• la semaine dernière

Category

🗞
News
Transcription
00:00Bonjour Brice Tinturier, bonjour Renaud Dely, deux invités pour parler des conséquences politiques de la mort de Jean-Marie Le Pen
00:11et l'évolution de l'extrême droite en France depuis la fondation du Front National.
00:16Brice Tinturier, Renaud Dely, vous avez tous les deux bien connu le père de Marine Le Pen.
00:20Renaud, vous êtes l'un des meilleurs connaisseurs du Front National de l'extrême droite en France
00:24puisque vous avez écrit beaucoup d'ouvrages sur le sujet depuis 30 ans.
00:28Depuis hier, les réactions se multiplient, des politiques, on va y revenir, et des français aussi
00:33qui se sont rassemblés un peu partout en France, dans plusieurs villes.
00:36Certains se sont retrouvés place de la République hier soir à Paris pour fêter la nouvelle.
00:42Le Pen il est mort ! Le Pen il est mort ! Le Pen, Le Pen, Le Pen il est mort !
00:53Certains avec des coupes de champagne à la main, qu'est-ce qu'elles disent ces réactions Brice Tinturier ?
00:59Elles disent malgré tout une mémoire à l'égard de Jean-Marie Le Pen qui montre à quel point il a été rejeté en France.
01:05Quand on reprend sa courbe de popularité, en réalité elle était très plate et il y avait 80%, un peu plus, un peu moins,
01:12suivant les moments, de manière assez constante, qui émettait un jugement très défavorable sur Jean-Marie Le Pen.
01:18Donc ça s'est étiolé parce que Jean-Marie Le Pen ne fait plus partie du paysage actif,
01:22mais vous avez malgré tout toujours l'image d'un Jean-Marie Le Pen qui faisait un certain nombre,
01:28pas de polémiques, de provocations, qui réactivaient des thèmes antisémites, des thèmes homophobes, des thèmes racistes,
01:36et cela imprégnait quand même une partie de la population française.
01:40Encore une fois, ça s'efface un peu, pour des raisons générationnelles, mais c'est un marqueur de notre vie politique.
01:46Quand même beaucoup de jeunes hier soir, place de la République, Renaud Delis, des gens qui se félicitent de la mort d'un homme politique.
01:54Alors, il y a des dimensions évidemment sur le plan humain, ça peut légitimement choquer, on peut considérer ça comme indécent,
02:00de célébrer la mort de quelqu'un, même si je pense que ces rassemblements portent davantage sur les idées qui étaient portées par Jean-Marie Le Pen
02:08que sur le personnage lui-même. Beaucoup de jeunes, vous avez raison, et pas tant que ça.
02:12Parce qu'il faut souvenir qu'effectivement, comme le disait Brice Naturilli tout au long de sa carrière politique,
02:15Jean-Marie Le Pen a suscité un rejet massif, on l'a vu de façon spectaculaire en 2002,
02:19lorsqu'elle a accédé au second tour de la présidentielle, et en particulier avec le résultat du second tour bien sûr,
02:23et des manifestations qui étaient à l'époque massives. Ce n'était pas le cas hier.
02:27Ce que je veux dire par là, c'est que pendant des décennies, avec Jean-Marie Le Pen, à la tête du FN,
02:33deux Frances en quelque sorte s'opposaient, l'une qui était extrêmement minoritaire quand même, le FN, même s'il progressait,
02:38et puis une immense majorité de la France qui avait peur de l'extrême droite, effectivement, et de Jean-Marie Le Pen.
02:43Cette diabolisation, comme disent les Le Penistes, et aujourd'hui les Marinistes en quelque sorte,
02:48ses successeurs à Marine Le Pen, elle persiste dans le personnage, effectivement,
02:52mais je pense qu'aujourd'hui, on le voit bien, le rejet est bien moindre, l'hostilité de la population est bien moindre,
03:00et juste un tout dernier point, s'il y a eu ces manifestations hier, la diabolisation dénoncée par Marine Le Pen,
03:05elle n'est pas inventée par les journalistes, les commentateurs, ou même ses adversaires politiques,
03:09c'est-à-dire, le principal agent de cette diabolisation, celui qui a fait, en quelque sorte, entre guillemets,
03:13Le Pen le diable de la République, c'est évidemment Le Pen lui-même, avec ses propos, ses prises de position,
03:18et ses multiples condamnations.
03:19Et vous parliez des réactions politiques, Renaud, il y a celle du ministre de l'Intérieur, hier soir,
03:23après ces images qu'on vous a fait voir et entendre, rien ne justifie qu'on danse sur un cadavre,
03:29dit le ministre de l'Intérieur, ces réactions de la classe politique,
03:33on sent que tout le monde marche un peu sur des œufs ce matin, Brice Tinturier.
