Le "8h30 franceinfo" de François Molins

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00:00 "Walk On The Wild Side", The Prodigy
00:02 ...
00:05 -Bonjour, François Molins. -Bonjour.
00:07 -Vous êtes sans doute le magistrat le plus célèbre de France,
00:11 visage familier des Français,
00:13 puisque vous avez été pendant des années
00:15 celui de l'antiterrorisme, au moment des attentats
00:18 de Toulouse et Montauban, puis de Paris, en 2015.
00:21 Vous êtes l'un des plus hauts magistrats de l'Hexagone.
00:24 Vous vous apprêtez à prendre votre retraite
00:26 après 46 ans de carrière.
00:28 Est-ce que la justice est plus efficace
00:30 qu'elle ne l'était quand vous avez commencé à travailler ?
00:34 -C'est une question qui est compliquée.
00:36 Je ne pense pas qu'on puisse dire aujourd'hui
00:38 que la justice est efficace.
00:40 Ca serait nier tout ce qui s'est passé
00:42 au cours des dernières années,
00:44 cette prise de conscience qui a amené,
00:46 à travers le comité des Etats généraux,
00:49 à mettre les choses sur la table,
00:51 à poser les problèmes de fonds systémiques
00:53 que l'institution connaît pour trouver des remèdes.
00:56 Mais d'un autre côté, c'est difficile
00:59 de comparer la situation aujourd'hui
01:01 avec celle que j'ai connue il y a 46 ans.
01:03 Il y a 46 ans, l'office du juge et du procureur
01:06 était moins complexe et moins large qu'aujourd'hui.
01:09 C'était un autre monde.
01:10 La difficulté, c'est qu'on a accru en permanence
01:13 les compétences des juges et des procureurs
01:15 sans que cette augmentation des compétences
01:18 soit accompagnée des moyens nécessaires.
01:20 -De quoi manque-t-elle le plus pour faire son travail ?
01:23 -C'est ce qui a été souligné par les Etats généraux,
01:27 les moyens, bien sûr.
01:28 Il faut applaudir devant l'importance des moyens
01:31 qui nous seront donnés jusqu'à 2027.
01:34 -10 000 postes en plus, dont 1 500 magistrats.
01:37 -Oui, 1 500 magistrats sur 5 ans,
01:39 des centaines de greffiers et d'assistants
01:41 et de juristes assistants.
01:43 Mais l'amélioration de la situation nécessite aussi
01:47 qu'on apporte des réponses systémiques
01:49 aux problèmes de fonds structurels
01:51 qui sont posés par l'institution
01:53 et qui affectent des fonctions transverses
01:56 comme le numérique et l'informatique,
01:58 mais aussi les grands thèmes
02:00 comme la justice civile, la justice pénale,
02:03 le pénitentiaire.
02:04 C'est absolument nécessaire.
02:05 Si on n'a que les moyens, sans les réponses exhaustives
02:09 aux problèmes posés, ça suffira pas.
02:12 -Vous parlez de moyens accordés.
02:14 Il y a un problème d'organisation.
02:16 C'est quoi la fédiversisation du droit pénal
02:18 que vous déplorez ?
02:20 -La fédiversisation du droit pénal qu'on déplore,
02:23 c'est cette attitude qui consiste
02:25 à écourter les réflexions quand on veut changer la loi
02:29 et à se déterminer uniquement
02:31 en fonction des faits divers qui se produisent.
02:33 Un fait divers se produit,
02:35 on est légitimement gagné par l'émotion qu'il a suscité
02:38 par la souffrance des victimes,
02:40 après la perte d'être cher,
02:42 et immédiatement, dans l'émotion,
02:44 on va décider de faire évoluer la loi,
02:46 souvent sans réflexion suffisante.
02:48 C'est toute l'histoire de l'évolution du droit pénal
02:52 au cours des 30 ou 40 dernières années.
02:54 Et ça, c'est quelque chose qu'on avait souligné,
02:57 notamment dans le comité des Etats généraux,
03:00 et que je pense qu'il faut peut-être essayer de limiter,
03:03 car ce n'est pas forcément la bonne méthode.
03:06 Quand on change la loi, il faut prendre le temps de la réflexion.
03:09 -Je prends un exemple d'actualité,
03:11 celui de la série d'accidents provoqués
03:14 par des conducteurs sous l'emprise de drogue.
