À 7h50, Dominique Seux et Thomas Porcher débattent autour du thème : « Dissolution : les patrons fébriles? »
Retrouvez tous les débats économiques de Dominique Seux et Thomas Porcher sur https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/le-debat-economique
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00:007h47, le débat éco avec Thomas Porcher, membre des Économistes intérêts, et Dominique
00:06Seux, éditorialiste à France Inter et aux Echos, bonjour messieurs, au sommaire aujourd'hui,
00:12« Dissolution à la fébrilité des entreprises », il y a un point d'interrogation, c'est
00:16le titre que nous avons choisi pour votre échange ce vendredi.
00:19Hier, Jordan Bardella a publié un tract de campagne et publié une courte vidéo sur
00:25les réseaux.
00:26Elle s'est mise d'accord, et Yael en parlait il y a un instant, sur ce qu'on peut appeler
00:31un programme de gouvernement, en tout cas une alliance électorale.
00:35Gabriel Attal pourrait dévoiler quelques nouvelles propositions aujourd'hui.
00:38Est-ce que cette semaine folle en politique a des effets économiques ? On va commencer
00:44par là.
00:45Qu'est-ce que vous avez constaté cette semaine, Thomas ?
00:48Écoutez, il y a une instabilité politique, donc les marchés financiers ont réagi, ils
00:53réagissent souvent, ils surréagissent même parfois à des événements qui n'ont rien
00:57à voir.
00:58Je me souviens, à la mort de Bin Laden, les prix du pétrole avaient augmenté.
01:02Mais ce qu'il y a derrière, c'est qu'il y a une inquiétude des milieux financiers,
01:06et la petite musique qui est en train de monter, et moi je trouve que c'est une faillite morale,
01:10c'est que les milieux financiers ont plus peur du programme de la gauche que du programme
01:16du RN.
01:17Alors, ça n'a rien d'étonnant d'un point de vue strictement économique, je parle, parce
01:21que le RN se rapproche sur beaucoup de points du programme d'Emmanuel Macron, alors que
01:27le programme de la gauche serait vraiment une remise en cause de la répartition des
01:30richesses.
01:31Mais c'est une faillite, quelque part, morale quand même.
01:33Précision rapide avant de donner la parole à Dominique Seux, quand vous parlez des marchés
01:37financiers, à quoi est-ce que vous pensez ? Les bourses, les investisseurs ?
01:40Le 4,40 qui a perdu quelques points, la hausse des taux qui est montée légèrement, mais
01:46c'est parfaitement normal, puisque nous sommes dans une instabilité politique.
01:51On va rester sur le factuel, la bourse a baissé de 4% depuis lundi, et elle a entraîné
01:58un peu les marchés financiers, les marchés boursiers européens, puisque les investisseurs,
02:04ce n'est pas les gnomes de je ne sais où, c'est les gens qui prêtent de l'argent,
02:09qui investissent dans les entreprises, et donc qui sont inquiets par le chaos qui pourrait
02:15se transformer en chaos économique.
02:19Quand vous avez de l'incertitude, et puis il y a les deux projets, mais on va en parler
02:24évidemment au long, d'un côté celui du RN et de l'autre la plateforme qu'on ne connaît
02:30pas encore dans le détail, mais on a quand même quelques idées.
02:32Vous avez la bourse, moins 4%, et vous avez les taux d'intérêt, les taux d'intérêt
02:37de la dette à 10 ans, c'est-à-dire ce qui permet de financer l'État, l'écart entre
02:43les taux d'intérêt allemand et français, ce qu'on appelle la prime de risque, le spread,
02:48exactement, vous avez tout à fait raison, il est au plus haut depuis 2017, et la hausse
02:53que nous avons eue cette semaine qui est modérée néanmoins, mais elle n'avait jamais été
02:58aussi forte cette hausse depuis 2011, donc il s'est passé quelque chose.
03:03Alors, on ne va pas faire peur en disant c'est la panique générale et donc ça remet en
03:07cause toute alternance, toute évolution, mais il s'est passé quelque chose.
03:11C'est malgré tout la une des échos, on parle de peur qui gagne les marchés.
03:15Il s'est passé quelque chose cette semaine et notamment hier.
03:18Thomas Porcher.
03:19Je rejoins ce qu'a dit Dominique sur le fact-chef.
