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Anne Fulda reçoit Virginie Mouzat pour son livre «Le dernier mot» dans #HDLivres

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Transcription
00:00 Bienvenue à l'heure des livres, Virginie Moussa.
00:02 Alors, vous êtes journaliste, vous avez déjà écrit plusieurs romans
00:05 et vous venez de publier "Le dernier mot" chez Flammarion.
00:08 Alors, un livre qui est censé être un roman,
00:12 mais qui semble tout de même assez inspiré de votre propre expérience.
00:18 Ce dernier mot,
00:19 ce n'est pas celui que vous adressez à votre mère,
00:22 comme vous pourriez le croire,
00:24 c'est plutôt celui qu'elle laisse, finalement,
00:27 en décidant elle-même de mettre un terme à ses jours.
00:31 C'est bien ça ?
00:33 En fait, c'est un dernier mot
00:38 qui, une fois qu'on le découvre à la fin du livre,
00:42 déclenche une relecture de toute l'histoire.
00:45 En effet.
00:46 Oui, et puis, parce qu'il y a deux entrées, si je puis me permettre.
00:49 Il y a aussi cette... Parce que vous décrivez votre mère,
00:52 avec qui vous avez eu des relations très espacées
00:56 depuis des années,
00:58 et puis d'abord tumultueuses,
01:00 comme quelqu'un qui s'est un peu effacé de sa propre vie
01:04 et qui, finalement, décide de se suicider.
01:06 Et ce qui est assez étonnant,
01:07 c'est que, finalement, vous la félicitez presque de ce geste.
01:12 Alors, au lieu de dire...
01:14 Je préfère l'appeler "cette femme".
01:16 Cette femme, parce que, dans la distance,
01:19 elle devient de plus en plus fictive.
01:22 Et donc, ce personnage disparaît
01:24 même avant sa propre disparition physique.
01:27 Donc, sa disparition est à l'œuvre depuis très tôt,
01:30 sous le nez des vivants, sous le nez de ceux qui l'entourent.
01:35 Et...
01:38 En général, on regarde ça comme un acte de défaite,
01:42 comme une démission, comme une désertion, même.
01:47 Moi, je préfère... C'est une théorie romanesque.
01:52 Lui accorder du panache.
01:54 Et élever ça à un certain héroïsme.
01:58 -Hm. Alors,
02:00 vous tenez à ce qu'on n'interprète pas ce livre
02:02 comme un ennielme livre sur les relations mère-fille.
02:05 Néanmoins, en filigrane, il y a les relations
02:07 que vous avez entretenues avec cette mère.
02:09 Et vous parlez de votre départ assez jeune,
02:13 après une altercation avec elle.
02:15 Et, finalement, cette mésentente,
02:18 ou cette difficulté de dialogue,
02:20 elle est là dès la naissance,
02:23 puisque vous parlez d'une jumelle surnuméraire,
02:26 celle qui ne devait pas être là.
02:28 -Oui. Cette femme est enceinte
02:31 et pense qu'elle attend un enfant.
02:35 Et on est dans les balbutiements de l'échographie.
02:40 Donc, elle découvre à la naissance qu'en fait, il y en a deux.
02:44 Et pour cette femme, dont l'expérience de la maternité
02:48 est souvent associée à des drames, à des difficultés,
02:54 l'apparition d'une jumelle qu'elle ne considérait pas
02:59 la perturbe.
03:00 Et je pense que pour cette femme qui est déjà très fragile,
03:05 c'est un problème.
03:07 -Vous écrivez "Devoir m'en sortir est devenu mon urgence.
03:10 Vouloir y rester a été ta posture.
03:12 Vous fuyez le domicile familial assez vite."
03:15 Elle reste dans cette demeure bourgeoise,
03:18 dans les Yvelines,
03:19 et elle organise peu à peu son effacement.
03:23 Vous parlez de son mari,
03:25 qui est solaire, joyeux,
03:29 qui a une vie à côté,
03:31 et d'elle qui sombre dans la dépression.
03:34 C'est ça ? -Oui.
03:35 -Et qui a même nié son identité.
03:37 Son mari a décidé qu'elle se prénommerait différemment
03:41 que son prénom de naissance. -C'est ça.
03:43 Ce mari solaire, enchanteur, joyeux,
03:46 qui fait des blagues, qui est léger,
03:49 alors qu'il traverse les mêmes événements.
03:52 La rebaptise, dès les premiers instants de leur histoire,
03:56 c'est ce que j'imagine,
03:58 d'un autre prénom que celui qui lui a été donné à sa naissance.
04:02 Donc, elle l'accepte.
04:05 Elle l'accepte sans problème,
04:07 puisque tout l'entourage se met à l'appeler de ce nouveau prénom.
04:11 Donc, il y a déjà une démission qui commence à cet instant-là,
04:15 une démission de sa part,
04:17 qui fait qu'elle révoque le prénom
04:20 qui lui a été donné à sa naissance.
04:22 Donc, elle révoque également ce placement
04:25 qui a été voulu par ses propres parents.
04:28 Ca va très, très loin.
04:29 Être à côté de soi-même, c'est ça, littéralement.
04:33 On est escorté du nombre,
04:35 l'ombre de celle qu'on débaptise.
04:38 C'est assez puissant comme dispositif.
04:41 Et elle y va...
04:43 Et elle y va...
04:45 probablement dans l'inconscience de tout ça.
04:49 -Vous terminez par un message que vous écoutez
04:53 et grâce auquel vous comprenez que cette femme,
04:57 votre mère, vous aimait, finalement.
04:59 Est-ce que, finalement,
05:02 ce que vous disiez au début,
05:03 ça permet une relecture de toute la vie que vous avez eue avec elle ?
05:07 Peut-être y a eu un grand malentendu entre vous ?
05:10 -Les malentendus, c'est sûr.
05:11 Je crois que c'est le lot commun des relations parentales,
05:15 parent-enfant, à tous les niveaux.
05:18 Mais en ce qui la concerne, en effet,
05:22 elle est tellement habitée par une rage et par une colère,
05:27 par ce dédoublement,
05:28 qu'elle n'entend pas ce qui se passe autour d'elle.
05:33 Elle...
05:36 Elle ne voit pas les signaux.
05:38 Et donc, en effet,
05:40 sa fille, qui est adolescente
05:44 et qui a une adolescence compliquée,
05:46 ne peut pas entendre non plus cette mère,
05:49 qui est elle-même compliquée et déplacée.
05:52 Donc, c'est deux blocs d'incompréhension
05:55 qui se heurtent l'un à l'autre, tout simplement.
05:57 -En tout cas, c'est un très beau livre,
06:00 écrit d'une très belle plume, qui se lit d'un trait.
06:03 "Le Dernier mot", paru chez Flammarion.
06:05 Merci, Virginie Roussiane. -Merci.
06:09 (Générique)
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