Le député Liot de la Marne, Charles de Courson était l’invité de #LaGrandeInterview de Sonia Mabrouk dans #LaMatinale sur CNEWS, en partenariat avec Europe 1.
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00:00Bonjour Charles de Courson.
00:02Bonjour.
00:03Et bienvenue à la grande interview sur CNews Européen.
00:05Vous êtes rapporteur de la Commission des Finances à l'Assemblée, député Liot de Lamarne.
00:10Vous êtes l'un des grands spécialistes de la question budgétaire.
00:12Vous avez même connu, je crois tout au long de votre parcours, plus de 30 budgets du pays.
00:17C'est dire que vous avez un regard averti sur la question et c'est une semaine décisive qui s'ouvre.
00:22Monsieur le député, le Premier ministre va donc utiliser le 49-3 pour tenter de faire adopter le budget.
00:27Tout d'abord, est-ce que l'intérêt de la France est d'avoir un budget, comme l'a dit François Bayrou ?
00:31Est-ce qu'un pays comme le nôtre ne peut pas rester dans une telle situation ?
00:35La réponse est clairement oui à votre question.
00:38La France a besoin d'un budget.
00:40Et on voit bien que tant les ménages que les entreprises sont dans une situation d'attentisme qui nuit à l'intérêt de notre pays.
00:49Et en plus, du point de vue international, beaucoup de nos collègues, notamment européens,
00:55mais pas simplement, ne comprennent pas ce qui se passe en France en disant que ce pays est devenu ingouvernable.
01:00Et rentrant dans le fond du sujet, il y a eu donc un accord avec la Commission mixte paritaire.
01:05Le premier qualificatif qui vous vient à l'esprit pour qualifier ce texte de compromis, ce serait quoi ?
01:13Il faut rappeler que la Commission mixte paritaire n'est absolument pas représentative de la composition de l'Assemblée nationale.
01:19Et que l'accord qui a été passé…
01:22Vous voulez dire qu'elle est illégitime à trouver un compromis ?
01:25Non, pas du tout. Elle est tout à fait légitime.
01:27Mais il y avait huit personnes qui soutenaient le gouvernement et six des oppositions.
01:35Mais à l'Assemblée nationale, la composition est très différente.
01:42Le problème de ce budget, il est très simple.
01:45C'est qu'on augmente massivement les prélèvements obligatoires de 0,9 point de PIB, c'est-à-dire à peu près de 27 milliards. Massivement.
01:58Vous voyez, le taux de l'IS qui était à 33% en 2007 a été redescendu à 25%.
02:05On le remonte pour les groupes de plus de 3 milliards à 40%.
02:10C'est énorme.
02:14C'est-à-dire que c'est toujours plus de dépenses et d'impôts ce budget ?
02:18Oui, et du côté dépenses, les dépenses par rapport à la richesse créée ne baissent que de 0,1 point, c'est-à-dire de 3 milliards si vous voulez.
02:27Donc on voit bien qu'on essaie de réduire de 6% en 2024 à 5,4% du PIB les déficits publics.
02:38Mais ces 0,6 points, ils sont faits massivement par l'augmentation des impôts.
02:43D'où la réaction d'ailleurs d'une partie du patronat qui dit mais vous voulez vraiment nous inciter à ne plus investir dans notre propre pays ?
02:53Que répondez-vous au gouvernement qui affirme que ça ne concerne que les très grandes entreprises, que c'est temporaire, exceptionnel, provisoire ? Est-ce que vous y croyez ?
03:01Sur le caractère temporaire, non.
03:03Pour une raison très simple, c'est que où est-ce qu'on va trouver les 8 milliards qui vont manquer en 2026 ?
03:10Je rappelle que dans le texte initial du gouvernement, c'était sur deux ans.
03:14Déjà, peu de gens y croyaient.
03:17Et le temporaire devient permanent en France en matière fiscale.
03:23Et donc je pense que c'est très dangereux et que ça va inciter à accélérer la montée du chômage qui remonte déjà depuis la mi-2024.
03:33Budget dangereux, donc contre-productif pour les entreprises et pour les menaces.
03:37Charles de Courson, l'exécutif, le gouvernement, affirme qu'il protège les classes populaires moyennes qui travaillent. Est-ce que c'est le cas ?
03:46En apparence, oui. Mais en fait, si vous voulez, on est dans une situation économique très difficile en France et en Europe également.
03:55Et donc on assiste à une remontée du taux de chômage.
03:58Et donc les couches moyennes, c'est les gens qui travaillent.
