aventures.
03:45Et vous donc, en 2018, avec votre mari, vous faites un rachat partiel de l'entreprise,
03:49et vous êtes plein d'énergie.
03:51Et là, ce n'est pas tout à fait facile pour vous.
03:54Non. On avait mon ancien PDG, donc départ en retraite,
03:58et on se positionne en fait pour racheter l'entreprise.
04:00Alors Fabien, mon mari, était dans la banque,
04:03et j'avais besoin absolument d'un bras droit de confiance sur la partie financière,
04:06c'est pour ça que je l'ai débauché, donc on a racheté ensemble, et on avait un associé.
04:09Associé qui est parti depuis juin, et ce moment loupé ensemble.
04:13Et en fait, on rachète l'entreprise, et honnêtement, c'est le début des catastrophes.
04:17On perd en fait la moitié du chiffre d'affaires, en tout cas sur le papier, le premier mois,
04:22avec le départ de clients, avec des difficultés de clients, avec aussi des sorties de fournisseurs.
04:27On a aussi notre dernier, qui a 7 mois, qui fait une défaillance générale,
04:31qui est entre la vie et la mort, au CHU de Caen, à 1h35 de chez nous,
04:36et on a les deux grands qui ont 4 ans et 1 an à gérer.
04:39Et puis on a malheureusement le départ d'un collaborateur,
04:45qui ne revient pas à la suite d'un salon, et qui est pour nous en fait une perte immense,
04:51qui met à mal en fait notre mental, notre cœur, mais aussi qui met à mal beaucoup l'entreprise,
04:57parce que c'était lui qui gérait toute la relation commerciale.
05:00Donc vraiment une année catastrophique.
05:02Donc vous avez passé une année, c'est ça, c'est l'année 2018-19 ?
05:05Et puis 2018-19 aussi, il y a eu d'autres choses aussi en 2019.
05:09Mais voilà, et jusqu'à...
05:11Alors attendez, attendez, on va y arriver.
05:13Non mais c'est intéressant de commenter cette partie compliquée de votre parcours,
05:17parce que finalement vous aurez très bien pu arrêter à ce moment-là,
05:19vous avez été sur le point de dire on va y arriver,
05:22pour autant vous avez la foi de l'entrepreneur, donc chevillé au corps,
05:25et donc vous avez poursuivi, et c'est ça qui est important.
05:28Après tout ça, il y a beaucoup de personnes qui m'ont dit
05:30mais tu n'as jamais pensé à arrêter ?
05:32Et je ne me suis jamais posé la question.
05:34Parce qu'en fait, d'une, concrètement, vous avez les emprunts bancaires,
05:38et puis de deux, vous ne pouvez pas laisser des personnes sur le carreau comme ça,
05:40donc en fait vous n'avez pas le choix.
05:42Mais c'est l'entrepreneur, vous décrivez la mentalité de l'entrepreneur.
05:46C'est ça.
05:47Très bien, et alors le Covid arrive, pour vous c'est...
05:50C'est la meilleure période de ma vie.
05:52Le Covid m'a sauvée je pense,
05:54parce qu'honnêtement après ces deux années chaotiques, catastrophiques,
05:57on était encore de nouveau dans une galère à ce moment-là,
06:00et quand le Covid est arrivé, je me suis dit
06:02bon bah écoute Audrey, chacun rentre chez soi en bonne santé.
06:06C'était vraiment ce qui m'inquiétait en premier lieu.
06:09On perd à ce moment-là 40% du chiffre d'affaires,
06:11parce que nous notre visibilité elle est de 48 heures dans la mercerie.
06:14On ne fait que simplement du réapprovisionnement de nos clients.
06:17Donc le jour où le confinement est annoncé,
06:20je perds tout mon chiffre d'affaires en une heure.
06:22Et là je me dis bon de toute façon, on en a vu d'autres,
06:24on en verra d'autres.
06:26Et puis on se débrouillera, on trouvera des résolutions.
06:28Mais au moins chacun est chez soi.
06:30Moi j'ai pu rester chez moi pendant 5 semaines
06:32avec mes enfants qui étaient encore petits,
06:34que je ne voyais pas parce que je passais mon temps à l'entreprise
06:36pour sauver tout le monde et sauver l'entreprise.
