Lil Skuna, atteint d’une polymyosite : "Ma force mentale est tellement puissante que me force physique, je m’en fiche"

  • l’année dernière
Changer le regard sur le handicap et transmettre un message fort en faveur de l’inclusion, c’est l’ambition de "Différent.e.s", notre nouveau format. Pour l’incarner, qui mieux que Salim Ejnaïni : cavalier de Jumping, sportif, conférencier, entrepreneur… et non-voyant ? Comment vit-on avec une "différence", comment apprend-on à s'accepter soi et à accepter le regard de l'autre ? Parcours cabossés, destins contrariés et incroyables leçons de vie : Salim Ejnaïni recueille les témoignages de nos invités extra-ordinaires. Des histoires fortes et inspirantes autour de la résilience et du vivre-ensemble…Atteint d’une polymyosite, une maladie qui affecte les muscles, Lil Skuna s’est fait un nom sur les réseaux sociaux, notamment sur TikTok et Instagram où il poste régulièrement des vidéos de son quotidien. Pour Yahoo, le jeune homme de 22 ans a accepté de raconter son histoire, expliquant notamment la manière dont il est parvenu à se détacher du regard des autres. Il s’est également confié sur ses difficultés, ses victoires et sur le soutien qu’il bénéficie depuis toujours.Les myopathies inflammatoires ou myosites, dont est atteint l'influenceur, sont des maladies du muscle liées à la production d’anticorps anormaux et touchent 1 personne sur 7 000. En France, 3 000 adultes et 5 000 enfants en seraient victimes.

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Transcript
00:00 En fait, ça s'est traduit déjà par ma minceur.
00:02 Déjà, je ne grandissais pas aussi.
00:05 J'étais petit de taille.
00:06 Mes muscles ne se développaient pas.
00:09 Bonjour à toutes et tous, bienvenue dans "Différents".
00:15 Aujourd'hui, on reçoit quelqu'un que vous connaissez peut-être,
00:18 puisque vous l'avez peut-être déjà vu sur les réseaux sociaux.
00:20 D'ailleurs, il va nous dire comment est-ce que je dois t'appeler, tiens.
00:22 Moi, appelle-moi Sukuna.
00:24 Ce n'est pas mon vrai prénom.
00:26 C'est un nom comme ça que je me suis donné.
00:28 C'était en fait un producteur de musique qui s'appelle Sukuna Boy
00:32 qui produisait un artiste, je crois, qui s'appelle Yufji.
00:35 Et en fait, j'aime beaucoup ses musiques.
00:37 Et dans ses sons, il disait "Sukuna Boy".
00:40 Et moi, je répétais tout le temps ça.
00:41 Et vu que j'aime bien un peu le style américain,
00:44 tout ce qui est Lil, Lil Wayne, tout ça,
00:46 j'ai mis Lil et après, j'ai rajouté Sukuna.
00:49 Qu'est-ce que tu peux nous dire sur ta particularité ?
00:51 Ma particularité, pour commencer, je suis drôle.
00:54 Je suis quelqu'un de drôle.
00:55 Non, blague à part.
00:57 J'ai une maladie musculaire depuis la naissance.
00:59 C'est une myopathie qu'on a détectée à l'âge de trois ans.
01:04 C'est une maladie qu'on appelle la polymyosite.
01:06 Beaucoup de personnes vont chercher sur Internet.
01:10 Ce n'est pas du tout ce que vous allez trouver.
01:13 Ce n'est pas du tout ce qu'ils me représentent, en gros.
01:16 Et si c'est les médecins qui m'ont dit ça,
01:18 moi, je l'appelle comme ça. C'est la polymyosite.
01:20 D'accord.
01:21 Donc, c'est le diagnostic qui a été posé.
01:24 Ce n'est peut-être pas celui-là, mais en tout cas,
01:26 tu fais partie des gens qui ont ce qu'on appelle une maladie rare.
01:29 Voilà, exactement.
01:30 OK. Donc, avec les événements qui vont autour de ça,
01:34 je crois que tu es passé sur le téléton il n'y a pas très longtemps.
01:36 Oui, il n'y a pas très longtemps.
01:37 Au début, mon handicap, c'était, je ne dirais pas un tabou,
01:42 mais je le montrais rarement.
