Lorsque la société cherche à systématiquement nous définir par l’endroit d’où l’on vient et non pas à travers ce que nous sommes réellement, le chemin pour trouver sa place semble complexe. Entre préjugés racistes et obstacles financiers, les autres arrivent parfois à nous faire croire que nos ambitions sont inatteignables.
À une période, Tarik a fini par croire ceux qui lui disaient de rêver moins grand et a cédé à l’appel de l’argent facile avant de prouver à lui-même et aux autres qu’il était capable de grandes choses. Il n’abandonnera jamais et fera la fierté des siens à travers sa carrière de boxeur professionnel.
Merci à Tarik Sahibeddine pour sa confiance et pour son témoignage.
Son livre : Dans le droit chemin est disponible partout !
Retrouvez-le sur Instagram : https://www.instagram.com/sahibeddinetarik/
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AmusantTranscription
00:00 En face de moi, il y a le chef de bord et ce mec va s'opposer à lui.
00:04 C'est là où il rentre dans sa folie.
00:06 Il s'approche de la porte d'entrée.
00:08 Il me dit "Est-ce que tu veux que j'ouvre la porte ?
00:10 Je crois que j'ai peur de toi."
00:11 Je lui dis "Ouvre ! Ouvre ! Fais le malin, ouvre maintenant !"
00:14 J'ai grandi en Bordelaise, dans une commune qui s'appelle Gradignan.
00:18 Et vite fait, je vais comprendre que dans ce quartier, t'es exclu.
00:22 T'es exclu au niveau politique, au niveau social, au niveau...
00:27 Il y avait des anniversaires.
00:28 On ne nous invitait pas.
00:29 Les jeunes du quartier n'avaient pas le droit de venir
00:31 puisqu'ils vont nous voler, ils vont nous agresser.
00:34 Toutes les soirées, on était mis de côté.
00:36 Ça attise ma colère, puisque je me dis "Mais c'est de l'injustice pure et dure."
00:41 On va me catégoriser et je déteste ça.
00:45 Et jusqu'à aujourd'hui, l'injustice, c'est quelque chose que je bats.
00:48 Comment on peut résumer une personne à ce que l'on voit sans même le connaître ?
00:54 Ça m'a fait beaucoup de mal.
00:55 La seule fois où j'ai pu en parler à mes parents,
00:57 je me rappelle, c'était suite à une bagarre.
00:59 Je me suis battu avec un mec parce qu'il m'avait dit "Ça, la rebranche chez toi."
01:02 Et mes parents m'ont dit "Écoute, il a raison.
01:04 T'es pas chez toi ici. Nous aussi, on est en France.
01:06 T'as rien à dire."
01:07 Et je vous jure que d'avoir été éduqué comme ça, ça m'a rendu rebelle.
01:12 Déjà rien que le mot "intégration" m'a gêné.
01:15 Puisque j'ai dit "J'ai grandi en France, j'étais petit en France.
01:19 Je suis juste né au Maroc et je suis revenu, j'avais quelques mois.
01:23 J'ai grandi en France."
01:24 Donc dans ma tête, j'étais français.
01:25 Il fallait pas parler d'intégration pour moi.
01:27 On pouvait parler de mes parents, pas de moi.
01:29 Et c'est ce qui m'a donné la niaque à me battre et à leur faire comprendre que
01:34 non, ça marchera plus.
01:35 Le béni-oui-oui, en tout cas, ça marchera pas avec moi.
01:38 Et c'est un peu plus tard que je vais comprendre que je peux avoir une place
01:42 dans cette société différemment.
01:44 En jouant le petit Kaïd, dès que je vais comprendre que
01:48 tu vas faire peur, on va te respecter.
01:51 Et à ce moment-là, j'ai un déclic qui me dit
01:53 "Tu vois, c'est pas toi, mais ils te jugent par rapport à ça.
01:57 Eh ben, on va leur donner ça."
01:58 Et là, je vais avoir beaucoup de gens qui vont être néfastes pour moi,
02:02 mais qui vont venir à moi.
02:03 Et pour moi, je le prenais comme une satisfaction,
02:07 quelque chose de positif.
02:08 T'avoir quelqu'un qui s'intéresse à moi.
02:10 Les filles, elles étaient contentes de me fréquenter parce que
02:15 il y a les stupéfiants qui commencent, on est dans du hachige.
02:18 Les soirées, il y a tout le temps du shit qui tourne.
02:20 Et dans le milieu de la délinquance, pareil.
