• l’année dernière
Les attaques terroristes de 2016 ont grandement bouleversé notre société et certaines personnes lient à tort violences fanatiques et croyances religieuses. L’horreur de ces événements commis au nom de l’Islam ont renforcé une stigmatisation déjà présente de la religion musulmane et cet amalgame est la source de violences sociales quotidiennes que subissent de nombreuses personnes.

Naya a survécu à un acte islamophobe qui aurait pu lui coûter la vie, elle a dû se battre pour ne pas céder à la colère et pour espérer pouvoir remarcher un jour. Aujourd’hui, ces événements douloureux l’ont renforcée, elle est venue nous raconter son histoire.

Merci à Naya Mendy (insta : @laquatrecentonze ) pour sa confiance et pour son témoignage fort.

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Amusant
Transcription
00:00 Il a attrapé une femme qui était enceinte et il lui a dit "toi viens là, t'es une arabe".
00:04 Elle a dit non, il l'a poussée par terre.
00:06 Le sentiment que j'ai en fait c'est que la personne elle veut nous tuer.
00:09 Je ne me dis pas tout de suite que c'est un geste islamophobe,
00:12 mais je me dis juste que c'est un attentat.
00:13 Alors c'était le 4 août 2016, je me rendais au Havre pour rendre visite à une connaissance.
00:19 Et dans les alentours de 23h, 23h30, j'étais dans mon véhicule,
00:24 donc j'étais la conductrice et la passagère m'indiquait la route.
00:28 On aperçoit au loin un véhicule, donc un 4x4 qui roule à vive allure
00:34 et qui est d'abord sur sa propre voie.
00:36 Il y avait un terre-plein qui nous séparait, il a traversé ce terre-plein,
00:39 il s'est rendu en face de moi.
00:40 J'ai constaté qu'en fait il me fonçait dessus.
00:42 J'ai tourné mon volant sur la droite pour l'éviter une première fois
00:45 et la deuxième fois il est revenu en face de moi,
00:47 là il a accéléré et nous a percuté plein fouet.
00:50 Là à ce moment-là, le choc il était vraiment, vraiment brutal.
00:54 J'ai perdu connaissance.
00:55 Quand je me suis réveillée, j'avais la tête posée sur le volant.
00:58 Je me suis aperçue que la passagère est parvenue à sortir du véhicule.
01:01 À ce moment-là, elle s'est mise à crier "mais pourquoi il fait ça ?
01:04 Mais pourquoi il a fait ça ? Pourquoi il a fait ça ?"
01:05 C'est à ce moment-là précis que je me suis rendue compte
01:08 qu'en fait je ne pouvais pas du tout sortir du véhicule
01:10 parce que mes jambes en fait elles ne me répondaient plus.
01:13 Comme je dis toujours, c'est comme s'il y avait un bâtiment qui était posé sur mes jambes.
01:16 Je ressentais mes jambes sans les ressentir, c'était bizarre.
01:19 Je me suis réveillée, j'avais des bouts de verre plein la bouche, plein les yeux
01:23 et quand j'ai réalisé ce qui s'était passé,
01:26 que c'était une personne qui nous avait percuté,
01:29 là sur le côté, il y a une femme qui s'est mise à courir vers moi.
01:33 Elle s'est mise à me rassurer un petit peu,
01:37 me poser des questions, me dire "est-ce que tu vas bien ?" etc.
01:40 Et pendant que cette femme-là est en train de me rassurer,
01:44 à un moment donné, on a entendu un bruit
01:47 et là c'est l'homme en question qui nous a percuté.
01:50 Il est sorti par la fenêtre de son 4x4
01:54 et là il s'est mis à agresser d'autres personnes.
01:56 Donc en fait, la personne qui était à mes côtés,
01:59 elle s'est levée d'un coup et elle s'est mise à courir.
02:01 Donc moi j'ai paniqué et quand j'ai tourné ma tête,
02:03 que j'ai vu l'homme passer, il était un peu furieux, énervé.
02:08 Là j'ai compris qu'il se passait quelque chose de bizarre
02:11 parce que ce qui s'est passé, c'était 15 jours après les attentats de Nice.
02:15 Et du coup, j'ai compris que s'il était sorti de son véhicule
02:19 après le choc qui venait de se passer,
02:22 c'est qu'il allait faire quelque chose de mal en fait.
02:24 Il voulait, on va dire, terminer le travail.