01:43 Et en fait, en 2020, avec la plateforme TikTok,
01:47 qui a explosé pendant le confinement,
01:50 je me suis lancé aussi dessus.
01:52 Et en fait, c'est une vidéo toute simple
01:55 qui a fait que ça a pris de l'ampleur.
01:59 C'est que j'ai répondu à une question où quelqu'un me demandait
02:01 "Pourquoi je suis un fauteuil roulant ?"
02:02 Et la manière dont j'ai répondu avec de la aisance, sans tabou,
02:07 limite j'étais content d'avoir mon handicap.
02:09 La question tant attendue est enfin arrivée !
02:13 Eh ben, les gens, ils étaient surpris.
02:15 Et en une journée, j'ai fait 700 000 vues.
02:18 J'ai fait "Oh !"
02:19 Et c'était la première fois que je voyais autant de vues sur une vidéo,
02:23 du moins, en tout cas la mienne.
02:25 Et je me suis dit "Ah ouais, je pense qu'il y a quelque chose à faire.
02:28 Donc pourquoi pas parler de mon handicap ?"
02:30 Et déjà, voilà.
02:31 -Et à ce moment-là, tu as décidé de montrer
02:34 que tu étais vraiment "pleinement",
02:36 t'as eu l'impression d'avouer quelque chose à tout le monde ?
02:39 -En fait, ce qui s'est passé, c'est que j'ai vu qu'il y avait beaucoup de gens
02:42 qui commentaient.
02:43 "Tu donnes de la force."
02:44 Il y a même des parents qui disaient "Même mon fils, du coup, il te regarde."
02:49 "Lui aussi, il a un handicap."
02:51 "Il aime beaucoup ce que tu fais."
02:54 Et là, je me suis dit "Oh !"
02:55 C'est-à-dire qu'il y a des gens,
02:56 ça leur fait plaisir de voir une personne comme moi être épanouie.
03:01 OK, je vais être épanoui tout le temps, montrer mon vrai quotidien.
03:05 Et je sais que ça va donner la force à certains.
03:08 Et la force qu'ils ont, ça me le donne aussi.
03:11 Du coup, je continue.
03:11 -Ça a été facile pour toi de dire "Allez, je montre tout." ?
03:15 -Avant, j'avais pas autant cette facilité à me montrer,
03:19 parce que je sais que dans le monde de l'handicap, des fois, c'est dur.
03:24 Des fois, c'est dur aussi de s'accepter.
03:26 Après, moi, j'ai eu un bon entourage, ma famille était bien autour de moi.
03:30 J'avais des bons amis qui m'aidaient à m'épanouir un peu plus.
03:34 Les réseaux, j'avoue qu'ils m'ont montré que je peux faire plus de choses encore.
03:39 -"Plus de choses".
03:40 Qu'est-ce que tu entends par là ?
03:42 -Découvrir le monde.
03:43 C'est vrai qu'avant, les transports, c'était une hantise.
03:47 Je voulais pas du tout prendre les transports.
03:49 Trop de galères avec les bus, les rames qui sortent pas,
03:53 des gens un peu aigris sur le fait que...
03:55 "Oh, tu mets le bus en retard."
03:57 Des établissements pas adaptés,
03:59 où j'arrive devant une banque,
04:02 il y a pas de rampe, il y a que des escaliers.
04:06 C'est plein de petits trucs qui font que dans le quotidien, c'était compliqué.
04:09 Et avec les réseaux, j'ai pu être accompagné de certaines personnes
04:12 qui m'ont montré un peu le quotidien d'une personne handicapée,
04:18 surtout en fauteuil, et les bienfaits que ça, des fois.
04:22 Et surtout, d'en parler, ça fait changer les choses.
04:24 C'est mieux de passer par l'humour, je trouve,
04:25 parce que au moins, ça dédramatise la chose.
04:27 -Alors, pour revenir un peu sur ton histoire,
04:30 tu nous as donné le nom qui a été posé, entre guillemets, sur ta maladie,
04:34 la polymiosite.
04:35 C'est peut-être pas forcément cette maladie-là,
04:37 en tout cas, c'est une myopathie, donc une maladie qui atteint les muscles.
04:40 Comment ça s'est traduit au début, le diagnostic ?
04:42 Tu m'as dit qu'il a été posé à 3 ans.
04:44 Parle-nous un peu de comment ça s'est passé à tes 3 ans.
