Aujourd'hui, dans « Les 4V »,Jeff Wittenberg revient sur les questions qui font l’actualité avecSophie Binet, secrétaire générale de la CGT.
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00:00Bonjour à tous, bonjour Sophie Binet, merci d'être avec nous ce matin.
00:04Effectivement, comment vous réagissez à cette arrivée de Rodolphe Saadé dans le bureau Oval
00:11pour des crédits qui vont profiter certes à l'économie américaine,
00:15mais qui sont détenus par un patron français ?
00:18Ça serait bien qu'ils mettent cet argent en France,
00:20puisqu'on sait que la CMA-CGM depuis plusieurs années fait des profits records,
00:24de milliards d'euros chaque année,
00:26et que dans le même temps, la CMA-CGM bénéficie d'un régime fiscal hyper favorable
00:31et ne paye quasiment pas d'impôts.
00:33Donc je pense qu'il faut prendre l'argent là où il est
00:35et que l'État français ferait bien de taxer les armateurs
00:37qui bénéficient de niches fiscales scandaleuses.
00:40Les 27 pays européens, on le disait dans le journal de 7h30,
00:42se sont mis d'accord hier à Bruxelles pour, je cite,
00:45« réarmer l'Europe » avec une enveloppe de 800 milliards d'euros
00:49sur les prochaines années consacrées à la défense.
00:51En France, on parle d'une économie de guerre,
00:54ça a été renforcé par l'intervention d'Emmanuel Macron avant-hier.
00:58Qu'est-ce que vous en pensez ?
00:59Est-ce que vous êtes favorable à une économie de guerre en France ?
01:01D'abord, moi je veux dire toute la solidarité de la CGT
01:05vis-à-vis des Ukrainiens et des Ukrainiennes.
01:07Les organisations syndicales françaises ont organisé beaucoup de convois de solidarité
01:10et nous pensons vraiment à elles et à eux dans ce moment très difficile.
01:15Ensuite, je pense que face aux graves menaces auxquelles nous sommes confrontés,
01:20il faut garder la tête froide et que ces surenchères guerrières, elles sont…
01:25Des surenchères guerrières, vous dites ? Pourquoi ?
01:27Oui, elles sont… Là, la façon dont c'est annoncé, en fait,
01:31le problème c'est qu'il faut arrêter la psychose qu'on souhaite installer
01:34dans la tête des salariés pour installer l'idée
01:38qu'il faut rogner sur nos droits sociaux pour financer les dépenses militaires.
01:41Mais mettre plus de crédit dans la défense,
01:43au départ vous y êtes quand même favorable, aujourd'hui ?
01:46La question c'est pourquoi faire, en fait ?
01:47Ce qu'il faut, c'est avoir une stratégie solide et sérieuse
01:51face à l'international d'extrême droite qui, aujourd'hui, menace nos démocraties.
01:56Le premier enjeu, c'est se construire une vraie stratégie commune au plan européen
02:00et prendre acte du fait que l'OTAN est mort.
02:03Avoir une vraie stratégie commune au plan européen,
02:07ça commence par défendre notre industrie européenne.
02:11Ce n'est pas possible, comme le propose la Commission européenne aujourd'hui,
02:14d'augmenter les crédits militaires pour aller financer l'industrie américaine.
02:18Donald Trump se frotte les mains...
02:19Ce n'est pas tout à fait cela.
02:20Si aujourd'hui...
02:22Pardon, je ne vous contredit pas, mais je veux dire,
02:23est-ce que vous ne pensez pas que les industries d'armement français, notamment,
02:27seront davantage mises à contribution par le plan européen qui a été décidé hier ?
02:31Là, oui, ce que j'observe, c'est que la bourse se régale de ces annonces
02:35et que leur valeur en bourse explose.
02:37Ce n'est pas le cas des salaires des salariés.
02:38Hier, les salariés de Thalès étaient en grève pour exiger des augmentations de salaire
02:42et pour dénoncer les suppressions d'emplois qu'il y a à Thalès aujourd'hui,
02:45alors que les marchés sont florissants.
02:47Donc, il y a un problème.
02:49Mais donc, l'enjeu pour avoir une stratégie solide et sérieuse
02:53face à cette internationale d'extrême droite,
02:55c'est d'avoir une Europe qui se donne les moyens de jouer son rôle dans le monde,
02:59de s'émanciper des États-Unis,
03:01et donc d'avoir une stratégie basée sur le multilatéralisme,
03:04le droit international, au service de la paix.