03:16 Le gouvernement a réfléchi à mettre en place
03:19 un délit d'homicide routier,
03:21 car lorsque ces accidents ont pu causer le décès d'une personne,
03:24 ces conducteurs tombent souvent sous le coup de l'homicide involontaire.
03:28 Vous vous dites que, comme le gouvernement,
03:30 il faut changer la loi, ou on tombe dans la fédiversisation ?
03:34 -Ce n'est pas à moi de déterminer s'il faut changer la loi.
03:37 Je partage l'émotion citée par ces drames.
03:39 J'ai beaucoup de respect pour les familles des victimes
03:43 qui ont subi ce type d'événement.
03:45 Ce n'est pas à moi de dire s'il faut changer la loi.
03:48 Si on la change, on est dans des catégories juridiques
03:51 relativement contraintes.
03:53 Qu'on appelle un homicide routier ou pas routier,
03:56 il y a de toute façon, à ma connaissance,
03:58 deux catégories d'homicide, les volontaires et les involontaires.
04:02 Soit on a voulu causer la mort de la personne en face,
04:05 on relève de la cour d'assises et de pannes criminelles,
04:08 soit l'homicide est involontaire,
04:09 même si on a créé les conditions qui ont pu le faciliter...
04:13 -En prenant de la drogue ? -Oui, ou de l'alcool.
04:15 Dans les cas, je pense que c'est légitime
04:17 de sanctionner ce type de comportement.
04:19 C'est ce qui est fait dans le Code pénal.
04:22 Un homicide volontaire avec une circonstance aggravante,
04:24 c'est 7 ans d'emprisonnement encouru,
04:26 deux circonstances aggravantes, c'est 10 ans.
04:29 Alors, est-ce qu'il faut aller plus loin ?
04:31 Peut-être, mais encore une fois,
04:33 c'est bien, je pense, que cette réflexion...
04:35 Sur la réflexion, je pense qu'il faut réfléchir
04:38 et donner du sens à tout ça.
04:39 La circulation routière, c'est un ensemble de choses.
04:42 On les connaît, les causes.
04:44 C'est l'alcool, c'est la vitesse.
04:46 À ce moment-là, il faut agir sur les trois,
04:48 essayer de donner du sens.
04:50 Je ne suis pas sûr qu'il y ait...
04:51 Est-ce qu'il y a du sens et de la cohérence
04:54 quand, d'un côté, on va aggraver la répression
04:56 pour l'effet que vous évoquez,
04:58 et de l'autre, on fait sauter les subventions de permis
05:01 pour utiliser cette vitesse ?
05:03 -François Mollin, 70 % des Français
05:05 trouvent que la justice est trop laxiste.
05:07 Aujourd'hui, est-ce qu'ils ont complètement tort ?
05:10 -Je pense qu'ils ont tort,
05:11 même mathématiquement.
05:14 Alors, de mémoire, en 6 ou 7 ans,
05:18 la durée moyenne des peines
05:19 par les juridictions correctionnelles
05:22 a augmenté de plus de deux mois.
05:23 C'est ça, en réalité, le gros problème qu'on a.
05:26 Je pense qu'on vit dans un pays
05:28 dans lequel tous les problèmes qu'on a
05:30 autour de l'exécution des peines et de la prévention de la récidive
05:34 résident dans un phénomène de non-effectivité des peines.
05:37 J'ai connu ça quand j'étais arrivé au ministère
05:40 il y a un peu plus de 10 ans.
05:42 On a toujours le même stock.
05:43 On a un stock de peines inexécutées
05:45 de l'ordre de 95 000 à 100 000.
05:47 -Pour quelles raisons ?
05:48 -Je pense que ça a trait d'abord, certainement,
05:51 à la difficulté et à la complexité de la procédure,
05:54 au fait qu'on n'a peut-être pas suffisamment
05:58 au point un système qui permette de prendre les bonnes décisions
06:02 et rapidement sur l'aménagement des peines,
06:05 qu'on n'ait pas suffisamment d'éléments de renseignement
06:08 dans les dossiers quand les tribunaux
06:10 correctionnent les statuts,
06:12 et qu'il y a cette insuffisance de moyens.
06:14 -Le procès en laxisme n'est pas si injustifié
06:17 dans la réalité des peines exécutées ?