02:23 C'est qu'il y a des personnes qui vont dire "Tiens, voilà, les gens te craignent,
02:26 ils te respectent, tu connais beaucoup de monde.
02:28 Donc, tiens, on te donne des opportunités.
02:30 Tu vis bien, t'as l'impression que t'es important
02:33 parce que tout le monde gravite autour de toi.
02:35 Et puis, les années vont passer et ça va devenir encore plus...
02:40 Je vais même parler de la dictologie.
02:43 C'est vraiment quelque chose qui...
02:45 C'est un manque et j'ai besoin.
02:47 Et une chose qui a été très importante aussi,
02:49 que j'ai compris plus tard et je m'en ai triste aujourd'hui,
02:53 c'est quand j'étais jeune, on est dans les années 70,
02:55 et j'étais hyper actif.
02:57 Et cette maladie, on ne la repérait pas.
03:00 Elle n'était pas traitée, on ne savait pas.
03:01 Et de suite, je vais prendre pour mon grade.
03:04 C'est que je n'arrive pas à me concentrer,
03:06 je n'arrive pas à être assis des heures,
03:07 il faut que je fasse des bêtises, que je sois intéressant.
03:09 On me dit "L'école, t'es pas bon, t'es pas intelligent, t'es bête."
03:13 C'est important parce que tout ce que je vais entendre là,
03:16 ça va me motiver à passer de l'autre côté de la barrière
03:18 où on va me dire "T'es bon."
03:20 Et je vais trouver ma "famille" là-dedans.
03:23 Ça a été un piège que je vais corriger après.
03:25 Mais le sport, pour moi, c'est un échappatoire.
03:27 Il faut que j'arrive à tout prix dans le sport.
03:29 Donc j'essaie, j'ai un niveau national dans toutes les disciplines que je fais,
03:33 mais je n'arrive pas à m'en sortir.
03:35 Jusqu'à un jour, je rencontre un ami à moi qui me dit
03:38 qu'il est payé en faisant de la boxe.
03:40 Je dis "Comment ça ? Tu casses la gueule à un mec,
03:42 et on donne l'argent ?" Il me dit "Je te jure, c'est vrai."
03:44 Je lui dis "Écoute, je compte sur toi, vas-y."
03:46 Et je vais m'entraîner dans une salle.
03:48 Donc vite fait, je vais m'apaiser,
03:50 et puis je m'entraîne 3-4 fois par semaine,
03:52 et rapidement, au bout de 3 mois,
03:54 je vais faire mon premier match, je vais gagner.
03:57 Et puis évidemment que je trouvais mon compte à boxe
04:00 parce que j'ai extériorisé tous ces maux, tous ce mal-être.
04:05 Et il y a un dernier piège que je ne vois pas arriver,
04:08 c'est que j'ai à peine 4 ans, ça fait 4 ans que je boxe,
04:12 je veux passer au professionnel.
04:14 Je me dis "Là, j'ai faim, je veux..."
04:15 Et puis on me dit "Non, c'est trop tôt."
04:18 Tu vois, à peine 20 combats,
04:19 je n'étais pas français, je ne pouvais pas faire le championnat de France,
04:22 donc je n'avais pas assez de points pour passer au professionnel.
04:25 Et je vais me démotiver,
04:27 et je vais craquer, je vais me tourner vers les gens qui me proposaient l'illicite,
04:30 et je vais tomber là-dedans,
04:31 et je vais le payer puisque je vais me faire attraper.
04:34 Et là, ça ne rigole plus,
04:36 on n'est plus dans des petites barrettes que tu vends.
04:39 Je vais mettre un pied un peu plus dans la délinquance
04:42 puisque dans les stupéfiants,
04:44 les gens me trouvent facilement à me faire avancer des grosses quantités,
04:47 et je vais me faire incarcérer.
04:49 Donc là, c'est le choc pour tout le monde.
04:52 Le choc pour moi,
04:54 et le choc pour ma famille, surtout ma famille.
04:56 Je vais être jugé, je vais prendre 18 mois,
04:59 dont 6 mois de sursis, 12 mois ferme.
05:02 En fin de compte, je vais être libéré en préventive.
05:05 Quand je vais passer par cette case de prison,
05:08 je vais prendre un électrochoc.
05:10 Littéralement un électrochoc, il n'y a pas un autre mot.
05:13 Je vois ma mère et mon frère qui viennent me voir au parloir en pleurs,
05:16 je vois qu'il manque des chevaux à ma mère,
05:18 puisque souvent mes parents, mes mères maghrébines,
05:22 fassent un malheur, s'arrachent les cheveux,
05:24 se tirent les cheveux, se roulent par terre.