03:38Oui, parce que le Rassemblement National d'aujourd'hui, en termes d'obédience politique,
03:42évidemment, n'a rien à voir avec celui de Jean-Marie Le Pen,
03:46on est à plus de 30% pour le RN d'aujourd'hui,
03:49et avec une stratégie de désextrémisation voulue, orchestrée par Marine Le Pen, et qui a payé.
03:55Donc, la société française étant beaucoup plus incline à voter pour Marine Le Pen et le RN que dans le passé,
04:01on voit bien qu'un certain nombre de responsables politiques,
04:04soit parlent de polémiques à propos de Jean-Marie Le Pen,
04:09ce qui est un terme qu'on peut interroger.
04:11C'est François Bayrou qui a tweeté, effectivement, à la mort de Jean-Marie Le Pen,
04:14je dis ces mots, qu'il a posté sur le réseau social X,
04:17au-delà des polémiques qui étaient son arme préférée et des affrontements nécessaires sur le fond,
04:22Jean-Marie Le Pen aura été une figure de la vie politique française.
04:25Effectivement, le terme polémique fait polémique.
04:27Le terme polémique fait polémique, parce que c'est à la fois, comme Renaud Delis le rappelait,
04:31c'était à la fois une stratégie voulue, pensée par Jean-Marie Le Pen,
04:36du raffour crématoire ou ce type de propos,
04:40parce qu'il voulait faire autour de lui des provocations et créer justement un mouvement,
04:46qu'on parle de lui, qu'il soit l'antisystème et l'incarnation de l'antisystème.
04:50Donc, il voulait être ce diable de la République, incontestablement,
04:54et c'est ce qui lui a profondément ennui.
04:57Et c'est cette stratégie, donc, qui a voulu inverser Marine Le Pen.
04:59Mais quand même sur les réactions des politiques aujourd'hui.
05:01On l'a dit, ils marchent sur des œufs.
05:04On a vu Bruno Rotailleau qui dit que c'est une honte ce qui s'est passé hier soir.
05:07Il y a l'aspect personnel.
05:09On peut considérer qu'effectivement, on n'a pas à se réjouir de la mort d'un responsable politique.
05:14Mais tant qu'il n'y a pas atteinte à l'ordre public,
05:16on est dans un pays où, normalement, les gens sont libres d'exprimer leur satisfaction,
05:21voire leur joie, ou au contraire, leur peine et leur regret,
05:25à l'égard du décès d'une figure comme celle de Jean-Marie Le Pen.
05:28Bien sûr. Après, il faut quand même noter une spécificité,
05:31mais qui dit aussi beaucoup de ce qu'était Jean-Marie Le Pen dans l'histoire politique française.
05:35C'est que, d'ordinaire, on voit ce type de manifestation à la chute d'un tyran,
05:38d'un dictateur, d'un régime autoritaire.
05:41Il faut rappeler que Jean-Marie Le Pen n'a exercé aucune responsabilité exécutive.
05:45Il a été, certes, député européen et député d'opposition par moment au Conseil régional.
05:50Mais ça, c'est frappant.
05:51Et ça renvoie, justement, encore une fois, à cette image et à cette réalité.
05:56Parce que ça correspondait à son comportement et à ses convictions politiques
05:59que portait Jean-Marie Le Pen.
06:01Ça explique ce rejet.
06:03Pour ce qui est de la prudence des responsables politiques,
06:05c'est justement, je pense, parce qu'un certain nombre de responsables politiques,
06:07notamment issus de la majorité, si on peut l'appeler comme ça,
06:10puisque la majorité n'est pas vraiment majoritaire,
06:12redoutent de faire, à mon avis,
06:15soit d'en faire trop contre Jean-Marie Le Pen
06:18et de donner l'impression, eux aussi, de ne pas respecter le temps du deuil,
06:21soit peut-être de vexer ou fâcher Marie Le Pen
06:24à un moment où certains, peut-être, misent encore implicitement sur son indulgence
06:27lors d'un éventuel vote de censure.
06:29Ça peut expliquer le communiqué de François Bayrou, le tweet de François Bayrou.
06:32Un dernier point.
06:33C'est possible, c'est une hypothèse.
06:36C'est une hypothèse, en tout cas.
06:38La principale retenue, elle émène de Marie Le Pen elle-même.
06:41Certes, elle a appris le décès de son père dans l'avion.
06:43On le sait, elle ne s'est posée qu'hier vers 21h à Paris.
06:45Mais depuis, on n'a toujours aucune réaction.
06:47Elle aurait pu très bien publier un communiqué.