06:19 -Les peines prononcées ne sont pas laxistes.
06:21 Elles n'ont jamais été aussi importantes
06:23 dans l'histoire de la justice, mais depuis 46 ans,
06:26 les peines sont de plus en plus sévères.
06:28 Les problèmes qu'on a, c'est pour les ramener à exécution.
06:32 L'effectivité, c'est un problème majeur,
06:34 cardinal, par rapport à la récidivité.
06:36 C'est là-dessus qu'il faut des progrès.
06:38 -On va parler de l'indépendance de la justice,
06:41 des prisons, François Mollins,
06:43 de l'antiterrorisme, aussi,
06:44 qui vous a occupé pendant de nombreuses années.
06:47 Le Fil info, à 8h40, avec Maureen Suynère.
06:49 -La Russie accuse Kiev d'attaques terroristes
06:52 après cet événement très rare à Moscou.
06:54 Une attaque de drone, ce matin.
06:56 Pas de victimes, mais tout de même quelques dégâts
06:59 sur des immeubles. Côté ukrainien,
07:01 on dénonce une nouvelle attaque russe, la nuit dernière.
07:04 Elle a fait au moins un mort.
07:05 Le plan du gouvernement est plus offensif
07:08 que ce qu'il a fait en matière de fraude fiscale,
07:11 déplore l'association Attaque sur France Info.
07:13 Le ministre des Comptes publics s'en prend à la fraude sociale.
07:17 Il annonce qu'il faudra passer 9 mois en France,
07:19 et non plus 6, pour toucher des allocations.
07:22 Il est en détention provisoire.
07:24 Depuis dimanche soir,
07:25 l'international de rugby Mohamed Awas
07:27 jugé en comparution immédiate aujourd'hui
07:30 pour violence conjugale.
07:32 Sa conjointe n'a pas porté plainte,
07:34 mais la scène a été filmée par des caméras de vidéosurveillance.
07:37 Et puis, la qualification de 2 Français,
07:39 hier, pour le 2e tour de Roland-Garros.
07:42 Le jeune Lucas Von Hatchet,
07:43 élimination par contre de Benoit Paire et Arthur Fyss.
07:47 Aujourd'hui, 12 Français sont sur la terre battue,
07:49 notamment Richard Gasquet et Gaël Monfils.
07:52 Et puis aussi le numéro 2 mondial, le Russe Daniel Medvedev.
07:56 ...
07:58 -France Info.
07:59 -Le 8/30 France Info,
08:02 Salia Brakia, Marc Favel.
08:04 -François Mollins, procureur général
08:06 près de la Cour de cassation.
08:08 Depuis 2013, le cordon est coupé
08:10 entre le gouvernement et les procureurs.
08:12 La circulaire Taubira a mis fin aux directives individuelles
08:15 que pouvait donner un ministre à un procureur.
08:18 Y a-t-il un avant et un après ?
08:20 -Le lien n'est pas complètement coupé.
08:22 Il y a deux aspects d'un fonctionnement de procureur.
08:25 On a un côté agent public de l'exécutif,
08:27 puisqu'on met en oeuvre les directives de politique pénale
08:31 du garde des Sceaux et du gouvernement.
08:33 Ca, on l'a gardé. Par contre, effectivement,
08:35 depuis la loi du 25 juillet 2013, Mme Taubira,
08:38 le garde des Sceaux ne peut plus donner d'instructions
08:41 aux procureurs dans la conduite des affaires.
08:44 Y a pas d'instructions dans les affaires.
08:46 -Y a-t-il à défaut d'instructions précises,
08:49 des coups de fil, des pressions ?
08:51 -Non, j'ai vécu ça, moi, à Paris,
08:53 dans le cadre d'affaires hors normes,
08:55 aussi bien sur le plan du terrorisme
08:57 que de l'économie financière, crimes organisés.
09:00 Je n'ai jamais eu de tentative de mes gardes des Sceaux
09:03 d'interférer dans la conduite des affaires.
09:06 -Vous ne vous parlez pas avec le garde des Sceaux
09:08 si il vous appelle ?
09:09 Vous ne prenez pas le coup de fil, en nom de l'indépendance ?
09:13 -Non, c'est plus compliqué que ça.