06:39En plus il faisait beau en Normandie, j'avais un jardin.
06:42Donc clairement ça a été la belle vie.
06:44Et puis à la fin de ces 5 semaines,
06:46la mercerie a été placée en bien de première nécessité.
06:49Donc là tous les clients ont commencé à appeler
06:51parce qu'ils voulaient réouvrir les magasins
06:53pour que les gens puissent faire leurs propres masques.
06:56Parce qu'il n'y avait pas assez de masques en France à l'époque.
06:58Et donc là on a commencé à faire revenir l'activité.
07:01Et bon an mal an, à la fin de l'année,
07:03donc à la fin décembre, on était à plus de 3% de chiffre d'affaires.
07:06Donc on est passé de moins 40% à plus de 3%.
07:08Et on a eu une grosse croissance
07:10pour répondre aux besoins et à la demande, notamment française.
07:14Parlez-nous maintenant de BO1, de ce qu'est BO1 désormais.
07:17Donc un peu la carte d'identité de l'entreprise,
07:19les défis auxquels vous êtes désormais confrontés,
07:22mais des défis positifs.
07:24Oui, alors maintenant BO1 c'est une entreprise
07:26qui est vraiment, qui est reconnue dans notre domaine d'activité,
07:29dans notre secteur, comme audacieuse,
07:31comme fun et pour autant très traditionnelle
07:34en fait sur la qualité de ses produits.
07:36On est très authentique, on a 191 ans,
07:38donc on connaît bien notre métier.
07:40Dans les enjeux en fait aujourd'hui...
07:42Vous êtes le seul fabricant français.
07:44Oui.
07:45Et vous m'avez dit que vous étiez dans le monde,
07:46il y avait 4-5 fabricants au total.
07:48On n'est que 5 fabricants et consortium au monde
07:49à fabriquer des aiguilles à coudre.
07:51Et je rappelle juste quelque chose,
07:52c'est que sans aiguilles, nous serons tous tout nus.
07:54Oui, absolument.
07:55Donc c'est hyper important de fabriquer des aiguilles en France.
07:58Alors justement, donnez-nous quand même quelques détails.
08:00C'est des aiguilles, mais c'est pas que des aiguilles,
08:02c'est la pelote, c'est tous les outils de convection.
08:04Et par rapport à ça, il y a ce que vous fabriquez vous-même,
08:07et il y a ce que vous achetez.
08:09En fait BO1, il y a 3 casquettes.
08:11La première, fabrication ancestrale, traditionnelle,
08:14aiguilles à coudre, bracelets pelotes, épingles à tête de verre, etc.
08:17Ca c'est 15 à 20% du chiffre d'affaires.
08:19La deuxième casquette, qui est la plus grosse casquette,
08:21c'est le négoce international.
08:23Donc là on va travailler avec des fabricants qui travaillent le bois,
08:25la craie, le plastique, etc.
08:27Que nous on ne travaille pas.
08:28Et qui vont fabriquer des produits du même niveau de qualité
08:31que notre propre production.
08:32Et on va mettre notre logo dessus, parce que c'est un label de qualité.
08:35Donc ça c'est la partie négoce.
08:36Et puis on a 3% du chiffre d'affaires qui est représenté
08:39par le tourisme industriel, puisque notre prise se visite.
08:42Vous avez continué à faire ça.
08:43On a continué, on a 10 000 visiteurs par an
08:45qui viennent au contact de salariés pour découvrir la production et le savoir-faire.
08:48Et vos clients, vous faites du bitou-bitou-bitou-si,
08:51en bon français.
08:53Donc vos clients, c'est qui ?
08:55Et puis il y a un petit site e-commerce qui commence également.
08:58On a créé un site e-commerce pour les personnes qui sont
09:00vraiment les aficionados de la marque.
09:01Qui ne veulent que du boin, acheter du boin.
09:03Il va y avoir tout le catalogue.
09:04Parce que quand on vend nos produits à nos clients,
09:06ils ne prennent qu'une sélection.
09:07Donc là au moins on a tout.
