Lundi 7 avril 2025, retrouvez Ilham Djehaich (présidente, Infranum), Steve Pascolo (professeur-docteur, Hôpital universitaire de Zurich), Christophe Lesur (directeur général, Cloud Temple) et David Lacombled (président, La villa numeris) dans SMART TECH, une émission présentée par Delphine Sabattier.
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00:00Bonjour à tous. Dépendance aux technologies américaines, peut-on en sortir ?
00:12C'est notre série que nous avons lancée déjà depuis la semaine dernière.
00:15Et là, on passe à l'épisode 2. On va regarder dans la santé, justement,
00:19quelle est cette possibilité d'indépendance que la France, que l'Europe peut prendre en termes de technologies.
00:24Ce sera notre sujet à la une.
00:25On aura aussi rendez-vous avec l'Inde dans l'économie numérique.
00:28On verra ce qui se passe de ce côté-là.
00:30Et puis, je vous propose d'abord de regarder chez nous, sur nos territoires,
00:36les territoires connectés et durables.
00:38On va avoir la chance de décrypter ensemble un tout récent observatoire.
00:42C'est tout de suite 3 questions 1 dans Smartech.
00:49Alors, l'objectif, c'est d'aider les élus à prendre des décisions éclairées sur le numérique dans leur territoire.
00:53Deux organisations, la FNCCR et Infranum, ont publié un observatoire des territoires connectés et durables.
00:59Bonjour, Ilham Djaïch.
01:00Bonjour.
01:01Merci beaucoup d'être avec nous.
01:02Vous êtes la présidente d'Infranum.
01:04Donc, fédération qui regroupe la filière des infrastructures numériques.
01:08Plus de 200 entreprises.
01:09Ça va du bureau d'études aux opérateurs, en passant par les équipementiers et tous les fournisseurs de services.
01:15Qu'est-ce que vous mesurez dans cet observatoire ?
01:18Qu'est-ce qui peut éclairer ces décisions des élus sur le terrain ?
01:21Alors, Infranum, c'est une fédération qui fédère l'ensemble des acteurs privés, que ce soit des industriels, que ce soit des opérateurs, que ce soit des équipementiers,
01:31dont l'objectif, c'est de pouvoir arriver à avoir un aménagement numérique inclusif et durable.
01:36Performant aussi pour notre pays.
01:38Depuis quelques années, avec la fédération des collectivités locales, la FNCCR et l'ensemble des élus, on arrivait à une autre étape.
01:46C'est-à-dire, après avoir fait du plan France Redébut une réussite, d'amener à ce que l'ensemble des Français puissent avoir accès à la fibre optique,
01:54l'étape d'après, c'est la connectivité des services publics.
01:58C'est-à-dire d'assurer que des usages des services publics puissent être connectés.
02:02L'année dernière, notre observatoire a été axé sur les exemples, sur les cas, sur les expérimentations que font les collectivités locales à ce sujet.
02:09Il nous a semblé nécessaire, avec la FNCCR, de mesurer les impacts sur 10 ans.
02:15C'est-à-dire de faire une analyse, qui a été portée par Tactis et Relief Carbone, en simulant sur 5 piliers et une connectivité sur les 5 piliers,
02:26de se dire, si on se donne une ambition complètement raisonnable à 10 ans, qu'est-ce que ça apporte en impact économique, en impact environnemental ?
02:33Juste pour bien comprendre, sur 10 ans, en arrière, vous regardez ce qui s'est passé sur les 10 dernières années, ou vous faites des simulations sur les 10 prochaines années ?
02:41C'est une simulation sur les 10 prochaines années. C'est-à-dire qu'on va prendre les 5 piliers.
02:47Les 5 piliers, on va prendre les compteurs d'eau.
02:51Ça paraît tout à fait, j'ai envie de dire, tout à fait pertinent aujourd'hui de parler de la connectivité des compteurs d'eau quand on voit aux compteurs électriques qui sont connectés.
03:00Aujourd'hui, on se dit, tiens, si dans 10 ans, la moitié des compteurs d'eau étaient connectés.
03:06On s'est dit, dans le deuxième pilier, les bâtiments publics.
03:09Si on se donne un objectif, sur 10 ans, complètement raisonnable de connecter les bâtiments publics. Il y en a 225 000 en France.
03:15Pareil sur la gestion de l'éclairage public, troisième pilier.
03:19Le quatrième pilier, ça va être la détection des incendies, par exemple.
03:24Et puis enfin, la gestion des déchets.
03:26Sur ces 5 piliers, il y en a d'autres évidemment, on a pris une connectivité.
03:31Donc là, on parle des compteurs d'eau, sur la connectivité des compteurs d'eau.
03:35On s'est donné un objectif raisonnable à 10 ans, sur ces 5 piliers, et on a mesuré l'impact.
