Vendredi 14 février 2025, ART & MARCHÉ reçoit Gilles Pécout (Président, Bibliothèque nationale de France) , Marie de Laubier (Directrice des collections, Bibliothèque nationale de France) et Christophe Hioco (Galeriste, Christophe Hioco)
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00:00Bonjour à toutes et à tous, bienvenue dans Art & Marché, votre émission hebdomadaire
00:12consacrée au marché de l'art, édition week-end.
00:14Pour ce début d'émission, nous nous sommes rendus au ministère de la Culture.
00:18La ministre Rachida Dati a présenté les archives du général de Gaulle qui ont été
00:22préemptées par l'État alors que la maison de vente Arcurial a dispersé écrits et souvenirs
00:28personnels du général en décembre dernier.
00:31Puis, notre interview du week-end, nous recevons Christophe Yoko, fondateur de la galerie
00:35éponyme.
00:36Le galeriste, spécialisé plutôt dans les antiquités asiatiques, s'intéresse désormais
00:41à la céramique japonaise contemporaine.
00:44Plus de détails tout de suite dans Art & Marché, édition week-end.
00:47Sur les 372 lots proposés à la vente des souvenirs du général de Gaulle en décembre
00:57dernier, 140 ont fait l'objet d'une préemption par l'État.
01:01Ce sont 1,5 million d'euros qui ont été mobilisés en appui des préemptions de la
01:06Bibliothèque Nationale de France et des Archives Nationales grâce au soutien de plusieurs
01:10mécènes.
01:11Il était impératif pour la Bibliothèque Nationale de France de pouvoir acquérir
01:36ces lots.
01:37Nous avons acquis beaucoup, une trentaine, des lots extrêmement importants grâce à
01:41la mobilisation du ministère de la Culture et des mécènes.
01:44Pourquoi ? D'abord, un impératif historique et mémoriel qui s'agit quand même du général
01:49de Gaulle.
01:50Ensuite, réellement un impératif patrimonial.
01:53Pourquoi ? Parce que depuis les années 1950, le général de Gaulle avait lui-même décidé
01:58d'une partition, d'une sorte de Yalta de ses documents, expliquant que tout ce qui
02:03relevait de son écriture littéraire, de son écriture de jeunesse, de ses années
02:09de formation devait aller à la Bibliothèque Nationale de France, alors que tout ce qui
02:14avait un rapport direct avec l'exercice formel du pouvoir politique allait aux Archives
02:20Nationales, dont nous avions des documents à compléter.
02:24La Bibliothèque Nationale de France, c'est un lieu de recherche, c'est un lieu qui doit
02:28encourager la recherche, qui doit permettre et stimuler la recherche.
02:32Grâce à l'acquisition d'un certain nombre de documents, dont des inédits, des inédits
02:37de l'entre-deux-guerres, des textes qui étaient jusqu'alors par définition pas connus ou
02:42peu connus, nous allons pouvoir susciter une recherche nouvelle sur le général de Gaulle,
02:49sur le contexte politique de l'installation par exemple du général de Gaulle à Londres
02:55ou sur sa pensée, sa pensée stratégique durant l'entre-deux-guerres.
02:59Pour la Bibliothèque Nationale de France, nous étions trois présents et je pense que
03:05cette vente restera longtemps dans nos mémoires.
03:07Une vente hors normes, déjà par sa durée, qui a duré jusqu'à 9h30 du soir, par le
03:13nombre de lots qui étaient dispersés, par l'intérêt du public, il y avait une foule
03:19très importante de collectionneurs, d'hommes politiques aussi, énormément d'institutions
03:25publiques présentes pour éviter que tous ces documents ne soient dispersés et pour
03:31permettre surtout de les mettre à la disposition des chercheurs.
03:35Les institutions publiques exercent le droit de préemption, c'est-à-dire qu'elles ne
03:39participent pas aux enchères et une fois que l'adjudication a eu lieu, elles peuvent
03:45intervenir en disant que c'est sous réserve du droit de préemption de l'État au bénéfice
03:51de telle ou telle institution.
03:53Nous, nous avions prévu de préempter un certain nombre de lots et nous avons pu tous
03:58les acquérir, puisque grâce à tous ces généreux mécènes, nous avions un budget
04:03assez confortable qui a permis ces acquisitions.