09:08Donc nos clients, le premier bit,
09:12ce sont soit des magasins de tissus spécialisés,
09:15soit des grossistes, soit des ateliers de confection
09:17ou des touristes qui revendent les ateliers aussi.
09:19Et puis après, les grossistes vont revendre à des merceries.
09:22Et les merceries vont revendre au grand public.
09:24Donc c'est là, l'escalade est un petit peu lourde.
09:26Mais voilà.
09:27Et vous m'avez dit que, après vous me parlez des défis aussi,
09:30mais vous m'avez dit que vous aviez notamment une partie de clients
09:33à l'export et aux Etats-Unis.
09:35Et vous m'avez dit que les Etats-Unis, c'était le patchwork.
09:37Exactement, voilà.
09:38En France, en fait, on est sur toutes les disciplines.
09:40Aux Etats-Unis, on est presque exclusivement sur le patchwork.
09:43Aux Etats-Unis, c'est culturel.
09:45Tout le monde fait du patchwork.
09:47C'est dans leur tradition, c'est dans leur histoire.
09:50Et surtout, quand on fait du patchwork,
09:52on a besoin d'outils de grande précision et de très grande qualité.
09:55Parce qu'un patchwork, ça peut durer des années et des années à faire.
09:58Donc on n'a pas envie d'avoir de mauvais outils
10:00quand on y met autant de temps et autant d'amour.
10:02Bien sûr, bien sûr.
10:03Et alors aujourd'hui, parce que je rappelle que vous êtes une belle PME.
10:07Enfin, une belle PME.
10:08Elle s'est née en son territoire.
10:09Je le dis parce que les chiffres sont importants, rentables.
10:13Vous avez réussi à redresser également la marge, ce qui est vraiment très bien.
10:16Alors, les défis essentiels aujourd'hui, c'est quoi ?
10:19Défi, c'est de passer à la moitié du chiffre d'affaires à l'export.
10:21Aujourd'hui, on fait 30% à l'export.
10:23On voudrait passer la barre des 50% à l'export.
10:25Avec notamment la CIDE des Etats-Unis en priorité.
10:28Deuxième enjeu, c'est vraiment de pouvoir aussi investir dans la logistique chez nous.
10:32Aujourd'hui, on fait tout à la main.
10:34Donc ça marche très bien.
10:36Mais c'est beaucoup d'inconfort aussi pour les équipes.
10:38Donc aujourd'hui, il existe quand même des méthodes
10:41pour pouvoir travailler la logistique de façon plus confortable.
10:43Donc ça, c'est le deuxième enjeu.
10:45Troisième enjeu, c'est de pouvoir se déployer encore plus sur le marché français.
10:49Puisque comme on ne vend pas ou très peu en direct,
10:53on ne maîtrise pas notre implantation sur le territoire.
10:56Donc, on a un gros enjeu aussi de communication et de marketing
11:00auprès de l'image d'entreprise et de l'attractivité de la marque auprès du grand public.
11:04Donc voilà, des enjeux.
11:05Et ça, c'est qu'une partie parce qu'on a toujours plein d'idées.
11:07Il faut que je vous réinvite dans quelques temps pour que vous en parliez.
11:09Bon, malheureusement, le temps, on ne l'a plus.
11:11Donc, on ne peut pas parler de vos engagements.
11:13Mais par ailleurs, vous êtes engagée aussi dans l'accompagnement de l'entrepreneuriat sur le territoire,
11:17Femmes et Challenges, etc.
11:19On aura une prochaine occasion d'en parler.
11:21En tout cas, merci pour ce témoignage.
11:23J'espère que beaucoup d'entrepreneurs, notamment des femmes, mais pas que, vont l'entendre.
11:27Parce que ça montre bien que si on a vraiment la volonté, on y arrive.
11:30Ça peut être difficile, mais on peut y arriver.
11:32C'est un bel exemple de résilience.
11:34Voilà, merci pour tout ça.
11:36Bon, écoutez, cette émission est terminée.
11:38C'était la dernière de 2024.
11:40Je vous souhaite d'excellentes fêtes et je vous donne rendez-vous en 2025.
11:44Merci.

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