Rediffusion de la dernière interview de Jean-Marie Le Pen, c'était le 26 octobre 2023 au micro d'André Bercoff
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NewsTranscription
00:00Sud Radio Bercov, dans tous ses états, le face à face.
00:07Jean-Marie Le Pen, bonjour et merci de nous recevoir chez vous.
00:13Je voulais vraiment, depuis quelques temps déjà, faire un point avec vous de cette situation tout à fait étonnante.
00:23Nous sommes en 2023. Le monde est en train de basculer, on le voit, pour le meilleur ou pour le moins bon.
00:31On voit ce qui se passe en Russie-Ukraine. On voit ce qui s'est passé avec le Covid. On voit ce qui s'est passé en Arménie.
00:38Aujourd'hui, avec la guerre à Gaza, en Israël et ailleurs.
00:46Et on voit ce qui se passe dans cette Europe en général et dans cette France en particulier, où l'impression que nous avons,
00:53mais vous me direz, c'est qu'on est à la fois spectateur et je dirais un peu un spectateur passif et un peu décomposé.
01:03Je voulais avoir votre sentiment là-dessus.
01:06Oui, l'Europe est passive en quelque sorte. Les événements qui se déroulent tout naturellement dans l'histoire du monde
01:21ne la laissent pas indifférente, mais ne l'impliquent pas toujours directement.
01:29Et qu'est-ce qui explique selon vous cette passivité ?
01:35Je crois que c'est l'affaiblissement progressif des différents gouvernements qui la composent.
01:42En l'occurrence, il n'y a pas de gouvernement européen. Il n'y a même pas d'entente européenne, on peut dire.
01:51Et donc chacun tire de son bord assez modestement dans l'histoire du monde pour l'instant.
02:02L'Europe joue un rôle modeste, et malheureusement probablement plus de sujets ou de victimes que d'acteurs principaux.
02:13Et spécifiquement en France, vous considérez que cette espèce de suggestion, ou enfin de victimisation, je ne sais pas,
02:24vous qui avez connu cette France qui était quand même considérée de façon comme un acteur du monde,
02:33qu'est-ce qui fait pour vous que nous sommes devenus spectateurs, et encore ?
02:37Je crois que c'est l'affaiblissement général de nos forces, aussi bien politiques, militaires, syndicales,
02:51qu'autre ? Je pense qu'il y a un recul de l'influence européenne dans le monde, et que la France, en étant un des éléments principaux,
03:05eh bien elle en est à la fois responsable et victime.
03:13Effectivement. Et alors justement, vous vous êtes battu depuis, allez, plus de 50 ans, on le sait, depuis bien avant,
03:21pour non seulement une certaine idée, il faut le dire, de la France, mais pour une France, et ce qui est très frappant aujourd'hui,
03:28que les gens s'en réjouissent ou le déplorent, mais beaucoup de gens, je vois, dans le personnel politique, même intellectuel,
03:36ou autre, reprennent ce que vous aviez dit il y a 30-40 ans. Je ne dirai pas mot pour mot, mais pas loin.
03:44Il y a quand même quelque chose, comment, ça vous fait réagir, comment, quand vous entendez tel ou tel homme politique,
03:52ou leader politique, ou intellectuel, ou autre, dire oui, au fond, on aurait dû faire peut-être plus attention ?
04:00Oui, mais c'est un hommage posthume qui m'est rendu, en quelque sorte.
04:06Posthume, posthume.
04:07Je veux dire, un hommage passé. Je crois avoir été dans ma vie politique relativement lucide, en tous les cas,
04:21tout à fait libre de penser, et responsable, donc, de ce que je disais ou faisais, mais que ce que j'ai dit a pu quelquefois choquer,
04:33parce que, justement, mes dires étaient en avance sur la perception qu'en avaient mes contemporains.
04:41Et il n'est pas toujours facile d'être un promoteur ou un ouvreur de route. En tous les cas, c'est dangereux.
04:53C'est dangereux.
04:55Jean-Marie Le Pen, est-ce que certaines choses que vous avez dites, en fait, vous aviez aussi un goût de la provocation ? Ou pas ?