04:47 -En fait, ça s'est traduit déjà par ma minceur.
04:50 Déjà, je grandissais pas, aussi, j'étais petit de taille,
04:54 mes muscles se développaient pas.
04:57 Ce qu'il y a, en fait, c'est que mes jambes,
04:58 c'est que j'avais du mal à les tendre au maximum.
05:02 Et de base, c'était une seule jambe, c'était la jambe droite,
05:07 et au fur et à mesure du temps, la jambe gauche aussi.
05:10 Et après les jambes, il y a eu les bras,
05:14 parce que du coup, maintenant, les bras, je les tends plus au maximum,
05:17 donc la force de mes bras, c'est compliqué.
05:19 Depuis peu, maintenant, c'est mes mains.
05:21 C'est qu'avant, je pouvais tendre la main, tendre les doigts,
05:24 faire un coucou, genre normal.
05:27 Sauf que maintenant, tendre mes doigts, c'est un peu compliqué.
05:30 Après, il y avait le cou.
05:32 Le cou, c'est que...
05:34 Tendre la tête de gauche à droite,
05:36 c'est le maximum que je puisse faire, là.
05:40 Avant, j'avais l'inverse d'une scoliose.
05:43 C'est au lieu d'avoir le S comme ça dans le dos,
05:46 en fait, moi, j'avais le dos hyper cambré.
05:50 Et du coup, on m'a mis un corset, j'ai eu ça, genre...
05:53 -Très tôt. -Ouais, très petit.
05:55 Il faut savoir que pendant toute la grossesse de ma mère,
05:58 que ce soit écographie ou même prise de sang,
06:01 personne n'a détecté que j'avais une maladie.
06:03 Et en fait, ce qui s'est passé, c'est que j'avais ma grande sœur,
06:07 qui faisait des études d'infirmière,
06:09 et en fait, quand j'étais petit,
06:11 j'avais une tête un peu trop grosse par rapport à mon corps.
06:13 Et du coup, ce qui fait que quand je courais et que je voulais m'arrêter,
06:17 ma tête a tombé, a touché directement le sol.
06:20 Et du coup, elle a signalé ce problème-là à mes parents.
06:23 Elle a un peu forcé mes parents à aller voir un médecin,
06:26 et c'est là qu'on a diagnostiqué ma maladie.
06:29 Au début, je marchais.
06:31 Je suis né de façon "classique".
06:34 Au fur et à mesure de mon enfance, la marche, elle partait.
06:39 J'ai commencé par boiter d'une jambe,
06:41 ensuite, via des opérations aussi,
06:43 parce que je me suis fait opérer très jeune, à trois ans et cinq ans, je crois.
06:48 Non, pas trois ans, quatre ans.
06:49 Quatre ans, six ans.
06:50 Et en gros, ce qui s'est passé, c'est que j'ai eu un petit souci au niveau du pied,
06:54 parce que du coup, j'ai galéré un peu à marcher avec une jambe.
06:57 Et du coup, je marchais un peu sur le côté,
06:59 et du coup, ça a accentué encore la difficulté de la marche.
07:03 Du coup, on m'a donné un fauteuil pour me reposer de base.
07:06 Et en fait, donner un fauteuil à un enfant qui a six, sept ans,
07:10 dans sa tête, c'est comme s'il avait une voiture.
07:12 Tous ses copains, ils veulent s'amuser avec,
07:14 du coup, moi, je suis resté dans mon fauteuil tout le temps.
07:16 Et en fait, à force de rester assis, la marche, elle est complètement partie.
07:21 Après, je suis rentré dans un centre, l'APF,
07:23 l'Association des Paralysés de France, qui m'ont aidé.
07:26 J'avais des éducateurs, des psychologues, des ergothérapeutes,
07:30 tout ce qui va avec,
07:32 qui aidaient aussi mes parents dans tout ce qui est papier,
07:35 tout ce qui est médecin et tout.
07:36 Moi, après, au niveau scolaire, tout se passait bien.
07:38 Ils m'avaient même aidé au niveau scolaire,
07:40 ils m'ont envoyé dans des établissements adaptés.
07:42 Et tout allait bien.
07:43 Du coup, à l'âge de 16 ans, j'avais un peu arrêté le centre.
07:46 Et en vrai, j'ai pas eu vraiment de complications
07:50 pour mon suivi au niveau social, je dirais.
