Anne Fulda reçoit Frédéric Beigbeder pour son livre «Un homme seul» dans #HDLivres
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00:00Alors bienvenue à L'Or des Livres, Frédéric Beigbeder.
00:02Merci madame Fulda.
00:03On est très content de vous recevoir.
00:05Moi aussi. Enfin, je suis content d'être invité parce que c'est un des endroits qui compte dans...
00:11Vraiment, cet endroit maintenant est en train de devenir très à la mode, il faut aller chez la Fulda.
00:16Exactement. J'aime vous l'entendre dire et j'aimerais que vous le disiez haut et fort.
00:19Je le dis.
00:20Donc voilà. Donc on ne vous présente pas écrivain, critique littéraire au Figaro Magazine.
00:23Vous animez aussi un podcast désormais ?
00:25Oui.
00:26Conversations chez la Pérouse.
00:28Oui.
00:28Et vous venez de publier Un Homme Seul, un livre qui est paru chez Grasset.
00:33Un très beau livre dans lequel vous vous dressez en portrait de votre père, Jean-Michel Beigbeder.
00:38Et en fait, ce livre aurait pu s'appeler L'Être à un Inconnu aussi.
00:41Ah oui.
00:41On a l'impression que...
00:43Oui, en fait, je ne connaissais pas très bien cet homme seul, cet homme mystérieux avec une double identité.
00:51Moi, je croyais que mon père était français.
00:53En fait, c'était un Américain qui s'appelait William Harbin.
00:56Donc, il y a beaucoup de découvertes.
00:59Il y a en ce moment pas mal de livres sur les pères.
01:01Chaque fois que quelqu'un perd son père, il écrit un livre.
01:03Alors, je voudrais dire que celui-ci est différent des autres parce que c'est moi qui l'ai écrit et que quand c'est moi qui écris, c'est un peu...
01:11Comment dire ? Il y a de la distance, il y a de l'émotion, mais pas que.
01:15J'espère que c'est aussi un portrait d'une génération.
01:20Alors d'une génération qui n'est pas la vôtre, qui est celle de votre père, justement.
01:24Ce qui est intéressant, d'ailleurs, vous dites, ça aurait pu être l'être à un inconnu, parce que vous racontez que lorsque vous allez le voir ces derniers jours,
01:32vous allez le voir chez lui, il y a une auxiliaire de vie, comme on dit, et là, je crois qu'il est mort et elle est en pleurs.
01:40Et vous, vous avez du mal à exprimer votre émotion.
01:43Et puis, vous vous dites finalement, peut-être qu'elle en connaît plus de mon père que moi.
01:48Oui, j'étais jaloux des aides-soignants, j'avais l'impression qu'ils étaient plus proches que moi.
01:53On est une famille, en tout cas du côté bec-bédé, où on ne s'embrassait pas, on ne se disait pas qu'on s'aimait.
02:00Et évidemment, après, c'est trop tard et sur ce livre plane quand même un cafard.
02:07Mais j'essaie aussi surtout de faire un portrait d'une époque, parce que c'est un homme qui est né juste avant la Deuxième Guerre mondiale,
02:16qui était enfant pendant cette période, avec une famille de juifs cachée chez lui.
02:24Et puis après, on l'a foutu en pensionnat immédiatement pour toute sa jeunesse.
02:28Donc, c'est des gens, des hommes qui n'ont pas eu une enfance très gaie.
02:33Ça, vous vous attardez justement sur ces années au pensionnat, qui ont dû être terribles.
02:37D'ailleurs, vous organisez une espèce de visite avec vos enfants pour leur montrer, de façon Harry Potter.
02:43Si vous n'êtes pas sages, vous serez dans la même pension que grand-père.
02:48Parce que c'était un univers carcéral, avec une discipline militaire dirigée par des capots à Chapelet, écrivez-vous.
02:55Oui, c'était des Dominicains et des militaires.
02:58Et donc, le mélange des deux, pour des enfants de 8 ans, c'est assez violent.
03:03Lever à 5 heures du matin, enfermer la nuit dans leur cellule.
03:08Vraiment, c'est comme une prison, en fait.
03:10Et ça explique beaucoup, je pense, cette société de consommation, de frénésie, d'envie de s'amuser, de se libérer, quoi.
