Anne Fulda reçoit Benjamin Puech pour son livre «Pierre Bénichou, une figure de style» dans #HDLivres
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00:01Bienvenue à l'heure des livres, Benjamin Puech, on est ravis de vous recevoir, vous êtes journaliste et vous venez de publier votre premier livre,
00:08Pierre Benichoux, une figure de style, un livre qui est publié aux éditions du Roucher.
00:13Il faut le dire, c'est un petit bijou d'écriture, c'est tendre, drôle, nourri par de multiples anecdotes, de témoignages aussi,
00:20à propos d'un personnage truculent et insupportable, génial et plein de paradoxes, qui aurait pu devenir, si ce n'est un grand écrivain, en tout cas un écrivain.
00:30Peut-être grand, mais qui est demeuré journaliste et d'une certaine façon amuseur public.
00:37Alors avant tout, évidemment, on s'interroge, tout le monde vous pose la question, votre âge, votre génération,
00:41comment en vient-on à s'intéresser à un personnage comme Pierre Benichoux, qui est quand même les générations, les années Nouvelle Obs.
00:48Tout à fait, alors comment, pour moi ça a été le hasard, parce que je ne connaissais pas Pierre Benichoux, je ne savais rien de lui, même pas son nom,
00:55et j'ai dû, pour Le Figaro, écrire un papier à la mort de Pierre.
01:00Je l'ai écouté, je me suis dit, mais qui est ce personnage-là, qui me semblait avoir plus d'humour, bien sûr,
01:05mais aussi plus de culture, plus de finesse, plus d'ironie que les gens de radio ou de télévision en général.
01:12Et ça m'a vraiment marqué, j'ai commencé à l'écouter, je suis tombé dans les émissions On va se gêner, les grosses têtes,
01:18et puis je me suis rendu compte qu'il avait publié un unique livre, ce qui a suscité ma curiosité,
01:23Les Absents Levé Le Doigt, un recueil de nécrologie qu'il avait publié en plus de 40 ans de Nouvelle Observateur.
01:28Et je me suis dit, mais cet homme-là avait une plume formidable, et j'avais envie que ça se sache.
01:33Puis ça m'a entraîné à essayer de comprendre quel était le personnage, et à aller fouiller, sonder les contradictions dont vous parliez.
01:38Alors, effectivement, on peut s'étonner qu'il n'ait rien écrit, alors à votre avis, pourquoi ?
01:42Parce que c'était enfin l'effet, est-ce que c'est par hédonisme, ou par peur de ne pas être à la hauteur ?
01:50Ça c'est intéressant, parce qu'évidemment, avec tous les gens que j'ai rencontrés, je leur ai posé cette question-là,
01:56et les réponses étaient très différentes les unes des autres.
01:58Pour certains, c'était l'hédonisme, tout simplement, ils voulaient s'amuser.
02:02Pour d'autres, il y avait quelque chose de philosophique, ce serait peut-être beaucoup dire,
02:05mais une conception de la vie qui nous fait dire, si la vie est absurde, et bien profitons-en.
02:12Est-ce qu'il y avait une forme de pression par l'hérédité, comme son père avait été un grand professeur de philosophie,
02:19ami de Camus, et que lui plaçait la littérature très très haut, aussi du fait de sa génération,
02:26de l'endroit d'où il venait, c'est-à-dire, il était un de ces juifs algériens,
02:30pour la famille de qui le décret Crémieux avait tout changé, ils avaient embrassé la France et la culture.
02:36Alors, est-ce que c'est un mélange de tout ça ?
02:37Il y a plusieurs hypothèses, je crois qu'on peut... Est-ce qu'on trouvera la bonne ?
02:41Est-ce qu'on trouvera la réponse ? Est-ce que ça ne fait pas partie aussi de cette espèce de légende ?
02:45Et est-ce qu'en chemin, à travers la radio, ses amitiés, les confidences qu'on m'a faites,
02:50une préface qu'il avait écrite à l'autobiographie de Zouzou,
02:52est-ce que ce n'est pas là où il a mis tout son talent d'écriture ?
02:55Oui, parce que finalement, c'est une forme d'écriture aussi, le journalisme.
02:59Alors, vous venez d'évoquer justement son enfance, son père, donc ami d'Albert Camus,
03:03mais c'est vraiment un ami, au point que Pierre Bienichoux, qui commence dans la presse,
03:08dans la presse qu'on appelait la presse à sensation, quoi, France Dimanche...
03:11Tout à fait, la presse à vedettes.