06:49Ce qui, à mon avis, en dit long aussi sur le plan politique.
06:51Parce qu'il y a évidemment la douleur personnelle, intime, familiale, qu'il faut respecter.
06:54Mais il y a quand même, je pense, un exercice un peu compliqué politiquement aujourd'hui
06:59que de rendre pour Marie Le Pen l'hommage à son père et au fondateur du FN.
07:04Et donc, d'endosser, une fois de plus, tout l'héritage politique.
07:07Brice Nathurier ?
07:08Oui, c'est toute la difficulté pour Marie Le Pen qui se cristallise aujourd'hui.
07:11C'est-à-dire qu'à la fois, elle est l'héritière de ce mouvement et elle s'en détache.
07:14Et elle est en permanence dans ce jeu où elle ne peut pas renier.
07:18Elle n'a jamais renié l'héritage de son père.
07:21Et où, en même temps, elle a cherché, avec succès, à désextrémiser le RN.
07:27Elle ne l'a pas renié, mais elle l'a exclue de son propre parti.
07:29Depuis dix ans.
07:30Tout à fait. Elle l'a exclue parce que, frontalement, sa stratégie était totalement inverse.
07:34Et notamment quand Jean-Marie Le Pen, dans Rivarol, réactivait des formules particulièrement antisémites.
07:40Ça allait à l'encontre de ce qu'elle cherchait à faire.
07:43Et peut-être de ses convictions profondes.
07:46On le sait de ce point de vue véritablement.
07:49Mais elle ne peut pas non plus, et elle n'a jamais condamné son père.
07:54Elle a toujours dit que c'était un visionnaire.
07:56Qu'il était en avance sur son temps.
07:58Qu'il avait d'énormes qualités politiques.
08:00Qu'il avait été le premier à pointer la menace de l'immigration.
08:04Donc elle est dans ce jeu compliqué.
08:07Mais elle dit aussi qu'il a cherché à la saboter depuis 2011.
08:10Depuis qu'il lui a donné le parti.
08:13Quand on regarde la longue histoire de la famille Le Pen.
08:15C'est aussi une petite entreprise familiale qui a prospéré.
08:18Le Front National devenu RN d'ailleurs.
08:20Le Pen lui-même disait que ce qui était le plus important, c'était la marque Le Pen.
08:23Elle est aujourd'hui l'héritière de cette marque.
08:24Elle a d'ailleurs le même nom.
08:25C'est à la fois un atout et un fardeau sur le plan politique.
08:28Mais quand on regarde l'histoire, il faut bien comprendre d'abord que
08:30ce souvenir que Jean-Marie Le Pen a tout fait pour que sa fille lui succède à la tête du parti.
08:34Il a écarté pendant une dizaine d'années tous ceux qui faisaient de l'ombre à l'ascension de sa fille.
08:38Jusqu'à Bruno Gollnisch.
08:40On peut citer la liste de Carlangue, Marie-France Tirebois, Bernard Ottoni et bien d'autres.
08:45La liste est longue.
08:46Donc elle est effectivement l'héritière.
08:47Lorsqu'elle a hérité du parti, c'était au congrès de Tours de janvier 2011.
08:51Elle a expliqué qu'elle en promenait toute l'histoire.
08:53Qu'elle assumait toute l'histoire du Front National.
08:55Elle a dit à de multiples reprises, je la cite,
08:57« Le Pen, c'est l'homme de ma vie. »
08:59Parce qu'elle parle en public.
09:01Elle ne dit jamais « papa » ou « mon père ».
09:02Elle dit toujours « Le Pen ».
09:03Elle a réitéré ses propos assumant l'histoire du FN plus récemment.
09:08C'était il y a deux ans, lors d'un colloque qui commémorait le cinquantième anniversaire de la création du parti.
09:12Là où elle a pris ses distances, c'est effectivement sur l'antisémitisme.
09:15Et c'est vrai que Marine Le Pen n'a jamais tenu de propos publics ou d'écrits qui relèvent de l'antisémitisme.
09:22Et qu'elle a pris effectivement, comme Maurice Naturiel le disait, ses distances sur le plan tactique.
09:27Mais d'ailleurs, quand vous regardez de nombreux dérapages,
09:30enfin qui ne sont pas des dérapages, d'ailleurs, j'aime pas tellement...
09:34Non mais ce ne sont pas des dérapages, parce que le terme de dérapage qui est fréquemment utilisé
09:37peut donner l'impression que Le Pen faisait des gaffes quasiment involontaires.
09:41Alors que les propos antisémites qu'il tenait reflétaient ses véritables convictions.