04:01Or, l'ordre de grandeur, si vous voulez, on a atteint le point bas à 7,2% de taux de chômage à la mi-2024.
04:10Et les perspectives, c'est autour de 8% de taux de chômage.
04:14Et ça indique même un peu plus en 2025.
04:17Or, les couches moyennes, c'est celles qui vivent de leur travail et qui font la richesse de ce pays.
04:22Mais à vous entendre, il n'y a aucun intérêt. En tous les cas, là, je m'adresse aux députés que vous êtes de voter un tel budget.
04:28Tout le monde sait que si le budget était mis au vote, il y aurait 300-350 voix contre.
04:38D'où le 49-3.
04:40Est-ce que c'est un outil, Charles de Courson ? Vous avez un parcours parlementaire de très nombreuses années.
04:47Est-ce que vous considérez aujourd'hui que c'est un outil antidémocratique contre même la vie, le travail du parlementaire que vous êtes ?
04:55Quoi ?
04:56Le 49-3.
04:57Bien sûr. Dans une démocratie mature, d'ailleurs, tous les hommes politiques, y compris ceux qui les ont utilisés, vous diront la même chose.
05:09C'est que c'est la démonstration que notre démocratie ne fonctionne pas bien.
05:16Au lieu d'essayer de se mettre d'accord, si vous voulez, au moins dans un arc relativement large pour avoir une majorité stable sur quelque chose de raisonnable,
05:26on utilise le 49-3 pour forcer.
05:29Ça a été le drame, par exemple, de la réforme des retraites, où tout le monde savait que le texte aurait repoussé s'il était mis aux voix.
05:37Et il a failli d'ailleurs être battu en 49-3.
05:41Et on a allumé un incendie social dans ce pays.
05:45Quelles que soient les convictions des uns et des autres, l'intérêt du pays, c'est quand même un minimum de consensus, y compris avec les forces sociales, les syndicats.
05:53Puisque tout à l'heure, le Premier ministre va donc engager sa responsabilité.
05:56J'imagine que pour vous, la censure, c'est non ?
05:58Ah non, non. Moi, je ne voterai pas la censure, alors que je suis contre ce budget, tout simplement.
06:04Parce que je pense qu'il ne faut pas ajouter du chaos au chaos.
06:09Il pourrait y avoir un chaos encore plus grand si le budget, encore une fois, ne passe pas, si le gouvernement était censuré.
06:15Parce que là encore, le gouvernement agite le chiffon rouge, une menace d'aggravation de la situation.
06:21Si vous voulez, le 43 va être utilisé dès aujourd'hui sur la loi de finances.
06:28Mais il y a aussi la loi de financement de l'exclusivité sociale qui n'est toujours pas votée.
06:31Ceci dit, l'absence de loi de financement de l'exclusivité sociale est moins grave que l'absence de loi de finances.
06:37Pourquoi ? Parce que la fiscalité, elle est dans la loi de finances.
06:41Et donc, on a plus besoin d'un budget que d'une loi de financement.
06:47On peut différer de quelques mois, mais il faut aussi une loi de financement de l'exclusivité sociale.
06:52Mais c'est moins urgent, si je puis dire.
06:53Tout va dépendre aussi du groupe socialiste et du groupe RN.
06:56Là encore, incertitude des deux côtés.
06:58Même si, pour les socialistes, Charles de Courson, quand même, la série de concessions est chiffrée à 5 milliards.
07:05Si une censure coûte cher, une non-censure coûte sacrément cher aussi.
07:10En fait, vous sous-estimez.
07:11Si vous prenez la lettre qu'a adressée début janvier le Premier ministre aux deux présidents des groupes socialistes de l'Assemblée et des Sénats,
07:19ce n'est pas 5 milliards, c'est 7.
07:22Ah oui, nous ne sommes pas dans la marge d'erreur.
07:26Pour être précis, vous avez 5,8 milliards sur la loi de financement de la Sécurité sociale et plus d'un milliard, un milliard 3, un milliard 4, net, sur la loi de finance.
07:40Mais alors, Charles de Courson expliquait, il nous expliquait à nos téléspectateurs et auditeurs.
07:44C'est pour ça que le déficit prévisionnel de la loi de financement de la Sécurité sociale,
07:51qui est estimé autour de 15 et déjà à 23 et certains disent on va dépasser les 25.
07:56Attendez, ce sont encore des prévisions optimistes de la part du gouvernement qui vont être battues en brèche ?
08:01Bien sûr, mais ce n'est pas moi qui le dis.