02:27 Et à ce moment-là, cet homme-là, en fait, ce qu'il a fait,
02:30 c'est qu'il a attrapé une femme qui était enceinte
02:33 et il lui a dit "toi viens là, t'es une arabe".
02:35 Elle a dit non, il l'a poussée par terre.
02:37 Cette femme-là, elle a vu ce qui s'est passé
02:39 et en fait, elle est sortie de son propre véhicule
02:42 mais sur le coup, elle n'a pas pensé à enlever les clés de son véhicule.
02:46 Sauf que la personne qui nous a percuté,
02:48 quand elle l'a poussée, elle a volé le véhicule de cette femme-là
02:51 et il a percuté une autre femme de 50 ans au même moment.
02:56 Je ne me dis pas tout de suite que c'est un geste islamophobe
02:58 mais je me dis juste que c'est un attentat.
03:00 Le sentiment que j'ai en fait, c'est que la personne, elle veut nous tuer.
03:03 À ce moment-là, c'est bizarre mais je ne pense même pas à ma famille,
03:06 je ne pense pas à ce que j'ai fait dans ma vie,
03:08 je ne pense à rien du tout, je pense que à ma vie en fait.
03:10 Je me dis "ça y est, c'est fini, je vais partir".
03:12 C'est comme quand il est arrivé en face de moi,
03:13 je n'ai pas eu le temps en fait de penser à quoi que ce soit,
03:16 je me suis figée et je me suis dit "ça y est, c'est fini".
03:19 Et du coup, quand j'ai vu les gyrophares au loin,
03:22 c'est là que j'ai commencé à lâcher.
03:24 Et il y a un pompier qui est venu, qui m'a mis des claques, qui m'a réveillée.
03:27 Je me souviens que quand je me suis réveillée,
03:28 j'ai regardé le pompier et j'ai dit "ce n'est pas moi".
03:31 J'ai dit "ce n'est pas moi", il nous a foncé dessus.
03:33 Ensuite, il y a une vingtaine de pompiers qui sont venus me porter secours,
03:37 ils ont mis deux heures pour me désincarcérer de mon véhicule.
03:40 Je me souviens aussi qu'il y a un pompier qui est venu,
03:44 et c'était en été donc je portais une longue jupe
03:46 et à ce moment-là, il a soulevé un peu ma jupe.
03:49 Il a vu l'état de ma jambe et je me souviens qu'il a dit "oh putain, je ne peux pas voir ça".
03:53 Et en fait, c'est parce que ma cheville et mon os ressortaient de ma jambe.
03:59 Ensuite, on nous a transférés aux urgences, on nous a pris en charge.
04:03 Et c'est vrai que pendant la prise en charge, c'était assez compliqué
04:07 parce que vu les douleurs que j'avais et vu l'état de mes jambes,
04:11 aussi je ne savais pas en fait si j'étais touchée.
04:14 En fait, à ce moment-là, on se demande si on est touché au cœur,
04:16 s'il y a un organe qui a été touché, est-ce qu'on va mourir, etc.
04:20 Donc je ne sais même plus où je suis.
04:21 En fait, je me dis "est-ce que c'est vrai ce qui se passe ?"
04:23 Et pourquoi il a fait ça en fait ?
04:25 On se pose la question de pourquoi ça et pourquoi nous ?
04:28 J'ai de la colère, j'ai de la haine, j'ai surtout de l'incompréhension.
04:32 Mais la colère et la haine, elle vient après.
04:35 Elle vient au moment où le personnel hospitalier
04:38 m'explique un petit peu ce que j'ai au niveau des jambes.
04:41 Parce que quand j'étais à l'hôpital, il faut savoir que ma famille vient de Rouen,
04:46 on vient tous de Rouen, ils sont venus jusqu'au Havre,
04:48 et ils posent la question aux chirurgiens "est-ce qu'elle va remarcher ?"
04:52 Et là, le chirurgien, il dit "non, elle ne va pas remarcher".
04:54 Et en fait, c'est un double choc, parce qu'on sait que c'est volontaire
04:57 et en plus de ça, on se dit "c'est une personne qui m'a pris mes jambes".
05:01 À cette époque-là, j'avais 26 ans, du coup le fait d'apprendre qu'on ne va pas remarcher,
05:05 c'est quelque chose de très difficile.
05:09 Parce qu'on se pose la question sur comment on va poursuivre notre vie,
05:12 et c'est vrai que ces questions-là, c'est des questions auxquelles on n'a aucune réponse.
