Concurrencée et menacée par l'axe Trump-Munsk, l'Europe peut-elle vaciller ? Quel impact économique et technologique ? Écoutez l'analyse de Frédéric Salat-Barroux, avocat, ancien Secrétaire général de la Présidence de la République. Il publie "Révolution par les territoires", aux éditions de L'Observatoire.
Regardez L'invité de RTL avec Thomas Sotto du 20 février 2025.
Regardez L'invité de RTL avec Thomas Sotto du 20 février 2025.
Catégorie
🗞
NewsTranscription
00:00RTL Matin
00:04L'invité de RTL Matin est Thomas, vous recevez aujourd'hui Frédéric Salabarou.
00:08Il est avocat, ancien secrétaire général de la présidence de la République, c'était dans les années Chirac.
00:12Bonjour et bienvenue sur RTL, Frédéric Salabarou.
00:14Bonjour, merci de m'accueillir.
00:16Révolution par les territoires, une réponse française aux défis du monde,
00:20c'est le livre que vous avez co-écrit avec Eric Hazan et que vous venez de publier aux éditions de l'Observatoire.
00:24Déjà on se dit, territoire d'un côté, défi du monde de l'autre.
00:28Il y a bien deux mondes qui ne se rencontrent jamais, qui ne doivent pas avoir grand chose à se dire.
00:32En quoi nos territoires peuvent-ils répondre à la crise morale et politique qui secoue nos sociétés ?
00:36Alors, d'abord notre message principal, c'est de dire,
00:42quelle que soit l'ampleur des crises, et Dieu sait que la France en connaît,
00:46il y a un chemin, et il y a un chemin à condition de s'appuyer sur ce qui fonctionne encore,
00:52la Vème République, les territoires, on y reviendra,
00:56la taille critique de l'Europe, mais à deux conditions.
01:00La première, c'est d'avoir un projet, et on peut construire un projet à partir des territoires.
01:04Et la deuxième, c'est de sortir de la logique de morphine qu'on voit dans le budget 2025.
01:08On ne peut pas, compte tenu des enjeux, s'arrêter comme aujourd'hui.
01:12Il faut opérer, il faut opérer non pas pour faire du mal, mais pour soigner.
01:16Vous dites, il y a un chemin, donc ça c'est plutôt positif.
01:20Vous parlez dans le livre d'une prise de conscience, d'un nécessaire rééquilibrage territorial.
01:24En fait, vous nous faites le coup de la décentralisation, mais c'est comme le Père Noël, la décentralisation.
01:28Tout le monde en parle, tout le monde trouve ça très bien, mais personne ne l'a jamais vraiment vu.
01:32Pourquoi ? D'abord, c'est un manifeste.
01:36Notre idée, c'est qu'il faut écrire pour faire réfléchir.
01:40Pourquoi il y a une paralysie aujourd'hui des quatre niveaux d'exercice du pouvoir ?
01:44Les territoires, le gouvernement-parlement, le président et le niveau européen.
01:48C'est l'image des quatre chevaux de baignure.
01:52C'est qu'en réalité, les uns font ce que font les autres et ne font pas ce qu'on attend d'eux.
01:56Aujourd'hui, on peut apporter une solution institutionnelle
02:00à cette paralysie par les territoires. On reviendra sur la crise morale
02:04en transférant vers les territoires les services publics du quotidien.
02:08Et aujourd'hui, il y a cette maturité.
02:12C'est beaucoup plus que de la décentralisation et des partages de pouvoir.
02:16C'est de dire, pour la santé, pour le social, pour le logement...
02:20On vit dans nos villages, dans nos villes, en dehors de nos métropoles, sauf qu'on vit exactement l'inverse.
02:24Les services publics disparaissent.
02:26Mais parce qu'aujourd'hui, ça reste géré de manière centralisée
02:30et que c'est le millefeuille territorial, le partage sans qu'il y ait des responsabilités.
02:34Mais pourquoi c'est important ? Parce que si les territoires
02:38prennent en charge les services publics du quotidien, le gouvernement
02:42peut faire des choses qui sont essentielles et qu'on attend de lui. La sécurité,
02:46l'immigration, la remise en ordre des comptes, la simplification et la qualité des droits.