08:03J'ai devant moi l'avis du Haut conseil des finances publiques,
08:07qui qualifie la réagissement à la baisse de la croissance et de l'augmentation des prix comme un peu optimiste.
08:16Pour être précis, la loi de finance initiale avait été fondée sur une croissance de 1,1%.
08:24Elle vient d'être réajustée à 0,9%.
08:28Le consensus est plutôt autour de 0,7%.
08:32Et sur les prix, la loi de finance initiale était fondée sur 2%, réajustée à un 8, puis un 5, puis un 4 et on va finir probablement à un 2.
08:43Ceux qui nous écoutent et nous regardent ce matin ont envie de comprendre pourquoi ces prévisions tellement optimistes,
08:49sachant que ce n'est pas la réalité. C'est une insincérité ou c'est un optimisme BA ?
08:53C'est très simple. Plus vous dégradez les prévisions économiques, plus vous perdez des recettes.
08:59Pour vous donner un ordre de grandeur, le gouvernement va déposer tout à l'heure les amendements
09:06pour tenir compte de la chute des recettes liée à la dégradation des perspectives économiques.
09:12Je pense qu'il faut à peu près doubler sur ce que va annoncer le gouvernement.
09:17Doublement ?
09:18Doublement, c'est-à-dire qu'au lieu d'avoir une perte de 3 milliards, on serait plutôt à 6, 7, 8.
09:23Et donc qui aggrave les déficits publics. Mais il faut être réaliste dans la vie.
09:30Mais qui ne l'est pas ? François Bayrou affirme qu'après le budget, si ça passe, il va s'attaquer à l'Himalaya de la dette,
09:36l'Himalaya du chômage, l'Himalaya etc. depuis son camp de base. Vous y croyez ?
09:41Pour ça, il faut avoir des coulis. Et les coulis, c'est une majorité stable et solide.
09:48Sinon, on dégringole de la montagne ?
09:50Il ne l'a pas. Je ne vois pas dans la composition actuelle de l'Assemblée nationale comment on peut redresser les finances publiques.
10:00C'est pour ça que j'avais refusé quand Michel Barnier m'avait proposé de rentrer au gouvernement.
10:05Je lui ai dit Michel, tu n'as ni majorité stable et solide et tu n'as pas le temps.
10:10Aujourd'hui, c'est la même chose alors ?
10:11Je pense que oui, c'est la même situation. Mais vous savez, la crise politique, on ne peut en sortir qu'en revenant devant le peuple.
10:17Alors, j'allais vous interroger sur ce sujet. Charles de Courson, on connaît votre position.
10:21Vous avez estimé depuis déjà des mois que le problème était à l'Élysée en réalité.
10:25C'est la même chose aujourd'hui ? Vous le pensez toujours ?
10:27Le problème n'est pas à l'Élysée. Le problème, c'est que naturellement, si le président démissionnait,
10:33ça permettrait de nouvelles élections présidentielles dans la foulée dès juillet ou à l'automne des élections législatives,
10:42dont on peut espérer que le peuple français donnerait au nouveau président ou à la nouvelle présidente une majorité.
10:48Mais cette hypothèse, elle est totalement exclue.
10:51Le président a dit et redit qu'il a été élu tout à fait démocratiquement et qu'il achèverait son mandat.
10:59Donc cette première hypothèse, elle est fermée. Il y en a une deuxième, c'est une nouvelle dissolution à partir du 6 juillet de cette année.
11:07Mais si on veut essayer d'avoir quelque chose de plus cohérent, encore faudrait-il modifier le mode de scrutin
11:15avec une proportionnelle départementale, au moins dans les grands départements,
11:19de façon à aider nos collègues socialistes et nos collègues aussi verts, etc., d'avoir une autonomie.
11:28Par rapport notamment à la France insoumise, je voudrais justement vous intéresser sur ce sujet
11:32parce qu'il y a eu une législative partielle importante avec l'éclatante défaite, si je puis dire pour lui et Boyard,
11:38de la France insoumise à Villeneuve-Saint-Georges face à une droite LR, Charles de Courson, qui remporte la mairie.
11:44La France insoumise voulait vraiment faire de cette commune un véritable laboratoire.
11:48Comment vous avez réagi à leur défaite ?
11:50Je pense qu'elle s'explique d'une façon très simple.
11:54C'est qu'il n'y a pas eu de fusion de la liste de la gauche non-LFI avec la liste LFI.
12:03Et la moitié des électeurs qui avaient voté pour une liste de gauche non-LFI ont refusé de voter au second tour pour la liste LFI.