03:40C'est une simulation qui a été faite avec les collectivités locales, qui est complètement mathématique.
03:45L'impact quoi ? L'impact économique ? L'impact en termes de compétitivité ? Quel impact ?
03:51Alors déjà, l'impact économique, c'est-à-dire d'avoir une approche, de se dire qu'avec les collectivités, elles doivent faire plus avec moins.
03:57Donc, quelle économie ? Concrètement, c'est combien d'économies ?
04:01Déjà, avec cette simulation, sur 10 ans, on a conclu qu'on faisait 1,8 milliard d'économies.
04:07Ce qui correspond au budget d'un grand département français.
04:12Ça, c'est un impact financier, un impact économique.
04:16La deuxième, c'est un impact environnemental.
04:19Là par exemple, avec les compteurs d'eau, quand on va les connecter, la moitié des compteurs d'eau,
04:24dans 10 ans, qui paraît extrêmement raisonnable...
04:27Sur l'ensemble des communes ?
04:28Voilà, l'ensemble des communes.
04:29On est aujourd'hui autour de 18%, pour vous donner un petit peu la marge de progression.
04:33Donc, ça ne paraît pas illusoire de se dire que dans 10 ans, les compteurs d'eau soient connectés pour moitié.
04:38On va économiser 811 millions de mètres cubes d'eau.
04:42Ça correspond à 320 piscines olympiques par an et par département, par exemple.
04:47Et puis, j'ai donné un exemple, c'est vrai, d'impact économique et puis d'impact environnemental.
04:53En fait, il faut mesurer aussi l'impact dans la gestion quotidienne du service public.
04:57Quand on connecte, quand on a les données en live, quand on peut analyser nos données...
05:02Comment ça peut améliorer finalement la vie des concitoyens ?
05:06Oui, c'est ça.
05:07Par exemple, il paraît simple.
05:09Aujourd'hui, il vous paraît évident que vous avez en live la gestion de votre consommation d'électricité.
05:15C'est-à-dire que vous l'avez en application sur votre téléphone ou en ligne sur Internet.
05:19Vous savez combien vous allez recevoir de factures au moment où vous voulez le savoir.
05:22Vous savez combien vous consommez.
05:23Finalement, dans la gestion d'eau et dans le compteur d'eau, on n'a pas cette information en live.
05:27On attend finalement que la facture, elle, va arriver.
05:29Oui.
05:30Et ça, c'est une amélioration, je pense, dans la gestion quotidienne.
05:33C'est plus difficile à mesurer.
05:34Plus difficile à...
05:35Plus subjectif.
05:36C'est subjectif.
05:37Le compteur d'eau, c'est combien qu'on a consommé, donc en fait...
05:40Oui, mais je veux dire, sur le bénéfice pour l'utilisateur et le citoyen, en tout cas l'administré, ce sont des mesures plus subjectives.
05:49Pas forcément.
05:50Par exemple, sur la détection d'incendie, quand on va aller mettre des détecteurs d'incendie, on va aller sauver, évidemment, des hectares de forêt.
05:58Mais on va avoir des impacts humains, on va sauver des vies.
06:00Quand on regarde dans la gestion...
06:02Et donc, juste parce qu'on arrive à la fin de nos trois questions, j'en ai posé bien plus.
06:06On est vite passionnés.
06:08Vous partez de cette simulation sur 10 ans.
06:13Vous étudiez l'impact économique, environnemental, sociétal.
06:17Si je poursuis le trait.
06:19Et alors, vous arrivez à quelle conclusion ?
06:21Tout est rose quand on fait plus de numérique ?
06:24La conclusion que l'on fait, nous, c'est qu'aujourd'hui, on a des expérimentations et que des collectivités se sont lancées.
06:30Nous, la conclusion que nous, on fait collectivement avec les collectivités locales, c'est que la France a intérêt à industrialiser.
06:36Et finalement, d'avoir des projets d'envergure et d'accompagner les collectivités locales, par exemple en subvention fonds verts,
06:44à ce qu'elles puissent avoir le soutien pour pouvoir lancer leurs projets de manière d'envergure.
06:49Parce qu'aujourd'hui, c'est là où ça blesse, le bas blesse.
06:53C'est la capacité de financement sur ces projets ?
06:56Ça peut être la capacité de financement ou c'est juste la maturité des projets.
07:00Aujourd'hui, on est mature.
07:03Et je pense que les collectivités peuvent se rassurer et se dire, ça y est, on est mature et on peut le faire de manière collective.
07:08Très bien. Merci beaucoup, Ilham Djellaïch, de nous avoir éclairé sur ces enjeux dans nos territoires.
07:13Merci, merci à vous.
07:15En France, je rappelle, vous êtes la présidente d'Infranum.
