• il y a 6 ans
Jeudi 15 mars 2018 - 18h30

L’Europe, mais aussi au-delà, voit chaque jour davantage éclore de nouveaux projets de reconstruction "à l'identique" de monuments disparus.
Venue de l'Est, cette vague atteint aujourd'hui le cœur même de notre culture, comme une sorte de carmagnole menaçante aux grilles des fleurons insignes du patrimoine national : portée en effet par une demande locale et promue par des pouvoirs décentralisés, elle est le plus souvent soutenue par un mécénat d'entreprise ou participatif. Elle prend ce faisant à revers le bastionnement théorique et l’arsenal doctrinal de garants institutionnels et défenseurs scientifiques d'un patrimoine qui croyaient pouvoir pourtant tenir fermement la place.

De telles pratiques ont pourtant toujours existé. Elles étaient parfois simplement tolérées, notamment comme réponse aux émotions identitaires et patrimoniales consécutives aux conflits destructeurs et cataclysmes du siècle dernier.

Mais quel sens peuvent-elles bien avoir 10, 50, jusqu’à 100 ans plus tard? Qui peut encore penser qu'il pourrait exister une péremption de la mémoire? Que le temps délégitimerait cette demande sociale, alors que des exemples majeurs de reconstruction comme Dresde et Berlin, inconcevables il y a 30 ans, nous démontrent exactement le contraire? Comment ne pas voir enfin que de tels projets peuvent concerner des œuvres autrefois disparues du seul fait de la perte d'usage et d'entretien, de l'impéritie ou de l'évolution du goût? Peut-on restituer ces œuvres, comme à Versailles où Saint-Denis ? ‎

A l'heure des Lascaux 1,2,3,4, ou des projets pour Palmyre, le monument est-il une relique ou une réplique? Faut-il dénoncer la réalisation d’opérations décadentes, l’émergence de nouvelles "contre-cultures"?

Là comme sur d’autres territoires, la révolution numérique, l'image 3D et la pratique du copier/coller, ont certainement quelque chose à nous dire de notre société et de son avenir dans un monde en pleine mutation.

Avec :

Julien Bastoen, historien de l'art
Frédéric Didier, architecte en chef des Monuments historiques

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