12:16D'accord, donc point de salut s'il n'y a pas l'union des gauches.
12:19Oui, mais cette remarque s'applique aussi à la droite et au centre.
12:23Oui, sauf que la droite et le centre n'y croient pas. L'union des droites s'est exclue.
12:27Non, non, mais je ne parle pas de cela. Vous savez qu'il y avait une autre liste, disons de droite républicaine,
12:35qui aurait pu faire échouer le succès de cette liste.
12:41Je pense que c'est une leçon de démocratie, qui est que dans la vie démocratique, il faut savoir composer et unir, et pas diviser.
12:50C'est intéressant, unir plutôt que diviser.
12:52Jean-Luc Mélenchon qui plaide pour une nouvelle France dans la ruralité, une France des quartiers populaires, qui va remplacer, a-t-il dit, cette France rurale.
13:00Il affirme que cette ruralité qu'on nous jette à la figure n'existe pas, que c'est un fantasme.
13:04Vous êtes élu de la Marne, c'est en partie un département rural. Est-ce que vous estimez que cette ruralité n'existe pas ?
13:13Non, mais attendez, c'est une méconnaissance totale de la réalité française.
13:18Le monde rural, c'est grosso modo un tiers de la population française et 80% de son territoire.
13:26J'ai une circonscription à 90%, voire à 100% rurale. Je la connais bien.
13:33Elle est pour une bonne partie extrêmement dynamique, contrairement à l'image de ceux qui ne connaissent pas le monde rural.
13:40Je vous donne deux exemples tirés de ma circonscription.
13:44On a le plus grand lac artificiel de France, qui s'appelle le lac Duder.
13:49On a développé le tourisme, on a maintenant 1000 emplois en équivalent plein temps.
13:54Donc elle existe cette ruralité, ce n'est pas une vulgarité comme le dit M. Mélenchon.
13:58Elle est dynamique.
13:59Vous la voyez être remplacée par une France plus populaire des quartiers ?
14:02Mais non, c'est vouloir toujours opposer, diviser les uns aux autres.
14:06La France a besoin de son monde rural et les Français d'ailleurs aspirent à vivre plus dans le monde rural que dans le monde urbain.
14:14C'est une négation de ce que souhaitent les Français.
14:18Et on a besoin non pas de diviser et d'opposer le monde rural au monde urbain.
14:22On a besoin de réunir tout le monde dans une France équilibrée.
14:25Équilibrée avec aussi un diagnostic de lucidité.
14:28Je vous pose la question sur le mot de François Bayraud qui a fait couler beaucoup d'encre, Charles de Courson,
14:33sur la submersion migratoire, a-t-il dit à Mayotte et dans certains départements français.
14:38Parce que vous l'avez observé, est-ce que vous reprendriez également votre compte ce mot ?
14:43Non mais il a dit, pour être précis, il a parlé du sentiment de subversion.
14:48Alors ce n'est pas un sentiment quand vous êtes à Mayotte.
14:52Et Stéphane Lussoupha, député de Mayotte que vous connaissez très bien, nous l'a dit à ce micro.
14:56Mais bien sûr.
14:57Et dans d'autres départements français.
14:59Donc on a le cas aussi de la Guyane où on a maintenant un tiers de la population plus ou moins clandestine qui vient du Suriname, un peu du Brésil.
15:10Vous voyez, on a comme ça des territoires dans les dom-toms.
15:14Je pense qu'il faut faire attention dans l'utilisation des mots.
15:18Ce n'est pas François Bayraud que j'apprendrai la portée des mots.
15:23Et je pense qu'il aurait mieux fait de ne pas prononcer ce mot comme ça,
15:30de dire on ne peut pas accepter que des parties du territoire de la République aient des proportions aussi élevées de clandestins.
15:39Ça, ce n'est pas possible.
15:40Et ça pousse les gens à l'extrémisme.
15:42Ça pousse les gens à l'extrémisme.
15:43Quelle est la réalité sur le terrain ?
15:44C'est faux ce qu'il dit ?
15:46Non, mais c'est vrai qu'il y a un énorme problème en Guyane et à Mayotte.
15:51Parler de la France, non, ce n'est pas un problème général.
15:56Mais la République, si vous voulez, n'a pas fait son devoir que ce soit à Mayotte ou en Guyane.
16:03Et ça, c'est un autre Himalaya, comme l'a dit François Bayraud.
16:07D'abord, ce sera l'épreuve du budget.
16:09Merci Charles de Courson pour cette grande interview.
16:11A bientôt et bonne journée à vous.
16:12Bonne journée également.