07:18Allez, tout de suite, c'est notre série. On s'intéresse à l'indépendance technologique de la France et de l'Europe en matière de santé.
07:29Allez, on est dans notre série Dépendance aux technologies américaines. Peut-on en sortir ?
07:32On s'intéresse aujourd'hui, deuxième épisode, à la santé.
07:35On va parler avec nous aujourd'hui, Christophe Lessure. Bonjour.
07:38Bonjour.
07:39Vous êtes directeur général de Cloud Temple, entreprise française du cloud.
07:42Vous êtes aussi hébergeur de données de santé, HDS, pour dire vite.
07:46Mais, comme tous les autres fournisseurs cloud français, vous n'avez pas été retenu pour le Health Data Hub,
07:53ni pour le nouveau projet EMC2, puisque c'est Microsoft qui a remporté la mise à nouveau.
08:00On va en parler, notamment, de cela.
08:02A côté de vous, Steve Pascolo est avec nous. Bonjour.
08:05Merci beaucoup d'être avec nous, immunologiste, pionnier en RM messager.
08:09On avait beaucoup expliqué, ici, sur ce plateau, en quoi cela consistait.
08:13Vous êtes professeur docteur à l'hôpital universitaire de Zurich.
08:16Vous avez mis en place une plateforme académique d'ARNM.
08:20Le monde a découvert ces vaccins ARN messager au moment de la crise Covid.
08:25Je dirais qu'on a, en même temps, mesuré le niveau de dépendance, finalement, de la France aux Américains,
08:33puisque, pour aller se vacciner, on courait tous derrière ce vaccin Pfizer.
08:38Ce n'est pas un vaccin Pfizer.
08:40C'est vrai que j'ai appris avec vous qu'il fallait dire Biotech and Pfizer,
08:44puisque, finalement, Pfizer était le distributeur uniquement.
08:48Mais est-ce qu'on aurait pu faire sans ce distributeur américain ?
08:51Oui, mais ça aurait pris plus de temps, parce qu'en Europe, pour faire les essais cliniques,
08:54les autorités prennent plus de temps.
08:56Donald Trump, pendant la pandémie, a mis en place l'opération Warp Speed
09:01pour que les essais cliniques se fassent rapidement.
09:03Ce vaccin BioNTech, développé à BioNTech en Allemagne, à Mayence,
09:08testé au départ à BioNTech en Allemagne, à Mayence,
09:10Pfizer n'avait pas la technologie ARN,
09:12donc c'est vraiment BioNTech qui a vraiment fait le design, la production,
09:16la formulation et les premiers tests de différents vaccins ARN pendant la pandémie.
09:20Et ensuite, pour pouvoir aller vite,
09:22ils ont demandé à Pfizer de faire les essais cliniques aux États-Unis,
09:25parce qu'avec l'administration Trump et l'opération Warp Speed,
09:30c'est allé vite, c'est allé en six mois.
09:32S'ils étaient restés en Europe et qu'ils avaient fait les essais phase 2, phase 3 en Europe,
09:35ça aurait pris au moins un an et demi.
09:37Ce n'est pas un problème de technologie, c'est un problème de nos autorités sanitaires
09:41qui auraient demandé beaucoup de choses, qui seraient allées plus lentement,
09:44alors que l'administration Trump a dit à la FDA,
09:46vous travaillez 24 heures sur 24, on sélectionne plusieurs vaccins, on va vite.
09:50Et donc c'est pour ça que BioNTech a fait appel à Pfizer,
09:53et que maintenant, malheureusement, on a l'impression que c'est un vaccin américain.
09:56C'est un vaccin européen, de Mayence, d'Allemagne,
09:59basé sur les technologies de BioNTech, qui est une compagnie qui a été créée en 2008,
10:03dont les fondateurs avaient commencé, dès les années 2000, à travailler sur l'ARN messager.
10:07Moi, j'ai commencé en 1998, donc on était dans les pionniers,
10:10on était un petit groupe en Europe.
10:12Et donc sur leur technologie, sur leur connaissance,
10:15et sur les possibilités de production de BioNTech,
10:18ils ont commencé ces vaccins, et ensuite ça a dévié vers les Etats-Unis,
10:22grâce à l'administration Trump.
10:24C'est intéressant parce que ça rappelle ce qu'on entend beaucoup,
10:28on a les cerveaux, on a les talents, on a les technologies.
10:31Et les infrastructures.
10:33Mais la force de frappe, à un moment, elle nous échappe.
10:36La rapidité.
10:37Oui, la rapidité.
10:38Au niveau des administrations.
10:40Et qu'est-ce qu'il en est des thérapies ?
10:42Parce que l'ARN messager, ce n'est pas uniquement pour nous éviter d'attraper le Covid.
10:45Qu'est-ce qu'il en est des thérapies avec l'ARN messager ?