05:10À partir du moment où on énonce des vérités qui ne sont pas celles du commun, on est toujours provocateur.
05:21Je suis provocateur de quelqu'un. Non, je n'ai pas le sentiment. Je ne le faisais pas pour cela,
05:28encore que ça puisse être un procédé pour percer le barrage de l'indifférence.
05:37Et oui, donc, il y avait ça, et ça faisait partie de... Mais je voulais savoir, qu'est-ce que vous avez senti ?
05:43Une chose dont je me rappelle, et qui est... L'histoire est intéressante.
05:50En 1983, vous avez fait, je crois, corrigez-moi si je me trompe, votre première grande émission,
05:59en ce qu'on dit, les Américains, le jargon, le prime time à la télévision, dans l'heure de vérité, de François-Henri de Vérieux,
06:06où vous étiez passé, et ça avait fait une très grande impression, et après...
06:12Est-ce que c'était bien la première fois que vous passiez dans une émission de très grande audience, où vous aviez déjà votre... Ou pas ?
06:21Je dois dire que je ne me souviens pas, et que je n'inscris pas les différentes prestations que je fais, dans un schéma...
06:30Oui, bien sûr. Pourquoi je vous dis ça ? Je vais vous dire pourquoi pas, pour me ressouvenir de l'émission de télévision.
06:38Mais François Mitterrand avait, paraît-il, exigé, c'était le service public, que vous passiez à une heure de grande écoute,
06:46et pratiquement deux mois après, il crée SOS Racisme. Dans la tradition de dire, on va faire un peu l'équilibre.
06:54Et quand vous avez senti qu'au fond, ce que vous faisiez vous, il y a eu après le choc de 2002, on en reparlera,
07:03quand vous avez senti que la France était en train de basculer dans quelque chose d'autre,
07:10est-ce que c'est il y a 40 ans, ou est-ce que c'est plus avant, personnellement, vous-même ?
07:16Je crois que c'est une évolution qui ne s'est pas démentie, il n'y a pas eu d'accélération particulière.
07:25Non, nous sommes dans un procédé de décadence de la puissance politique, économique, morale.
07:37Et il y a des moments plus ou moins rapides, mais imperceptibles, pour ainsi dire, au grand public.
07:48Mais alors, est-ce que c'était inscrit ? Pourquoi, selon vous ? Pourquoi cette décadence ? Pourquoi ce processus ?
07:54Est-ce que c'était inscrit ? Est-ce que c'était inéluctable ? Est-ce que c'était mectoube ? Ou pas ?
07:59C'est l'usure des institutions, quelles qu'elles soient, et des situations.
08:08Elles sont mouvantes, les équilibres se modifient, et ne dépendent généralement pas de nous.
08:18Nous en sommes donc, par conséquent, les victimes.
08:24Mais quelles qu'elles soient, nous devons faire face, et nous essayons de trouver des réponses à des questions dont nous ne connaissons pas toujours l'intitulé.
08:36Mais vous, vous l'avez senti quand même, puisque vous en parliez très tôt.
08:41En tout cas, vous aviez pris position en disant, je me rappelle, votre Jeanne d'Arc, sauve-nous.
08:46Je veux dire, vous aviez pris position, en tout cas, en disant, mais il faut casser ce processus, ou en tout cas, essayer de l'endiguer.
08:53C'est ce que vous disiez, à maintes reprises.
08:57Oui, je devais, dans ce domaine, changer d'idée.
09:01Ma base de réflexion est principalement nationale.
09:09Je considère, même si le mot a perdu de sa force, que la nation reste un élément fondamental de la science politique.
09:20Et donc, des éléments de détermination, des volontés qui s'expriment.
09:27Cela étant, je n'ai pas le sentiment d'avoir été le promoteur de solutions particulièrement remarquables,
09:42si ce n'est que d'apporter à chaque fois la réponse que, tout naturellement, devaient donner les institutions politiques de défense de la nation.