03:22Mais j'aimerais que vous nous expliquiez en fait, comment est-ce que vous pouvez discerner
03:25les réactions des marchés selon que la gauche ou que l'extrême droite a le pouvoir ?
03:31C'est une petite musique qui court, par exemple j'ai entendu Dominique Seux le dire hier
03:35dans une émission du Service Public, j'ai entendu aussi d'autres commentateurs qui
03:40se disent proches d'investisseurs privés ou qui en rendent compte, qui nous ont dit
03:43ça, que les gens étaient plus inquiets par le programme de gauche que le programme
03:49du RN.
03:50Mais ça ne m'étonne pas, parce que vous savez quand vous regardez le programme du
03:53RN qui se veut être un programme populaire, vous avez un certain nombre de baisses d'impôts,
03:56par exemple la suppression des cotisations patronales, vous avez la suppression de l'IFI,
04:02vous avez la baisse des impôts de production, vous avez la suppression de l'IES pour les
04:06entrepreneurs de moins de 30 ans, donc vous avez une baisse d'impôts et de l'autre
04:10côté vous avez des baisses de TVA.
04:11Donc il y a un problème très clair de financement du programme du RN et c'est assez compréhensible
04:18qu'il n'y ait pas beaucoup d'économistes qui soutiennent ce programme-là, contrairement
04:21au programme de Macron et au programme aussi de gauche qui est soutenu par un certain nombre
04:25d'économistes.
04:26Oui parce qu'il y a trois blocs qui s'affrontent.
04:27Il y a trois blocs qui s'affrontent, puisqu'on commence par le projet du RN, en fait je
04:31crois que le projet du RN sur le plan économique, ce n'est pas sur le plan économique qu'il
04:35est le plus atterrant et aberrant, c'est-à-dire que le point central du programme du RN et
04:43le sous-titre, c'est très curieux d'ailleurs qu'on en parle peu dans le débat parce
04:47qu'ils sont très forts de ce point de vue-là, c'est le programme qui concerne
04:50l'immigration.
04:51C'est là que la bascule serait la plus forte.
04:54Moi je pense à l'insécurité que peuvent ressentir en ce moment des millions et des
05:00millions de Français, soit d'origine immigrée, soit étrangers en France.
05:05Alors quand je dis insécurité, il y a des mesures qui sont connues, mais il y a des
05:08flottements invraisemblables.
05:10Hier Sébastien Chenu a dit sur une antenne, je ne sais plus laquelle, la double nationalité
05:16sera supprimée en France pour tous les extra-européens.
05:20Il a corrigé quelques heures plus tard sur le réseau X en disant « j'avais oublié
05:27que Marine Le Pen y avait renoncé en 2022 ». Le même Sébastien Chenu je crois a dit
05:33dans un point de vue à l'opinion cette semaine « la poste, il faut baisser la subvention,
05:40il faudrait remplacer par Amazon ». Alors pas sur toutes les activités de la poste,
05:43mais il y a en réalité sur l'économie, les mesures ne sont pas complètement aberrantes
05:52sur le plan économique, c'est sur le reste qu'il y a des choses aberrantes.
05:55Vous pouvez considérer par exemple la mesure principale, c'est laquelle sur l'ORN,
05:58la mesure principale c'est de baisser les taxes sur l'énergie.
06:01Vous pouvez considérer que c'est mauvais pour le climat,
06:04vous pouvez considérer que c'est de l'argent 10 milliards
06:06qui est jeté par les fenêtres pour pas grand-chose,
06:08mais en fait les gouvernements précédents de droite et de gauche
06:12ont fait des mesures à 10 milliards aussi.
06:13Donc le sujet principal n'est pas là-dessus, le sujet principal,
06:17et je vous laisse la parole, pardon, excusez-moi,
06:18le sujet principal que ce soit sur le programme de gauche ou sur le programme du RN,
06:23on verra sur la gauche, ce sont des ruptures, mais des ruptures considérables.
06:30Ruptures par exemple dans la relation avec le bloc occidental,
06:34si c'est l'EFI qui domine à la fin,
06:36c'est une rupture avec le bloc occidental par rapport aux Etats-Unis,
06:39c'est une rupture peut-être avec l'Europe, ça ce sont des vrais experts.
06:42Thomas Porcher.
06:43Il y a des choses avec lesquelles je suis d'accord et des choses avec lesquelles je ne suis pas d'accord.
06:47Là où je suis d'accord, c'est effectivement là où il y a une faillite morale.