05:25 Et là, j'ai compris que j'ai fait beaucoup de mal.
05:27 Et dans le domaine carcéral, je n'ai pas ma place.
05:31 Je comprends vite fait, je me dis mais qu'est-ce que je fous ici ?
05:35 Je comprends que les règles du jeu, ce ne sont pas mes règles.
05:39 Je me rappelle encore,
05:41 la maison d'arrêt de Gradien est sur 5 étages.
05:44 Quand j'arrive des arrivants et je monte au 5e étage,
05:48 je suis dans le couloir avec mon pactage,
05:50 je vois ces cellules le long, comme dans les films,
05:52 ça crise, il y a des bruits et j'ai envie de pleurer.
05:56 Mais je me dis, mais attends, tu vas pas pleurer, c'est trop facile.
05:59 Toute ta vie, tu as fait le malin, on t'a prévenu,
06:01 tes parents, les éducateurs, les profs,
06:03 tout le monde t'a prévenu, la police, tout le monde.
06:06 Tu as fait le malin, c'est maintenant qu'il faut jouer au grand.
06:08 Tu es d'accord avec le grand, joue au grand.
06:09 Donc il y a eu une transformation qui a été faite à ce moment-là.
06:13 Et je me suis dit, bon voilà, être un homme, ce n'est pas ça.
06:17 Un homme, c'est travailler, assumer,
06:19 assumer au niveau familial, mais aussi au niveau social.
06:23 C'est apporter à la société, ce n'est pas être exclu de la société en prison.
06:27 Donc quand je vais prendre cet électrochoc de l'incarcération,
06:30 je vais revenir trouver une place chez moi,
06:33 montrer que je peux y arriver et trouver une place dans la société
06:36 où je vais me dire que je vais être utile.
06:38 Et je vais reprendre l'entraînement,
06:40 et je vais m'engager dans ce championnat de France,
06:42 je vais faire quart, demi, final,
06:44 et je vais devenir champion de France.
06:46 Il y a un moment qui est très fort,
06:47 c'est qu'en juin, je suis en finale du championnat de France,
06:51 l'espoir, et je dis à ma mère, écoutez-moi là,
06:53 j'aimerais que vous venez me voir, que papa vienne me voir,
06:56 parce qu'elle, je savais qu'elle ne pouvait pas,
06:58 même à la télé, elle tremblait, elle ne pouvait pas me voir.
07:00 Donc je lui disais, dis à papa qu'il vient,
07:01 et il ne voulait pas venir.
07:03 Et je vais me mettre à pleurer.
07:04 Une heure avant de partir, je suis déjà énervé, je suis pas déçu.
07:08 Et pour moi, c'est le seul moment où je pouvais rendre fier mon père
07:13 et lui dire, tu vois, je peux y arriver, tu vois.
07:15 Et jusqu'à aujourd'hui encore, ça me marque, je suis même touché.
07:19 Et je vais partir.
07:22 Je reçois un coup de téléphone de ma mère qui me dit,
07:24 écoute, ton père arrive, et il va venir,
07:26 et il va me voir gagner, et je suis champion de France.
07:32 L'été, ils vont partir au Maroc, et il va revenir, il est malade.
07:42 Il dit qu'il a mal, il aura un cancer, et je vais le perdre deux mois après.
07:47 À ce moment, je suis détruit.
07:50 J'ai 30 ans, 31 ans, je suis champion de France.
07:54 Et je me dis, mais merde, je vais avoir des enfants,
07:57 je vais perdre mon père, et je suis détruit.
07:59 Peut-être que je déconne.
08:01 Il faut que j'arrête la boxe.
08:02 Il va m'arriver, papa.
08:04 Je peux pas, je peux pas continuer.
08:07 J'ai prouvé, maintenant je veux travailler.
08:10 Il a vu que j'étais un autre homme, et je voulais pas faire autre chose.
08:14 Et ma mère va venir me voir.
08:17 Elle me dit, écoute, tu vas pas arrêter la boxe.
08:19 Elle, qui me disait tout le temps, pourquoi tu boxes,
08:21 ce sport est violent, il va t'arriver des bruits.
08:23 Elle me dit, tu arrêtes pas, ton père était fier de ce que tu faisais, tu continues.
08:27 Et je vous jure qu'elle m'a donné un impact,
08:31 une rage qui m'a suivi, que ça m'a suivi pendant des années.