09:56Que je considère comme un élément fondamental de l'équilibre des sociétés.
10:02Nous allons mettre une petite pause et nous en reprendre notre entretien avec Jean-Marie Le Pen.
10:16Jean-Marie Le Pen, nous sommes toujours avec vous.
10:19Et il y a une question que je voulais vous poser parce que vous avez traversé, je dirais, une bonne partie du XXe siècle et une bonne partie du XXIe.
10:31Et en fait, il y a quelque chose que je voulais vraiment vous demander.
10:38Comment vous avez côtoyé le personnel politique, pour ne parler que de celui-là, des années 50, 60, 70, etc., etc., 80 ?
10:49Nous sommes en 2020 et quand vous regardez le personnel politique d'aujourd'hui, pour ne parler que de la France, mais on pourrait aussi parler du reste, comme vous voulez,
10:59qu'est-ce que... quand même, il y a quelque chose d'assez frappant sur les différences.
11:04Non, qu'est-ce qui vous paraît frappant, vous ?
11:07Ce qui me paraît frappant, c'est la baisse de niveau.
11:09La ?
11:10La baisse de niveau. La baisse de niveau, de personnalité, je veux dire, de stature, d'épaisseur, d'épaisseur, quand même.
11:18Oui, oui, oui, oui, oui. Ceci est en effet un des signes du temps. La vie politique, si j'ose cette formule, est moins vivante qu'elle ne l'a été en d'autres temps,
11:37parce qu'aussi, notre capacité à agir, notre puissance a diminué, s'est relativisée. Le rôle de la France en Europe et de l'Europe dans le monde n'a pas augmenté, au contraire.
11:56Et dans cette situation, je dirais d'attente des événements, parce qu'il y aura des événements déterminants, mais il y a de grandes chances qu'ils ne soient pas de notre fait.
12:12Mais vous pensez qu'il y aura des éléments déterminants ? On va en parler. Oui, mais ça, écoutez, c'est une explication, mais ça ne suffit pas.
12:20Qu'est-ce qui fait quand même, même si la France ou l'Europe a perdu de sa puissance, c'est évident, mais qu'est-ce qui fait que nous avions, allez, je vais prendre des exemples et je ne vais pas vous citer à vous,
12:30enfin, qu'est-ce qui fait que nous sommes passés, qu'on aime ou qu'on n'aime pas, de De Gaulle, d'un Mitterrand, et encore une fois, je ne fais aucune préférence politique,
12:40d'un Pompidou, même d'un, je ne sais pas moi, d'un Pasqua, allez, je ne vais pas les citer, à nos petits marquis d'aujourd'hui.
12:50Oui, je le trouve rien que de très banal. Surtout que les statuts sont dessinés a posteriori. C'est-à-dire que chacun essaye d'y mettre ce qui convient à son équilibre personnel.
13:16Vous pensez qu'on projette ?
13:18Je dois dire que la vie politique ne me surprend pas, si ce n'est qu'elle s'inscrit dans ce que je crois être, hélas, une décadence de nos institutions, de notre moral, de notre intelligence.
13:36Alors, je vous repose la question, Jean-Marie Le Pen, cette décadence, elle est due à quoi ? A la perte de puissance ? Elle est due à quoi ? Parce qu'on ne décadence pas comme ça, si je peux me permettre.
13:49Oui, elle est certainement liée à nos formules de savoir, c'est-à-dire d'éducation. Je crois que les différentes exigences ont baissé de niveau.
14:15On tolère maintenant beaucoup de faiblesses que l'on n'aurait pas admises dans d'autres temps. Cette espèce d'indulgence à l'égard de l'effort, du travail, des valeurs qui étaient jusqu'ici exigées de tous les états et de tous les gouvernements.
14:43C'est là qu'il y a, je pense, une différence. La demande est à la faiblisse. On se contente de peu.
14:56On est beaucoup moins exigeant.
14:58C'est ça.
14:59D'accord. Et donc, effectivement, il y a cette espèce de facilité qui règne, on le voit bien.