09:15 -Allez-y. -On peut faire remonter
09:17 des informations. Donc moi, au moment
09:19 des attentats terroristes, j'ai été amené,
09:21 je l'assume complètement, à faire remonter
09:24 des informations directement à Mme Taubira.
09:26 J'estimais que c'était mon devoir.
09:28 Elle allait au conseil de sécurité
09:30 auprès du président de la République.
09:33 C'était normal qu'elle soit informée,
09:35 aussi bien que le ministère de l'Intérieur.
09:37 -Sur d'autres affaires, ça peut arriver ?
09:40 Vous pouvez faire remonter d'autres choses ?
09:42 -Non. On fait remonter des choses
09:44 à son procureur général.
09:46 Là, le contact avec le garde des Sceaux
09:48 était vraiment lié au caractère exceptionnel
09:50 des événements qu'on était en train de vivre.
09:53 -Et personne ne tente de vous approcher ?
09:55 -Non. Je ne l'aurais pas accepté.
09:57 On est indépendants, et après, il suffit de le faire vivre.
10:01 Il y a un statut, et il faut aussi avoir de la colonne vertébrale.
10:04 -Il manque 13 000 places de prison
10:06 pour accueillir dignement tous les détenus de France.
10:09 Faut-il en construire en plus,
10:11 des places de prison, ou est-ce qu'il faut emprisonner moins ?
10:14 -Je pense qu'il faut bien sûr construire
10:17 des places supplémentaires,
10:19 compte tenu de la surpopulation,
10:21 mais ça ne suffit pas, et ce n'est pas seulement
10:23 en construisant des places de prison supplémentaires
10:26 qu'on réglera le problème de la surpopulation.
10:29 C'est quelque chose qu'on fait depuis 40 ans.
10:32 On n'est pas à régler le problème,
10:34 mais on s'aperçoit que plus on construit,
10:36 plus la population carcérale augmente.
10:38 Ca renvoie aux réflexions qu'on avait faites
10:41 dans le cadre du comité sauvé,
10:43 comité des Etats généraux,
10:44 en indiquant que, pour s'en sortir,
10:46 il fallait véritablement travailler sur le sens de la peine,
10:50 remettre en réalité le milieu ouvert
10:52 au centre du dispositif,
10:54 et densifier considérablement le milieu ouvert.
10:57 Je pense, effectivement,
10:58 que si on veut lutter contre la surpopulation,
11:01 ce qui n'est pas normal,
11:03 parce que la surpopulation empêche en réalité
11:06 de faire des actions de réinsertion
11:08 au sein des prisons,
11:09 il faut avoir un dispositif autre.
11:11 On avait fait des propositions là-dessus
11:13 avec le comité des Etats généraux,
11:15 qui n'ont malheureusement pas été...
11:18 -Notamment l'idée d'un quota,
11:19 c'était pas le nom qui avait été retenu.
11:22 -Non. On n'était pas sur un quota.
11:24 -De limiter la surpopulation dans les établissements.
11:27 -Non, on était sur la définition d'un seuil de criticité
11:30 qui consistait à ce qu'à partir du moment
11:33 où un établissement privé
11:34 ou un établissement pénitentiaire
11:36 atteignait des proportions qui devenaient problématiques,
11:40 il y avait une obligation pour l'ensemble des acteurs
11:43 de se réunir et d'examiner ensemble les solutions
11:46 qui devaient être adoptées pour essayer de réguler
11:49 mieux la situation.
11:50 -Ca n'a pas été retenu.
11:51 -Ca n'a pas été retenu.
11:53 -Aujourd'hui, vous savez pourquoi.
11:55 -Non.
11:56 -Il veut construire 15 000 places,
11:58 d'ici 2027, 15 000 places de prison.
12:00 Il fait fausse route.
12:01 -Encore une fois, je redis, je pense,
12:04 qu'il faut construire.
12:05 Il y a des plans, mais je pense que ça ne suffira pas
12:08 à apporter des réponses et à régler le problème.
12:11 Les 30 années passées le démontrent, à mon sens.
12:14 Il faut vraiment plus travailler sur, effectivement,
12:17 le sens de la peine, l'appréhension de la récidive
12:20 et d'ensuifier ce milieu ouvert pour avoir un suivi,
12:23 un contrôle et un suivi beaucoup plus effectif
12:26 et beaucoup plus rigoureux sur les personnes libérées
12:29 ou en liberté ou en conditionnel.