08:36 En 2006, je vais partir au plus haut niveau mondial.
08:40 Je me dis, mon rêve, il est là.
08:43 Je vais boxer dans tous les pays, en boxant les meilleurs mondiaux.
08:46 Et je vais vivre de ma passion.
08:49 Je vais rencontrer des gens que je n'aurais jamais pu.
08:51 Je lisais des magazines où il y avait des champions du monde,
08:54 comme les frères Branco, comme Mehdi Sanoun,
08:57 où je vais être avec eux.
08:58 Donc pour moi, c'est une revanche de la vie,
09:02 où je me dis, tu vois, là où on n'avait pas parié sur moi,
09:05 là où on m'avait dit, c'est un coup de chance, il n'y a pas de chance,
09:07 c'est du travail, et j'y suis arrivé.
09:09 Et je sais qu'il faut que je prépare ma sortie.
09:12 Je vais travailler animateur tout au long de ma carrière pro,
09:15 et je vais monter animateur sportif, animateur social,
09:18 éducateur sportif en CER, en centre de délinquance pour les jeunes,
09:23 c'est une alternative à la prison.
09:24 Et puis je vais travailler médiateur de proximité.
09:27 Le lien à chaque fois, c'est un public difficile,
09:29 où je suis comme un poisson dans l'eau.
09:32 Quartier publicitaire, centre de détention,
09:35 tout ça, je suis à l'aise.
09:36 Et je renvoie quelque chose de positif à ces jeunes,
09:40 pour dire, voilà, j'ai mon histoire, mon passé,
09:42 mes années ont passé, je me suis racheté,
09:45 et regardez, je peux y arriver.
09:46 Et beaucoup se sont identifiés à moi, et je vais me trouver utile.
09:49 Et surtout, c'est aussi changer l'image, l'image de soi.
09:54 Mais derrière moi, derrière la personne que je suis, derrière Tariq,
09:58 il y a une identité, une culture, il y a une religion,
10:01 qui des fois est salie à travers les médias, ou mal comprise.
10:05 Et donc, c'est un double challenge, où je me dis,
10:07 bon voilà, je dois aller vers l'autre,
10:09 et changer aussi l'image que l'on peut avoir de nous,
10:13 et que ce soit africain, maghrébin, asiatique, européen,
10:19 musulman, chrétien, juif, athée,
10:21 il y a une être humain qui est peut-être en souffrance.
10:23 On doit arrêter toutes ces stigmatisations,
10:27 ces boîtes que l'on ouvre, où on met les gens.
10:29 Donc, les années, les années sont passées.
10:33 En août 2018, je vais fêter les six ans de mariage avec mon épouse,
10:39 et je vais lui promettre un voyage qu'elle n'oubliera jamais.
10:43 Alors, mon épouse ne m'a jamais suivi dans mes matchs,
10:46 moi je pars tout seul, et il y a eu plusieurs matchs,
10:50 l'Allemagne et l'ex-Yougoslavie, qui m'ont marqué dans mon parcours.
10:53 J'ai combattu en Serbie, et j'avais été surpris de la population,
10:57 de l'image qu'on pouvait avoir de l'ex-Yougoslavie,
11:01 et je dis à ma femme, écoute, on va partir en vacances,
11:03 on va faire l'ex-Yougoslavie, et on va finir avec l'Allemagne,
11:07 je veux que tu vois ces pays, tout le truc, ils sont magnifiques.
11:10 Donc, on part, et je me retrouve dans ce vol qui est Munich-Paris,
11:15 l'avion décolle, il part, on arrive à l'altitude,
11:18 et l'hôtesse vient avec son chariot, la femme avance, fait deux pas,
11:23 et là, elle est collée par un mec, qui vient d'Rel, qui la colle.
11:27 Et je ne sais pas pourquoi, je ne sens pas la situation, je regarde,
11:31 et je lui dis, mais pourquoi ce mec, il la colle,
11:34 là, il lui parlait de dos, et il lui chuchotait quelque chose à l'oreille,
11:37 moi, je n'arrivais pas à entendre, on est en plein vol,
11:39 je comprends que cette femme est tétanisée,
11:42 elle ne bouge même pas, elle ne tourne même pas la tête pour le regarder.
11:44 Je dis à ma femme, mais je crois qu'il y a un problème,
11:46 il va avoir un problème dans l'avion.