15:06Et en même temps, est-ce que vous pensez toujours qu'il y a cela ? Tout le monde le voit, beaucoup de monde le voit, c'est clair. Est-ce que vous pensez aussi, pas pour employer des mots d'un certain tas général, est-ce qu'il peut y avoir pour vous, ce pays que vous avez toujours aimé, défendu, etc., est-ce qu'il peut y avoir un sursaut ?
15:29Est-ce que c'est une pente inéluctable ou c'est quelque chose qui peut réagir ?
15:35Je pense que là, les éléments démographiques jouent un rôle capital. Nous sommes un petit pays, démographiquement, et nous n'avons pas de réel dynamisme dans ce domaine.
15:53Nous sommes donc conduits à des attitudes passives qui correspondent aux forces qui sont les nôtres. Le pays ne s'est pas renforcé dans le domaine de l'intelligence, de la qualité de vie, de l'exigence morale.
16:22Donc, nous allons de notre petit bonhomme de chemin, en espérant que le ciel ne nous tombera pas sur la tête.
16:32Encore une minute, monsieur le bourreau. C'est un peu ça.
16:36Oui.
16:37Oui, c'est pas très... Mais, juste... Alors, vous me demandez par rapport à ce qui se passe aujourd'hui, parce que ça a été quand même un des moments forts de votre vie.
16:47J'étais, il y a deux jours, aux 50 ans du cercle algérianiste, qui se tenait à baiser. Il y avait les Bouadames Sansalle, les Malika Sorel, et tous ceux qui parlaient de tout ce qui s'est passé.
17:02Je ne reviens pas là-dessus, mais est-ce que vous pensez vraiment qu'aujourd'hui... Alors, c'était... Il y avait, je vous le résume, il y avait des gens qui disaient, mais si l'Algérie était française aujourd'hui, ce serait quand même...
17:14L'affrontement des civilisations sera encore plus fort. D'autres qui disent, bon, c'est très bien que ça soit fait comme ça.
17:22Mais le fait que, par exemple, quand vous entendez un président de la République qui dit que la colonisation était un crime contre l'humanité, Emmanuel Macron en 2017, pendant sa campagne,
17:33quand vous entendez que l'Algérie a effectivement interdit le français dans les écoles privées algériennes, mais quand vous entendez aussi un Bouadame Sansalle qui dit,
17:45mais quel dommage a été un drame, cette histoire, parce qu'il y a une famille extrêmement importante qui devait être là et qui est partie. Avec le recul, 60 ans ont passé, aujourd'hui un peu plus de 60 ans.
17:59Vous le ressentez, vous le jugez comment ?
18:03J'ai été de ceux qui pensaient qu'il y avait un avenir de développement pratiquement sans limite pour la France à partir de sa plateforme nord-africaine et de l'Algérie française, en quelque sorte.
18:22J'ai déchanté de ce rêve et je me suis adapté, moi aussi, à la réalité banale d'un pays qui survit dans sa grandeur, grandeur dont il n'est souvent pas responsable mais dont il est le bénéficiaire tout de même.
18:47Que dire ? Je survis, comme la plupart de mes compatriotes, à un grand rêve qui était celui d'une France occupant un rôle plus important dans l'histoire du monde.
19:06Et je me résigne, enfin pour le moment, les événements peuvent eux-mêmes changer la donne car ce sont, selon moi, plus les événements que les hommes qui déterminent l'avenir des sociétés et pour l'instant, ils ne sont pas favorables à une explosion de la puissance française.
19:33Oui, si on regarde cela effectivement avec un oeil froid, je dirais, c'est vrai qu'on n'est pas très très encouragé. Mais je reviens à ce que vous disiez par rapport à quelque chose qui est arrivé, je franchis, on ne fait pas une chronologie du tout.
19:54Mais je voulais savoir qu'en 2002, vous êtes arrivé second aux élections présidentielles avec, je me rappelle très bien, les cris d'orfraie pour certains et de joie pour d'autres, mais disant mais c'est pas possible, alors pour eux c'était ça y est, l'occupation arrive et tout, et d'autres les cris de joie.
