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Art et designTranscription
00:00 * Extrait de la première partie de la série *
00:10 Et nous ouvrons donc cette seconde partie des midis de culture dédiée à la rencontre,
00:15 à la conversation avec une personnalité du monde de la culture.
00:18 Tout l'été et jusqu'au 23 septembre prochain, Philippe Catherine s'expose.
00:23 Ses œuvres sont réunies pour la première fois dans un musée,
00:26 le pavillot Vendôme de Clichy au nord-ouest de Paris.
00:31 Bonjour Philippe Catherine.
00:32 Bonjour.
00:33 Merci d'inaugurer avec nous les midis de culture.
00:36 Alors on vous connaît évidemment comme chanteur, compositeur, interprète
00:39 et c'est cette longue carrière qui aurait pu vous amener jusqu'à nous.
00:44 Mais en réalité aujourd'hui c'est le Philippe Catherine, artiste plasticien,
00:48 artiste complet que l'on reçoit ce midi.
00:52 D'après ce que j'ai lu, vous avez commencé à gribouiller, à dessiner à l'âge de 17 ans.
00:56 Vous avez fait vos études d'art plastique à Rennes.
01:00 Vous n'avez jamais cessé de dessiner depuis tout ce temps ?
01:03 J'ai commencé plus tôt quand même.
01:05 Carrément ?
01:06 Comme tous les enfants.
01:09 A deux ans, je faisais des dessins merveilleux
01:12 et ça n'a pas cessé de se dégrader par la suite.
01:14 Mais j'ai continué tout de même.
01:16 Qu'est-ce qui vous plaît tant dans le dessin ?
01:19 Aujourd'hui encore ?
01:19 C'est-à-dire que le dessin, c'est des choses que tu ne peux pas dire en chanson
01:25 ou dans un film.
01:26 C'est une humeur qui ne peut passer que par le dessin.
01:34 Quel exemple je pourrais donner ?
01:37 Une humeur en dessin ?
01:38 Non, mais un trait de caractère.
01:41 Je pense à Sampé par exemple, qui est excellent dans ce genre de choses.
01:46 Vous avez la plage vue de haut, dessinée par Sampé.
01:52 Et un promeneur solitaire qui laisse des pas derrière lui.
01:59 Et son chien qui laisse aussi des pas derrière lui,
02:02 mais des pas qui partent dans tous les sens.
02:08 Parce qu'on sait bien que les chiens changent tout le temps de direction.
02:11 Ah bon ?
02:11 Encore plus que nous, c'est brusque.
02:13 Ils changent brusquement de direction.
02:14 Nous, on a tendance à marcher droit.
02:16 Alors que les chiens, ça va dans tous les sens.
02:18 C'est pas sur le sable.
02:23 Ce sont des choses qui, en dessin, sont des merveilles à dessiner.
02:28 Ça veut dire qu'aujourd'hui, vous avez un petit carnet,
02:31 vous continuez à dessiner.
02:32 Là par exemple, quand vous êtes venu à la maison de la radio,
02:34 il y a quelque chose qui vous inspire.
02:36 Vous le dessinez ou alors vous vous posez chez vous le soir
02:39 et vous vous rappelez votre journée en vous disant
02:41 "Qu'est-ce que j'ai vu aujourd'hui ?"
02:42 Les deux oiseaux dans le studio, hop, je les dessine.
02:44 Comment ça se passe ?
02:45 Ça m'arrive d'avoir des périodes comme ça,
02:47 où je tiens comme un petit journal dessiné.
02:50 Puis après, je le laisse tomber pendant six mois,
02:52 puis je reprends un peu.
02:53 Mais ce n'est pas particulièrement une hygiène de vie.
02:57 Je ne dirais pas ça.
02:58 - Votre travail artistique, vous dites qu'il est éclaté.
03:01 Alors au sens propre du terme,
03:04 vous avez un spectre assez large de création,
03:07 plusieurs disciplines qu'on retrouve d'ailleurs dans ce musée.
03:10 On va y venir.
03:13 Il y a de la peinture, de la gouache, des photographies,
03:15 des collages et même des sculptures.