11:47 Et en face de moi, au niveau du cockpit, il y a le chef de bord,
11:52 qui voit la scène, qui comprend qu'il y a un problème,
11:55 et il vient aider cette hôtesse, et ce mec va s'opposer à lui,
12:00 ils sont face à face, et je vois qu'il lui met comme des coups de tête,
12:04 il lui mine des coups de tête, genre, et j'arrive devant le cockpit,
12:08 ils sont les deux face à face, mais ils ne parlent pas.
12:10 Donc j'arrive, je les regarde, et je ne me voyais pas,
12:13 alors je dis, bon les gars, c'est quoi le problème ?
12:16 Donc je tourne ma tête, je vois que les toilettes sont ouvertes,
12:20 la porte est entre-ouvertes, je vais m'engouffrer dans les toilettes,
12:23 je vais laisser la porte ouverte, et je vais écouter ce qu'ils se disent,
12:26 je vais essayer d'écouter, et j'entends ce mec parlant français,
12:30 et dire au chef de bord, maintenant c'est moi le patron,
12:34 vous allez faire tout ce que je vous dis.
12:36 Donc là je me dis, merde, il y a vraiment un problème,
12:39 il y a vraiment quelque chose, donc j'ouvre la porte,
12:40 je me tourne vers ce mec, et je lui dis, mais qu'est-ce que tu fais ?
12:43 C'est quoi le problème ? Et je lui parle en arabe,
12:45 pour moi c'est un arabe, il est mat, pour moi c'est un arabe.
12:49 Et je lui dis, pourquoi tu nous remarques comme ça,
12:52 on est trois, il y a toi, une famille, moi,
12:55 on donne encore une image négative des Arabes,
12:57 t'as fait ton cinéma là-bas, tout le monde a vu,
12:59 maintenant tu reviens là, c'est quoi ?
13:02 Puis il me répond pas, il comprend pas.
13:03 Je lui dis, réponds-moi, et puis il me dit que je te parle pas, toi.
13:08 Et puis, ça chauffe entre nous, le chef de bord,
13:11 et à côté me dit, s'il vous plaît, pas de bagarre,
13:14 ça va faire une panique dans l'avion, ne vous battez pas.
13:16 Et puis il parle pas, il dit rien.
13:19 Donc, je m'accroche encore une fois de plus avec ce mec-là,
13:23 il me dit à ce moment-là, mais,
13:25 est-ce que tu crois que j'ai peur de toi ?
13:26 Est-ce que tu crois que j'ai peur de mourir ?
13:29 Je lui dis, mais qu'est-ce qu'il me raconte lui ?
13:30 Tu vois, je parle, il avait des changements d'humeur,
13:33 où je voyais déjà qu'il était bizarre.
13:34 Et d'un coup, c'est là où il rentre dans sa folie,
13:37 il commence à me dire, écoute, si tu crois que j'ai peur de mourir,
13:41 il approche de la porte d'entrée,
13:44 il a une poignée rouge, il met la main sur la poignée,
13:46 il me dit, est-ce que tu veux que j'ouvre la porte ?
13:48 Tu crois que j'ai peur de mourir ? Tu crois que j'ai peur de toi ?
13:50 Tu veux que j'ouvre la porte ?
13:51 Et il veut que je panique.
13:52 Et là, je vais le stopper, je vais le regarder droit dans les yeux,
13:55 je peux pas lui tomber dessus.
13:57 Il est à 2 mètres de moi, à peu près 2,50 mètres,
13:59 je lui dis, on sait jamais si ça peut s'ouvrir,
14:01 si ça peut avoir une dépressurisation,
14:04 je sais rien de ce qui peut arriver.
14:05 Je lui dis, ouvre.
14:07 Ouvre, fais le malin, ouvre maintenant.
14:09 Et là, il est fou.
14:11 Pourquoi tu dis ça ? Pourquoi tu me demandes d'ouvrir ?
14:14 Et il fait le mort, il dit, je bouge pas d'ici.
14:16 Il se lance, il fait le mort.
14:17 À ce moment-là, le chef de bord me dit, viens avec moi,
14:19 on va au bout de l'avion.
14:20 On va en queue d'avion.
14:22 Et là, il m'explique, voilà, la porte fait au courant,
14:24 moi j'ai des menottes, on attend le top départ.
14:26 Dès qu'on a le signal au top départ, on le maîtrise.
14:29 Et quand on arrive au bout, ce mec s'était relevé,
14:31 il voulait regarder son siège.
14:33 Le moment fatidique, on va dire,
14:35 il va commencer à me dire, bon, puisque le commandant ne veut pas venir,
14:38 c'est moi qui vais aller, je vais prendre les commandes.