07:52 C'est plus au niveau médical, c'était un peu compliqué.
07:55 J'ai fait des centres de rééducation.
07:58 Ça a duré quelques temps,
08:00 mais du coup, mon corps n'était pas en accord avec mon cerveau,
08:04 puisque du coup, j'avais des attelles, je les mettais,
08:07 mais du coup, je les enlevais, mais je m'en rendais pas compte en pleine nuit.
08:10 Et du coup, on m'a proposé une opération en 2016.
08:14 Et jusqu'à aujourd'hui, devant toi, j'attends toujours qu'on me rappelle.
08:20 Du coup, mon dossier médical, je sais pas où il est passé.
08:24 J'étais dans une optique où je m'en fichais de mon handicap,
08:27 je voulais plus aller à l'hôpital, tout ça,
08:28 donc je me préoccupais plus de tout ce qui est dossier médical, médecin.
08:32 Donc j'avais complètement fait abstraction de tout ça.
08:36 Récemment, depuis genre deux ans,
08:39 j'essaye maintenant de rechercher à peu près tout ce que j'ai pu faire,
08:43 parce que je sens que c'est un peu quand même un besoin
08:47 de prendre soin de moi.
08:49 Donc voilà.
08:51 -Comment est-ce que tu dirais que tu as vécu le regard des autres
08:54 sur ta différence ?
08:55 -En 2008, je crois,
08:57 je suis parti habiter en Guadeloupe avec mes parents.
08:59 Ici, en France, je marchais.
09:02 Quand je suis allé en Guadeloupe, je suis parti avec un fauteuil,
09:06 et quand je suis revenu, parce que je suis resté qu'un an là-bas,
09:10 tout le monde m'a vu dans un fauteuil.
09:11 Et là, ils ont pas compris, donc leur regard avait un peu changé.
09:14 Mais vu que c'était des enfants, en vrai, c'était pas trop dérangeant,
09:19 c'était plus...
09:20 Autre part qu'à l'école, c'est dans la rue, les gens qui me regardaient,
09:24 je comprenais pas pourquoi,
09:26 mais c'est vite parti, j'ai vite fait abstraction du regard des gens.
09:31 Quand quelqu'un me regardait, je lui disais "Ouais, je sais que je suis beau."
09:34 Vous avez jamais vu quelqu'un de beau comme moi.
09:37 Ou sinon, quand c'est un petit qui me regarde, je lui dis
09:40 "T'as vu les roues du bolide ou pas ? T'aimes bien."
09:43 Et du coup, je ramène tout au côté humour.
09:45 J'ai appris avec les adultes,
09:46 parce que les adultes, des fois, c'est compliqué de leur expliquer.
09:50 Et il y en a, ils ont vraiment le regard insistant.
09:53 Du coup, moi, ça me fait rire, je les regarde aussi.
09:56 Donc voilà.
09:57 -La différence, c'est plus facile de l'expliquer aux enfants ou aux adultes ?
10:00 -C'est plus facile de l'expliquer aux enfants,
10:02 mais c'est plus facile de le faire comprendre aux adultes.
10:05 Parce que je peux utiliser des termes un peu plus techniques avec eux,
10:09 expliquer exactement, un peu, raconter ma vie,
10:12 tandis que si c'est un enfant, que je lui raconte ma vie ou pas,
10:16 il s'en fiche un peu.
10:17 Lui, il veut comprendre ce qu'il voit, pas comprendre ce que j'ai.
10:21 Et du coup, moi, je lui explique que j'ai une maladie
10:25 qui m'empêche de marcher, et je suis dans un fauteuil.
10:28 Mais je suis tout comme toi, c'est juste que moi, je roule.
10:30 Toi, tu cours, moi, je roule.
10:32 C'est vrai que par rapport à ma couleur de peau,
10:36 j'ai eu un peu de complications.
10:38 Et en plus de mon handicap.
10:40 Je sais qu'il y a une chauffeuse de bus qui m'a déjà refusé le bus,
10:46 parce que soi-disant, pour elle, j'étais pas accompagné,
10:49 alors que je sais qu'il y a plein d'autres personnes dans ma ville
10:52 qui sont en fauteuil.
10:54 Après, je dis pas, c'est par rapport à ma couleur de peau.
