Retrouvez « Le débat éco » présenté par Dominique Seu et Thomas Porcher sur France Inter et sur : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/le-debat-economique
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00:00Et nous retrouvons le débat éco entre Thomas Porchet et Dominique Seux, bonjour messieurs.
00:05Bonjour.
00:06Thomas Porchet, membre des économistes atterrés, professeur à la Paris School of Business,
00:10Dominique Seux, éditorialiste à France Inter et aux Echos, le débat économique aura donc
00:15bien lieu dans ce studio, mais il est parti des Etats-Unis avec une méthode qu'on peut
00:21qualifier peut-être de brutale, vous allez nous le dire, méthode brutale de Donald Trump
00:26et Elon Musk en matière économique et cette méthode sera-t-elle efficace ? Hier soir,
00:32le président américain a annoncé un nouveau nombre de trains de mesure sur les droits
00:36de douane, on va y revenir, Elon Musk poursuit sa réforme et sa purge de l'Etat fédéral,
00:42mais première question pour vous deux, le mot de brutalité, est-ce qu'il est juste
00:46et est-ce qu'on peut l'employer en économie, monsieur le professeur ?
00:49Non, non, on ne peut pas l'employer en économie, mais il est vrai que le fonctionnement de l'économie
00:53quand on regarde ces 30 dernières années a déjà été assez brutal pour une partie
00:58de la population, les inégalités ont augmenté, on a toujours un milliard d'individus qui
01:02vivent sous le seuil de pauvreté, mais là on voit que la parole est libérée, c'est-à-dire
01:06qu'il y a une application encore plus forte de cette violence économique qui existait
01:11déjà et qui est sans phare, quand on supprime par exemple l'agence américaine de l'aide
01:16au développement, il y a un impact sur l'aide alimentaire, sur les médicaments, etc. et
01:21donc vous avez la partie la plus faible finalement de la population mondiale qui va subir une
01:24forme de brutalité, donc moi ce que je ne comprends pas pour finir, c'est que certains
01:29en France, et Patrick Cohen l'a très bien expliqué dans son édito, trouvent que cette
01:32brutalité est quelque part sympathique et je pense qu'il faut la condamner.
01:37On va revenir sur les coupes budgétaires, mais le mot de brutalité dont la méthode
01:41employée depuis l'installation de Donald Trump au pouvoir et ses décisions d'hier
01:45soir, Dominique ?
01:46Il s'applique à ce qu'est en train de faire Donald Trump sans aucune hésitation, d'ailleurs
01:49c'est particulièrement assumé, vous avez un mélange de désinhibition totale, c'est
01:54quand même assez incroyable que lundi ou mardi un décret ait été signé par le président
01:58américain réautorisant les entreprises américaines partout dans le monde à corrompre officiellement
02:05les fonctionnaires étrangers.
02:07Ça c'est ahurissant !
02:08C'est une loi de 1977, alors elle était peut-être plus ou moins respectée, il y avait des procès
02:13et d'ailleurs je crois qu'il a d'ores et déjà licencié aux Etats-Unis un certain
02:18nombre de procureurs qui veillaient à l'application de cette loi.
02:22L'idée en tout cas du président américain, juste pour que tout le monde comprenne, c'est
02:26qu'il a ordonné au département de la justice, au ministère de la justice américain de
02:30suspendre les sanctions contre les entreprises qui distribueraient des pots de vin à l'étranger,
02:34c'est sidérant, alors que les Etats-Unis étaient plutôt un modèle du genre.
02:37C'est ce qu'on appelle la désinhibition absolument totale et puis vous avez une sorte
02:41de cynisme de l'ensemble des fonctionnaires américains, on a reçu un mail il y a une
02:46dizaine de jours, leur disant de toute évidence vous n'êtes pas efficace donc nous vous
02:50incitons à aller exercer des métiers plus productifs à l'extérieur dans le secteur
02:55privé.
02:56Mais le cynisme il n'est pas là et la brutalité elle n'est pas là essentiellement.
02:59Alors vous avez mentionné, et on va y revenir peut-être sur l'USAID, l'aide au développement,
03:04c'est absolument incroyable que l'homme le plus riche du monde s'attaque en priorité
03:09à l'agence qui s'occupe des plus pauvres du monde, c'est quand même inouï.
03:14Mais c'est pire que ça en réalité, parce que vous avez un soupçon avec ce système
03:20qui est un peu de mélange des genres entre la ploutocratie, vous avez Elon Musk qui est
03:26dans le bureau ovale du matin à midi et soir, même avec son fils, et on se dit au fond
03:33est-ce qu'il veut, en se séparant d'un certain nombre de fonctionnaires, les remplacer
03:38par l'intelligence artificielle qu'il veut contrôler ? Donc voilà il y a un mélange
03:41des genres.