06:50Si il est vrai que les investisseurs privés préfèrent le programme du RN que le programme de la gauche,
06:57c'est qu'il y a une grosse partie du programme du RN qui est une partie xénophobe,
07:01c'est-à-dire que la priorité nationale aux aides sociales ou la priorité nationale à l'emploi
07:08ou la partie concernant même les médecins étrangers, moi je trouve ça xénophobe
07:12et c'est pour ça qu'il y a une faillite morale à soutenir ce programme.
07:15Mais sur le reste, ce n'est pas un programme économique.
07:17Charline Vanhoenacker.
07:18Personne ne soutient pas le programme.
07:19Thomas Porcher.
07:20Non, non, mais parce que je trouve que moi, excusez-moi,
07:22supprimer l'aide médicale aux étrangers, en plus d'être idiot,
07:25il y a une forme de faillite morale et réserver les prestations sociales aux étrangers,
07:29il y a encore quelques années, on aurait tous dit que c'est une faillite morale.
07:32Si aujourd'hui on en débat, c'est problématique.
07:33Maintenant, laissez-moi finir quand même mon raisonnement,
07:36c'est que là où le programme économique du RN n'est absolument pas crédible,
07:39c'est qu'il n'est pas financé.
07:40Si vous baissez la TVA et que de l'autre côté vous baissez les impôts sur les sociétés,
07:45comment vous allez financer ça ?
07:46Et c'est ça la différence et c'est pour ça que je ne veux pas mettre sur un pied d'égalité
07:49comme le fait Dominique, le programme de gauche et le programme du RN.
07:52C'est que le programme de gauche, il est financé, il est soutenu par des économistes très sérieux.
07:57Mais pourquoi il dérange une partie des milieux financiers,
08:00et c'est vraiment la musique qui monte, c'est qu'il entraîne un changement de la répartition des richesses.
08:05Et je vais vous dire, il y a des économistes aujourd'hui qui sont très mainstream.
08:08Vous savez, vous avez un prix du cercle des économistes avec Le Monde,
08:13qui distribue le prix du meilleur jeune économiste de moins de 40 ans.
08:16Il n'y a pas plus mainstream, c'est-à-dire qu'on ne parle pas d'économistes hétérodoxes,
08:19on parle d'économistes qui ont fait les plus grandes écoles, qui sont dans des facs américaines.
08:22Et aujourd'hui vous avez une part non négligeable de ces économistes qui soutiennent,
08:25qui ont soutenu le programme de la NUPES et qui vont probablement soutenir le programme du Front de Gauche.
08:30Donc le programme de gauche est un programme crédible, contrairement au programme d'extrême droite qui n'est pas crédible.
08:35Deux choses, les milieux économiques, comme vous disent, ne soutiennent absolument pas le programme du RN.
08:42Ils ont plus peur d'un programme que de l'autre.
08:44Vous l'avez dit hier Dominique, vous l'avez dit mot pour mot hier, reconnaissez-le.
08:48Oui, ils ont plus peur en ce moment du programme de la plateforme de gauche.
08:52Mais on verra le détail à 12 heures.
08:56Mais personne, je ne vois personne qui soutienne le programme du RN.
09:01Les milieux économiques sont effarés par l'inconsistance du programme économique du RN.
09:08En revanche, on entend peu de grands patrons s'exprimer sur la situation politique.
09:15Il y aura des déclarations, il y aura des textes, il y aura des choses comme ça.
09:20Mais évidemment, les grands patrons se disent, ça risque d'être totalement contre-productif.
09:24Les grands patrons, c'est mal considéré en France.
09:27Donc en fait, ça va plutôt soutenir soit le RN, soit...
09:31Donc ils hésitent manifestement, mais je ne suis pas dans leur tête, je ne sais pas exactement ce qu'ils vont faire.
09:36Donc il n'y a pas de soutien de ce point de vue-là.
09:38Mais quand vous dites des économistes mainstream, que vous considérez mainstream, soutiennent le programme de la gauche, on verra bien.
09:46Le retour à 60 ans, c'est des dizaines et des dizaines de milliards d'euros sur les retraites.
09:52La France est le pays où la durée à la retraite est la plus longue de l'ensemble des pays développés.
09:58Et ce que c'est là, comment est-ce que ça va se financer ?
10:01Soit par de la dette, soit par des hausses de cotisations.