20:16Est-ce que très franchement aujourd'hui, encore une fois avec le recul, ça fait 20 ans, est-ce que vous y attendiez ? C'était quelque chose qui était dans le cadre à l'époque normal et devait venir ?
20:28Oui, ça ne m'a pas étonné, c'était prévu, prévisible et prévu par nous, donc ça n'a pas été surprenant. Seulement avec la conviction aussi que les événements sont plus forts que les hommes et que nous ne manœuvrons contrairement à ce qu'on croit quelquefois,
20:55que sur une portion très légère de l'espace.
21:00Très intéressant. Vous vous dites la marge de manœuvre humaine est très étroite.
21:04Pardon ?
21:05La marge de manœuvre des hommes est très étroite.
21:08Bien sûr.
21:09C'est ça, c'est ce que vous dites.
21:10Ça paraît évident.
21:12Alors on va faire une autre petite pause et on va reprendre parce que c'est très intéressant d'avoir effectivement ce recul que vous avez sur cette idée d'erreur, tout à fait, d'ailleurs exceptionnelle, ça il faut le dire.
21:29Sud Radio Bercov, dans tous ses états, le face à face.
21:34Jean-Marie Le Pen, vous suivez l'actualité mondiale, etc. Vous regardez les journaux, la télévision, etc. Vous suivez tout cela, j'imagine, avec ou pas, ou pas du tout.
21:45Je suis un observateur que j'espère aviser, mais de connaissances modestes de la réalité. Je n'ai pour me renseigner que les vecteurs habituels des citoyens, c'est-à-dire la radio, la télévision, les journaux.
22:08Oui, bien sûr. Et alors justement, parlons un peu, parce que je voudrais aborder cela, quand vous regardez ce qu'il se passe, l'actualité, à travers le monde, à travers tout ce qui se dit, à travers...
22:19Justement, je voudrais avoir votre avis, parce que vous êtes arrivé dans un monde où, effectivement, bon, la guerre, vous êtes... il y a eu 45, on sait ce qu'il y a eu après, la guerre froide, l'Amérique, l'URSS.
22:36Ensuite, l'effondrement de l'URSS, avec la fin de l'histoire que prévoyaient certains, comme Fukushima, il disait ça y est, l'histoire est finie, tout va aller bien.
22:47Et puis, juste après, effectivement, le 11 septembre, ensuite, ce qu'il y a eu, toutes les guerres, etc., la Russie ukraine aujourd'hui, et le basculement du monde avec les BRICS, avec la volonté de dé-dollariser le monde,
23:05et avec, effectivement, la volonté de bâtir une alternative aux dollars et à l'Amérique. Qu'est-ce que ça vous inspire ?
23:14Cela ne me transporte pas d'enthousiasme. Je suis observateur des événements politiques et de leur déroulement, et cela ne me surprenne pas outre mesure.
23:28La toute-puissance du dollar est mise en cause, mais elle l'est depuis longtemps. Et somme toute, elle n'a pas encore perdu sa guerre. Et je ne sais pas ce que l'avenir décidera de cela.
23:45Mais je me borne à constater ce qui se passe, à observer, avec décontraction et relativement bienveillance, les déroulements des événements, en souhaitant qu'ils ne soient pas défavorables à mon pays. Et c'est le souhait que je puis faire.
24:06Alors justement, revenons à la France et à l'Europe. Est-ce que, pour vous, l'euro, l'Union européenne, aujourd'hui quand même, on a 20 ans de recul avec l'euro, etc., ça a été une bonne chose, où les avantages emportent sur les inconvénients et les bénéfices sur les risques, ou c'est le contraire ?
24:25Je crois que vouloir construire une Europe par-delà les nations, et contre elle, était nuisible. Et donc, par conséquent, le déroulement, somme toute, banal de la vie, qui fait qu'on s'accommode des différentes situations,
24:47fait que je constate que la France, dans l'Europe actuelle, joue un rôle qui est plutôt favorable, à la fois à ses intérêts et, en général, aux intérêts de l'Europe elle-même.