10:56 Et moi, je l'ai senti comme ça,
10:57 parce qu'il y a d'autres jeunes qui sont pas de ma couleur de peau,
11:01 et eux, ils prennent le bus normal.
11:03 Et je les ai déjà vus, et la chauffeuse les a déjà acceptés.
11:06 Et moi, ce jour-là, j'étais en mode "Mais pourquoi elle m'accepte pas moi ?"
11:09 Alors que j'ai un fauteuil électrique,
11:11 c'est pas comme si j'avais besoin qu'on me pousse.
11:13 Donc j'ai pas compris.
11:14 Je suis quelqu'un de très calme de base, donc en fait, je dis rien.
11:17 Moi, je suis quelqu'un, j'aime pas les problèmes de base.
11:19 Donc quand il y a un problème, soit je le garde pour moi,
11:22 soit je l'explique,
11:23 et mon entourage m'accompagne pour aller "me plaindre".
11:27 Du moins avant, puisque maintenant, dès que j'ai un problème, je fais une vidéo.
11:30 Je montre le problème.
11:32 J'ai eu des amis qui m'ont bien soutenu,
11:35 et du coup, avec eux, j'ai appris à me débrouiller.
11:39 Avec eux, y a pas de différence.
11:41 C'est que je suis en fauteuil ou pas, genre je suis comme eux.
11:45 S'ils doivent me clasher jusqu'à ce que je m'énerve, ils vont le faire.
11:50 Ils vont le faire, et en plus, je suis quelqu'un de très susceptible,
11:51 donc ça les amuse.
11:53 En fait, c'est qu'ils ont fait en sorte que je remarque pas ma différence
11:56 quand je suis avec eux.
11:57 À l'époque, je me déplaçais beaucoup en fauteuil manuel,
12:00 et qu'on devait prendre les transports, les trains...
12:03 Avant, qui étaient les nouveaux trains ?
12:05 C'était les trains avec des marches.
12:06 Donc je leur disais "Non, les gars, j'aime pas prendre le train,
12:10 puisqu'il y a des marches, c'est trop galère."
12:11 Ils me disaient "Mais t'es avec nous, pourquoi tu veux galérer ?
12:15 On a juste à porter ton fauteuil, on est trois, quatre, c'est bon ?"
12:18 Je dis "Ouais, mais j'ai pas envie de vous fatiguer."
12:20 "Mais tu vas fatiguer qui ? Personne !"
12:22 Et du coup, en fait, c'est à force d'entendre ça
12:25 que je me suis dit "Ah ouais, genre...
12:26 Maintenant, je sais comment faire."
12:29 Je peux même demander de l'aide à quelqu'un que je connais pas,
12:31 dans les magasins, "Excusez-moi, c'est trop,
12:34 est-ce que vous pouvez le prendre pour moi ?"
12:36 Avant, c'était impossible de faire ça.
12:38 Je suis en mode positif de fou.
12:40 Y a rien qui m'arrête.
12:42 Certes, après, des fois, le moral, il baisse, je suis humain,
12:46 mais j'arrive quand même à rebondir face aux situations.
12:52 -Tu dis "Je suis un peu susceptible,
12:54 ils savent comment me clasher pour m'énerver jusqu'au bout."
12:56 Sur quoi il faut te clasher, alors, pour t'énerver ?
12:58 -Pour m'énerver ? -Ouais.
12:59 -Ça, franchement, c'est mon frère.
13:02 Pour la petite info, mon frère aussi, il se fait des vidéos avec lui.
13:05 On a un compte duo sur TikTok, il s'appelle Lil Rigolo.
13:08 On a aussi une chaîne YouTube.
13:09 Il va surtout me parler des meufs.
13:11 Quand il me parle des meufs, ça m'énerve.
13:14 Parce qu'il sait comment me taquiner.
13:16 Il a tendance à jouer sur le fait que "Ouais, je suis plus beau que toi..."
13:20 Et du coup, quand je parle à une fille,
13:23 il va me dire "Ah ouais, elle est belle..."
13:25 Je fais "Eh mec, t'as vu ? C'est moi, je lui parle.
13:27 Arrête, laisse-moi tranquille."
13:29 Et des fois, il fait exprès de me taquiner par rapport à ça.
13:32 Ce qu'il fait aussi, c'est...
13:34 Il me pousse à faire des choses que je peux pas faire.