03:18 - Oui.
03:18 - Comment on arrive à être un artiste,
03:22 comme je le disais, complet à tous ces niveaux-là ?
03:24 - C'est plus, là ça part un peu dans tous les sens, c'est sûr,
03:28 mais c'est plus un aveu d'impuissance qu'autre chose.
03:31 Parce que j'aimerais me concentrer,
03:33 comme le font d'ailleurs les artistes que j'aime.
03:36 Je ne sais pas, je pense à...
03:38 - Faire que de la musique ?
03:39 - Non, pas ça.
03:40 Je ne sais pas, ou à Pivy, par exemple, je regardais,
03:43 que j'aime bien, par exemple,
03:45 qui est obsessionnel,
03:47 qui sont plus obsessionnels.
03:49 Ou j'ai vu quoi, François Spetrovitch,
03:52 c'est plus obsessionnel.
03:54 Mais ça, j'admire ça.
03:56 - Ça veut dire qu'ils ont une idée et qu'il la décline à chaque fois ?
03:58 - Il la décline. Alors que moi, bon, je suis plus...
04:02 - Vous avez quand même des obsessions ?
04:03 - J'ai des obsessions, ça c'est sûr.
04:06 La mort, les trous, j'aime beaucoup.
04:08 - Le rond aussi, non ?
04:10 - Oui, le rond.
04:11 - Ce qui est rond, les fesses, la patte à modeler.
04:14 - Oui, j'avoue.
04:16 Mais ces obsessions, je les décline de plein de façons.
04:20 Je ne suis jamais content.
04:21 C'est pour ça que je dis que c'est un aveu d'impuissance.
04:25 - Vous n'êtes jamais content, mais vous arrivez dans un musée quand même.
04:28 Et ce n'est pas mal.
04:29 Avant d'arriver dans ce musée de Lichy,
04:31 il y a tout un parcours urbain qui débute dans Paris.
04:35 * Extrait de « La vie de Jean-Michel Chassol » de Jean-Michel Chassol *
04:39 - Mais entrons maintenant dans l'hôtel.
04:43 Le maître de la maison nous attend avec un sourire fort accueillant
04:47 sur le palier du rez-de-chaussée.
04:48 - A Batignolles, Lichy.
04:51 - Les formes extrêmement puissantes et certains goûts de la monumentalité.
04:57 Il y a ce côté pas sérieux, si l'on veut.
05:00 - Mais qu'importe, l'ensemble est vraiment très agréable.
05:04 - C'est pour les enfants, ce truc-là, c'est génial.
05:06 C'est fait pour les enfants.
05:08 - Alors le bruit du métro, là, ne dérange personne.
05:10 - Les couleurs.
05:11 - Alors toute la gamme des roses.
05:13 - On est heureux quand on fait pas de chichi à Batignolles, Lichy.
05:19 - Quand quelqu'un se prend tout à fait au sérieux,
05:20 pas seulement un artiste, un écrivain,
05:23 mais même un industriel ou un homme politique,
05:26 il y a une espèce d'acceptation de la condition humaine.
05:29 Du moment qu'on est tout à fait sérieux, ça veut dire que tout est très bien comme ça
05:31 et je m'inscris tout à fait là-dedans.
05:34 De sorte qu'il y manque quelque chose d'absolument essentiel qui est tragique.
05:37 - Bon et maintenant, voici le départ pour le bal.
05:39 - À Batignolles, Lichy !
05:42 - Alors ce parcours est début de Philippe Catherine devant la mairie des Batignolles
05:46 dans le 17ème arrondissement de Paris.
05:49 Et on est mené, guidé jusqu'au pavillon Vendôme de Lichy par les Messieurs Rose.
05:55 Racontez-nous qui sont ces Messieurs Rose ?
05:58 Je ne sais même pas comment il faut le dire, ces bonshommes.
06:00 À quoi ils ressemblent d'abord ?
06:01 - Tu dis des bonshommes.
06:02 - Tu dis pas maudit.
06:03 - Je dis des bonhommes.