04:07C'était notre reportage au ministère de la Culture, tout de suite, on passe à l'interview
04:11de la semaine.
04:17Nous sommes désormais en présence de Christophe Yocot, qui est fondateur de la galerie Christophe
04:20Yocot pour échanger autour des céramiques contemporaines japonaises, nouvelle spécialisation
04:25de la galerie.
04:26Merci beaucoup d'être avec nous.
04:27Merci.
04:28Alors, vous êtes plutôt spécialisé tout d'abord sur les antiquités asiatiques, depuis
04:34quand et comment est-ce que vous avez opté pour ce chiffre vers les céramiques contemporaines
04:40japonaises ?
04:41Alors je dirais, il y a deux raisons, d'abord, vous avez dit on est spécialisé dans les
04:45antiquités asiatiques, mais je dirais en fait dans la sculpture asiatique.
04:47Moi, ce que j'aime, ce que l'on aime, c'est la sculpture avant tout.
04:51Donc, on présente maintenant, ça fait près de vingt ans d'ailleurs, de la sculpture indienne,
04:57de la sculpture du sud-est asiatique, je pense au Bouddha thaïlandais, ainsi de suite, donc
05:00on est vraiment dans la sculpture.
05:01Et ces céramiques japonaises, j'ai deux raisons.
05:05Ça faisait d'abord longtemps que j'avais envie de faire quelque chose autour du Japon,
05:09parce que j'ai vécu, il y a de nombreuses années, j'en reconnais, mais j'ai vécu quand
05:12même près de trois ans à Tokyo où j'ai travaillé, et donc, bien évidemment, étant
05:17à l'époque collectionneur, avec l'âme du collectionneur, je me suis intéressé à
05:22la culture japonaise, aux objets japonais, et donc, ça faisait longtemps que j'avais
05:28envie de faire quelque chose autour du Japon.
05:29Alors, que ce soit de la sculpture ancienne comme des Bouddhas, ce qui m'arrive d'en avoir
05:34de temps en temps, et puis j'ai découvert, en fait, il y a quelques années, ces céramiques
05:39japonaises.
05:40En fait, ces céramiques japonaises, dans ce que je présente, ce sont de véritables sculptures.
05:44Ah oui, d'accord.
05:45Et qu'est-ce qu'on entend par, justement, ces céramiques japonaises ? Comment est-ce
05:48que vous les caractérisez ? Comment vous les décririez ?
05:52Oui.
05:53Alors, je dirais que le Japon est connu pour ses céramiques depuis plus de mille ans.
05:58Ça fait partie de la tradition au Japon, comme d'ailleurs dans d'autres pays asiatiques
06:03ou européens.
06:04Donc ça, ce n'est pas quelque chose qui est nouveau.
06:05Mais en fait, il y a eu une rupture, un peu, au milieu du XXe siècle, où il y a eu un
06:10mouvement qui s'est créé, où des céramistes ont décidé, en fait, d'innover, surtout
06:15que le Japon est quand même un pays qui a de très fortes traditions.
06:18Oui, l'héritage est très fort.
06:19Donc, l'objectif, en fait, ou disons la démarche de ces artistes, ça a été de rester fidèle
06:26à la tradition d'une certaine manière, au moins au niveau des techniques, mais également
06:30d'apporter énormément de modernité dans leur approche.
06:34Donc, c'est une sorte de fusion, de réconciliation, si on peut dire, entre la tradition et puis
06:39le besoin également de modernité, de contemporain, à travers ces céramiques.
06:44Et donc, ça se reflète, c'est pour ça que je reviens aux sculptures, comme je vous le
06:48disais, parce que moi, je ne propose pas des assiettes, des vases, je ne sais quoi et tout,
06:52qui sont très intéressants.
06:53Moi, j'aime beaucoup ce qui est fait au Japon au XIXe siècle ou avant, mais là, on a vraiment
06:57des œuvres complètement sculpturales, qui sortent complètement de ce qui avait été
07:02fait au Japon en matière de céramique dans le passé.
07:05Oui, parce que la modernité se trouve plus dans la forme que dans la technique.