12:31 -François Moulins, la Palme d'or
12:33 du festival de Cannes, la réalisatrice Justine Trier
12:36 a créé la polémique ce week-end après ses propos
12:39 dans le contexte de la réforme des retraites.
12:41 Elle a parlé de "contestation niaie et réprimée
12:44 "de façon choquante". Pensez-vous la même chose ?
12:47 -Alors, moi, j'ai pas, comme magistrat,
12:49 à me rentrer dans ce type de jugement moral
12:51 sur une appréciation générale.
12:53 Tout ce que je peux dire là-dessus,
12:56 c'est que dans mon office individuel,
12:58 je l'ai fait quand j'étais procureur Paris,
13:00 et tous les ministres et les ministres
13:03 de l'Office individuel sont là pour apprécier
13:05 effectivement les suites à donner
13:07 et la caractérisation des éventuelles violences
13:10 qui auraient été commises par les personnes.
13:13 -Sauf que vous avez vu dans l'actualité
13:15 les arrestations préventives, les arrêtés préfectoraux
13:18 pour interdire des casserolades. Est-ce que le gouvernement
13:22 est allé un peu trop loin ? A-t-on eu affaire
13:24 à un pouvoir répressif pendant ces dernières semaines ?
13:27 -Il y a une gestion des manifestations
13:30 qui peut avoir cours dans ces manifestations.
13:32 Bien sûr, ce n'est pas le cas des casserolades.
13:35 Il faut appliquer la loi, strictement.
13:37 Appliquer la loi pour ce pourquoi elle a été faite.
13:42 Je redis notamment que les périmètres de protection
13:45 ne sont pas faits pour empêcher les gens de manifester.
13:49 -Je précise vos propos, François Mollins.
13:51 Certaines dispositions de la loi antiterroriste
13:54 qui vise à interdire certains attroupements
13:57 ont été utilisées localement par des préfets.
13:59 Est-ce que vous considérez que c'était une erreur ?
14:02 -Ce n'est pas normal. La loi n'a pas été faite pour ça.
14:05 Les périmètres de protection pouvaient être institués
14:08 en lien avec les menaces terroristes.
14:11 Le ministère de l'Intérieur a rappelé assez rapidement,
14:14 avec une instruction de la DLP-AG,
14:16 qu'il ne fallait pas se livrer à ce genre d'interprétation.
14:19 -Il y a eu des abus en ce sens ? -Oui, nécessairement.
14:23 -Vous avez connu, François Mollins,
14:25 les tueries de Mohamed Merah à Toulouse et Montauban en 2012,
14:29 l'attentat de Nice également en 2016.
14:31 Qu'est-ce que vous en avez gardé aujourd'hui,
14:34 au-delà des images terribles qu'on a tous en tête ?
14:37 -Bien sûr, les images qui sont toujours là,
14:42 qui sont terribles et dévastatrices.
14:45 Et puis, le sentiment...
14:49 Le souvenir d'un sentiment extrêmement anxiogène,
14:53 d'une situation vraiment hors norme
14:55 à laquelle on était confrontés.
14:57 Et devant laquelle on se demandait, jour et nuit,
15:01 si, effectivement, on serait capables d'être efficaces
15:05 et contre laquelle on pourrait lutter.
15:07 Et ça, effectivement, c'est difficile à vivre,
15:10 ça fait douter.
15:12 -Ca fait douter de quoi ?
15:15 -Ca fait douter de la qualité de son travail,
15:17 de son efficacité, car on se rend compte
15:20 que quoi qu'on fasse, on n'est pas sûrs
15:22 d'arriver à arrêter tout ça.
15:24 C'est extrêmement anxiogène.
15:27 Mais ce sont des situations, finalement,
15:29 qu'on est arrivés à surmonter.
15:31 Et je dis toujours, au bout du compte,
15:34 je pense que ce climat et l'importance des enjeux
15:37 ont transcendé les équipes.
15:38 Ca nous a véritablement transcendés dans le fonctionnement,
15:42 on a donné tout ce qu'on pouvait.
15:44 Et je pense qu'on est arrivés, à l'époque,
15:47 au parquet de Paris, à un degré en lien
15:49 avec les services de policiers de renseignement,
15:52 une belle efficacité.