03:42On se dit, est-ce qu'il n'y a aucune leçon à tirer pour nous ? Je pense qu'il y a quand
03:45même quelques leçons à tirer pour nous.
03:46Alors on va en parler, je reprends le mot de brutalité, et cette décision de Donald
03:51Trump qui a été annoncée hier, il déclare la guerre commerciale au reste du monde puisque
03:58après avoir imposé des droits de douane de 10% sur les produits chinois, de 25% sur
04:04l'aluminium et l'acier, le président américain a franchi une nouvelle étape en annonçant
04:09la mise en place alors de droits de douane réciproques sur toutes les marchandises importées.
04:15Alors il faut expliquer ce que c'est.
04:16Alors justement, parce que c'est très compliqué, Dominique Seux.
04:18En un seul mot, c'est ce qu'on appelle la loi d'Italion, œil pour œil, dent pour dent.
04:22C'est-à-dire si la Malaisie met un droit de douane sur le dentifrice américain qui
04:28importe de 20%, les Etats-Unis vont mettre un droit de douane de 20% sur le dentifrice
04:32qui arrive chez eux.
04:33Il y a à peu près 10 000 références du commerce international, 10 000 types de produits,
04:38donc il y aura 10 000 droits différents.
04:41Et il a passé le message au premier ministre indien Modi hier à la Maison-Blanche.
04:45C'est très différent du système qui existe depuis ces 30 ou 40 dernières années qui
04:50est qu'on regarde l'ensemble des droits de douane, on fait des moyennes et chaque
04:54pays a le droit de mettre sur les produits dont il veut protéger la production sur son
05:00propre sol, il a le droit de mettre des droits de douane, mais pas partout.
05:03Là c'est partout.
05:04Thomas Porchet.
05:06La question des droits de douane en fait c'est une question qui a évolué dans l'histoire
05:10économique, c'est-à-dire qu'il y avait des droits de douane très élevés à l'après-guerre
05:14qu'on diminuait assez fortement, mais quand les droits de douane ont diminué, il y a
05:19d'autres types de barrières qui se sont créées, notamment les normes non tarifaires,
05:24les réglementations.
05:25Mais il y a eu le GATT, des négociations qui ont duré des années, il y a eu la création
05:30de l'OMC menée par les Américains, est-ce qu'aujourd'hui, comme on dit que l'ONU
05:34ne sert plus à rien, les Etats-Unis font signe de l'OMC ?
05:38Le multilittéralisme est complètement mort, parce que maintenant on signe plutôt des
05:43traités de libre-échange entre pays.
05:45Mais globalement, quand on regarde ce qu'ont fait le GATT et l'OMC depuis l'après-guerre,
05:51les travaux de Stiglitz et d'autres ont montré que quand même l'échange a été favorable
05:55aux pays riches, les Etats-Unis en premier lieu, plutôt qu'aux pays pauvres.
05:59Ils auraient grosso modo pris deux tiers des gains contre un tiers pour les pays pauvres.
06:04Vraiment la situation idéale du libre-échange n'était pas favorable aux pays pauvres,
06:08comme on essaie de nous le dire.
06:09Les Etats-Unis tiraient leur épingle du jeu quand même.
06:11Parce que l'un des principes, je le rappelle, c'est que...
06:15Non mais je ne suis pas du tout d'accord avec ça.
06:16Justement, Dominique.
06:17Oui, je rappelle juste que normalement, il y a un traitement différencié en fonction
06:20du niveau de développement des pays.
06:22Les droits de douane étaient majoritairement dans les pays en développement.
06:24Vous n'étiez pas d'accord donc avec Thomas ?
06:26Oui, parce que ce sont les pays en développement qui se sont protégés grâce à des droits
06:30de douane pour qu'ils puissent avoir leur propre production.
06:33Et ce à quoi on a assisté depuis 30-40 ans, c'est le développement, et tant mieux et
06:37heureusement, phénoménal du sud de la planète où des pays en voient le développement.
06:43Et ça a été...
06:44Ça dépend où, Dominique.
06:45Par exemple, l'Afrique a un milliard de pauvres en plus, mais la Chine et l'Inde effectivement
06:48se sont développés.
06:49Et bien d'autres.
06:50Toute l'Asie du Sud-Est.
06:51La Malaisie, le Vietnam...
06:52Ils sont souvent d'ailleurs à l'abri des pays...
06:54Et l'Amérique latine.
06:55Ces pays se sont développés et donc le système international a aidé ces pays à se développer.