13:36 Un mec, il dit "Ah ouais, t'es sûr que t'es pas capable ?
13:38 Débrouille-toi tout seul."
13:39 Et moi, ça m'énerve.
13:40 Il me dit "Non, tu vas quand même le faire."
13:42 Une fois que ça va m'énerver et que je vais vouloir le faire,
13:45 en fait, je vais réussir.
13:46 Il me dit "Tu vois, tu t'énerves pour rien."
13:48 Et en fait, je trouve que c'est bien,
13:50 parce qu'au moins, ça me pousse à dépasser mes limites, des fois.
13:53 On a beaucoup fait de vidéos comme ça.
13:55 C'est qu'il fait exprès de me mettre au sol.
13:58 Il m'enlève de mon fauteuil, il me met au sol,
14:00 et il me dit "Ouais, t'as 20 secondes pour monter dans ton fauteuil."
14:02 Je dis "Mais t'es bête ou quoi ? Je vais pas réussir."
14:05 Il me dit "Ouais, mais t'as 20 secondes."
14:06 Alors, si t'as pas 20 secondes,
14:08 soit je te paye pas ton McDo,
14:13 je te donne pas tes 20 balles, des trucs comme ça.
14:15 Et vu que je vois que c'est sur le ton de l'humour,
14:19 je dis "OK, moi, je veux mon McDo, je veux mes 20 balles, je vais monter."
14:22 Au bout de...
14:24 Bon, je prends pas 20 secondes, je prends un peu plus.
14:26 Mais j'y arrive.
14:27 Il me dit "Tu vois, tu sais le faire."
14:29 Et il y a plein de petits trucs comme ça.
14:30 C'est comme me servir de l'eau,
14:32 parce que j'ai pas beaucoup de force dans les bras,
14:35 et les bouteilles d'un litre, des fois, c'est galère un peu.
14:38 Et en fait, je lui demande "Tu peux me passer du jus, s'il te plaît ?"
14:42 Il me donne la bouteille, il me dit "Vas-y, sers-toi maintenant."
14:45 Je lui dis "Mais... T'as réfléchi."
14:48 Il me dit "Si je me sers, je vais te renverser."
14:49 Il me dit "Applique-toi, fais ton truc tout seul."
14:53 Du coup, c'est que de moi-même, je trouve un moyen de me servir
14:57 sans vraiment te renverser.
14:58 Du coup, je prends la bouteille, je la mets au sol,
15:02 je prends mon verre, je le mets sur la chaise au lieu de la table.
15:05 Du coup, je ramasse la bouteille, je l'enlève du bouchon.
15:09 Et en fait, je vais pas porter la bouteille, je vais la mettre sur mes genoux,
15:12 et je vais juste faire glisser pour que ça rentre dans le verre.
15:15 Mais la bouteille reste sur mes genoux.
15:16 Du coup, c'est plein de petits trucs comme ça que j'ai appris à faire
15:18 quand il me dit "Débrouille-toi."
15:21 -C'est des choses auxquelles t'aurais pas pensé
15:23 si on t'avait pas mis au défi de les faire ?
15:24 -Je pense pas. En vrai, je pense pas.
15:26 J'aurais été plus dans l'assistana. Voilà.
15:31 -Ça te plaît pas, ça ?
15:33 -Ça dépend. Des fois, c'est cool.
15:36 Des fois, c'est cool de se faire assister.
15:38 Des fois, t'as la flemme, t'as envie qu'on fasse pour toi.
15:43 Ça ferait quelqu'un de trop feignant. Vraiment trop feignant.
15:46 À la limite, je crois, pas travailler les bras, pas travailler les jambes.
15:50 Peut-être après, je bougerais plus.
15:54 Donc ça fait du mal, ça fait des petits exercices.
15:58 -T'as des retours sur les réseaux de tous ces trucs-là que tu montres ?
16:02 Parce que ça doit être impressionnant en images.
16:03 -En fait, vu que je montre ça sur le côté humoristique,
16:06 les gens me disent "C'est trop drôle, ce que tu fais.
16:09 Ta position, elle est grave drôle et tout."
16:12 Mais il y a beaucoup aussi de personnes qui me disent
16:16 "Ouais, tout ce que tu fais, j'aime trop. Ça me booste."
16:20 Même des personnes valides disent "Ouais, voir ton quotidien,
16:24 ça me booste à max."