25:05Donc, pour vous, c'est un point positif ?
25:08Somme toute, oui. Mais, en plus, si j'ose dire, on ne nous demande pas notre avis. Nous sommes là des éléments acteurs involontaires de la vie publique. Nous marchons avec notre temps.
25:27Et celui-ci n'est pas particulièrement défavorable, je dois le dire, pour la France, qui essaye de sauver ses billes, avec assez de succès, je crois.
25:41Et donc, en fait, vous pensez que nous sommes plutôt pas mal lotis dans cette espèce d'évolution du monde ?
25:50Oui, somme toute. Le rôle de la France est reconnu comme un des éléments fondamentaux de l'évolution de la société humaine.
26:01Et alors, par rapport quand même, parce que vous en avez aussi beaucoup parlé, Jean-Marie Le Pen, immigration, chômage, sécurité, insécurité, quel est votre...
26:11Là, je suis beaucoup plus pessimiste. Je pense que l'Europe va être submergée par l'immigration d'origine africaine, probablement.
26:23Et là, je crois que rien pour l'instant, en tout cas, n'est promu comme mesure de contrainte ou de règlement. Et c'est très inquiétant, car nous risquons d'être submergés, humainement parlant.
26:42Oui. Et vous pensez que, à ce moment-là, la France serait autre chose que ce qu'elle est aujourd'hui ?
26:48Ah oui, sûrement. Il n'y a pas de doute. Si nous avions une France avec 60% d'arabes ou de musulmans, il est bien évident que ça ne serait pas tout à fait la même France que celle d'aujourd'hui.
27:04Là, vous rejoignez complètement le général de Gaulle.
27:07Oui.
27:08Là-dessus, en tout cas.
27:11Ce n'est pas le seul terrain sur lequel je me suis trouvé quelques fois en accord avec le général de Gaulle.
27:19Oui. Tout à fait. Et donc, de ce point de vue, effectivement, c'est un vrai problème. Mais là, justement, est-ce qu'il n'y a pas contradiction avec le fait qu'on dit que la France suit son chemin et qu'on est plutôt positif,
27:33mais de l'autre côté, il y a tous ces dangers, comme ça, d'ailleurs, européens aussi, et on ne sait pas où on va. Et vous vous dites... Bon, écoutez, c'est intéressant parce que vous revenez à dire, et toujours, les événements sont plus importants que les hommes. C'est ça.
27:48C'est ça.
27:49C'est-à-dire que ce sont eux qui modèlent, effectivement, notre avenir et tout. Voilà.
27:53C'est ce que je crois. Je crois que les événements sont plus importants que les hommes, même si, à certains moments, certains hommes peuvent jouer un rôle capital par rapport aux événements eux-mêmes.
28:08Mais je pense tout de même que l'évolution des temps conduit à un maintien du rôle de la France dans l'histoire du monde.
28:22Oui. Ben écoutez, espérons-le. En tout cas, je pense que tout le monde sera d'accord avec vous là-dessus. Je vais vous demander, Jean-Marie Le Pen, que vous ayez connu ou pas, quels sont les hommes ou les femmes politiques ou autres, il ne s'agit pas...
28:37que vous avez le plus soit admiré, soit qui vous ont concerné ou bouleversé ? Est-ce qu'il y a... Quelles sont les personnes, disons, vous avez quand même côtoyé énormément de monde, vous avez rencontré énormément de monde, et rencontrées ou pas ?
28:52Ça peut être des écrits ou des livres ou des œuvres qui vous ont, vous, particulièrement touché, influencé ou concerné ?
29:02C'est tout un trac, comme ça, je dois vous dire qu'il m'est difficile de vous répondre. Parce que, certainement, je suis, comme tout le monde, le sujet de l'évolution des problèmes.
29:18Mais pour autant, comme je ne suis pas de ceux qui en décident, je me bande à observer...
29:30Non mais, vous avez été décideur à un moment donné. Quand je dis décideur, ça veut dire que vous avez pesé sur, à la fois l'opinion publique, sur les rapports, vous avez toujours été quand même, Jean-Marie Le Pen, la personne avec laquelle on se démarquait ou on se marquait. Vous le savez très bien.