15:53 -Y a-t-il une place infime pour l'émotion ?
15:56 Ou vous faites tout pour la bannir ?
15:58 -Non, bien sûr, il y a toujours une place pour l'émotion.
16:01 Les magistrats, les avocats sont des hommes,
16:04 on fait de l'humain en permanence,
16:06 donc c'est normal d'avoir des émotions.
16:08 L'enjeu, c'est de savoir la gérer.
16:10 Chacun la gère à sa façon, mais je pense que quelqu'un
16:13 qui n'aurait aucune place dans sa tête et dans son corps
16:16 pour l'émotion... -Comment vous avez fait ?
16:19 J'ai lu que vous aviez eu recours à un psychologue.
16:22 -Ca, c'est après. En général, j'ai toujours
16:25 un petit moment de recueillement sur ce genre de scène de crime.
16:28 Après, le psychologue, j'y suis passé,
16:30 comme mes collègues, parce que je pense que c'était
16:33 une attitude relativement saine, et il fallait voir
16:36 ce qui s'était passé.
16:37 Mais ce sont des exercices éminemment personnels.
16:40 -Vous continuez, aujourd'hui, à vous tenir informé
16:43 du risque terroriste en France ?
16:45 -Oui, bien sûr. -Où en est-il ?
16:47 -Alors, j'ai pas l'expertise des services de renseignement,
16:50 mais je pense que le risque a bien sûr évolué.
16:53 C'est pas le risque d'attentat projeté avec la QUT,
16:56 qui était la sienne en 2015.
16:58 Je pense que le risque est différent.
17:00 Le risque, bon, il y a le terrorisme djihadiste.
17:03 Je pense qu'il y a aussi des risques de terrorisme ultra,
17:07 notamment ultra-droite.
17:08 Ca, c'est certain.
17:10 Il y a donc ce risque, on va dire, de terrorisme inspiré,
17:13 avec le risque de voir passer à l'acte des individus isolés,
17:17 qui seront pas forcément dans les radars
17:19 des services de renseignement.
17:21 Et puis je pense qu'il y a aussi toujours
17:24 ce risque de cellules dormantes,
17:26 avec des gens en provenance de pays étrangers,
17:29 qui sont pas forcément identifiés.
17:31 Ca, c'est certainement plus difficile à gérer.
17:34 Et puis, de toute façon, sur un plan géopolitique,
17:37 Daesh existe toujours.
17:38 -Sur le risque djihadiste,
17:40 est-ce que le retrait de la France du Sahel
17:42 et le retrait des Américains d'Afghanistan
17:45 a augmenté le niveau ?
17:46 -J'ai peut-être pas la qualité d'expertise suffisante
17:50 pour savoir, c'est que Daesh, au Moyen-Orient,
17:52 c'est pas terminé.
17:54 Et en Afrique, le risque a métastasé.
17:56 Il est en train de déborder largement de la zone sahélienne.
17:59 -François Mollins, procureur général
18:01 près de la cour de cassation,
18:03 et l'invité de France Info, le file info avec Maureen Suignard.
18:07 -L'Ukraine dit avoir abattu 29 drones sur 31,
18:11 la plupart au-dessus de Kiev et sa région,
18:14 ces dernières heures, des annonces.
18:16 Alors que la Russie accuse Kiev d'avoir mené ce matin
18:19 un terroriste à Moussou,
18:20 8 drones neutralisés au-dessus de la capitale russe,
18:23 selon le ministère de la Défense,
18:25 quelques dégâts mineurs sur des bâtiments signalés.
18:28 Le début d'une profonde métamorphose industrielle
18:31 dans le Pas-de-Calais.
18:32 Une immense usine de batteries pour voitures électriques
18:35 ouvre à Douvrin.
18:37 L'objectif est de construire 500 000 batteries par an d'ici 2030,
18:40 grâce à 2 000 salariés.
18:42 Le président du groupe Bruno Retailleau,
18:44 les groupes Les Républicains,
18:46 acceptent de travailler avec le gouvernement
18:49 sur la loi immigration.
18:50 Bruno Retailleau ferme la porte à la création
18:53 d'un titre de séjour spécifique pour les métiers en tension.
18:56 L'exécutif souhaite aboutir à un texte à l'automne.
18:59 Si vous êtes allergique, vous êtes déjà au courant.