06:04 - Des bonhommes.
06:06 - Des bonhommes, bon, d'ailleurs ils n'ont pas de sexe, on peut dire.
06:11 J'ai renoncé à leur donner un sexe parce qu'il m'a semblé que c'était les réduire.
06:18 Donc ça reste très ouvert sur le genre.
06:22 Par contre, non même pas, mais ce sont des personnages qui sont nés
06:27 simplement pendant le confinement.
06:30 C'est-à-dire que j'avais de la pâte à modeler, je jouais avec les enfants
06:34 et puis j'ai fini par, disons, sculpter dans mes gros doigts ce petit bonhomme rose.
06:42 J'avais de la pâte à modeler rose, simplement.
06:45 Et avec les bras devant, comme s'il y avait, comme on disait à l'époque,
06:51 le truc, la distance réglementaire, je ne sais plus comment ça s'appelait.
06:55 Bref, il y avait toute une sorte de nouveau vocabulaire à cette époque-là.
06:59 - La distanciation.
07:00 - La distanciation, oui.
07:02 - Et donc ils ont les bras devant ?
07:04 - Ils ont les bras devant, comme pour signifier attention.
07:08 Voilà. Et puis ce premier bonhomme rose qui était fait en pâte à modeler,
07:11 je l'ai mis dans un grand verre, en verre, un vase en verre, on peut dire.
07:19 Et donc il essayait de sortir de ce vase transparent.
07:25 C'est comme ça qu'est né ce bonhomme, c'est-à-dire dans un désespoir non fin.
07:31 - Et pourtant, ils sont aussi comme une forme de point rose dans le gris urbain aujourd'hui.
07:36 Ils sont donc entre la mairie du 17e arrondissement et nous emportent jusqu'au-delà du périphérique.
07:43 Ils sont d'ailleurs même sur le périphérique, il y a une forme d'invasion.
07:46 Et ils nous emmènent jusqu'au pavillon où vous vous exposez.
07:49 - Oui, c'est le paradoxe un peu de ce bonhomme à la fois désespéré, presque suicidaire aussi,
07:56 puisque je les avais aussi exposés au bon marché où ils étaient prêts à se jeter dans les rayons parfumerie.
08:02 Et c'est un bonhomme qui est comme ça, ce monsieur rose, et qui plaît aux enfants.
08:10 Donc c'est le paradoxe aussi qui m'intéresse beaucoup.
08:13 - Mais il ne se sent pas très suicidaire quand on tombe dessus.
08:15 Moi je pense que je suis tombée dessus au début de l'été en sortant de Paris,
08:20 donc juste en dessous du périphérique, la frontière entre Paris et Clichy.
08:25 C'est plutôt joyeux, réconfortant de les voir.
08:28 C'est-à-dire que je n'avais pas du tout de réminiscence de pensée suicidaire, du confinement, d'un mal-être.
08:35 - C'est tout mon... Ce n'est même pas un désir, mais je suis heureux d'entendre ça,
08:40 parce que si le désespoir est lu, comme avec le sourire, ça me plaît beaucoup.
08:48 - C'est vrai qu'Eric Lévy, qui a organisé cette exposition à Clichy,
08:54 qui a voulu les exposer sur le... faire ce parcours,
08:59 c'est lui qui en a eu une initiative, qui a fait beaucoup de réunions aussi avec les gens de pouvoir.
09:04 - Donc à laquelle vous n'assistiez pas ?
09:06 - Mais non. Donc j'ai eu ce privilège.
09:09 - Mais comment c'est ça ? Déterminer un parcours pour se dire "on passe par telle rue, on passe par telle autre" ?
09:14 - Oui c'est ça, alors je ne sais pas trop comment c'est passé, parce que ça m'a l'air très très compliqué.
09:17 - Je crois que c'est suspendre au périphérique, ça a été une chose...
09:19 - Oui, suspendre au périphérique, justement sur le pont, où ils sont prêts à tomber quand même.
09:24 Donc on est quand même encore dans un truc un peu suicidaire.
09:27 - Quelque chose de risqué un petit peu. - Oui, oui, aussi.