02:50Donc en gros, on réduit ce que le gouvernement central et l'Etat ont à faire
02:54mais on délègue vraiment le reste. Il faut qu'il fasse bien ce qu'il a à faire.
02:58Mais le problème, c'est la thrombose. C'est-à-dire qu'à vouloir tout faire, on ne fait rien. C'est valable pour nous tous.
03:02Et donc le gouvernement doit faire ça, au même titre que le président
03:06ne peut pas vouloir traiter de tous les sujets, sauf à l'arrivée de ne rien faire.
03:10On va revenir au président. Mais il y a un terme qui revient beaucoup dans votre livre, c'est l'économisme.
03:14C'est quoi en quelques mots, très simplement, l'économisme ?
03:18C'est visiblement un de nos problèmes. Il y a deux problèmes. Il y a un problème
03:22d'efficacité, de paralysie de l'action publique et ensuite il y a un problème
03:26moral. Le général de Gaulle disait en 1969, comment ne pas
03:30discerner le malaise des âmes. On a aussi ça. C'est pour ça qu'on ne peut pas agir
03:34et qu'on se satisfait de cette logique de morphine. L'économisme
03:38c'est ce qui s'impose partout dans le monde au tournant des années 80
03:42c'est-à-dire toute chose humaine peut se ramener à une logique de marché.
03:46Or ce n'est pas vrai. C'est quelque chose qui nous a plongé dans une crise, qui a conduit
03:50aussi économiquement aux délocalisations, à la désindustrialisation
03:54et moi ce que j'appelle l'entrée en martyr des classes moyennes. Donc il y a aussi
03:58cette question et Trump est la phase la plus avancée
04:02de l'économisme parce que pour Trump, tout n'est pas marché
04:06mais c'est plus encore tout est business.
04:08Est-ce qu'on peut encore regagner du terrain face à la surpuissance des marchés ?
04:12Aujourd'hui, Frédéric Saraballou, être un gros chef d'entreprise
04:16ou un milliardaire, c'est être beaucoup plus puissant qu'un ministre, c'est avoir beaucoup plus de pouvoir
04:20on en est là aujourd'hui. Est-ce que Bernard Arnault n'est pas plus puissant
04:24que François Bayrou ?
04:26Il ne devrait pas l'être. La question aujourd'hui
04:30c'est la capacité à redonner un projet
04:34et à être capable d'agir. Bien sûr que non, d'ailleurs ce que montrent
04:38Musk et Trump, aujourd'hui la tech américaine est infiniment plus puissante
04:42que des pays ensemble. Mais la tech a compris qu'elle ne pouvait
04:46pas se passer de la puissance de l'Etat et là il y a cette jonction
04:50incroyable et extraordinairement dangereuse qui nous fait rentrer dans le 21ème siècle
04:54qui consiste à dire au fond maintenant, l'Occident doit arrêter de se faire
04:58cracher dessus et on impose la loi du plus fort. Donc pour répondre à votre question
05:02il est très important que l'action politique
05:06se remette en mouvement et pour ça il faut la remettre en ordre
05:10mais bien sûr que non, aujourd'hui un chef d'entreprise
05:14n'a absolument pas l'impact qu'a un responsable politique
05:18on est en train de l'accepter et c'est bien tout notre problème par exemple
05:22la logique qui consiste à dire qu'il faut qu'on apprenne à faire des grandes coalitions
05:26c'est absurde parce que ça conduit, quand vous voulez mettre
05:30dans le même gouvernement et dans la même action des socialistes
05:34et retailleaux, la seule chose sur laquelle ils peuvent être d'accord
05:38c'est ne rien faire. Donc le consensualisme
05:42Vous ne cédez pas à la mode de la coalition. Et bien c'est une folie
05:46comment vous voulez faire bouger les choses quand vous êtes d'accord
05:50sur rien ? Vous ne pouvez vous mettre d'accord que sur une seule chose, on ne fait rien
05:54Et c'est dans ce contexte déjà compliqué que se profile le mur d'eau
05:58Vous parlez de l'intelligence artificielle, je vous lis, si nous ratons ce nouveau virage
06:02nous passerons de l'appauvrissement à une forme de tiers mondialisation rampante
06:06Vous comprenez, Frédéric Salabarou, que ce virage
06:10de l'intelligence artificielle puisse angoisser les français, angoisser ceux qui nous écoutent ce matin
06:14comment le réussir ce virage ?