19:02 Avec des yeux qui grattent, qui piquent,
19:04 une toux qui ne part pas,
19:05 la quasi-totalité de la France est en alerte rouge
19:08 pour le risque d'allergie aux pollens graminées.
19:11 Si départements résistent encore, de l'orne au Finistère,
19:14 tous sont en risque moyen.
19:17 -France Info.
19:18 -Le 8/30 France Info,
19:19 Saliha Brakia, Marc Chauvel.
19:21 -Avec le procureur général
19:23 près de la Cour de cassation,
19:24 François Mollins, le garde des Sceaux,
19:27 Eric Dupond-Moretti, vient de saisir
19:29 le Conseil supérieur de la magistrature
19:31 pour lui demander son avis
19:33 sur l'expression publique des magistrats.
19:35 Un magistrat, ça ferme sa gueule ou ça démissionne ?
19:38 -Non, c'est pas comme ça que le problème se pose.
19:41 Le Conseil supérieur de la magistrature
19:44 n'hésite pas à demander son avis.
19:46 Ce qu'on peut dire par rapport à la question que vous posez,
19:49 c'est que les magistrats sont entre deux pôles de principe.
19:53 -Devoirs de réserve.
19:55 -Le premier, c'est l'obligation de réserve,
19:57 qui résulte de leur statut,
19:59 qui sert à protéger leur impartialité
20:01 et leur apparence de neutralité,
20:03 mais ce sont des citoyens,
20:04 et ils ont aussi, comme tout citoyen,
20:07 un droit fondamental, la liberté d'expression.
20:09 -Comment on trouve l'équilibre ?
20:11 -C'est deux choses.
20:13 Le Conseil supérieur de la magistrature
20:15 a eu l'occasion de répondre à cette question
20:17 dans une décision bien connue
20:19 qui concernait l'ancien juge d'instruction de Monaco,
20:22 M. Le Vreau, dans laquelle, effectivement,
20:25 il indique que l'obligation de réserve
20:28 ne saurait cantonner les magistrats au silence.
20:31 Donc, les magistrats ont droit à une expression publique.
20:36 À partir du moment où leur expression
20:38 ne vient pas discréditer l'image de la magistrature,
20:41 sa dignité,
20:43 et s'inscrit dans un débat général,
20:46 mesuré,
20:47 sans exagération,
20:51 donc, c'est effectivement
20:54 tout ça qu'il faut voir.
20:56 -Est-ce que ça ne trouble pas,
20:58 parfois, la lecture de certaines décisions ?
21:01 Je prends un exemple, celui de Nicolas Sarkozy,
21:04 condamné récemment en appel dans l'affaire Bismuth,
21:07 qui dit que l'une de ses deux juges avait critiqué
21:10 fortement ma réforme de la justice en 2009.
21:12 Est-ce que ça ne pose pas problème ?
21:15 -Ecoutez, l'expression de cette juge,
21:17 dont, personnellement, je ne me souviens pas,
21:20 mais je fais crédit à M. Sarkozy,
21:22 s'il le dit, ça doit être vrai,
21:23 intervenu dans un débat qui est tout à fait différent,
21:26 cette collègue est juge d'instruction,
21:29 et il y a une réforme qui consiste à supprimer l'instruction.
21:32 C'est participer au type de débat général que j'évoquais
21:36 que de vouloir donner des arguments
21:38 contre un projet de réforme.
21:40 En quoi est-ce que ça vient attenter
21:42 à l'impartialité de cette collègue
21:47 sur un cas particulier ?
21:48 Dans ce devoir de réserve,
21:50 c'est la liberté d'expression,
21:52 il y a un rôle particulier, celui des chefs, entre guillemets.
21:55 Quand vous êtes Premier président
21:57 au procureur général de cassation,
21:59 ou au procureur général de cour d'appel,
22:02 c'est aussi votre devoir d'intervenir.
22:04 -Vous avez dénoncé l'an dernier les conditions de travail
22:07 tirées des bretelles que vous n'avez pas,
22:09 par Eric Dupond-Moretti.
22:11 Vous vous êtes expliqué avec lui ?
22:13 -Non, mais j'étais dans mon rôle.
22:15 Aujourd'hui, les chefs à cour de cassation,
22:17 son chef à cour de cassation
22:19 et président du Conseil supérieur de la magistrature,
22:22 assistent le président de la République
22:25 dans sa mission de garantie d'indépendance de la justice.