07:09Oui, oui, plus dans la forme, vous avez raison, c'est pour ça qu'on a cette réconciliation
07:13entre tradition et modernité.
07:15Alors, c'est vrai qu'après, je pense à un artiste en particulier avec qui on travaille,
07:20Toru Kurokawa, qui lui, va essayer des techniques aussi de glaçure et autres, de faire évoluer
07:26en fait.
07:27Mais il ne faut pas oublier que ces artistes ont tous été formés dans les grandes universités
07:31de Kyoto.
07:32Ils ont appris la céramique auprès de Maître Potier également, donc ils ont d'abord appris
07:37la technique elle-même qui avait été pratiquée pendant des siècles et des siècles au Japon.
07:42Et après, ils s'en sont affranchis d'une certaine manière, maîtrisant la technique,
07:46ils s'en sont affranchis au niveau des goûts, au niveau des formes et au niveau des techniques
07:51de réalisation.
07:52Est-ce qu'il y a une école ou un mouvement qui fédère tous ces artistes ou c'est des
07:57artistes qui sont tous assez autonomes ?
07:59Non, il y a eu clairement en effet un mouvement, mais le mouvement qui était plus de réaction
08:04par rapport aux formes traditionnelles.
08:06Et après, chacun a trouvé son style et c'est ça qui est intéressant d'ailleurs dans
08:11ce que l'on présente, dans ce que l'on découvre en fait tous les jours, c'est qu'on va trouver
08:15des formes complètement différentes.
08:17Certaines vont être purement empreintes de la nature, par exemple, de l'environnement,
08:21ça c'est très important pour nombre d'artistes japonais.
08:24D'autres, je pense à un autre artiste, il est fasciné par les mathématiques, par les
08:29algorithmes et donc il crée ses oeuvres influencées justement par des formules qu'il
08:34doit développer et qui amènent des formes complètement nouvelles, complètement étonnantes.
08:38Et vous, comment est-ce que vous avez découvert ça ? Parce que vous vous étiez animé par
08:42votre passion personnelle ou aussi parce que vous avez vu qu'il y avait un réel écho
08:46de ces céramiques à l'international ?
08:48Oui, je dirais, la première démarche, ça a été un peu une découverte, je ne veux
08:53pas dire par hasard, mais en regardant ce qui touchait au Japon et ça, ça fait partie
08:56du bonheur de notre métier, c'est la découverte.
08:59Et puis après, c'est d'expérimenter.
09:00Donc j'ai commencé à voir des céramiques, ça m'a plu et donc justement, ça me ramenait
09:06vers le Japon avec des choses que j'aimais et j'ai commencé à en montrer.
09:11Et puis je dirais, ça n'a pas été une bonne surprise, mais j'ai eu beaucoup d'intérêt.
09:15Est-ce qu'il y a un véritable intérêt ? C'est vrai que les métiers d'art, la céramique,
09:21c'est vraiment quelque chose de croissant dans ce marché.
09:23Est-ce qu'il y a un véritable intérêt pour la céramique contemporaine japonaise
09:26en particulier ?
09:27Oui.
09:28Alors, il y a eu un véritable intérêt, il y a toujours un véritable intérêt qui
09:31était aux Etats-Unis.
09:32Ça a d'abord été très connu aux Etats-Unis et je pense que la raison, c'est… Bon,
09:37il y a toujours un peu une proximité entre les Japonais et les Américains ou les Etats-Unis,
09:41mais surtout sous l'influence de plusieurs galeristes importantes, je pense à Johann
09:46Mervis à New York, qui ont fait connaître ces céramiques japonaises.
09:50Et par voie de conséquence, il y a eu des expositions qui ont été faites, en particulier
09:54dans les musées.
09:55Et aujourd'hui, d'ailleurs, les céramistes japonais que je propose sont pour la plupart
10:00des artistes reconnus présents dans les grands musées américains, tandis qu'en Europe,
10:05c'est un peu nouveau.
10:06On commence, il y en a au Viennais, il y en a au musée Guimet, mais c'est quand même
10:10assez récent comme développement.
10:12Mais vous, votre galerie, vous vous adressez principalement aux Américains ou quand même
10:16vous restez avec des clients européens et vous faites ce travail de promotion ?