06:18C'est évidemment un enjeu essentiel et le président Macron était à sa place
06:22dans ce que doit faire un président de la République sur le sommet de l'IA
06:26Il a son rôle, il est là pour préparer l'avenir comme le général de Gaulle faisait le programme électronucléaire
06:30Donc l'intelligence artificielle c'est essentiel pour deux choses
06:34Pourquoi on a décroché ? Pourquoi l'Europe et la France ont décroché ?
06:38C'est qu'on rate le premier virage de la tech. Arrive le deuxième
06:42qui est encore plus important et surpuissant
06:46On considère que jusqu'à 30% des emplois risquent d'être automatisables
06:50d'ici 2030. Si on prend notre classe moyenne, ce que j'appelle
06:54la classe majoritaire, elle a été laminée dans les années 2000
06:58au niveau industriel par les délocalisations, elle risque d'être
07:02complètement laminée au niveau de l'autre partie, c'est-à-dire les emplois de service
07:06Donc ça veut dire deux choses. Pour pouvoir financer notre modèle
07:10il faut qu'on ait la poussée de cette nouvelle source de croissance
07:14donc on ne peut pas rater le virage.
07:18Sinon c'est la tiers-mondisation. Mais attention, ce n'est pas la tiers-mondisation pour que les plus riches
07:22deviennent infiniment plus riches. On ne peut pas laisser sur le bord du chemin
07:26tous ceux qui risquent de voir leur emploi atteint.
07:30Donc ça a deux branches. Il faut pousser sur le plan industriel
07:34et deuxièmement, l'adaptation, la formation professionnelle
07:38à l'IA, c'est majeur. Sinon on va avoir une société qui va être définitivement
07:42transformée. Dans ce livre vous parlez de ce que doit être le rôle d'un président
07:46de la République, faiseur d'avenir et de rempart, écrivez-vous. Aujourd'hui on a l'impression
07:50que c'est un peu la Starac des candidats. Tout le monde veut tenter sa chance. Qui pourrait
07:54selon vous occuper ce rôle ? Quel doit être le profil ? Je ne vous demande pas un nom
07:58mais quel profil ? Je pense qu'il y a une attente. Le fait que
08:02Retailleau puisse en quelques semaines s'être imposé dans une partie
08:06de l'opinion publique montre l'attente de
08:10quelqu'un qui puisse porter et agir. Mais c'est rassurant ou inquiétant qu'un candidat puisse émerger
08:14comme ça en 10 semaines ? Je pense que c'est profondément rassurant. Mais il y a trois
08:18espaces. Il y a l'espace qu'occupe Marine Le Pen qui parle aux classes moyennes mais en leur
08:22disant qu'on ne va rien changer, on ne va toucher à rien. Il y a l'espace de
08:26Retailleau qui est dans un triangle qui consiste à dire que tous les problèmes de la France
08:30c'est émigration, sécurité et identité. Et il y a un
08:34espace qui est béant, qui consiste à dire que dans un monde qui est en
08:38plein bouleversement, Trump, l'intelligence artificielle,
08:42les guerres qui arrivent ou qui sont déjà en Europe,
08:46qu'est-ce que la France peut faire et comment on peut le faire ? Et cet espace
08:50il est ouvert. Donc aujourd'hui... Qui pourrait l'incarner ?
08:54Tout est possible. Qui ? Ne me dites pas qu'en ayant écrit ce livre
08:58de 194 pages vous n'avez pas une idée en tête. Je peux avoir une idée en tête mais en tout cas
09:02ce n'est pas ceux à qui vous pensez. Mais ce serait qui alors ? Un profil ? Il faut un projet.
09:06Il faut un projet d'abord ? Oui. D'accord. Il faut un projet et
09:10ensuite ça s'incarnera. Vous avez envie de l'incarner vous ? Moi j'ai envie de pousser
09:14le débat et en tout cas qu'on bouge. Vous n'excluez rien donc ? Rien.
09:18Merci beaucoup Frédéric Salabarou d'être venu sur la table.