10:47Est-ce que là aussi, l'Europe gagne en avance,
10:51et reste une puissance technologique ?
10:55BioNTech est encore en pointe, sur les vaccins anti-cancer.
10:59Mais effectivement, Moderna va très vite aux Etats-Unis,
11:02et est peut-être aidée par l'environnement américain,
11:05qui va plus vite.
11:07Là, on ne parle pas de technologie,
11:09c'est-à-dire que les mêmes technologies existent à Moderna aux Etats-Unis,
11:12et à BioNTech en Allemagne.
11:14Mais Moderna va peut-être aller plus vite,
11:16parce que les administrations, la FDA,
11:19ne prend pas autant de temps que les administrations européennes.
11:22Ils ont accès à des fonds aussi.
11:24Donc tout le monde a compris que c'était qu'un vaccin ARN.
11:27BioNTech a des fonds, donc CureVac aussi.
11:31Et c'est une histoire de politique industrielle ?
11:34De réglementation.
11:37Du fait que, ici, les gens veulent peut-être se protéger,
11:40dans les administrations de santé,
11:42ils vont essayer d'avoir des dossiers béton,
11:44pour qu'on ne vienne pas peut-être leur reprocher plus tard,
11:46tiens, il y a eu un problème.
11:48Moins de prise de risque.
11:50Moins de prise de risque, voilà.
11:52Du coup, ils demandent un peu...
11:54On le voit sur certains essais cliniques qu'on veut mettre en place.
11:56Parfois, on nous demande de faire des manips,
11:58que je trouve d'ailleurs non éthiques chez les singes,
12:00que je réprouve.
12:02Et les autorités essayent d'avoir le plus de précliniques possibles,
12:06ici, en Europe, pour se protéger un peu.
12:09Quitte à demander des choses inutiles,
12:11ils vont demander plus.
12:13Et je pense qu'il faut réformer ça,
12:15avoir des gens qui sont un peu plus pragmatiques, plus rapides,
12:17qui demandent peut-être moins,
12:19avant qu'on puisse aller en clinique,
12:22et donc, là, ça nous permettrait d'avoir un avantage compétitif.
12:25On a les technologies, on a les cerveaux, on a les infrastructures,
12:27mais si derrière, on nous met un boulet au pied,
12:29parce qu'on nous demande un peu la quadrature du cercle,
12:31avant d'aller en clinique...
12:33Mais là, ce que j'entends, c'est que 4 ans plus tard,
12:35on en est quand même encore toujours à vouloir faire bouger ces lignes.
12:40Alors, je voulais aussi qu'on continue à voir
12:42pourquoi ça coince sur la fourniture de services d'hébergement cloud dans la santé.
12:47Pourquoi on se fait à chaque fois retoquer ?
12:51Il y a plusieurs sujets à ça.
12:53Le sujet de la santé est vaste.
12:56Moi, c'est un sujet qui me touche, puisqu'à titre personnel,
12:59j'ai eu la chance, il y a quelques années,
13:01de diriger la production d'un groupe hospitalier
13:04du point de vue informatique.
13:06Donc, je vois bien, en fait, par toutes les étapes dans lesquelles ils sont passés,
13:09il faut se souvenir que, au début des années 2000,
13:11la santé était surtout vue comme un centre de coûts,
13:14qu'il y avait trop de liberté qui était donnée aux médecins,
13:17et que, in fine, un petit peu d'administration dans tout ça
13:21permettrait d'y voir plus clair.
13:23La vérité, c'est que le sujet n'est pas là.
13:27Alors, sur les points...
13:30Pour revenir au S-Data Hub et au projet européen,
13:33où, finalement, Microsoft a été confortée
13:36dans sa position de fournisseur de cloud incontournable.
13:39Alors que vous avez spécifié que vous étiez à un niveau de conformité
13:44qui était très élevé.
13:45Vous auriez pu prétendre, à un moment, justement, à récupérer ce marché ?
13:48Alors, il y a deux aspects.
13:50Le premier aspect, c'est que le S-Data Hub s'est construit aussi
13:53pour partager de la donnée au niveau européen
13:55en répondant à des appels d'offres européens.
13:57Et donc, eux ont été très vite, et ont été très vite pour aller très vite.
14:00Ils ont utilisé les technologies américaines qui étaient disponibles
14:03et qui leur permettaient, à scale, de pouvoir délivrer
14:06la réponse qui était attendue à l'appel d'offres européens.
14:08Vous dites, à l'époque, qu'il n'y avait pas de solution ?
14:10Il est vrai que, quand le S-Data Hub s'est créé,
14:14les fournisseurs d'infrastructures, et notamment ce qui garantit
14:18aujourd'hui, au monde de la santé, le haut niveau de protection
14:22et de sécurité que l'on a, c'est principalement la qualification
14:26Sagnum Cloud.