14:41 Et il passe devant moi, il se lève.
14:43 Et là, je comprends réellement qu'est-ce qu'il avait dans la tête.
14:46 Donc je me dis, j'attends pas le top départ,
14:48 j'attends pas les flics, je le saute dessus.
14:50 Et les gens vont venir m'aider,
14:52 on va commencer à lui attacher les pieds, les mains.
14:54 Le mec, délire, il voulait conduire l'avion,
14:57 et prendre le pilotage et qu'on revienne à Munich.
15:00 C'était pas politique ni religieux, c'est un détournement d'avion.
15:04 Moi je me suis dit, mais attends, mais il prend le...
15:06 Il y a une panique dans l'avion, ou il arrive à rentrer,
15:09 je sais pas, c'est un truc de fou, donc il fallait le maîtriser.
15:12 Et là, on est sur le tarmac de l'avion,
15:14 et on attend la police.
15:16 Moi je tiens le mec, et je vais leur donner la laisse.
15:19 Pour moi c'est une laisse, lui il tient, voilà le gars.
15:21 Et les flics sont surpris, ils me regardent,
15:24 et ils se disent, non, c'est son acolyte, il nous l'a fait à l'envers.
15:27 Il faut que ce soit le commandant qui sorte,
15:29 et qui leur dise, non, ce mec a tout fait,
15:31 vous pouvez le remercier, c'est grâce à lui.
15:33 La police va demander de partir à la police de frontière,
15:36 avec le commandant, le chef de bord.
15:38 Et moi, en tant que témoin, pour être auditionné,
15:41 il est minuit quand on sort, minuit, minuit trente,
15:44 de la PAF, de la police de frontière,
15:45 et la police me dit, écoute, super, sympa, allez bonne route.
15:48 Je commence à remercier, bon ben, il est minuit trente,
15:52 on est à Charles de Gaulle, je dois rentrer dans le 15ème,
15:54 avec ce qui s'est passé, j'ai fait deux ou trois heures d'audition
15:57 à la police de frontière,
15:59 au moins mettez-nous un taxi, nous on s'est pas en grande galère,
16:01 et les mecs, rien, donc je suis fruit.
16:04 Et je dis à ma femme, écoute,
16:06 je vais appeler un journaliste, un ami à moi journaliste,
16:08 je vais raconter ce qui s'est passé, c'est anormal.
16:10 Je dors, le matin j'allume mon téléphone,
16:13 je croyais qu'il allait exploser.
16:14 Bzzz, bzzz, bzzz, des vibrés, des Facebook,
16:17 des centaines de messages, je comprends pas,
16:20 je dis, qu'est-ce qui se passe ?
16:21 Et puis je vois ma tête dans tous les médias.
16:23 Et là, je comprends l'impact qu'il y a eu,
16:27 et là, ça m'a bouleversé, beaucoup de choses, après.
16:29 En apportant le bien, dire, bon ben voilà,
16:32 justement, on peut être encore plus fier,
16:34 mais pas on peut être plus fier de tout ce que j'ai pu être,
16:37 que toute cette histoire qui se passait
16:39 a pu m'aider à faire quelque chose.
16:41 C'était pour moi une finalité.
16:43 Simplement, c'est vrai qu'après ces événements,
16:46 il va y avoir une boum médiatique,
16:48 et je vais être en contact avec la maison d'édition
16:51 qui est Cité Éditions, et c'est un journaliste,
16:53 Frédéric Veil, qui va se mettre en contact avec moi,
16:56 et qui va me dire, écoute, ton parcours est atypique,
16:58 t'as évidemment fait ce qui s'est fait dans le vol,
17:01 mais ton parcours en lui-même,
17:03 il y a plein de rebondissements, il y a beaucoup de persévérance.
17:05 On aimerait faire un livre sur toi,
17:07 et j'ai accepté, c'est une énorme fierté pour moi.
17:10 Si il y a des gens qui étaient comme moi avant,
17:12 j'aimerais leur montrer que tout est possible,
17:13 il est juste qu'il faut persévérer et se battre.
17:16 Même ce qui est un malheur pour toi,
17:18 tu t'aperçois qu'il faut laisser le temps,
17:20 et c'est peut-être une chose négative qui peut être positive après.
17:22 Aujourd'hui tu pleures, demain tu vas rire.
17:25 Je garde cette philosophie-là, aujourd'hui encore.
17:28 [Générique]