29:48C'est vrai, mais ça n'était pas déterminant dans la marche, ni dans les pouvoirs. J'étais un observateur, souvent critique d'ailleurs, de la situation politique et de l'avenir de notre pays, et je disais mon sentiment, appelant toujours à la vigilance et à l'effort.
30:17Une qualité qui serait amoindrie, il faut le dire, dans l'histoire de notre temps.
30:26Oui, vigilance et effort, vous en parlez beaucoup et vous avez raison d'en parler, parce que rien ne se fait sans effort, et dans tous ces pays émergents, on voit très très bien ce qui se passe.
30:39Juste un mot, est-ce que vous êtes concerné ou pas du tout par transition écologique, environnement, qui a pris une place énorme ? Vous avez vu comment le nucléaire, à un moment donné, on l'a presque mis de côté, enfin maintenant ce n'est plus le cas, parce qu'on disait non non, le nucléaire c'est quelque chose de très mauvais par rapport.
30:59Est-ce que vous, vos préoccupations, ça a été quelque chose qui a joué ou pas du tout, maintenant avec le recul ?
31:05Oui, bien sûr que oui, d'un coup tous ces éléments qui sont fondamentaux, et en particulier ceux qui touchent l'énergie sont ses sources, son contrôle, son coût.
31:21Je pense que tous les hommes politiques responsables ont en présent à l'esprit les différentes constitutions d'intérêt ou de groupement, ça fait partie de l'évolution du temps, ça fait partie de la vie des nations,
31:48et comme tel, ça justifie l'attention évidente des dirigeants ou de ceux qui souhaitent l'être.
31:58Et vous par exemple justement, vous êtes né dans le pays breton, si je ne m'abuse, est-ce que c'est quelque chose qui a toujours été important ?
32:12Parce que quand l'écologie est devenue politique, est-ce que c'est quelque chose, vous avez vu croître le mouvement écologiste qui est devenu aujourd'hui un parti, etc.
32:29C'est quelque chose que vous considérez que l'écologie n'appartient-elle pas à tout le monde et pas à telle ou telle ou telle mouvance politique ?
32:38Je pense qu'il y a eu un enchlous de l'écologie par la gauche qui est tout à fait injustifié.
32:50Moi je le considère tout naturellement comme un écologiste naturel, c'est-à-dire un défenseur des équilibres harmonieux d'une société.
33:02Et je crois que je ne me démentirai pas en disant que la France somme toute est restée relativement modérée et équilibrée dans ce domaine.
33:22Qu'elle n'ait pas allé vers des excès, vous voulez dire. Et juste un mot, on va reprendre et on va finir quand même sur le culturel et la culture.
33:34On va en parler tout de suite après cette petite pause.
33:37Sud Radio Bercov, dans tous ses états, le face à face.
33:43Jean-Marie Le Pen aussi, il faut le dire, là je voulais parler, quand je parle culture, je parle des mots.
33:48Vous avez quand même, on peut le dire, vous êtes parmi les hommes politiques qui avaient le goût du français, le goût du français bien dit et le goût du français bien écrit.
33:58Même vos adversaires les plus récalcitrants et les plus résolus vous le reconnaissent.
34:06Et vous avez aussi le goût de la formule. Quelquefois la formule à un porte-pièce, alors qui déplait à certains, qui plaît à d'autres.
34:15Mais c'est quoi ? C'est votre goût, ça a toujours été, d'avoir un sens de la formule comme ça qui sort ?
34:20C'est instructif en l'occurrence. On émet une pensée et soit on la contrôle, soit on la laisse libre et soit on la contraint.
34:38Et moi je suis un homme de liberté et si j'ai pu rendre quelques services justement, c'est de dire les choses telles que je les voyais, telles que je les ressentais.
34:50Même si elles paraissaient choquantes comme c'est normal. Chaque fois qu'une idée nouvelle ou apparentée à la nouveauté est produite.