07:01Ce qui va se passer là, c'est que qui vont être les principales victimes de ces droits
07:05de douane qui s'installent ? C'est la Caïlande, l'Indonésie, les Américains sur l'inflation
07:11peut-être, mais c'est surtout les pays en voie de développement.
07:15Donc c'est une manière politique de dire pour Donald Trump, c'est non seulement l'Amérique
07:20d'abord, mais l'Amérique toute seule.
07:22C'est nos propres intérêts en premier.
07:24Après, ça ne veut pas dire que les droits de douane sont toujours mauvais partout, c'est
07:29autre chose.
07:30Ce système général va être très mauvais pour les pays en voie de développement.
07:34Par exemple, les droits de douane sur l'acier qui ont été rehaussés au niveau où Trump
07:38les avait mis en 2016.
07:39Alors effectivement, ça protège les producteurs d'acier aux Etats-Unis.
07:43Le but, c'est de réindustrialiser les Etats-Unis.
07:45Mais il y a des consommations intermédiaires, par exemple sur l'automobile, qui vont être
07:48importées, qui là vont faire augmenter le prix de l'automobile.
07:51Donc il y a toujours un impact positif pour une partie des producteurs.
07:55Mais après, pour le consommateur, pour tous ceux qui importent de l'acier ou ceux qui
07:59vont importer d'autres biens, dont les Etats-Unis n'ont pas de substitut sur place, ils vont
08:03voir leur coût augmenter, leur prix augmenter, et là ça va toucher le pouvoir d'achat des
08:07consommateurs.
08:08C'est pour ça que le protectionnisme, il est à manier avec beaucoup d'attention.
08:12Si vous avez une industrie naissante, effectivement, vous devez la protéger, l'industrie étrangère.
08:16Peut-être pour la voiture électrique, ça se justifiait.
08:18Et chez nous, on devrait peut-être le faire sur les IA.
08:20Mais après, un protectionnisme comme ça, où on rase gratis, au final, c'est le consommateur
08:25américain qui va payer.
08:26Je ne suis pas d'accord, parce que le protectionnisme a été en partie appliqué entre 2017 et
08:322021 aux Etats-Unis par Donald Trump, premier mandat, et l'inflation, ça a été à la
08:37fin entre 0,7 et 0,9 points d'inflation de plus par an.
08:42C'est-à-dire que si l'inflation était de 2, elle était en fait de 2,9.
08:44Bon, voilà, ça n'a pas changé fondamentalement.
08:47Les effets vont être plus forts à l'extérieur.
08:49Là, c'était moins fort.
08:50Là, il y va.
08:51Alors justement, puisqu'on a parlé des pays en voie de développement, est-ce que
08:56c'est un État voyou ? Et est-ce que c'est un État ennemi de l'Union Européenne ?
08:58Puisque le décret que Donald Trump a signé hier cible aussi l'UE, puisqu'il cite parmi
09:03je cite les taxes injustes, discriminatoires ou extraterritoriales, la taxe sur la valeur
09:09ajoutée, la TVA.
09:11Les conseillers de Trump accusent Bruxelles de l'utiliser comme un droit de douane déguisé.
09:15Est-ce que vous pouvez nous expliquer d'abord la logique et ensuite les conséquences possibles ?
09:20L'idée, c'est de dire, une marchandise américaine qui arrive en Europe, le consommateur
09:26final va payer la TVA.
09:28Et donc, Donald Trump pense qu'une marchandise européenne qui va aux États-Unis ne paye
09:34pas la TVA puisqu'il n'y a pas de TVA qui a un droit sur la consommation qui est plus
09:38bas de l'ordre de 6%.
09:39Et donc, il dit c'est un déséquilibre.
09:41C'est une incompréhension totale de ce qui existe puisque la marchandise américaine
09:46se trouve en France en concurrence avec un produit fabriqué en France qui lui paye
09:51la TVA aussi.
09:52Donc, il n'y a pas de...
09:53Donc, c'est absurde ?
09:54C'est assez absurde, oui.
09:55Thomas Porcher ?
09:56Oui, c'est absurde.
09:57Mais après, de manière générale, ce qui est assez...
09:59Et là, Dominique l'a dit quand il a dit...
10:00Encore un mot sur les taxes parce que j'aimerais qu'on revienne sur ce que disait Patrick Cohen
10:04dans son édit sur les purges.
10:06Oui, justement, j'allais en venir aux purges.
10:10Mais ce qui est étonnant, c'est qu'Elon Musk est un entrepreneur, un entrepreneur à succès.
10:15Mais après, je ne suis pas sûr qu'il ait des connaissances géopolitiques et des connaissances
10:19sur le fonctionnement de l'État qui soient si poussées.
