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00:00C'est l'heure de l'Invité Média et votre invitée Céline Beydarcourt est la réalisatrice
00:08et co-scénariste d'une série tirée d'une actualité dont on avait beaucoup parlé en
00:122021, la grève des femmes de chambre d'un hôtel parisien, elle avait duré presque
00:17deux ans et s'était soldée par une amélioration des conditions de travail des salariés.
00:21Bonjour Marion Vernot, merci d'être avec nous, c'est une série en quatre épisodes
00:25intitulée « Frottez, frottez » qu'on peut voir à partir de ce soir sur France 2.
00:29Voilà comment le mouvement de grève démarre.
00:31Alors monsieur Roulet m'a fait remonter des, je ne vais pas dire des problèmes, des fautes,
00:37des chambres pas nettoyées, pas préparées, des filles qui partent avant la fin de leur
00:40service et ça, ça ne va pas du tout d'accord.
00:42Qui est parti avant d'avoir fini son shift la dernière fois ? C'est vous ?
00:46Non mais c'est moi qui l'ai dit de partir, elle devait emmener son fils à l'hôpital.
00:50D'accord très bien, donc à partir de lundi, vous passez sur le shift du Nowhere de Lens
00:54D'accord.
00:55Mais c'est à deux heures de chez moi, comment je fais moi ?
00:59Écoutez madame, on a tous nos problèmes, moi mon problème par exemple c'est de garder
01:01mon travail et l'est vôtre par la même occasion.
01:03Non mais son fils il est malade putain.
01:05Et alors ?
01:06Si vous n'êtes pas contentes, il y a le pôle emploi juste en face.
01:08Allez bonne journée.
01:09Mais j'ai moins faim qu'il est.
01:10Il est malade.
01:11On va faire grève.
01:12Voilà c'est ce combat de 22 mois que vous racontez Marion Vernot, comment ces femmes
01:16invisibles, inaudibles, précarisées ont réussi à tenir tête à leur direction,
01:20à faire d'énormes sacrifices et notamment financiers.
01:23Mais c'est une lutte qui a payé.
01:24Quels souvenirs gardez-vous de cette histoire, c'est quelque chose qui vous avait marqué
01:28à l'époque ?
01:29Oui, comme m'avait marqué, parce que c'était plus mon trajet boulevard de Strasbourg, la
01:36grève des coiffeuses africaines du boulevard de Strasbourg, mais oui c'était quand même
01:44très marquant parce que dès qu'elles apparaissaient sur le petit écran, ou même à la radio,
01:51il y avait quelque chose d'inédit en fait, des espèces d'images qu'on n'a pas l'habitude
02:00de voir ou d'entendre.
02:02Cette idée de mettre en lumière ces travailleuses de l'ombre, elle vous est venue assez vite
02:06?
02:07Je ne suis pas à l'origine du projet, Fabienne Servan-Schreiber est venue me chercher une
02:15fois que le projet existait, que le travail de documentation et de fiction, même de fictionner
02:22cette histoire avait été fait déjà.
02:24Vous êtes l'une des scénaristes ?
02:25Je suis l'une des scénaristes, mais ce n'est pas moi qui ai trouvé les personnages au départ.
02:30Est-ce que vous avez rencontré les femmes de chambre qui ont fait ce mouvement de grève
02:33?
02:34Alors, un peu exprès, non, parce que j'avais besoin de m'approprier et que mon imaginaire
02:40fasse le boulot.
02:42Mais j'ai regardé deux documentaires, dont un magnifique qui s'appelle « On a grévé »,
02:51qui parle d'une autre grève qui s'était passée avant, celle de Libis Batignolles.
02:55Et ensuite, à partir du moment où on a décidé de délocaliser l'histoire à Lille, j'ai
03:04un peu changé mon axe de regard, parce que les femmes qui jouent dans le film, j'ai
03:09dû les trouver à Lille.
03:10Donc, elles n'avaient plus rien à voir avec celles…
03:13Enfin, plus rien à voir, ce n'étaient plus les mêmes que celles qui s'étaient
03:16réunies.
03:17Vous avez choisi dans la série de dépeindre trois personnages principaux, une femme de
03:20chambre malienne, mère de famille nombreuse, une autre française militante LGBT extolarde
03:25et puis l'avocate qui va les défendre, elle-même avec une histoire très forte,
03:29bourgeoise déclassée en plein divorce.