03:12Voilà. Son père interroge Albert Camus en lui montrant l'un de ses premiers articles,
03:18et que Camus lui dit, il a une bonne plume.
03:20Oui, c'est ça.
03:20Alors que son père semblait un petit peu gêné, quand même, que son fils commence à France Dimanche.
03:25Oui, puisque le père ne jurait que par Proust, par Montaigne,
03:29et le maximum de la modernité, c'était peut-être à Heidegger,
03:33mais c'est vrai qu'il devait être un petit peu étonné, c'était une famille d'universitaires,
03:37et Camus, qui lui avait une expérience de la presse,
03:40avait été charmé par l'écriture de Pierre,
03:43puisqu'il faisait partie à France Dimanche de l'équipe qu'on appelait du rewriting.
03:47Il était d'ailleurs avec Claude Lanzemann, qui a commencé là,
03:50et ils étaient chargés de redonner du lustre,
03:52de repimper, si je veux dire, les articles des reporters sur le terrain,
03:56et je pense que ça a été une bonne école pour tous ces journalistes,
04:00qui allaient ensuite aller dans une presse beaucoup plus sérieuse.
04:02Oui. Alors vous racontez ensuite les étapes,
04:05les grandes étapes de sa vie professionnelle,
04:07avant d'arriver au nouvel observateur,
04:09qui est vraiment sa deuxième famille.
04:11C'est l'endroit où il ne deviendra jamais chef,
04:14alors qu'il aurait pu, mais je pense que ça ne correspond pas à sa forme d'esprit.
04:18Vous racontez le Noctambule,
04:20qui allait chez Régine, chez Castelme,
04:21qui m'est aussi fréquenté les Barlouches,
04:23celui qui connaît autant les écrivains
04:26que le tout Paris politique.
04:30Vous racontez ce qui est intéressant aussi,
04:32c'est qu'il habite un temps,
04:33quand il est jeune,
04:35chez le frère de sa mère,
04:36qui est Georges Dayan,
04:37qui est l'un des plus proches amis de François Mitterrand.
04:41Ah oui, qui est son intime,
04:43qui est son intime et qui était différent de Mitterrand en tout point.
04:47C'est-à-dire, lui était,
04:49Georges Dayan était grand, bronzé, drôle,
04:51spirituel et sympathique,
04:54et puis Mitterrand en fait peut-être l'inverse.
04:56Mais justement, je trouve que cette alliance des contraires est intéressante,
04:59et ils se sont beaucoup aidés, soutenus l'un l'autre,
05:03en fait non, pas jusqu'à l'arrivée au pouvoir de Mitterrand,
05:06puisque Georges Dayan meurt en 1979,
05:09et il ne pourra pas voir,
05:10et je pense que ça a été aussi un des grands darames de François Mitterrand.
05:14Je trouvais intéressant,
05:15le fils de Georges Dayan, Jean-François,
05:17qui était très sympathique,
05:19m'a raconté que François Mitterrand continuait d'aller chez Georges après sa mort,
05:22se mettait dans son bureau,
05:24et puis restait comme ça pendant une demi-heure.
05:26Et bon, voilà, qu'est-ce que ça dit de Mitterrand ?
05:29Qu'est-ce qu'il allait chercher dans ces souvenirs-là ?
05:31En tout cas, j'ai juste une phrase,
05:33et on terminera là-dessus.
05:34Les brasseries de Paris et les salles de rédaction
05:36furent son académie française, sans horaire de fermeture.
05:39Ce personnage, comme on n'en fait plus d'ici,
05:41et son talent, sans doute était sa nature.
05:43Je suis partie à sa recherche, écrivez-vous.
05:46Une question finalement, comme souvent chez les comiques,
05:49juste la dernière question rapidement,
05:50est-ce qu'il ne cachait pas une profonde mélancolie ?
05:52Je pense qu'il cachait une profonde mélancolie.
05:55Elle se devine d'être dans la préface à son recueil de nécrologie.
05:59Et quand on parle aussi bien des disparus, de l'absence,
06:03c'est qu'évidemment, il y avait une mélancolie,
06:05mais il avait la politesse de ne pas la rendre trop visible aux yeux des autres.
06:08En tout cas, je vous le conseille,
06:10sur ce personnage plein d'aspérité, de charme,
06:13ça s'appelle Pierre Bédichoux, une figure de style.
06:16C'est donc paru aux éditions du Rocher.
06:17Merci beaucoup Benjamin.
06:18Merci Anne.