09:44Mais à de multiples reprises, Marine Le Pen a critiqué la forme ou le moment,
09:50par exemple lorsqu'il s'était livré à des propos antisémites concernant en 2014 Patrick Bruel
09:55et les artistes qui se mobilisaient contre le FN.
09:59Jean-Marie Le Pen avait dit, on s'en souvient à l'époque, « la prochaine fois on fera une fournée ».
10:02Quand vous relisez le communiqué de Marine Le Pen qui condamne les propos de son père,
10:05elle condamne une faute politique qui donne des armes à nos adversaires pour s'attaquer à l'époque au FN.
10:12Donc très souvent, elle n'évoque pas le fond, elle délude le fond.
10:15Et c'est en ça que c'est intéressant, les réactions politiques.
10:18Alors il y a effectivement la droite, la gauche, il y a aussi les réactions de l'extrême droite, du Rassemblement National.
10:23Les élus ont pris aussi leur téléphone pour réagir ou pour réagir dans les médias.
10:29Et on a vu par exemple des élus du Rassemblement National saluer un grand homme qui a servi la France.
10:36C'est l'élément de langage qui revenait souvent.
10:38A aucun moment ils font référence à son antisémitisme, à son racisme, à sa xénophobie, à son homophobie.
10:44Comment vous interprétez ça ?
10:46Bien naturellement, ce sont quand même son antisémitisme, son homophobie,
10:50ce sont des choses qui aujourd'hui sont non justifiables.
10:54Et qu'ils ne vont pas rappeler cette composante du parcours de Jean-Marie Le Pen.
10:58Et du coup, il est assez logique qu'au sein du Rassemblement National,
11:01on évoque plutôt la figure de quelqu'un qui aurait été visionnaire en avance sur son temps, etc.
11:08Il va se passer quand même quelque chose d'important, Brice St-Thurier et Renaud Delis,
11:12c'est qu'il va y avoir des obsèques.
11:14D'abord une messe familiale qui est prévue, mais aussi une messe officielle dans une église parisienne.
11:20Il faut s'attendre à quoi ? À ce que tous les élus du Rassemblement National arrivent dans cette église ?
11:25Ou alors, ça va être compliqué pour se décider d'y aller ou pas ?
11:29Une messe d'ailleurs bien particulière, puisque ce sont les premières informations qui ont été communiquées hier,
11:32elle devra être donnée par un prêtre qui s'appelle le prêtre Labélaguerie,
11:36qui est une figure des milieux catholiques intégristes,
11:39qui a été très longtemps le prêtre de l'église Saint-Nicolas du Chardonnay à Paris,
11:42église occupée par les intégristes depuis maintenant des décennies.
11:46Donc c'est aussi un message, en tout cas c'est lui qui a donné l'extrême mention à Jean-Marie Le Pen il y a déjà plusieurs semaines.
11:53C'est-à-dire qu'on sait très bien aussi que Jean-Marie Le Pen a rassemblé autour de lui
11:56tous les courants de l'extrême droite, y compris les catholiques intégristes,
12:00et il a d'ailleurs lui-même fréquenté, pour des obsèques d'un certain nombre de personnages,
12:04je pense notamment à Maurice Bardèche, l'écrivain et beau-frère de Robert Braziac,
12:08l'église Saint-Nicolas du Chardonnay, obsèque qui était d'ailleurs célébrée par le même Abbé Laguerie.
12:13Renaud Delis, Brice Nathurier, on vous retrouve dans une minute juste après le Fil info 8h45.
12:18Ils ont fait au moins 15 morts depuis 2016 en France des airbags défectueux,
12:22révélation de la cellule Investigation de Radio France ce matin.
12:25Le ministère des Transports met en place aujourd'hui un site internet pour savoir si votre véhicule est touché.
12:31Cela concerne une vingtaine de marques de voitures comme Volkswagen, BMW, Toyota ou encore Mercedes.
12:37Entre 5 et 10 cm de neige attendue et même jusqu'à 20 cm dans le Pas-de-Calais,
12:425 départements sont en vigilance orange à cause de cette neige et des risques de verglas cet après-midi,
12:47l'Oise, le Nord, le Pas-de-Calais, la Seine-Maritime et la Somme.
12:51Alors que la grippe touche toutes les régions en métropole, les hôpitaux doivent s'organiser pour faire face à l'afflux de patients.
12:57Une vingtaine d'établissements au moins ont activé le plan blanc,
13:00cela permet de déprogrammer des opérations et de rappeler ou de réaffecter du personnel.
13:06Ils voulaient tourner la page, déclare le président de la Fédération française de football,
13:10l'année prochaine Didier Deschamps ne sera plus l'entraîneur des bleus,
13:13il raccroche après la prochaine Coupe du Monde, 14 ans en tant que sélectionneur et un nouveau titre de champion du monde bien sûr en 2018.