14:27Et mes confrères et moi, à cet instant, n'avions pas l'équivalent
14:31des technologies nécessaires au S-Data Hub.
14:33Ce n'est pas ce que disait OVHcloud.
14:35À l'époque, ils ont été quand même pris par surprise par cette décision,
14:41finalement, en constatant qu'ils n'avaient pas été
14:43dans un appel d'offres.
14:45Il n'y a pas eu d'appel d'offres, de toute façon.
14:47Ils n'avaient pas été consultés.
14:48Je ne jette pas la pierre au S-Data Hub, parce qu'ils ont dû aller très vite.
14:51Mais aujourd'hui ?
14:52Aujourd'hui, mes confrères et moi, avec les travaux que nous avons menés
14:58avec l'Annecy et avec l'Adynium, nous avons un package de services
15:02qui répond aux besoins du S-Data Hub, en termes de stockage de données,
15:07en termes de cryptographie, en termes de capacité à scaler,
15:11c'est-à-dire à pouvoir rapidement délivrer la puissance de calcul nécessaire,
15:15en termes de capacité à fournir la puissance de calcul,
15:18notamment pour les intelligences artificielles.
15:20Ça, aujourd'hui, c'est acquis.
15:22Et c'est acquis avec un tiers de confiance.
15:24Alors, ça coince où ?
15:26Principalement, il y a un moment, il y a une décision à prendre.
15:31La décision à prendre, c'est de re-challenger les systèmes
15:36qui ont été mis en place.
15:37C'est aussi un budget.
15:38C'est du temps.
15:39Il faut aligner à la fois les décisions au niveau gouvernement ici,
15:44c'est-à-dire prendre la décision politique de « on shift »,
15:47aligner au niveau européen qui a besoin de partager ces données
15:51dans le respect notamment des appels d'offres qui ont été faits.
15:54Donc, comme disait Steve, il n'y a beaucoup pas de place.
15:57Et une décision politique, principalement.
16:00Alors, Steve nous dit, en fait, aujourd'hui, on a un boulet au pied,
16:03c'est toute cette partie réglementaire, administrative.
16:06Administrative, est-ce que vous pensez la même chose ?
16:09Parce que là, dans le domaine du cloud, en matière de réglementation,
16:13on est en train d'alourdir la charge.
16:16Non, je ne pense pas.
16:18Le CECNUM Cloud, je ne sais plus avec qui j'en avais parlé,
16:20il m'avait dit que c'était quand même deux ans minimum
16:23pour obtenir la conformité.
16:25Oui, tout à fait.
16:27Et un budget considérable.
16:29C'est important de l'expliciter pour nos auditeurs,
16:31le CECNUM Cloud est une qualification.
16:33Ça veut dire que l'Annecy s'engage sur le fait
16:36que les prestataires de services qui sont qualifiés
16:38répondent à un certain nombre de critères.
16:40S'engage annuellement, et donc vérifie annuellement.
16:43Donc, le premier rapport de CECNUM Cloud,
16:46qui est un nom qui ne parle pas forcément à nos auditeurs,
16:48c'est la confiance.
16:50Et là, dans le monde de la santé, on a besoin de cette confiance-là.
16:52Notamment, pourquoi est-ce qu'on a besoin de cette confiance-là ?
16:54Pour pouvoir accéder à la donnée médicale.
16:56Et accéder à la donnée médicale, ça veut dire principalement
16:59que les citoyens sont prêts à partager cette donnée médicale
17:02et que les États sont prêts à organiser ce partage.
17:05Donc, vous dites, ce n'est pas un problème aujourd'hui,
17:08cette réglementation très exigeante, au niveau français,
17:10qui n'est pas encore même reprise au niveau européen.
17:12Non, et je pense même que ça va devenir un standard de fait.
17:15Il n'y a qu'à voir les annonces des différents...
17:18Il y a eu à peu près une dizaine d'annonces sur le fait
17:21que l'écosystème souhaitait s'engager dans cette qualification-là.
17:25La géopolitique mondiale aidant, je pense que l'Europe
17:29prend conscience de cette nécessité.
17:31Et puis surtout, réellement, on fait plus de business
17:34chez Claude Temple avec le monde du privé
17:37que le monde du public sur cette qualification.
17:40Ce qui est un petit peu étonnant quand même.
17:42Pourquoi est-ce que des gens du monde du privé
17:44qui ne sont pas, eux, soumis à cette réglementation-là,
17:47investissent dedans ?
17:49A contrario, le public est un peu plus réticent.
17:53Pour une simple raison, c'est la notion de confiance.
17:56Quand vous expliquez à un industriel qui fait des produits laitiers
17:59ou qui produit de l'armement,
18:01que votre service est plus sécurisé qu'un autre,
18:03tout ça, c'est du débat d'experts.
