• il y a 4 ans
Le pianiste Tanguy de Williencourt joue la Sonate pour piano n°26 en mi bémol majeur op. 81a "Les Adieux", composée par Beethoven en 1809-1810.

Beethoven compose cette partition au moment où l’archiduc Rodolphe (fils de l’empereur d’Autriche Leopold II), son mécène et élève, quitte Vienne pour échapper aux armées napoléoniennes. Il souhaitait l’intituler « Lebewohl ». Mais l’éditeur Clementi préféra sous-titrer « Les Adieux » (en français) sa seule sonate fondée sur une source d’inspiration extra-musicale avouée. Le compositeur explique la nuance dans une lettre de 1811 : « Lebewohl est tout autre chose que les adieux ; on ne dit le premier qu’à une seule personne, et de cœur seulement. » D’ailleurs, il avait noté sur ses esquisses : « L’adieu – Vienne, le 4 mai 1809 – dédié et venu du cœur, pour S. A. I. [Son Altesse Impériale]. » En réalité, le titre des mouvements décrit moins la vie de l’archiduc que les sentiments de Beethoven face à ces événements. Signe de cet investissement émotionnel, il utilise la langue allemande pour nommer les mouvements et indiquer l’expression. Au début de L’Absence, il note : « In gehender Bewegung, doch mit viel Ausdruck » (« Dans un mouvement allant, mais avec beaucoup d’expression »).

Le programme ne remet pas en cause les principes formels habituels, même s’il suscite peut-être une recherche accrue d’unité organique. L’introduction lente du premier mouvement, en ut mineur, commence avec un « appel de cor » de trois accords, sous lesquels sont inscrites les syllabes « Le-be-wohl ». Or, depuis la fin du XVIIIe siècle, le cor était un instrument associé à l’éloignement d’un être cher. Si l’Allegro ne laisse pas transparaître d’affliction, ses éléments thématiques dérivent toutefois de cette cellule fondatrice. Vers la fin du mouvement, l’appel de cor revient de façon claire et envahit le discours. En ut mineur, comme l’Adagio introductif, le bref Andante espressivo multiplie les tensions harmoniques, les dessins mélodiques plaintifs, la sensation d’indécision. Ses dernières mesures, tout en suspension, conduisent au dernier mouvement, enchaîné sans interruption.

La joie débordante du retour se traduit en premier lieu par le tempo très rapide. L’unique utilisation de l’indication Vivacissimamente chez Beethoven s’accompagne de surcroît de la mention « Im lebhaftesten Zeitmaße » (« Dans le tempo le plus animé »). Soucieux toutefois d’équilibrer les effets, Beethoven écrit une grande partie de ce finale dans une nuance inférieure à forte (en particulier dans le développement). Peu avant la fin, il intercale un épisode Andante (tempo du mouvement médian), puis conclut avec une salve éclatante.

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