13:31Et à l'instant, Louis Alliot, vice-président du Rassemblement National,
13:34annonce que les obsèques de Jean-Marie Le Pen auront lieu samedi prochain à la Trinité-sur-Mer,
13:39dont il est originaire, nous sommes avec Brice Tinturier, directeur général d'Ipsos,
13:44Renaud Delis qu'on ne présente pas sur cette antenne, nous parlions des conséquences politiques de la disparition de Jean-Marie Le Pen,
13:53parce qu'il y en a, on entendait tout à l'heure, Brice Tinturier, sur France Info, des électeurs du RN,
13:58c'est très intéressant, dans l'Oise, département où le RN est très implanté,
14:02qui, sans se réjouir de la mort de Jean-Marie Le Pen, disait mais finalement c'est plutôt une bonne chose pour Marine Le Pen.
14:08Est-ce que politiquement, voilà, on peut le dire ?
14:12Oui, je crois que ces électeurs ont raison, parce que ça va permettre à Marine Le Pen aussi de tourner une page,
14:18sans renier totalement l'héritage, mais de tourner une page où Jean-Marie Le Pen restait une figure quand même sulfureuse
14:24et repoussoire dans la société française.
14:26Et la grande différence en termes d'électorat, entre l'électorat de Jean-Marie Le Pen et celui de Marine Le Pen,
14:31c'est que dans les années 80, 90, etc.,
14:34vous aviez un petit socle d'électeurs qui adhéraient aux thèses de Jean-Marie Le Pen, mais qui était très minoritaire.
14:40Et vous aviez une deuxième couronne qui s'agrégait, tout cela pouvait nous amener au maximum des 17% de la présidentielle,
14:46mais une deuxième couronne qui s'agrégait avec des gens qui ne souhaitaient pas la victoire de Jean-Marie Le Pen,
14:51qui ne pronostiquaient d'ailleurs pas du tout cette victoire,
14:54mais qui instrumentalisaient ce vote pour, parlons de le dire comme ça, emmerder le système.
14:59C'est radicalement différent avec Marine Le Pen.
15:02On est progressivement passé, justement, à un électorat qui adhère aux thèses de Marine Le Pen,
15:07qui souhaite la victoire de Marine Le Pen, et tout cela parce qu'il y a eu cette désextrémisation.
15:12Donc, du coup, l'effacement de Jean-Marie Le Pen peut, moi je crois, servir davantage Marine Le Pen qu'être un handicap.
15:18Renaud Delis.
15:19Oui, oui, et en même temps, j'amènerais un petit peu le propos de Brice Naturia.
15:22C'est-à-dire qu'on sait aussi que Marine Le Pen, pour se détacher de la figure sulfureuse de son père,
15:26a mené un combat sémantique depuis des années,
15:29avant même, d'ailleurs, de commencer à prendre les rênes du parti.
15:33Par exemple, elle a rebaptisé le FN en Rassemblement National, FNRN.
15:39Elle ne parle jamais de Le Penisme, d'ailleurs, et ses troupes ne parlent que du Marinisme.
15:44Ses troupes, d'ailleurs, ne l'appellent que par son prénom.
15:47Voilà, ils ne parlent toujours que de Marine.
15:49Pourquoi ? Parce qu'il s'agit justement d'effacer le nom de Le Pen.
15:52Le problème qu'elle a, c'est qu'elle le porte toujours, le nom de Le Pen.
15:54Ce que ne fait plus Agnès, d'ailleurs.
15:56Elle se fait désormais appeler Marion Maréchal.
15:58Elle a retiré le nom de Le Pen.
16:00C'est-à-dire qu'on voit qu'il y a quand même cette fameuse marque.
16:02Bien sûr, dès lors que le père a disparu, il n'est plus dans le paysage politique.
16:07Et avec le temps, elle peut évidemment se détacher plus aisément de ce souvenir-là, de ce fantôme-là.
16:14Mais elle continue de porter toujours le nom Le Pen.
16:16Je pense que le nom lui-même continue de susciter une hostilité,
16:20malgré tous ses efforts de ce qu'elle appelle la dédiabolisation.
16:22On a quand même vu, et de façon assez surprenante,
16:25un front républicain fonctionner encore massivement en juillet dernier.
16:28Un tout dernier point, tout ça ne change pas évidemment la nature du programme du parti.
16:31C'est-à-dire qu'il faut distinguer la tactique et le combat sémantique.
16:34Et notamment ce qui est la colonne vertébrale du FN devenu RN depuis la création du FN.
16:40C'est la préférence nationale, ce principe discriminatoire,
16:44qui reste la colonne vertébrale aujourd'hui du RN, même sous Marine Le Pen.