05:16 La première chose qui nous vient en tête, c'est "il faut que je fasse quelque chose pour remarcher",
05:20 même si les médecins me disent que ça ne va pas le faire.
05:23 Il faut savoir aussi que je suis croyante, et du coup je me suis dit "non, je ne peux pas croire
05:27 juste le diagnostic d'un médecin, il faut que je me batte pour reprendre ma vie normale,
05:34 mais surtout aussi pour remarcher".
05:36 C'est vrai que c'était un combat qui était difficile parce qu'au départ,
05:39 quand je faisais ma rééducation, j'apprenais déjà juste à bouger un orteil.
05:44 Quand on apprend en rééducation, on ne se dit pas que c'est comme ça en fait,
05:46 on se dit "bon, on va faire des exercices un peu plus poussés",
05:50 que là on me disait "essaye juste de bouger ton orteil",
05:52 et ça pour moi c'était terrible à apprendre.
05:56 À l'hôpital, la police ne m'entend pas puisque je n'ai pas été auditionnée aussitôt,
06:00 j'ai été auditionnée un an après les faits.
06:02 Du coup, c'est pour ça que l'injustice est plus grande dans le sens où on ne se sent pas écoutée.
06:06 Avec ma famille, on a appelé plusieurs fois la police,
06:10 on appelle le tribunal, on n'a pas de réponse.
06:12 On n'a que des rumeurs auprès du service hospitalier
06:16 parce qu'ils ont entendu des choses par rapport aux pompiers
06:18 qui ont dit que l'homme en question avait un couteau,
06:23 qu'il s'en est pris à une serveuse.
06:25 On a entendu aussi qu'il y avait une histoire de petite copine.
06:28 On a entendu plein de choses et on a essayé de rassembler les pièces du puzzle,
06:34 mais on n'avait pas de réponse.
06:36 J'ai reçu un courrier comme quoi il avait été auditionné
06:40 et il a dit qu'il voulait préserver son pays des attentats.
06:42 Et là, ça a répondu à certaines questions
06:45 puisque ça s'est passé 15 jours après les attentats, comme j'ai dit.
06:48 Et le reste, on l'a appris deux ans après puisque le procès a eu lieu à ce moment-là.
06:52 C'est vrai qu'au moment du procès, c'était un choc d'apprendre certains détails,
06:56 comme le fait qu'il ait attrapé la femme enceinte
06:59 et qu'il lui ait demandé si c'était une arabe.
07:01 Ça, je l'ai appris au moment du procès.
07:03 Je me dis, là, je ne suis pas victime d'injustice ?
07:07 Pourquoi on a des détails au bout d'un an, au bout de deux ans ?
07:10 Est-ce qu'ils le défendent ?
07:11 Pourquoi ils n'en parlent pas à la télé ?
07:12 Parce que d'habitude, des affaires comme ça, on en parle tout de suite à la télé.
07:16 On se pose des questions sur l'individu, etc.
07:18 Et là, il n'y a pas ça.
07:20 Est-ce que c'est parce que c'est dans le sens opposé ?
07:22 Je me souviens que je faisais même mon enquête de moi-même.
07:24 J'allais sur Internet, je tapais le nom de la personne sur les réseaux sociaux,
07:28 je faisais plein de recherches, mais je n'avais pas les réponses à mes questions.
07:31 Parfois, j'appelais même la police, je leur disais,
07:32 "Ah, mais vous avez vu cet élément-là, etc."
07:35 J'appelais mon avocat, je lui demandais d'enquêter.
07:38 Et à ce moment-là, l'auteur des faits,
07:41 je me demande en fait, qu'est-ce qu'il devient, où il est ?
07:44 Parce qu'il n'est pas du tout en prison, il est dehors, il est en liberté.
07:47 Qu'est-ce qu'il va devenir ?
07:48 Est-ce que la justice va faire son travail ?
07:51 Est-ce qu'il va payer pour ce qu'il a fait ?
07:53 Est-ce qu'il va nous demander pardon ? Est-ce qu'il va nous donner des réponses ?
07:55 Est-ce que ce qu'il a fait, c'est vraiment vrai ?
07:57 Est-ce que c'est vraiment pour préserver son pays qu'il a fait ça ?
08:01 Est-ce que c'est vraiment un islamophobe ?