03:20De consommation et de consommation de femmes aussi, parce que c'était ce qu'on appelait un playboy, en fait, qui accumulait...
03:25J'étais très admiratif de mon père.
03:28Oui, c'est ça, il y avait...
03:29Les femmes ne font pas des chiens.
03:30Oui, peut-être que j'ai voulu lui ressembler, ce n'est pas faux.
03:34Cet espèce de désir de conquérir toujours les beautés, et il était toujours avec des blondes, toute sa vie, des blondes.
03:43Et après, il ne faut pas en parler au passé, parce qu'il y a beaucoup d'hommes qui sont encore comme ça, et qui veulent ressembler à James Bond ou à Claude François.
03:53Je pense que ces deux modèles sont très importants dans les années 70, quoi.
03:57D'ailleurs, vous le voyez, à un moment, vous évoquez de façon un peu burlesque le rôle qu'aurait pu avoir votre père comme agent des CIA.
04:05Oui, parce que, comme il était chasseur de tête, il plaçait tous les patrons du CAC 40, alors peut-être que ça lui donnait un moyen de renseigner le gouvernement américain, je ne sais pas.
04:17Mais la présence de ces trois passeports américains officiels avec un autre nom laisse fantasmer le romancier que je suis.
04:27Ce qui est intéressant, ce qui est amusant, c'est que vous dites que c'est le livre d'une époque, donc il y a ces soirées auxquelles ils vous traînent, vous et votre frère.
04:35Il y a surtout aussi ce métier que vous venez d'évoquer de chasseur de tête, qui est un métier qu'il a importé en France.
04:42Oui, ça n'existait pas, et en 1956, Spencer Stuart crée ce métier aux États-Unis, et mon père l'a lancé, je crois, au début des années 60.
04:50Et il a dirigé deux des plus grands cabinets mondiaux, Spencer Stuart pendant 20 ans, et ensuite, Cornan Ferry.
04:57Et c'est marrant parce que les cinq grands cabinets, on les surnomme les Shreks.
05:02Le S, c'est Spencer Stuart, le H, c'est Heidrick & Struggles, le R, Russell Reynolds, le E, Egon Zander, et le K, Cornan Ferry.
05:13Je dis ça pour les téléspectateurs qui s'intéresseraient à ce monde très secret des chasseurs de tête.
05:20Alors, est-ce que vous citez un moment Houellebecq, et on terminerait bien là-dessus,
05:24je pense que cette phrase correspond, qui vous dit de votre père,
05:29« Je crois qu'il n'a jamais été adulte, et croyez-moi, c'est compliqué d'être l'enfant d'un enfant ».
05:32C'est peut-être là la clé, finalement, et la quête d'amour qu'il a eue, comme vous ?
05:37Oui.
05:38Il y a plus de similitudes qu'on pourrait croire ?
05:41Oui, bien sûr. Je ne sais pas quoi répondre à ça.
05:46Mais quand même, Houellebecq ajoutait qu'il n'y a jamais d'adulte, que personne n'est adulte.
05:53Dans sa phrase, il dit qu'on devient adulte à la mort de ses parents,
05:58mais je crois qu'il n'y a plus d'adulte, et peut-être qu'on vit dans une société où il n'y a plus d'adulte.
06:03C'est un des graves problèmes de notre société.
06:05Donc pas plus vous qu'un autre.
06:07Voilà.
06:08Merci. Je m'en sors bien ?
06:10Oui, très bien.
06:11En tout cas, je vous conseille de lire Un Homme Seul.
06:15Vous voulez que je lise mon livre ?
06:16Voilà.
06:17Peut-être qu'il serait temps que je le lise.
06:19Les spectateurs, lisez Un Homme Seul, et vous, il serait temps de le lire aussi.
06:22Adressez-vous à la caméra.
06:24Il serait temps de lire ce livre.
06:26Je vous remercie, Frédéric.
06:28Merci beaucoup. Venant de vous, ça me touche particulièrement.
06:32Si la Fulda valide mon livre, c'est bon.
06:37Je vous attends pour le prochain.
06:39Oui, avec plaisir.
06:40Merci.
06:41Merci.