16:49C'est vrai, mais le nom c'était structurel.
16:51C'est quelque chose qui, structurellement, est attaché à Marine Le Pen.
16:54Donc là, avec la mort de son père, qu'est-ce qui peut se passer ?
16:57Moi je crois qu'il va se passer deux choses marquantes.
17:00C'est que l'antisémitisme, qui était un marqueur porté par Jean-Marie Le Pen,
17:03et que Marine Le Pen essaye d'effacer, va pouvoir s'effacer encore plus.
17:08Donc au-delà de la permanence du nom,
17:10il y a quand même cette dimension qui devrait servir Marine Le Pen.
17:13Et puis souvenez-vous, Jean-Marie Le Pen c'était quand même l'ennemi de la République,
17:17de la laïcité, la République c'était la gueuse.
17:19Marine Le Pen se présente aujourd'hui comme, au contraire, celle qui défend la laïcité.
17:24Et donc elle va pouvoir déployer beaucoup plus aisément ces dimensions-là
17:28que quand il y avait Jean-Marie Le Pen, j'ai envie de dire dans le placard, toujours présente.
17:32Ce qu'elle va déployer cette stratégie de communication, je vous le dis totalement,
17:35mais quand on regarde effectivement le programme du RN,
17:38excusez-moi ce lapsus, et les propos de Marine Le Pen,
17:40quand on regarde l'attitude de Marine Le Pen et de ses élus,
17:43la plupart des élus RN, on ne peut pas les considérer comme des défenseurs de la laïcité.
17:46De ce qu'elle est la laïcité, c'est-à-dire qu'il y a évidemment une instrumentalisation
17:51de la part de Marine Le Pen et du RN, de ce mot de laïcité contre une religion en particulier.
17:56Ce ne sont pas des défenseurs, c'est-à-dire qu'elle va continuer de déployer cette stratégie-là au jour juin,
18:01cette tactique, de façon un peu plus aisée, dès lors que le fantôme de son père n'est plus là.
18:07En revanche, ça ne change pas la nature du parti, y compris si même elle, elle l'a dit, ça c'est clair.
18:12Je l'ai dit, Marine Le Pen n'a jamais tenu de propos publics antisémites,
18:16ou n'a jamais écrit des propos antisémites.
18:19En revanche, il demeure dans son entourage, et au sein des cadres du RN aujourd'hui,
18:24des gens antisémites, et on en a encore d'ailleurs pointé dans les CV
18:28d'un certain nombre de candidats législatifs de juillet dernier.
18:30Et puis son électorat est un peu plus antisémite que les autres,
18:34à l'exception aujourd'hui de l'électorat de la France Insoumise ou l'antisémitisme aussi progresse.
18:39En effet, j'allais y venir, quand vous mesurez les préjugés antijuifs
18:43et tous les indicateurs qui permettent de voir si vous êtes habité par un courant antisémite,
18:48ce sont bien chez les sympathisants du RN que les préjugés sont les plus partagés.
18:53Jusqu'à une date récente, c'était même mécanique.
18:56Plus vous alliez vers la droite et l'extrême droite, plus ces préjugés étaient présents.
19:00Depuis maintenant deux ans, vous avez une montée aussi de ces préjugés
19:04chez les sympathisants de la France Insoumise.
19:05On est à peu près au même niveau aujourd'hui entre ceux du RN et ceux de la France Insoumise.
19:09Et c'est une évolution notable.
19:11Mais malgré tout, il ne faut pas oublier que l'électorat du RN reste assez poreux à tous les stéréotypes antijuifs.
19:18Sur le côté du programme, on se souvient qu'à la création du Front National,
19:23Jean-Marie Le Pen, quelques années plus tard, ne parlait que d'immigration et d'Algérie française.
19:28L'immigration, ça reste un point fort du RN de 2025.
19:33C'est très clairement lui, Jean-Marie Le Pen, qui a introduit ce thème dans le débat public.
19:38Il y a eu une forme aussi d'intuition politique à l'aube des années 70 et lors de la création du FN,
19:44donc à l'automne 72, d'introduire ce thème de l'immigration.
19:48On se souvient de ces affiches dans les années 70 et dans les années 80 surtout,
19:51à mesure que le chômage montait, pointait toujours le bouc émissaire, l'étranger,
19:55comme étant responsable de la crise économique.
19:56Et ces affiches du Front National, 1 million de chômeurs, c'est 1 million d'immigrants en trop,
20:002 millions de chômeurs, c'est 2 millions d'immigrants en trop, etc.
20:02Donc il y a très clairement ce choix-là fait par Jean-Marie Le Pen,
20:06alors que son histoire politique préalable ne faisait pas un obsédé de cette question.