18:05C'est compliqué d'appréhender ça quand votre métier,
18:07c'est la logistique et les camions remplis à 4h du matin
18:10pour pouvoir partir et livrer vos clients.
18:12En revanche, quand vous avez un tiers de confiance
18:14qui s'appelle l'Annecy, qui vous dit
18:16voilà l'intégralité des préconisations que j'ai données
18:19qui font référence aujourd'hui au niveau européen,
18:22ces prestataires-là y répondent,
18:24vous avez un tiers de confiance qui annuellement vérifie
18:27et donc vous avez toute la chaîne de décision côté client
18:30qui est rassurée en partant de la direction générale.
18:33Donc ça ne devrait pas bloquer au niveau des administrations
18:35et des offres de marché publique ?
18:38Normalement, ça ne devrait pas bloquer.
18:41Je pense qu'il y a une dimension politique, une volonté politique.
18:43C'est un petit peu ce qu'illustrait Steve sur la période des vaccins ARN.
18:47Il y a eu une décision politique très forte aux Etats-Unis,
18:50ça a été vite.
18:51Il faut qu'au niveau européen,
18:53il y ait une décision politique qui soit très forte.
18:55J'ai tendance à penser que le contexte y est favorable
18:57de manière à ce que cette impulsion soit donnée.
19:00Les outils que vous utilisez au quotidien,
19:03les outils numériques, les logiciels que vous utilisez,
19:06ils viennent d'où ?
19:08Beaucoup des Etats-Unis.
19:10Au niveau, par exemple, des databases,
19:12pour voir les articles, les brevets.
19:15Pour les brevets européens, on a une database européenne,
19:18mais c'est vrai qu'on utilise quand même beaucoup,
19:20comme PubMed, de centres d'information
19:23qui sont situés aux Etats-Unis.
19:25Les publications, les magazines sont beaucoup aussi américains,
19:29les magazines les plus prestigieux.
19:31On essaie de publier dans ces magazines américains
19:33qui peuvent aussi avoir un biais, parfois,
19:35sur ce qu'ils publient, ce qu'ils ne publient pas.
19:37Il y a assez peu, je crois, de magazines, disons,
19:40européens très prestigieux.
19:42Il y en a, mais ils sont un petit peu en dessous
19:44au niveau de leur impact, ce qu'on appelle le facteur d'impact.
19:47C'est vrai qu'au niveau des informations scientifiques,
19:50si demain, les Etats-Unis nous coupaient
19:53la possibilité d'avoir accès, disons, à leurs médias
19:57et à leurs centres d'information,
19:59on aurait un petit délai, je pense, pour pouvoir remplir le...
20:01Mais ce ne serait pas impossible.
20:03Ce ne serait pas du tout, rien ne serait possible.
20:05En revanche, en matière logicielle,
20:07je veux dire que si on rentre en profondeur
20:09dans les outils qui sont utilisés aujourd'hui
20:11dans les hôpitaux, dans la recherche...
20:13On est massivement européens.
20:15Nous, pour les analyses de séquences,
20:17pour les analyses de data,
20:19on utilise beaucoup quand même des outils développés
20:22même parfois en Finlande,
20:24dans les pays européens.
20:26Donc, on est forts.
20:28Et dans les hôpitaux français aussi.
20:30Oui, tout à fait. Vous prenez par exemple
20:32Software Medical, qui est une boîte française,
20:34Dédalus, notamment avec toute leur suite,
20:36DX Pharma, DX Lab,
20:38qui est maintenant une société italienne.
20:40Donc, dans le monde du software,
20:42et on a eu cette chance d'avoir,
20:44pour le coup, pour un coup que ça nous aide,
20:46une réglementation suffisamment contraignante
20:48pour faire que quand vous n'êtes pas
20:50un acteur français ou un acteur européen,
20:52le retour sur investissement
20:54n'est pas évident.
20:56Donc, du coup, on a une présence très forte
20:58sur le monde du software et même sur le monde
21:00du hardware en imagerie médicale.
21:02Vous avez Philips, qui est un Irlandais
21:04qui est extrêmement présent.
21:06Vous avez Siemens, qui est un Allemand aussi.
21:08Donc, on a tout ce qu'il faut
21:10pour pouvoir avoir cette souveraineté
21:12au moins sur les logiciels et les matériels.
21:14Donc, vous nous dites finalement
21:16en matière d'indépendance technologique
21:18dans la santé, il n'y a pas de gros sujets
21:20d'inquiétude, excepté sur les nouveaux
21:22défis autour
21:24de l'IA, de l'intelligence artificielle,
21:26de la gestion des données
21:28de santé.
21:30Vous êtes confiant là-dessus ?