35:06Non, j'ai vécu, j'ai survécu, puis dire, avec une bonne formation de base. J'ai eu cette chance.
35:21C'est quoi cette formation de base ? Jean-Marie Le Pen, c'était quoi ?
35:25J'étais au collège chez les jésuites, à Vannes, une formation très classique, à base de travail, d'effort, de discipline.
35:40Toutes vertus qui sont amoindries dans le courant des siècles, du siècle. Des siècles, il y en a eu deux.
35:51C'est déjà pas mal, mais oui, effectivement. Et vous dites que ça c'est la culture qui vous a vraiment fait ce que vous êtes.
35:59Je pense que c'est l'apprentissage du latin, du grec, des pensées anciennes.
36:12Donc, la relative valeur des opinions selon les moments historiques, tout cela contribuait à former l'honnête homme, en quelque sorte, l'honnête homme du 21e siècle.
36:34Et oui, l'homme de la Renaissance, enfin, en tout cas, si on peut dire cela. Mais en même temps, Jean-Marie Le Pen, c'est intéressant parce que la politique, en tout cas, la famille, que ce soit votre fille ou votre petite-fille,
36:51elles sont extrêmement présentes. Mais c'est intéressant, c'est-à-dire que vous, en tout cas, vous êtes un arbre, quel que soit ce qu'on peut penser, qui a porté des fruits.
37:02Bien sûr, mais ils ne les maîtrisent pas. Mais ils s'en réjouissent, d'ailleurs. Je considère qu'ils sont plutôt flatteurs pour l'arbre de...
37:17Pour le chêne. Je ne fais pas d'illusions sur la trace que nous laissons dans l'histoire du monde.
37:32Est-ce que vous êtes comme Giscard d'Estaing qui disait la postérité ne gardera aucune image de moi ? Est-ce que vous pensez ça de vous ?
37:43Non, je pense que le fait d'avoir été contesté sera probablement la plus sûre garantie que mon nom ne sera pas tout à fait oublié.
37:57Oui, c'est vrai. C'est-à-dire que vous n'avez laissé personne indifférent, en tout cas. On peut le dire.
38:07Je vous contente du peu.
38:10Le peu, le peu. Écoutez, vous avez, en tout cas, vous avez fait, vous avez tracé, vous avez fait. Alors, dernière chose, je ne veux pas vous redemander les gens ou les écrivains que vous aimez, etc.
38:23Mais est-ce que vous pensez qu'un pays, c'est d'abord, entre autres, c'est d'abord sa langue et que, mais la maîtrise de la langue est vraiment l'une des conditions d'être français,
38:36et je dis français puisque nous sommes en France. Est-ce que c'est la langue le plus important pour vous ? Est-ce que c'est la mémoire ? Est-ce que c'est l'identité ?
38:44Qu'est-ce qui est pour vous constitutif ? Et c'est ma dernière question d'un pays.
38:49C'est l'ensemble de ses valeurs. Mais il est bien évident que la langue est capitale. Parce que d'abord, le capital intellectuel, moral, psychologique que contient la langue est en fait une poutre maîtresse de l'édifice de la pensée.
39:18Et c'est vrai que les français sont d'abord des gens qui parlent le français ou l'écrivent. Et que s'ils apportent des modifications à l'état de cette langue, elle-même modifie l'état des psychologies de ceux qui s'en servent.
39:43Et le fait de parler le français, de le bien connaître, de l'étudier sont des éléments fondamentaux de notre forme de civilisation.
39:58Et donc, l'écriture inclusive, ce n'est pas quelque chose qui vous attire beaucoup ? Vous savez, où on y met les points, les E, les points et les S. Vous savez, je ne sais pas, c'est suivi, c'est polémique sur la cancel culture, sur le woke, sur le genre, etc.
40:15Oui, non. Non. Je suis assez classique dans ce domaine-là.
40:19D'accord, oui. Ce n'est pas vraiment quelque chose qui vous attire ?
40:22Non.
40:23D'accord. Merci beaucoup Jean-Marie.
40:25Vous m'en prie.