08:02 Parce qu'en fait, le fait de ne pas avoir le visage de la personne qui nous a fait ça,
08:08 de ne pas l'avoir confronté non plus,
08:10 on se pose des questions et au final, on commence à s'énerver.
08:14 Et là, je commençais à m'énerver sur mes proches, sur le personnel hospitalier.
08:17 Parfois, j'étais désagréable, parfois, j'avais aussi un comportement qui était exécrable.
08:22 En fait, j'étais devenue désagréable parce que l'injustice et ma santé avaient pris le dessus sur moi.
08:28 À un moment donné, je crois que c'était au bout d'un an d'hospitalisation,
08:32 le fait d'être enfermée comme ça à l'hôpital sans pouvoir sortir,
08:36 sans pouvoir profiter de ses proches et avoir tout ça dans la tête,
08:39 j'ai littéralement pété les plombs.
08:42 Ensuite, j'ai dû enchaîner les consultations avec des psychiatres, des psychologues,
08:47 qui m'ont aidée à mettre des mots sur ce que j'avais.
08:50 Parce que je pense que c'était ça le problème,
08:52 c'était le fait de ne pas arriver à mettre des mots sur ce qui m'est arrivé.
08:56 Deux ans après, il y a eu le procès,
08:58 je me souviens que c'est les ambulanciers qui m'ont accompagnée au tribunal.
09:03 Donc, j'ai été aussi accompagnée de pratiquement toute ma famille.
09:07 À ce moment-là, comme je ne savais pas à quoi il ressemblait,
09:10 je me souviens qu'avec les autres victimes,
09:12 on le cherchait un peu partout dans les couloirs du tribunal.
09:15 Dès qu'on voyait une personne passer, on se disait "est-ce que c'est lui ? Est-ce que ce n'est pas lui ?"
09:19 Et quand on est rentrée dans le tribunal et qu'on l'a vue assise,
09:22 là on a constaté que c'était lui, parce qu'il ne nous regardait pas dans les yeux.
09:25 Et je me souviens que je suis passée à côté de lui avec mon fauteuil roulant
09:28 et moi je me suis arrêtée à côté de lui et je le regardais.
09:31 Je le regardais, mais il n'arrivait pas à me regarder, il baissait la tête.
09:34 J'attendais quelque chose, je ne sais pas quoi.
09:36 Au moment du procès, ce qui a été dur aussi, c'est de se remémorer ce qui s'est passé
09:40 et d'entendre des choses qu'on n'a pas entendues pendant l'hospitalisation.
09:45 Le juge qui montre les photos, de l'état des véhicules,
09:48 qui parle de ce qui s'est passé, de ce qu'il a fait,
09:52 qui parle de ce qui s'est passé dans le restaurant avant qu'il m'ait percutée.
09:57 Et là j'apprends des choses.
09:59 Je me souviens que je me retournais souvent vers mon avocat,
10:01 que j'étais choquée en fait.
10:03 J'étais choquée, c'est comme si je réapprenais une nouvelle histoire.
10:06 Et ensuite, quand c'est à son tour de s'exprimer,
10:10 on n'arrive même pas à voir des mots concrets.
10:13 Il bégaye, il marmonne en fait, il parle un peu dans son buste comme ça
10:18 et moi je n'ai pas les réponses à mes questions.
10:19 J'ai eu deux, trois excuses.
10:22 Oui, je suis désolée.
10:23 J'ai conscience que j'ai gâché votre vie.
10:26 Mais je n'ai pas toutes...
10:27 En fait, je n'aurai jamais les réponses à mes questions
10:29 et je pense que même s'il y répond, ça ne m'aidera pas plus que ça.
10:33 Mais à ce moment-là, le juge me laisse la parole
10:36 et il me laisse lui dire ce que j'ai sur le cœur.
10:39 Et là, c'est vrai qu'à ce moment-là, je me suis lâchée.
10:41 Et je me souviens que je tapais sur mon fauteuil roulant
10:43 et je lui disais "Regarde mon état, regarde ce que tu as fait de moi.
10:45 Tu m'as volé ma vie."
10:46 Je lui ai dit "Tu es un lâche."
10:47 Et il me dit "Non, je ne suis pas un lâche.
10:51 Au contraire, si j'étais un lâche, je ne serais pas venue ici."
10:53 Et ça, c'est quelque chose qui m'a mise hors de moi.