21:32L'intelligence artificielle, elle a besoin de quoi
21:34pour pouvoir être performante ? Elle a besoin de données
21:36et d'entraînement. Le marché européen,
21:38de liberté.
21:40Sur la donnée en elle-même,
21:42le marché européen est quand même
21:44relativement important. On est bien outillé,
21:46c'est bien organisé.
21:48On a énormément de données.
21:50On a des données. Après,
21:52on retombe sur la volonté politique
21:54et le choix
21:56du politique de que voulons-nous
21:58pour la France et plus généralement
22:00en Europe ? Est-ce que
22:02on continue, et c'est un choix
22:04de société in fine, est-ce qu'on continue
22:06en fait à être
22:08suiveur sur le soft power américain
22:10ou est-ce qu'on décide qu'il y a un soft power européen
22:12et que maintenant,
22:14et c'est réellement une décision politique,
22:16une décision des peuples, et on décide
22:18d'investir fortement. C'est pas forcément
22:20des montants financiers importants.
22:22On estime aujourd'hui à peu près qu'il faudrait
22:24par établissement financier aller
22:26autour de 2 millions pour mettre
22:28à niveau l'IT sur les
22:30services essentiels au niveau
22:32des centres hospitaliers. Vous avez à peu près 3 000
22:34centres hospitaliers ou participants aux services
22:36hospitaliers et cliniques en France.
22:38On parle de quoi ? On parle de 10 milliards.
22:40Alors c'est vrai que pour nos auditeurs, on dirait, mais attendez, Monsieur Le Sur, 10 milliards...
22:42En ce moment, oui, c'est un peu tendu.
22:44Mais 10 milliards à l'échelle de tout ce qu'on dépense à côté, par exemple
22:46dans l'armement
22:48ou... Alors ça, chacun défend ses
22:50précarés, vous savez, Christophe. Oui, mais quelle société
22:52voulons-nous ?
22:54La question elle est là et c'est pour ça en fait qu'on revient
22:56un petit peu sur le coeur de l'échange que l'on a.
22:58Mais moi, ce que j'entends aussi, il y a la décision politique,
23:00l'investissement, il faut libérer
23:02les énergies et il faut aussi permettre
23:04d'avancer plus vite sur les travaux
23:06de recherche en matière de santé
23:08parce que les Américains, là, ils sont au taquet.
23:10Et je pense notamment au Big Tech également
23:12qui attendent de récupérer tous ces
23:14trésors de données de santé. Et vous voyez, vraiment,
23:16moi, j'ai cofondé CureVac en 2000.
23:18Donc CureVac était la première compagnie au monde
23:20qui fait des vaccins à ARN. En 2000, on était pionniers.
23:22BioNTech, c'est 2008.
23:24Moderna, c'est 2010. Donc les Américains étaient
23:26derniers dans la course et finalement,
23:28deviennent les premiers parce que, voilà, ils ont
23:30effectivement des gros investissements, de l'aide,
23:32de la rapidité et de la liberté.
23:34Mais ici, quand même, il faut dire qu'on a
23:36vraiment des gens très motivés et très forts.
23:38Maintenant, il faut aussi prendre
23:40dans l'image la Chine.
23:42Dans mon domaine, les vaccins à ARN, etc.,
23:44la Chine, Singapour, la Corée du Sud
23:46sont des nouveaux
23:48venus dans ces technologies très forts.
23:50Ils viennent en force. Et donc maintenant, on a aussi
23:52à l'Est, beaucoup
23:54de technologies, de nouveautés, d'intelligence,
23:56de nouveaux outils
23:58et de nouveaux traitements qui arrivent.
24:00Merci beaucoup. C'est terminé. Merci à Steve
24:02Pascalot d'avoir été avec nous.
24:04Professeur, docteur à l'hôpital universitaire de
24:06Zurich et Christophe Le Sur, directeur général de
24:08Claude Temple. Merci beaucoup.
24:15On termine cette édition avec David Lacomblede.
24:17Bonjour David. Bonjour Delphine. Président
24:19de la Villa Numeris. Alors, vous rentrez d'Inde.
24:21Super. Oui.
24:23Vous avez effectué un voyage d'études
24:25au cœur de cet écosystème numérique
24:27à Bangalore. Vous en revenez
24:29enthousiaste, à ce que je comprends,
24:31de la reconfiguration du monde. Selon vous, l'Inde
24:33s'impose comme une évidence. L'Inde,
24:35c'est un continent en soi.
24:371,5 milliard d'habitants, c'est 3 fois
24:39l'Europe. Autant vous dire que
24:41le dynamisme et la jeunesse sont
24:43présents à chaque coin de rue
24:45et plus qu'une promesse,
24:47c'est une réalité en devenir
24:49accélérée à un moment où le monde
24:51se fracture. On voit bien
24:53que l'océan qui sépare l'Europe
24:55des Etats-Unis s'agrandit
24:57avec des séismes
24:59commerciaux à la clé.