03:07C'est cela qu'il faut porter aujourd'hui.
03:09Vous parliez des salariés de Thalès.
03:10Vous-même, vous vous êtes rendu hier dans une usine dans la région de Grenoble,
03:14Vancorex, qui fournit des matériels pour le nucléaire civil et militaire.
03:19C'est une usine qui est menacée de liquidation judiciaire.
03:21Je crois que le tribunal de commerce a décidé un sursis en quelque sorte de six mois.
03:26Est-ce que c'est un premier pas pour vous ?
03:28Cette usine qui est donc menacée, effectivement, de fermer.
03:30C'est ça. La situation de Vancorex, elle est scandaleuse.
03:31Ça fait six mois qu'on alerte le gouvernement sur la gravité de la situation.
03:36C'est 450 salariés, mais en fait 5 000 emplois directs qui sont supprimés si ça ferme.
03:40C'est un coût de dépollution de plus de 1 milliard d'euros si ça ferme.
03:44Et surtout, c'est une entreprise stratégique qui alimente le nucléaire civil et le nucléaire militaire.
03:49Notamment, si ça ferme, on dépendra des Allemands ou des Chinois.
03:53Et donc, nous demandons une nationalisation temporaire de l'entreprise.
03:57Et comme à ce stade, l'État ne souhaite pas prendre ses responsabilités, les salariés les ont prises.
04:01Et nous avons hier présenté au tribunal de commerce un projet de reprise de l'entreprise
04:05sous forme de sociétés coopératives.
04:07— Et vous attendez quoi ? Que l'État, en quelque sorte, vous soutienne là-dessus ?
04:10— Oui. En fait, hier, nous avons offert une session de rattrapage à l'État.
04:13Il a raté son examen de premier cycle puisqu'il a refusé de nationaliser.
04:18Maintenant, il faut qu'il nous aide à faire fonctionner cette société coopérative
04:22pour que la reprise puisse voir le jour et que nous puissions sauver Vancorex
04:28et donc garantir notre souveraineté.
04:29Il faut être un minimum sérieux.
04:31On ne peut pas nous parler matin, midi et soir d'économie de guerre
04:34et laisser mourir notre industrie.
04:36— Pas d'ose d'impôt pour cette économie de guerre.
04:38Voilà ce qu'a dit Emmanuel Macron il y a quelques jours, renforcé par François Bayrou.
04:43Alors, il y en a qui proposent d'autres solutions.
04:45Patrick Martin, par exemple, le président du Medef, que vous connaissez bien
04:48puisque vous négociez en ce moment, on va en parler dans un instant,
04:51l'avenir de la réforme des retraites, cite l'exemple du Danemark où, je le cite,
04:56on a reporté l'âge de départ de la retraite à 70 ans pour que l'économie finance l'effort de guerre.
05:01Alors, il ne dit pas question d'aller à 70 ans en France, bien entendu,
05:05mais, en revanche, vous, vous préconisez le chemin inverse, qu'on revienne à 60 ans.
05:09Est-ce que c'est, entre guillemets, raisonnable alors qu'il faut que l'économie
05:13se prépare à un éventuel conflit ?
05:15— Bien sûr que c'est raisonnable parce qu'en fait, il faut être clair sur la menace.
05:19Aujourd'hui, le danger, c'est cet international d'extrême droite
05:23qui existe au niveau international, mais qui existe au niveau français et européen.
05:27Pour empêcher l'extrême droite de prendre le pouvoir dans nos pays,
05:30il faut de la justice sociale.
05:32Si ce qu'on dit aux salariés, c'est qu'il faut rogner sur nos droits sociaux
05:35et sur nos libertés, nos droits au travail,
05:37il n'y a rien de tel pour faire le terreau de l'extrême droite.
05:40Et moi, ce que j'aimerais entendre dans la bouche du patronat,
05:43c'est qu'il arrête de faire en permanence les poches des salariés
05:47et qu'il nous parle de son argent à lui.
05:48Hier, ont été annoncés les résultats en matière de dividendes au plan mondial.
05:53Au plan mondial, les entreprises n'ont jamais distribué autant de dividendes à leurs actionnaires.
05:57La France est championne d'Europe de la distribution des dividendes.
06:01On n'en a jamais distribué autant.
06:02Et le patron du Medef nous explique qu'il faut encore rogner les droits des salariés
06:06alors que nos salaires ont baissé face à l'inflation.