10:56 Mais je pense que c'est le fait qu'ils soient en face de moi
10:59 et le fait qu'il y ait beaucoup d'années qui nous ont séparés,
11:03 et beaucoup de questions qui font que je me suis un peu lâchée.
11:07 Cette personne-là a fait plusieurs victimes en l'espace de quelques minutes.
11:12 Donc si les jeunes ne l'avaient pas arrêtée à ce moment-là,
11:15 combien de victimes il aurait fait
11:17 s'il avait continué sa course avec le véhicule volé ?
11:21 Pour moi, il ne regrettait pas son geste.
11:22 Pour moi, s'il regrettait son geste,
11:24 il aurait fait un geste pour nous expliquer ce qu'il a fait
11:28 et pour nous faire part de ses regrets.
11:30 Mais lui, il a attendu le moment du procès
11:32 et pour moi, au procès, il s'est juste défendu de ce qu'il a fait.
11:35 Ses excuses, c'était juste pour dire "Je veux sauver ma peau."
11:39 Et au final, il a eu trois ans de prison avec 18 mois de sursis.
11:45 Deux mois après ce qui s'est passé,
11:47 j'ai pu avoir une des victimes au téléphone
11:51 et qui m'a expliqué qu'il n'était pas du tout en prison.
11:56 Et là, c'était un double choc, en fait.
11:57 C'était un double choc pour moi, encore une fois.
11:59 Mais là, je me suis dit "Non, là, il faut que tu avances.
12:02 Le procès, il est passé.
12:03 Tu as dit ce que tu avais à lui dire.
12:06 Maintenant, l'injustice, elle est là.
12:08 Je ne sais pas ce que je vais pouvoir faire
12:09 pour que cette injustice, elle sorte de ma tête.
12:12 Mais là, il faut que je pense à moi."
12:13 Ça faisait quand même deux ans que j'étais hospitalisée.
12:15 Je ne marchais pas encore.
12:17 Et en fait, le fait d'être alité, le fait d'être en dépression,
12:22 le fait d'aller mal, tout simplement.
12:24 J'étais en train de me détruire physiquement et moralement.
12:27 J'ai pris presque 40 kilos.
12:30 J'étais transformée, en fait, quand j'étais à l'hôpital.
12:32 Et ça, je ne le voyais pas.
12:34 Parce que certes, il a détruit une partie de moi.
12:37 Mais l'autre partie, c'est moi qui va la détruire
12:39 si je continue à penser à chaque fois à lui,
12:43 au fait qu'il soit dehors, au fait qu'il soit en liberté, etc.
12:46 Non, là, il faut que je pense à moi, il faut que je pense à mes jambes,
12:48 il faut que je pense à ma santé et il faut que je remarche.
12:50 Donc là, le combat, il a commencé à ce moment-là.
12:52 Donc, j'ai commencé à penser, on va dire, un peu à autre chose,
12:56 même si c'était difficile.
12:57 Et j'ai fait aussi un travail avec les psychologues qui étaient remarquables.
13:01 Ils m'ont beaucoup aidée.
13:02 Et ma foi aussi a fait un grand travail sur ça.
13:06 Elle est devenue plus grande.
13:07 Même si on m'a posé des questions après que je sois sortie de l'hôpital.
13:11 On m'a dit "Mais tu ne regrettes pas d'être convertie à l'islam ?
13:14 Tu ne regrettes pas d'avoir choisi cette religion-là
13:16 alors qu'il t'a fait du mal par rapport à ça ?"
13:18 Et j'ai dit non, au contraire.
13:19 Au contraire, ça me donne encore plus de force,
13:21 ça me donne encore plus envie d'avancer, d'apprendre ma religion.
13:24 De base, j'ai été chrétienne.
13:26 Je me suis convertie à l'islam.
13:28 C'est un choix que j'ai fait,
13:29 mais c'est un choix que j'ai fait parce que j'ai appris cette religion.
13:32 L'islam, c'est une religion qui prône la paix, qui prône l'amour.
13:35 Comme j'ai déjà dit une fois,
13:36 si tous les musulmans étaient voués à faire du mal,
13:40 dans ce monde-là, ce serait le chaos.
13:42 Il faut arrêter cet amalgame,
13:44 il faut plutôt avoir de la tolérance et apprendre.
13:47 Apprendre ce qu'on ne connaît pas.
13:49 Et quand on apprend les choses, on apprend de belles choses.
13:51 Parce que moi aussi, avant, je me posais des questions sur l'islam.