03:30Donc, ces femmes-là, est-ce qu'elles existent vraiment ou alors c'est un mélange de toutes
03:34ces femmes qui ont vraiment existé ?
03:36Alors, chose très importante, c'est que mon héroïne, enfin notre héroïne, Ayé,
03:42Solange, elle n'est pas malienne, elle est française, elle le dit, c'est très important
03:46et c'est très important pour moi.
03:47Je raconte l'histoire de ces trois femmes, dont une de couleur noire, d'origine malienne,
03:55mais absolument française, dont les enfants sont français, le mari est français, tout
04:00aussi noir soient-ils tous les cinq.
04:02Vous êtes très bien rectifiée.
04:03Donc, elles existent ou pas ces femmes ?
04:06Elles existent, elles sont tout à fait susceptibles d'exister, c'est assez fictionné.
04:13Ce qui ne l'est pas, ce sont ce que vous décrivez, les cadences infernales, les heures
04:18sup' non payées, les chefs tyranniques, ça c'est vraiment ce que vivaient les femmes
04:22de chambre.
04:23Ah oui, et encore, on n'a pas forcé le trait, c'est-à-dire qu'on passe sous silence, c'était
04:31un choix, mais là je ne sais pas pourquoi j'en parle, les abus, j'ai du mal à dire
04:39le mot, mais sexuels, dont elles peuvent être victimes quand même ces femmes-là.
04:42On sait que leur corps leur appartienne, enfin je veux dire, rentrer dans une chambre dans
04:47laquelle il y a un client, c'est un risque, on sait qu'il y a beaucoup d'histoires de
04:50ce type-là.
04:51Et ça, pourquoi vous ne l'avez pas hantée ? Pourquoi vous l'avez enlevée ?
04:53Parce qu'on trouvait que ça, on traitait déjà de certaines visibilisations, du fait
04:59qu'elles étaient inaudibles, on avait peur que ça braque le projecteur trop là-dessus.
05:06À un moment quand même, c'est tout juste évoqué, mais quand un de mes personnages
05:11vient témoigner au prud'homme de ce qu'elle vit, elle dit que son corps ne lui appartient
05:16plus et que le client peut faire tout ce qu'il veut.
05:18Ce que vous nous dites, c'est quand même que la réalité, elle est plus difficile
05:22que votre fiction.
05:23Ce que je dis, c'est qu'elles sont très très très peu protégées, très peu encadrées,
05:27très peu syndiquées et qu'elles ne sont pas internalisées dans les hôtels, donc
05:33elles n'ont pas les mêmes droits.
05:34Vous avez cité Eie Haïdara qui tient le rôle principal, il y a aussi Émilie Camp,
05:40Carole Rocher, des comédiennes connues et reconnues, et puis il y a aussi des amatrices
05:43que vous avez fait tourner.
05:45Pour quelle raison avez-vous fait ce choix ?
05:47Pour un choix très technique, c'est que comme j'ai tourné à Lille et que dans le
05:53fichier comédien Lillois, j'étais obligée de prendre les comédiens du Nord, il n'y
05:58avait pas tant de personnes racisées.
06:00De fait, il fallait que je trouve que j'élargisse le champ et vraiment quel bonheur parce qu'en
06:07fait, on a passé une petite annonce dans un centre culturel et social.
06:11J'ai été très étonnée du nombre de volontaires et là, à partir de là, je pense que ça
06:17m'a beaucoup aidée à me plonger vraiment dans ce projet, c'est-à-dire que j'ai vu
06:22beaucoup de femmes et il a fallu en sélectionner et en retenir quelques-unes, mais ça m'a
06:27ouverte une porte sur leur quotidien.
06:31Elles sont assez formidables et il y a d'ailleurs de véritables femmes de chambre.
06:34Oui, il y a Berthe qui allait souvent pendant que nous on mangeait, faire des chambres
06:39à Airbnb entre 14 et 16, ou entre 10 et 18 aussi.
06:44Très très belles castilles et très très belles séries vraiment à regarder à partir
06:49de ce soir.
06:50Merci beaucoup d'être venue Marion Vernouf.
06:51C'est à 21h10 sur France 2, frottez, frottez, c'est le nom de la série, merci à toutes
06:55les deux.
06:56Merci.

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