16:25 Genre, me lever le matin,
16:27 je suis content parce qu'en fait, je me dis qu'il y a un petit jeune
16:31 sur les réseaux,
16:32 tous les matins, il doit peut-être galérer pour se lever,
16:34 et moi, je me plains le matin pour aller au travail ou pour aller à l'école,
16:38 alors que lui, il galère plus que moi.
16:41 Et du coup, j'ai beaucoup de messages qui me disent "Ouais, franchement,
16:43 pour un début de journée, regarder tes vidéos, c'est un plaisir."
16:45 -Alors, dans ce que tu lis, il n'y a pas que du positif, j'imagine ?
16:48 -Ouais. -Il y a aussi des gens qui t'envoient autre chose ?
16:50 -Ouais. Il y a beaucoup de gens qui me disent "Ouais,
16:52 tu profites de ton handicap pour "percer",
16:57 sans ton handicap, tu serais personne."
17:00 Il y a beaucoup de personnes qui font beaucoup de connotations sexuelles
17:04 qui me disent "Ouais, comment tu fais pour avoir des rapports ?
17:08 Je suis sûr que tu peux pas."
17:10 "Ah ouais, c'est bête, t'es un renois, tu peux même pas faire plaisir à une meuf."
17:15 Et moi, en fait, je rigole, moi, ça me fait rire.
17:17 Et du coup, il y a des commentaires, je les reprends,
17:20 du coup, je clashe un peu, et du coup, moi, ça me fait plaisir.
17:24 Ça enrichit mon vocabulaire de clash, en tout cas.
17:26 -Est-ce que tu peux nous parler de la chaîne que t'as autour du cou ?
17:30 -Je suis fan un peu du style américain,
17:33 donc tout ce qui est bling-bling, les grosses chaînes et tout,
17:37 j'aime ça.
17:38 Et du coup, il y a une marque de bijoux avec qui j'ai collaboré,
17:43 qui s'appelle Didiès Hip Hop.
17:46 Eux, ce qu'ils ont fait, c'est qu'ils m'ont offert une,
17:48 et j'étais en mode "Oh, c'est trop bien !"
17:51 Et en fait, je trouve que ce pendentif-là,
17:54 je le mets tout le temps, carrément, je le mets même quand je dors.
17:56 Genre...
17:58 Sans forcément dire qui je suis, ce que j'ai,
18:01 quand on le voit, on sait.
18:03 Parce que c'est vrai que là, je suis dans un fauteuil,
18:06 et quand je suis assis sur une chaise, des fois, ça se voit pas.
18:09 Et du coup, quand je le porte, on me pose souvent la question
18:13 "Pourquoi t'as ça ?"
18:14 Je dis "Bah, il faut savoir que mon handicap,
18:17 c'est quelque chose de brillant pour moi,
18:19 donc autant porter le signe qu'il brille
18:21 pour montrer que mon handicap, il brille en moi."
18:25 -T'as réussi à passer de celui qui le montre pas,
18:27 voire qui veut pas le montrer,
18:29 à celui qui l'affiche tout le temps sur lui et qui en est fier.
18:31 Tu dirais qu'il y a beaucoup de gens qui arrivent à être fiers
18:34 de ce qu'ils sont à ce point-là, comme toi, tu l'es ?
18:37 -Je dirais...
18:38 Y en a pas mal, quand même.
18:40 C'est compliqué.
18:42 Toute personne a un chemin différent.
18:45 Donc, qu'ils prennent 10 ans pour l'exposer comme moi, je le fais,
18:50 bah, il prendra 10 ans.
18:51 Mais au moment où il va le montrer, il sera autant épanoui que moi.
18:54 -Et alors, tes parents, ton entourage, tes proches,
18:57 quand ils voient ce que tu es devenu, ce que tu en fais aujourd'hui,
19:01 vous en parlez, des fois ? Qu'est-ce qu'ils en pensent ?
19:03 -Alors là, sur ça, c'est compliqué !
19:05 Ah là là ! C'était compliqué !
19:07 Aujourd'hui, tout va bien.
19:09 C'était compliqué d'expliquer à mon père que je faisais des vidéos,
19:11 parce que du coup, j'avais aussi arrêté l'école au BTS.
19:16 Avec le confinement, j'avais arrêté de suivre les cours en visio.
