• le mois dernier
Anne Fulda reçoit Laurent Bayle pour son livre «Pierre Boulez aujourd’hui» dans #HDLivres

Catégorie

🗞
News
Transcription
00:00Bienvenue à l'Heure des Livres, Laurent Bell.
00:03Alors, vous êtes l'ancien directeur du LIRCAM, l'ancien directeur de la Philharmonie de Paris
00:08et vous êtes, en cette année 2025, le commissaire général de l'année Boulez.
00:13En marge de cet événement, vous venez de publier un livre qui s'appelle Pierre Boulez.
00:19Aujourd'hui, un livre qui est paru aux éditions Odile Jacob.
00:22Alors, Pierre Boulez aurait eu 100 ans cette année 2025, en mars.
00:26Alors, il fut compositeur, il fut chef d'orchestre, il fut créateur d'institutions qui ont marqué.
00:34Quelle facette de lui retenez-vous et comment l'avez-vous connu ?
00:38Par quelle facette l'avez-vous connu ?
00:40Moi, j'ai connu la facette du chef d'orchestre compositeur en premier, au début des années 1980,
00:45parce que j'étais rien, en quelque sorte.
00:48J'avais créé un festival à Strasbourg et la star de l'époque,
00:52qui sortait de son centenaire Bayreuth, avec Loring, Patrice Chéreau et autres,
00:58a accepté de diriger un très grand concert autour d'une figure tutélaire du XXe siècle,
01:04qui était le compositeur Edgar Varese.
01:06Ça a eu un gros succès, on s'est très bien entendus.
01:09Et c'est là où il m'a dit, il faut qu'on fasse des choses ensemble.
01:12Donc, je suis arrivé à l'IRCAM à ses côtés, puis j'ai pris sa succession.
01:18Et j'ai suivi ses combats musico-politiques, si on veut.
01:21Oui, que vous racontez, dont certains ont été assez agités.
01:26C'était votre ami, il est devenu votre ami, au début, mais aussi votre mentor.
01:32Oui, d'une certaine façon, parce que j'avais une propension à apprécier
01:38la création contemporaine, la recherche, la réflexion.
01:41Mais avec lui, j'ai vraiment connu ça à une autre échelle,
01:46qu'est l'échelle internationale, parce qu'il était à la fois repéré
01:51comme un théoricien, et en même temps, il pouvait tout à fait avoir un dialogue
01:58sur la musique classique, sur le passé, dans le monde entier.
02:02Et ça, ça m'a beaucoup apporté, ça m'a ouvert des perspectives
02:06que je n'imaginais pas.
02:07Oui, parce que le grand public, qui ne le connaît pas,
02:09plutôt l'image de lui, du compositeur, alors tout le monde cite
02:13le Bartho 100 mètres, et avec des compositions qui semblent
02:18difficiles d'accès. Or, il n'est pas que ça, c'est ce que vous attachez
02:22d'ailleurs à votre livre, il est aussi ça.
02:24Il est une partie de cela, notamment, avoir 20 ans en 1945,
02:29c'est avoir envie de couper avec le passé, donc il s'est projeté
02:33dans des oeuvres qui, effectivement, peuvent être jugées complexes.
02:37Mais au fur et à mesure où le chef d'orchestre s'est aguerri,
02:40ça lui a donné l'envie aussi de la virtuosité, de l'orchestration,
02:44et ses oeuvres de la dernière période, disons à partir des années 1980,
02:51sont au contraire beaucoup plus faciles à approcher.
02:54Mais la critique, en général, reste assise sur l'idée que c'est celui
03:01qui a prononcé la rupture, etc. Alors qu'il n'était absolument pas
03:06partisan de la révolution, il était partisan, on va dire,
03:11de la nécessité d'évolution dans la société.
03:14C'est un réformiste, un homme de sa génération.
03:17D'ailleurs, vous écrivez que Boulez est le plus grand musicien
03:20de la deuxième moitié du XXe siècle, et pour le pire et le meilleur,
03:23il est l'emblème de la radicalité de la musique contemporaine.
03:27Donc c'est cette étiquette qui lui a collé un peu...
03:30Cette étiquette lui a collé, il en a rajouté une couche lui-même,
03:33personnellement, en rentrant en polémique avec tous ceux
03:37qui ne voulaient pas des nouvelles institutions,
03:40tous ceux qui ne voulaient pas les grands travaux,
03:42puisqu'il a impulsé l'idée qu'il fallait y aller à l'Opéra Bastille,
03:46même s'il n'était pas tout à fait d'accord.
03:48Il a impulsé la Cité de la Musique, il a impulsé la Philharmonie,
03:51l'IRCAM que vous avez mentionné, et plus vous générez d'institutions,
03:55plus vous avez d'ennemis, puisque vous donnez l'impression
03:58de monopoliser le pouvoir, et en quelque sorte,
04:01c'était un angle d'attaque de ses ennemis.
04:04Le recul, aujourd'hui, quand on prend de la distance,
04:07nous permet de voir deux choses.
04:09Ces institutions, elles existent toujours.
04:11Chercher un autre musicien de tous les temps dans le monde entier
04:15qui ait créé des institutions, pas pour lui, mais pour le collectif,
04:19parce que quand on cite Wagner, on ne joue que Wagner,
04:22à Bayreuth, on ne joue pas les autres.
04:24Donc ça, c'est une chose très forte.
04:26Et puis, également, un artiste qui a pensé aux jeunes compositeurs,
04:30qui s'est projeté dans la transmission,
04:33en passant beaucoup de commandes, en donnant des masterclass.
04:36La générosité, et je dirais même la dimension de l'artiste
04:40qui enfin rentre dans le répertoire, c'est qu'aujourd'hui,
04:43avec le recul, qu'on peut l'apercevoir.
04:45D'ailleurs, il avait fondé à Lucerne une académie
04:47pour les jeunes compositeurs et jeunes chefs d'orchestre,
04:49et puis il a aussi dirigé l'orchestre créé par Daniel Barenboim,
04:52qui faisait jouer de jeunes musiciens israéliens et arabes.
04:58Juste dernière question.
04:59Il a aussi été proche, parce que vous l'avez évoqué au début,
05:02d'artistes de toutes disciplines.
05:04Vous évoquiez Chérouille.
05:06Jean-Louis Barreau, aussi, a été un homme qu'il a confronté.
05:08Alors, il y a une chose qui était très forte,
05:10dont on parle aujourd'hui, la transversalité,
05:12la pluridisciplinarité et autres.
05:14Mais chez Boulez, en tout cas,
05:16et peut-être était-ce le fait de sa génération,
05:18il y avait une curiosité, littérature, poésie, le théâtre.
05:22Effectivement, dès le 20, 22 ans, pour vivre,
05:25il est allé travailler pour Jean-Louis Barreau,
05:27mais aussi la peinture.
05:29Il a énormément regardé Cézanne,
05:32des peintres du début du XXe siècle,
05:35et il en a tiré des arguments sur des concepts
05:38pour sa propre musique.
05:39Donc, il était déjà dans cette idée,
05:41qui lui a fait d'ailleurs adhérer au projet du Centre Pompidou,
05:44comme une idée de nécessaire capacité de l'art
05:48à ne pas rester clos sur lui-même.
05:50En tout cas, je vous conseille de lire Pierre Boulez, aujourd'hui.
05:53C'est un livre qui est paru aux éditions d'Il Jacob.
05:56Merci beaucoup, Laurent Belle.
05:57Merci beaucoup.

Recommandations