13:54 J'avais un peu l'islam des médias dans la tête.
13:57 Et au final, j'ai beaucoup appris.
13:59 Et ce que j'ai appris, c'est tout le contraire de ce qu'on peut apprendre à la télé.
14:04 Et c'est l'islam qui m'a apporté de la paix, justement,
14:07 par rapport à ce qui m'est arrivé.
14:09 Parce que moi, dans ma tête, j'avais un esprit de vengeance,
14:11 un esprit de haine.
14:14 L'islam, ce n'est pas du tout ça.
14:15 L'islam, au contraire, ça m'apprend à pardonner.
14:17 Et je me suis même posé la question plusieurs fois,
14:19 est-ce que je lui pardonne ?
14:20 Et je pense que c'est même...
14:22 Enfin, je suis même sûre que c'est ce qui fait qu'aujourd'hui,
14:25 je n'ai pas lâché mon combat et j'en suis à là aujourd'hui.
14:29 Aujourd'hui, au niveau de ma santé, ça va beaucoup mieux qu'avant.
14:31 Je remarche avec des béquilles et je suis très fière de moi sur ça.
14:34 Je suis très, très fière de moi parce que c'est quelque chose
14:36 qu'au départ, je n'imaginais pas du tout.
14:38 Et j'ai développé une très grande confiance en moi
14:42 que j'avais perdue quand j'étais à l'hôpital.
14:44 Comme je l'ai dit, j'avais pris une quarantaine de kilos.
14:47 J'ai perdu 47 kilos depuis ma sortie d'hôpital.
14:50 Et là, mon estime, elle est beaucoup plus grande,
14:53 beaucoup plus forte qu'avant parce que j'apprends en fait à me connaître
14:56 et j'apprends à m'aimer.
14:58 J'apprends à m'aimer avec mes cicatrices que je n'acceptais pas avant.
15:02 J'apprends à m'aimer avec mes béquilles que je n'acceptais pas avant.
15:05 J'apprends à m'aimer avec mon handicap.
15:07 Et le handicap, je le vois moins qu'avant.
15:09 Je le vois moins parce que je ne me focalise pas dessus.
15:11 Et je m'accepte telle que je suis.
15:13 Avant, je me posais la question de qui va m'accepter telle que je suis ?
15:16 Est-ce que je vais me marier ?
15:17 Est-ce qu'un homme va m'accepter telle que je suis ?
15:19 Mais ce n'est pas cette question-là qu'il faut se poser en fait.
15:21 C'est est-ce qu'un homme va m'aimer comme moi, je m'aime ?
15:24 Et le plus important en fait, c'est de m'aimer moi-même.
15:27 Et ça, je pense que personne ne peut me l'enlever.
15:29 En fait, je m'en sers comme une force.
15:31 C'est devenu limite un tremplin pour moi
15:34 et pour monter encore plus haut dans ma quête de la réussite.
15:38 En fait, je n'ai plus envie de me plaindre et de dire
15:40 "ben voilà, j'ai été victime d'une injustice, il s'est passé ci, il s'est passé ça".
15:44 Ce qui s'est passé, ça s'est passé.
15:45 Je ne l'oublie pas, c'est dans ma tête.
15:47 Mais aujourd'hui, c'est une nouvelle personne qui est née.
15:50 Et j'ai profité en fait de cette occasion-là, de ce qui m'est arrivé,
15:54 pour devenir plus forte, pour devenir une nouvelle personne.
15:56 J'ai des projets plein la tête.
15:58 J'ai envie d'aider les femmes, les personnes en situation de handicap.
16:02 Pourquoi pas créer une association ?
16:03 Il faut savoir que j'avais commencé à créer une association quand j'étais à l'hôpital.
16:06 C'est un projet que j'avais mis de côté, mais que je vais reprendre volontiers.
16:10 Pour l'instant, je me focalise plus sur les réseaux sociaux
16:13 parce que c'est vrai que les personnes qui me suivent aujourd'hui
16:16 ont beaucoup de choses à dire.
16:17 Et je trouve que c'est une vraie thérapie de raconter son histoire.
16:21 Moi, ça m'a beaucoup aidée et j'aimerais bien travailler sur ça,
16:25 pourquoi pas à l'avenir.
16:27 Mais en tout cas, mes projets, ils sont différents d'avant
16:30 et je sais que je vais réussir.
16:31 [Musique]
16:36 *Bruit de la musique*
16:38 [SILENCE]

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