19:20 Moi, tu me dis de rester dans ma chambre, c'est la Play.
19:24 Et en même moment,
19:26 j'avais pris de l'ampleur sur les réseaux sociaux,
19:29 et là, mon père, il me disait "Ouais, mais tu fais quoi ?"
19:32 Je dis "Bah, je fais des vidéos."
19:34 Pour lui, c'était un truc...
19:35 Genre ça va rien m'apporter, c'est nul, ça sert à rien.
19:39 Ma mère, elle me soutenait sur ça.
19:41 Elle me disait "Ouais, continue, continue."
19:43 Limite, elle faisait des vidéos avec moi.
19:45 J'avais ma grande sœur qui m'accompagnait sur tous mes rendez-vous pro.
19:50 Mais maintenant,
19:51 il faut voir comment je suis une star, aux yeux de mon père !
19:55 Limite, il parle de ça à tout le monde, à son travail,
19:59 tout le monde sait qui je suis !
20:01 Il m'appelle même plus par mon prénom, il m'appelle par mon pseudonyme,
20:04 il m'appelle Lix Kuna.
20:06 Quand je rentre chez moi, il me dit "Ouais, Kuna, c'est quand tu m'emmènes là ?"
20:10 Pour lui, je suis sa star.
20:12 Des fois, pour rigoler, il me dit "Ouais,
20:14 je m'en ai pas donné mon autographe aujourd'hui."
20:16 Des fois, un truc comme ça.
20:17 Au moins, il reconnaît un peu ce que je fais,
20:19 parce que c'était compliqué de lui expliquer,
20:21 parce que déjà, lui aussi, le regard des autres envers moi,
20:23 ça le dérangeait énormément.
20:25 J'ai su le changer, le regard des autres.
20:27 Bah...
20:30 Il trouve ça cool, je trouve ça cool, qu'il kiffe,
20:32 et qu'il me voit kiffer, ça me fait plaisir.
20:34 -Ce serait quoi ton message aux personnes qui sont dans ta situation,
20:39 qui vivent une différence,
20:40 avec laquelle ils arrivent pas forcément à se débrouiller au quotidien
20:43 ou à laquelle ils donnent pas la place que t'as réussi à trouver, toi ?
20:46 Ce serait quoi ton message ?
20:47 -En vrai, dans la vie, il y a ni méchants ni gentils,
20:51 on est tous...
20:52 On a tous notre caractère.
20:54 Un handicap fait pas...
20:57 N'en fait pas quelque chose de fatal, c'est pas un drame.
21:01 Certes, ça peut être compliqué, on a chacun un handicap différent,
21:05 même si t'arrives à des complications,
21:07 et garde au moins le sourire.
21:08 En fait, garde le sourire, les gens, ils ont envie de t'aider.
21:11 Et même pour toi.
21:13 Même si, à un moment, t'es pas bien,
21:16 tu regardes dans un miroir, tu souris,
21:18 tu vas te faire plaisir à toi-même en te voyant sourire.
21:22 Limite, tu vas rigoler tout seul devant ton miroir.
21:24 Moi, j'ai déjà fait ça.
21:26 Je peux comprendre.
21:28 Et même, si t'as du mal à combattre la vie,
21:30 moi, j'ai des bons gants de boxe, je vous les prête.
21:34 Et si vous voulez, on tabasse la vie d'une manière...
21:37 Moi, je l'ai bien fait, vous pouvez le faire,
21:39 je peux vous aider à le faire.
21:40 -Et enfin, tu peux nous donner ta petite phrase sur les réseaux,
21:44 avec laquelle tu te présentes, ta petite devise.
21:47 -Ma force mentale ne fait pas ma force physique.
21:49 Parce que ma force mentale est tellement puissante
21:52 que ma force physique m'en fiche.
21:57 Même si j'ai pas de force pour...
21:58 Je dirais pas pour taper quelqu'un, mais même pour porter un verre.
22:01 Tant que j'ai de la force mentale, je peux faire comme Magnéto,
22:05 je peux même lever le verre avec mes pensées.
22:07 -Eh ben merci beaucoup, Skouna, pour tout ça,
22:12 et on te souhaite le meilleur pour la suite, en tout cas.
22:13 -Merci beaucoup. -Merci.
22:15 [Générique]
22:17 Merci.

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