06:08Il faut arrêter de se moquer du monde.
06:10Mais précisément, là, on parle des salaires,
06:12mais il y a cette question urgente et imminente des retraites,
06:16puisque, je le répète, vous êtes en train de négocier avec le patronat.
06:19Pour l'instant, ça ne se passe pas bien, puisque le Medef dit
06:22pas question de revenir à 62 ans, puisque la réforme actuelle prévoit 64 ans.
06:27Et l'État lui-même dit qu'il manque de l'argent dans les caisses.
06:30Il manque même 6 milliards d'euros pour arriver à l'équilibre en 2030.
06:34Donc, qu'est-ce qu'on fait aujourd'hui ? Il y a une sorte de blocage.
06:36Oui, écoutez, moi, je suis venue vous apporter une très bonne nouvelle aujourd'hui.
06:41La CGT a trouvé de l'argent.
06:43On a même trouvé 6 milliards d'euros, un gros chèque, un peu gros.
06:50C'est quoi, ces 6 milliards d'euros ?
06:51Expliquez-nous. Effectivement, le chèque est très gros, on ne vous voit même plus.
06:566 milliards d'euros, en fait, c'est ce que rapporterait l'égalité salariale pour nos retraites, en fait.
07:02Parce que si on augmente les salaires des femmes de quasiment 25 %,
07:06nous sommes payés 25 % de moins, ça permettrait d'avoir plus de cotisations sociales
07:10pour financer nos droits sociaux, chômage, retraite, assurance maladie.
07:14Et donc, c'est à minima 6 milliards d'euros qui seraient générés par l'égalité salariale.
07:19Changer l'âge de départ, pour vous, ça n'équivaut à rien.
07:23Il suffirait d'augmenter le salaire des femmes pour obtenir l'argent qui manque dans la caisse des retraites.
07:28C'est ce que vous expliquez ?
07:29C'est un levier de financement, oui, bien sûr.
07:31L'égalité salariale, c'est non seulement une mesure de justice sociale indispensable,
07:36mais c'est un levier pour financer nos droits sociaux.
07:39Et donc, c'est indispensable d'augmenter les salaires des femmes.
07:42Ça permettrait de financer l'abrogation de la réforme des retraites et de revenir à 62 ans.
07:47L'abrogation que vous demandez sous peine de lancer d'autres mouvements,
07:51éventuellement des grèves prochainement, si vous n'obtenez pas cette abrogation ?
07:54Ah oui, ce qui est sûr, c'est qu'on a bien vu que le patronat et le gouvernement n'en voulaient pas.
07:57Donc, ce qu'il faut, c'est que les salariés se mobilisent pour se faire entendre.
08:02Et donc, il y a des manifestations le 8 mars, je vais en reparler tout à l'heure.
08:06Le 20 mars, les retraités seront dans la rue pour dénoncer leur situation.
08:11Et donc, le 8 mars, c'est la journée des droits des femmes.
08:15Vous allez faire de l'égalité salariale le mot d'ordre principal de ces manifestations ?
08:19Oui, en fait, demain, il y a deux mots d'ordre.
08:21Il y a d'abord notre grande inquiétude face à l'extrême droite
08:23qui est en train d'arriver au pouvoir dans de plus en plus de pays,
08:26qui remet en cause les droits des femmes.
08:28La première chose qu'elle fait quand elle arrive, c'est s'attaquer aux droits des femmes.
08:32Et puis, le deuxième mot d'ordre, c'est l'égalité salariale et professionnelle.
08:35Ce n'est pas possible qu'en France, les femmes soient toujours payées 25 % de moins.
08:3922 % en 2023, même si la différence, et ce n'est pas satisfaisant,
08:43a baissé d'un tiers depuis les années 90, notamment.
08:46Oui, c'est ça, ça avance à ce rythme-là.
08:48Dans 150 ans, il y aura encore des écarts de salaire.
08:50Et ce que nous dirons aussi demain, c'est que cette réforme des retraites,
08:54elle a d'abord été défavorable aux femmes.
08:56Les femmes sont encore plus pénalisées par le report de l'âge en départ de retraite.
09:01Et donc, demain, nous serons aussi mobilisés pour dire qu'il faut abroger les 64 ans.
09:05Eh bien, on vous verra donc demain avec les manifestations pour les droits des femmes.
09:09Merci beaucoup, Sophie Binet, secrétaire générale de la CGT.
09:11Merci beaucoup. Merci, Afrique Chevalier.