25:01L'Inde peut représenter un point d'ancrage
25:03avec son dynamisme
25:05et une position stratégique particulièrement
25:07intéressante. Et une jeunesse,
25:09je vous le disais, un Indien
25:11sur deux a moins de 25 ans.
25:13Ça assure de la vitalité,
25:15de l'innovation et de la
25:17transformation sociale, bien sûr.
25:19Et plus qu'une imitation,
25:21c'est véritablement aujourd'hui
25:23une invention qui est
25:25mise en œuvre. Et miser sur l'Inde,
25:27et investir, me semble-t-il,
25:29sur le futur. Et ne pas
25:31laisser seuls demain Palo Alto
25:33et Shenzhen décider du
25:35devenir numérique de notre planète.
25:37Mais miser aussi sur Paris,
25:39New Delhi et Bangalore.
25:41Mais est-ce que l'Inde peut aider
25:43l'Europe à gagner, recouvrer
25:45son autonomie stratégique ?
25:47L'autonomie, ça ne se décrète pas.
25:49Ça se construit.
25:51On a besoin de relais en matière
25:53d'intelligence artificielle, de cybersécurité,
25:55de quantique.
25:57Et l'Inde peut offrir effectivement
25:59un partenaire agile,
26:01puissant et fiable,
26:03qui est en train de construire un vaste plan
26:05digital indien sur
26:07plus de 15 ans, j'allais dire
26:09à l'indienne,
26:11en consolidant ses infrastructures,
26:13en permettant à ses citoyens d'accéder
26:15aux services numériques, pour
26:17construire une société de l'innovation.
26:19Ça en fait un terrain de coopération particulièrement
26:21fertile, avec des intérêts
26:23qui sont alignés, et au-delà
26:25de la technologie, une confiance qui est déjà installée,
26:27qui s'est forgée au cours
26:29de dizaines d'années de coopération,
26:31de partenariats forts et fructueux,
26:33je pense notamment
26:35en matière de défense
26:37et d'armement, et
26:39également d'énergie.
26:41L'énergie qui sera un enjeu majeur
26:43dans le développement des technologies de l'intelligence artificielle
26:45dans les années qui viennent.
26:47Et donc effectivement, ça peut nous permettre de reprendre
26:49pied sur l'échiquier mondial.
26:51Après, il y a des différences fortes
26:53culturelles. Est-ce qu'il n'y a pas un risque d'incompréhension
26:55entre ces deux mondes qui sont si différents ?
26:57Très clairement. L'Inde est
26:59particulièrement complexe, mais j'aime mieux vous dire
27:01qu'elle est aussi complexe aux yeux d'Européens
27:03que l'Europe l'est
27:05aux yeux des Indiens,
27:07dans son administration
27:09et dans son organisation.
27:11Faisons de ces difficultés une opportunité,
27:13loin des idées reçues, parce que
27:15l'Inde pense, crée et aspire
27:17à une reconnaissance globale.
27:19Et comme en Europe,
27:21il y a beaucoup de langues, effectivement.
27:23C'est très administré, mais on connaît.
27:25Et l'anglais
27:27qu'il pratique est un peu rugueux,
27:29mais assez compatible, finalement,
27:31avec un anglais précaire
27:33qui peut être celui de beaucoup de Français.
27:35Et finalement, au final, ça fait beaucoup de personnes
27:37qui arrivent à se comprendre et à passer
27:39les barrières. Je vous renverrai vers un livre
27:41fameux qui est Chantaram,
27:43grand récit indien
27:45de Grégory David Roberts, qui définit
27:47les Indiens comme des Italiens de l'Asie.
27:49Après tout, ça fait une raison supplémentaire
27:51de les apprécier.
27:53Quel rôle concret pourraient jouer les entreprises
27:55françaises dans cette alliance ?
27:57Le premier. L'esprit français, c'est d'être
27:59pionnier. Et donc,
28:01Mangalore n'a rien à envier
28:03à la Silicon Valley.
28:05On peut en faire une capitale mondiale de l'innovation,
28:07un carrefour d'échanges, un vivier
28:09de talents. La France est un des
28:11rares pays occidentaux à y avoir
28:13une représentation consulaire,
28:15donc il est à nous d'amplifier, d'accélérer
28:17et de structurer notre partenariat.
28:19Avec en plus la perspective du match
28:21retour du sommet de l'IA qui se tiendra
28:23en Inde en 2026.
28:25Merci beaucoup. Je rappelle que
28:27vous êtes le président de la Villa Numéris.
28:29Merci à tous d'avoir suivi Smartech.
28:31On se retrouve très vite sur BeSmart for Change.