10:21Et en fait, ce qui m'étonne, moi, c'est que ça fait des années qu'on nous dit qu'il
10:25faut gérer l'État comme une entreprise, il faut regarder la dette de l'État comme
10:28la dette d'une entreprise.
10:29Il y a des entrepreneurs, même en France, qui avaient répondu à des tribunes, à d'autres
10:33économistes, en disant que ces économistes-là n'étaient pas des économistes.
10:36Notamment, il y avait Marc Simoncini qui avait répondu dans Le Monde à Thomas Piquet en
10:38disant « tu n'es pas un économiste ».
10:39Donc, ça fait des années qu'on laisse quand même de plus en plus de place aux entrepreneurs
10:43avec cette idée qu'ils géraient mieux l'État que des politiques ou que des intellectuels.
10:47Et là, on le voit bien avec Musk.
10:48Musk, aujourd'hui, il s'attaque un peu à tout et à rien.
10:51Il a son avis sur tout à donner, sur l'Europe, sur l'Allemagne, sur les préservatifs qu'on
10:55enverrait à Gaza, etc.
10:56Et il dit tout et n'importe quoi.
10:57Donc, sur l'U.S.A. de l'agence de l'aide humanitaire, mais arrivons donc à ce qui
11:01est le cœur de l'action du TOJ.
11:03Il faut bien expliquer d'abord ce qui se passe.
11:05En réalité, 75 000 fonctionnaires sur 2 millions de fonctionnaires.
11:09Aux États-Unis, on parle des fonctionnaires fédéraux et des agences.
11:13Le chiffre peut paraître 2 millions de fonctionnaires, très faible pour un pays qui est beaucoup
11:16plus important en taille que la France, mais la majorité des fonctionnaires sont dans
11:21les États.
11:222 millions de fonctionnaires, en gros, d'États, c'est à peu près comme la France.
11:2575 000 ont pris le chèque, si je puis dire.
11:28Mais depuis cette nuit, enfin depuis hier aux États-Unis, les licenciements ont commencé.
11:34L'idée, c'est de diminuer la fonction publique de, alors on ne sait pas très bien,
11:39de 5% peut-être.
11:41Je donne quand même une information qui est que c'est revenir au nombre de fonctionnaires
11:46de 2023 ou de 2022.
11:50Beaucoup de fonctionnaires avaient été embauchés ces dernières années par Joe Biden.
11:54Ce n'est pas non plus la disparition totale.
11:56Sachant qu'il n'est pas question de toucher aux forces armées, par exemple, qui sont
11:59considérablement nombreuses.
12:01Thomas Porcher.
12:02Je pense qu'on a besoin d'un Elon Musk, mais un dixième d'Elon Musk, un tout petit Elon Musk, le petit X, le fils que l'on a vu dans le bureau Oval.
12:12On arrive toujours à ça.
12:13Non, non.
12:14Trump est paranoïaque parce qu'il pense que l'État fédéral est contre lui.
12:17Parce qu'il a eu un certain nombre de procès, donc quelque part aussi, il sert ses intérêts.
12:20Il pense que l'État est contre lui, donc il s'en prend en fonctionnaire.
12:24Mais après, quand on regarde concrètement les agences qui vont être démantelées.
12:27Par exemple, là, on s'attaque au bureau de protection financière des consommateurs.
12:30Après la crise des subprimes, il avait été créé justement parce que les financiers
12:34avaient roulé un certain nombre d'Américains avec les subprimes.
12:36Il va attaquer quoi après ? La Children's Health Assurance, les déjeuners scolaires
12:40gratuits, les programmes pour les sans-abri.
12:42C'est ça qui va être attaqué.
12:43Donc les plus pauvres Américains vont vraiment être frappés de plein fouet.
12:46Le pouvoir de rester politique, mais les politiques devraient s'inspirer un peu plus de ce qui
12:50se passe dans les entreprises, qui manifestement gèrent mieux leurs affaires que les politiques
12:55ne gèrent l'État.
12:56Le rapport de la Cour des comptes hier, il est passé sous silence parce qu'il y en a
12:59tout le temps.
13:00Mais il est catastrophique.
13:01Il faut maintenir l'éthique Dominique, vous faites là, toutes les dics sont en train
13:05de céder là.
13:06Faites attention.
13:07La Cour des comptes nous dit, le problème c'est les dépenses en France.
13:11C'est écrit en noir, en rouge, en violet, en vert.
13:14On y revient, prochain débat sur les dépenses.
13:15Parce que là on y revient toujours avec Dominique, les dépenses politiques.
13:16Et ben voilà, le programme est établi et on se défend pas dans la semaine prochaine.
13:21Merci à tous les deux.
13:22Et on en a eu un aperçu dans l'édito politique.
13:24Thomas Porchet, Dominique Seux, c'était le débat éco.