10:06Parce qu'on commence toujours en disant, on va taxer les riches et ça va rapporter 20 ou 30 milliards ou 50 milliards.
10:13J'ai entendu Clémentine Autain hier dire, on trouve 50 milliards en un claquement de doigts.
10:17C'était sur nos confrères de France Info.
10:20François Hollande a commencé en 2012 en disant, je vais augmenter, ça ne concernera personne.
10:26Un an après, on avait un ras-le-bol fiscal qui concernait beaucoup de monde.
10:30Ne croyons pas à ces illusions-là.
10:32Mais j'attends de voir les détails.
10:34Est-ce que le retour à la retraite à 60 ans est ce qui est le plus urgent dans notre pays ?
10:39Je trouve ça quand même assez étonnant.
10:41Ce qui m'étonne, c'est que vous savez en 2017, Macron, que certains disaient qu'il n'était ni de gauche ni de droite.
10:47Il avait un programme de 60 milliards d'économies sur la dépense publique.
10:5060 milliards de coupes sur la dépense publique.
10:53Sur les services publics, sur les prestations sociales, tout le monde trouvait ça génial.
10:57Monsieur Fillon avait 100 milliards d'économies, tout le monde trouvait ça génial.
11:00Il y a eu 60 milliards de baisse d'impôts, dont 20 milliards ciblés sur l'impôt sur les sociétés et les très riches.
11:06Personne n'a rien dit.
11:07Et maintenant qu'on vous dit qu'on va trouver quelques dizaines de milliards pour que les gens puissent partir à la retraite plus tôt,
11:12alors que nous avons le taux de pauvreté des retraités le plus faible au monde, c'est un gros problème.
11:16Donc, il ne faut pas avoir de géométrie variable.
11:18Il y a eu des baisses de rentrées fiscales énormes.
11:20Et le programme de gauche, s'il suit celui de la NUPES, va revenir sur un certain nombre des réformes qui ont été faites sur les retraites et sur l'ISF.
11:29Eh bien oui, ça va changer la répartition des richesses.
11:31Je comprends que des gens qui étaient gâtés par Macron depuis 2017 soient très fâchés.
11:37Mais on ne peut pas faire de la politique que pour les milieux financiers.
11:40La société, ce n'est pas que les milieux financiers.
11:42C'est les infirmières, c'est le service public, c'est les gens pauvres, c'est les vieux, c'est les malades.
11:46Il y a autre chose aussi.
11:47Ce que je dis, c'est que sur la retraite, le retour à 60 ans est invraisemblable.
11:54Mais j'imagine d'ailleurs qu'à midi, on va nous dire qu'on commencera par 62 ans et on verra plus tard si c'est 60 ans.
12:00Donc, ce sera déjà un petit bévrant.
12:03Le rapport du Conseil d'orientation des retraites, c'était lundi ou mardi, a déjà dit qu'en 2024, il y a, malgré la réforme, un déficit.
12:15Donc, on voit bien que la situation des retraites est compliquée.
12:18Mais encore une fois, attention à ne pas surinvestir dans les sujets économiques.
12:25Notamment pour le REN, j'ai dit au début de cette...
12:28Étonnant de vous entendre dire ça.
12:32Quand on voit les banques souffrir en bourse par exemple, ça a des conséquences pour les particuliers comme vous.
12:38Je vous ai dit qu'en ce qui concerne le projet du REN, on peut en discuter à l'infini.
12:42Mais est-ce que c'est ça l'essentiel ?
12:44Est-ce qu'il n'y a pas des choses plus fondamentales sur le système politique qu'il souhaite sur un certain nombre de choses ?
12:50Je crois que sur... Il y a des ruptures.
12:53La rupture REN, ce n'est pas majoritairement économique.
12:56D'ailleurs, manifestement, ils n'y connaissent pas grand-chose.
12:59Et du côté de la gauche, c'est très économique, effectivement.
13:03Mais il faut attendre le détail.
13:04Le mot de la fin, très rapide.
13:05Le mot de la fin, c'est que nous savons toujours que l'extrême droite se couche devant les milieux financiers.
13:11C'est ce qui s'est passé en Italie.
13:12C'est ce qui s'est passé en Hongrie.
13:14Et c'est ce qui se passera probablement en France.
13:16Donc elle ne changera pas la vie des plus fragiles.
13:18Merci Thomas Porcher.
13:20Merci Dominique Seux.
13:21C'était le Débat Eco.