22:28 Ils ont une légitimité du fait de leur nomination,
22:31 et c'est un devoir impérieux pour eux.
22:33 -Eric Dupond-Moretti est sous la menace
22:36 de la justice de la République,
22:37 soupçonné d'avoir voulu régler des comptes
22:40 avec des magistrats avec qui il était en conflit.
22:43 Est-ce que ça l'affaiblit ? Ou est-ce que vous dites
22:45 que vous êtes présumé innocent ?
22:47 -Je ne veux pas répondre à votre question.
22:50 La cour de cassation en est saisie,
22:52 va statuer prochainement sur un pourvoi.
22:54 Je vais appliquer véritablement la réserve
22:57 et je m'abstiendrai si vous me permettez
22:59 de répondre à votre question.
23:01 -C'est votre successeur, puisque vous allez bientôt partir
23:05 pour une nomination à ce procès, s'il a lieu.
23:07 Qu'est-ce que vous lui donnez comme conseil ?
23:10 -Je n'ai aucun doute sur le fait que mon successeur, Rémi Etz,
23:13 agira avec toute l'impartialité et l'indépendance requise.
23:17 -Rémi Etz, qui a été nommé par Elisabeth Borne
23:19 plutôt que par Eric Dupond-Moretti,
23:21 justement parce qu'il était hors de question
23:24 que ce soit le garde des Sceaux qui nomme son accusateur.
23:27 La situation est un peu ubuesque.
23:29 -Tout comme c'est assez particulier
23:31 de voir un Premier ministre choisir le nom
23:34 de celui qui ira requaillir contre un membre de son gouvernement.
23:37 -Lorsqu'il a été nommé ministre, Eric Dupond-Moretti
23:41 s'est déporté de toutes les affaires
23:43 en lien avec ses anciennes activités d'avocat.
23:46 Est-ce que vous diriez que ça a été une erreur
23:48 de nommer un avocat à ce poste ?
23:50 -Je ne veux pas rentrer dans ce genre de polémique.
23:53 Je n'ai pas commenté les décisions du président.
23:56 -Un garde des Sceaux qui ne peut pas traiter certaines affaires,
24:00 au-delà du cas d'Eric Dupond-Moretti,
24:02 c'est pas une bonne idée.
24:04 -Les décrets de déport en sont la matérialisation.
24:07 -Donc, ça pose problème.
24:08 -A quoi va ressembler, François Mollins,
24:11 votre vie de retraité ?
24:13 Dans quelques semaines, comment est-ce qu'on passe
24:16 de 46 ans dans la justice à la vie d'après ?
24:20 -C'est un changement complet et radical
24:23 qui n'est pas forcément si facile à vivre,
24:27 mais bon, c'est la vie.
24:29 Après 46 ans, il faut passer à autre chose.
24:32 Il y a des jeunes générations qui viennent derrière.
24:34 C'est normal. Je vais garder des activités.
24:37 -Qu'est-ce que vous allez faire ?
24:39 -Je pense que je vais...
24:40 Je ne ferai pas les mêmes choses en dégradé.
24:43 Je vais faire des choses différentes,
24:45 en essayant de me rendre utile autrement,
24:48 autour des thèmes transmettre et partager.
24:50 Je pense que j'ai acquis une certaine expérience,
24:53 donc je vais essayer de la valoriser
24:55 pour continuer à me rendre utile,
24:57 mais dans cette dimension.
24:59 -Vous remettrez les pieds dans un tribunal ?
25:01 -Je serai sûrement ramené à remettre les pieds dans un tribunal,
25:05 mais pas comme magistrat pour poursuivre ou pour juger.
25:08 -Dans le public ? -Éventuellement,
25:10 ou comme invité, ou pour parler, faire des conférences,
25:13 mais pas comme acteur.
25:15 -La politique, ça vous tente pas ? -Non.
25:17 -C'est un nom franc.
25:18 -Franc. -Irrévocable.
25:21 -Non plus.
25:22 -C'est un nom irrévocable.
25:23 -Oui, oui. -Oui, d'accord.
25:25 Merci beaucoup, François Mollins.
25:27 Dans quelques semaines, vous serez l'invité de France Info.
25:30 [Musique]

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