10:19Non, le travail justement, comme vous dites, de promotion et tout, c'est de le faire
10:23connaître en Europe.
10:24Ce qui est logique, puisque aux Etats-Unis, cela n'empêche d'avoir des clients également
10:27aux Etats-Unis.
10:28Mais aujourd'hui, on se focalise en Europe et j'ai eu beaucoup de plaisir, on sort de
10:32la BRAFA, qui a été un succès, qui a bien marché un peu pour tout le monde et tout.
10:39Et la BRAFA, on a vraiment mis l'accent cette année en plus des sculptures anciennes qui
10:43ont eu leur intérêt, mais également on a présenté quand même plusieurs artistes,
10:48les artistes que l'on aime.
10:50Et on a eu un intérêt, je veux dire, incroyable sur ces artistes.
10:54Donc ces collectionneurs qui viennent à la BRAFA pour aussi des antiquités, ils ont
10:59été aussi séduits par l'aspect contemporain de ce que vous présentez ?
11:02Oui, et en fait, je dirais, on a fait un certain nombre de ventes, on a rencontré beaucoup
11:08de nouveaux clients qui ne s'intéressaient pas vraiment à l'art asiatique ancien, mais
11:13qui ont vraiment apprécié, qui ont bien ressenti en fait, parce que c'est de l'émotion,
11:17des œuvres que l'on présentait.
11:19Surtout que de nouveau, c'était des œuvres très sculpturales et donc il fallait un peu
11:23imaginer, il fallait retenir en fait l'ambiance que cela représentait, les conditions dans
11:30lesquelles ça a été fait et on a eu un intérêt tout à fait certain, confirmé par des ventes.
11:35Oui, et c'est une nouvelle typologie de collectionneurs qui vous intéressait ou vous arrivez à faire
11:40des croisements ?
11:41Pour l'essentiel, c'est vrai que c'est une nouvelle typologie de collectionneurs.
11:46On a également des collectionneurs, oui, j'ai eu quelques collectionneurs qui sont
11:50dans l'art ancien qui se disaient, tiens, c'est intéressant de mélanger les deux,
11:52comme nous on le fait en fait, parce que finalement, c'est la démarche que j'ai suivie.
11:56Je ne suis pas passé au contemporain en disant, parce que le contemporain, c'est important
12:00d'être dans le contemporain, c'est purement une question de goût et de sensibilité vers
12:05le Japon.
12:06Ce n'est pas un besoin aussi pour une galerie, peut-être de se renouveler aussi, de proposer
12:11un nouveau regard sur les nouveaux objets, ça peut être aussi cet axe-là ?
12:14Je dirais qu'il faut toujours, pour une galerie, évoluer.
12:18D'abord parce qu'une galerie, c'est avant tout une passion, c'est avant tout des émotions
12:22que l'on partage avec des collectionneurs, donc à partir du moment où l'on ressent,
12:27ce n'est pas le hasard, comme je l'expliquais, je me suis tourné vers les céramiques contemporaines
12:33japonaises.
12:34Ce n'est pas de dire, oui, ça se développe aux Etats-Unis et ainsi de suite, pourquoi
12:36pas le développer en Europe ? Ce n'est pas cette démarche et je ne pense pas que c'est
12:39une bonne démarche dans nos métiers.
12:41C'est une démarche de passion, de sensibilité et en particulier influencée par mes quelques
12:48années au Japon.
12:49Et en termes de prix, est-ce que des nouveaux collectionneurs peuvent se tourner vers ces
12:53œuvres-là ou ça reste des prix quand même assez élevés ?
12:55Bon, alors après, ça dépend de ce qu'on appelle des prix élevés bien évidemment.
12:59On reste dans des niveaux de prix qui vont de quelques milliers d'euros à peut-être
13:05quinze mille euros.
13:06Vous voyez, on est à peu près dans cette zone de prix, qui est un prix bien évidemment
13:10si on parle de céramique, mais c'est quand même un travail qui est très sophistiqué
13:15de la part de ces artistes et de nouveau, des artistes qui sont déjà présents dans
13:19des grands musées américains par exemple.
13:20Merci beaucoup Christophe Lioucaud, je rappelle que vous êtes fondateur de la galerie éponyme
13:25et c'était Arrêt Marché, édition Week-end.