20:11Ça a d'abord été un militant très anticommuniste, Jean-Marie Le Pen,
20:15et l'extrême droite dans les années 50, dans les années 60, était très anticommuniste.
20:18Il y a eu aussi évidemment son passage par le mouvement Poujade,
20:21il a été député Poujadiste de 56 à 58, qui était un mouvement extrêmement populiste,
20:26hostile à la bureaucratie, aux élites, aux pouvoirs, etc.
20:29Mais où l'immigration n'avait qu'un rôle mineur, marginal.
20:33Donc c'était purement électoraliste ?
20:35Au départ, à l'origine, je pense qu'il y a eu une forme d'intuition,
20:37et ensuite ça a collé un certain nombre d'aspirants.
20:39Une forme d'intuition, mais aussi, comment dire, c'est son histoire personnelle.
20:41C'est Benjamin Stora qui est venu au France Info ce matin, nous le rappelait.
20:43C'est la revanche, c'est autre chose.
20:45La nostalgie de l'Empire colonial, etc.
20:48Là vous mélangez deux sujets, là vous revenez effectivement à la revanche
20:51sur l'Indochine ou l'Algérie perdue, surtout sur l'Algérie évidemment.
20:55Il s'est d'ailleurs engagé en Indochine trop tard, il n'a pas pu combattre.
20:59Il est arrivé après la chute de Dien Bien Phu.
21:01Il est ensuite allé en Algérie.
21:03Benjamin Stora a raconté cette histoire ce matin sur l'antenne de France Info.
21:07Et c'est vrai que le Front National et Jean-Marie Le Pen,
21:10c'est d'abord une addition de combats perdus de l'extrême droite.
21:13Et d'abord, effectivement, le combat colonial avec de nombreux anciens
21:16rescapés de l'Algérie française et de l'OS, l'organisation terroriste
21:19qui était à la fondation du FN.
21:21Pourquoi est-ce qu'en 1981, Jean-Marie Le Pen ne peut même pas se présenter
21:24à cette élection présidentielle, n'a pas les 500 signatures,
21:26et qu'en 1983, au municipal, à Dreux, dans le 20e arrondissement, etc.,
21:30le FN émerge.
21:32Et émerge à plus de 10%.
21:34Parce qu'il s'est passé quelque chose de fondamental,
21:36l'alternance à gauche.
21:38Et du coup, la société française qui avait cru, pour la moitié d'entre elles,
21:41qu'une autre politique permettrait de lutter contre le chômage,
21:44subit une énorme secousse et une énorme déconvenue.
21:47Les Français commencent à se dire,
21:49finalement, on a essayé pendant 23 ans la droite,
21:51ça ne marche pas contre le chômage.
21:53On vient d'essayer la gauche,
21:55ça ne marche pas non plus.
21:57Et ils deviennent, pour eux, un discours
21:59que comprend très vite Jean-Marie Le Pen à ce moment-là.
22:01On n'a pas tout essayé, déjà,
22:03et notamment l'immigration
22:05comme élément majeur
22:07d'explication du chômage en France.
22:09Et c'est là où vous avez une rencontre
22:11entre les thèmes développés par Jean-Marie Le Pen
22:13et l'histoire politique nationale,
22:15avec cette alternance de 1981
22:17qui a tué l'espérance d'une autre politique
22:19plus capable de lutter contre,
22:21en sujet de l'époque, la montée du chômage.
22:23Et il y a un événement qui va le projeter au-delà
22:25de ce qu'il espérait Jean-Marie Le Pen,
22:27c'est la présidentielle de 2002.
22:29Il a atteint le second tour le 21 avril 2002.
22:31N'ayez pas peur,
22:33chers compatriotes,
22:35rentrez dans l'espérance.
22:37Je suis
22:39socialement à gauche,
22:41économiquement à droite,
22:43et plus que jamais, nationalement,
22:45de France.
22:47Renaud, vous avez suivi la campagne de Lionel Jospin
22:49en 2002. Brice, vous, vous travaillez
22:51déjà sur la progression de Jean-Marie Le Pen
22:53dans le pays.
22:55Cette percée de Jean-Marie Le Pen, vous ne l'avez pas vue venir ?
22:57Non, alors moi, effectivement, j'ai suivi
22:59toute la campagne du premier tour de Lionel Jospin.
23:01Il y a une foultitude d'éléments
23:03qui montraient que ça ne fonctionnait pas bien.
23:05On ne va pas refaire le match, si j'ose dire,
23:07mais très clairement, avec le recul,
23:09aujourd'hui, on voit qu'entre la division de la gauche,
23:11déjà, la perte du lien de la gauche
23:13avec une partie des classes populaires,
23:15le fait que le FN, Jean-Marie Le Pen,
23:17a une campagne un petit peu subliminale,
23:19si j'ose dire, qu'on ne s'en préoccupait moins, d'ailleurs.
23:21L'impact du 11 septembre 2001
23:23des premiers attentats islamistes de masse, qui avaient changé
23:25l'ambiance depuis déjà
23:276 mois, un peu plus de 6 mois, dans le pays
23:29et ailleurs. L'impact de la question
23:31de l'insécurité dans cette campagne, utilisée notamment
23:33par le président de l'époque, Jacques Chirac.
23:35Le rôle, déjà, d'un certain nombre de médias
23:37qui avaient été pointis du doigt. Bref, c'est comme dans un crash
23:39d'un avion.
23:41Il n'y a jamais eu une raison,
23:43il ne suffit jamais à expliquer un événement
23:45totalement inattendu. Il y a une foultitude
23:47d'éléments qui ont produit,
23:49ce qui s'est produit le 21 avril 2002. Et ensuite,
23:51moi, entre les deux tours, je suis rebasculé
23:53du côté de la campagne de Jean-Marie Le Pen.
23:55C'est d'ailleurs l'extrait que vous venez de diffuser.
23:57Et on voit dans ce court extrait
23:59illustre les propos de Jean-Marie Le Pen.
24:01N'ayez pas peur, rentrez dans l'espérance.
24:03C'est la première prise de parole de Jean-Paul II
24:05lorsqu'il commence son pontificat
24:07au Vatican en 1978.
24:09Ensuite, je suis
24:11socialement de gauche,
24:13économiquement de droite et nationalement de France.
24:15A l'époque, le Front National
24:17et Jean-Marie Le Pen avaient ressuscité
24:19un slogan ni droite ni gauche français,
24:21qui en fait était aussi un clin d'œil subliminal
24:23à toute une histoire de l'extrême droite. C'était le slogan
24:25du PPF de Jacques Doriot, le Parti Populaire Français
24:27dans les années 30, un parti collaborationniste
24:29qui visait effectivement
24:31à dépasser les clivages et à
24:33aussi s'adresser davantage à un électorat
24:35populaire. Il y avait aussi une prolétarisation
24:37de l'électorat de Le Pen qui commençait
24:39à ce moment-là. Et puis juste un dernier point,
24:41toute la France se souvient du 21 avril 2002
24:43et massivement, en tout cas une nette majorité, a été
24:45traumatisée par le résultat
24:47du 21 avril 2002. Il faut savoir que
24:49le Front National a été
24:51traumatisé par le résultat du 5 mai,
24:53c'est-à-dire par les manifestations massives dans tout le pays
24:55pendant 15 jours et par le fait que
24:57Jean-Marie Le Pen soit finalement submergée
24:59par un raz-de-marée républicain au second tour
25:01qui avait profité à son adversaire Jacques Chirac.
25:03Mais Brice Natori, est-ce que ce n'est pas à ce moment-là quand même que
25:05au Front National, qui n'est pas encore le Rassemblement
25:07National, les gens commencent à se dire que le pouvoir,
25:09on peut le prendre, puisqu'on a beaucoup dit
25:11que Jean-Marie Le Pen ne
25:13voulait pas du pouvoir, mais autour de lui,
25:15il y en a qui le veulent.
25:17Il y en a qui le veulent, mais je crois que
25:19ce qui a été retenu au sein du
25:21Front National à l'époque, c'est ce que vient de dire Renaud Delis.
25:23C'est-à-dire que les dirigeants du Rassemblement
25:25du Front National ont été étonnés.
25:27Ne pensez pas qu'il y aurait
25:29une telle vague contre eux. Et c'est là
25:31où vous avez eu surtout
25:33des voix qui se sont dites, on ne parviendra jamais au pouvoir
25:35avec une telle stratégie.
25:37Et il faudra attendre, évidemment, avant que
25:39Marine Le Pen inverse, et la capacité
25:41d'inverser cette stratégie. Mais il y a un traumatisme
25:43pour la société française,
25:45mais également au Front National
25:47du 5 mai
25:49qui a énormément pesé. Ils n'ont pas
25:51vu venir une telle vague, ils ne l'ont
25:53pas supposé. Elle les a profondément
25:55étonnés, marqués, et elle a provoqué
25:57du coup l'inflexion de la stratégie.
25:59Merci beaucoup, Brice Latturier, directeur
26:01général délégué d'Ipsos. Renaud Delis, vous allez rester avec
26:03nous, vous allez prendre ma place pour les informer
26:05dans quelques instants avec Salia Brackli.