09:29 Donc il y a ce mélange qui m'intéressait beaucoup,
09:33 et ce rose qui est une couleur qui a bonne réputation.
09:38 - Ah bon ? - Ah oui.
09:40 - Souvent "ah c'est rose, c'est mignon, ça donne le sourire". - C'est cucu ?
09:43 - Ça donne le sourire. - Mais c'est un peu cucu aussi, ça a une réputation un petit peu...
09:46 - Bien sûr. - ...édulcorée.
09:48 - Vous avez lâché l'adjectif "mignon", alors ça, ça renvoie évidemment à votre courant artistique.
09:54 Est-ce qu'il faut le dire comme ça ? Est-ce que c'est trop pompeux, le "mignonisme" ?
09:58 - Oui, c'est moi qui ai appelé ça comme ça, parce que je réfléchissais aussi à ce que je faisais,
10:04 parce que ça m'arrive par moment de faire une pause, de me dire "tiens, qu'est-ce que je suis en train de faire ?"
10:08 Bon, ben, depuis toutes ces années. Et j'y réfléchissais, puis je me disais que je ne faisais pas du tout du "mignonisme",
10:15 mais tiens, ça serait bien aussi d'avoir une grille de lecture comme ça de ce que j'ai fait ou de ce que les gens font,
10:21 parce que... avec l'idée du "mignonisme", qui n'est pas forcément des chats, des chatons mignons dans une pelote de laine,
10:29 c'est pas ça, mais c'est plutôt des œuvres qui traitent de choses graves ou pénibles, de façon...
10:38 disons, un pas de côté qui permet d'avoir un aspect un peu mignon à tout ça.
10:45 Bon, donc, je me suis aperçu que je faisais des chansons, mais qui n'étaient la plupart du temps pas du tout "mignonistes".
10:52 Je faisais des dessins qui n'étaient pas du tout, et c'est à cette période où moi j'avais besoin de produire des choses "mignonistes".
11:01 Voilà. Puis à part, je suis resté seul dans mon courant, puisqu'il est déjà rempli, puisqu'il y a déjà plein de gens qui font des films,
11:12 des chansons, des peintures, qui sont déjà "mignonistes".
11:17 - Il faut quand même nous décrire un petit peu. - Sans le savoir, d'ailleurs, ils n'en ont pas du tout envie.
11:20 - Mais alors qu'est-ce que c'est exactement le "mignoniste" ?
11:23 Vous êtes revenu sur ce que vous avez produit, et puis on est pendant ce confinement, au printemps 2020,
11:29 où vous êtes enfermé comme tout le monde, et vous vous dites "s'il y a des choses autour de moi avec lesquelles je peux créer quelque chose".
11:37 - Ou disons, mettre en scène une angoisse, simplement, avec par exemple les jouets des enfants,
11:44 puisque j'avais le temps de le faire. Donc je mettais en scène, simplement. On nous empêchait de faire des festivals ou des concerts,
11:54 c'était à cette époque où je faisais des concerts. Moi, là, on ne pouvait plus faire de concerts.
11:58 Alors, ça a commencé comme ça, en fait. J'ai commencé par enlever les bras et les têtes des Playmobil,
12:07 et puis pour en faire des concerts fictifs. Mais alors sans tête et sans bras, puisque c'était par là qu'on attrapait le virus.
12:16 Donc ça me soulageait de mettre en scène tout ça. Et puis ça me faisait plaisir, ça me faisait du bien.
12:24 Bon, ça commence par là, c'est purement égoïste.
12:26 - Vous dites que le "mignonisme", pourtant, est partout. Est-ce qu'il est par exemple dans ce studio, le "mignonisme" ?
12:35 - Vous portez des badges... - En votre honneur !
12:40 - En mon honneur, c'est très sympathique ! - C'est des badges roses où il y a écrit "Philippe Catherine".
12:44 - Oui, parce que tellement mignon ! - Mais "mignon" et "mignoniste", ça n'a pas l'air d'être vraiment pareil.
12:49 - Il faut que ça s'accotoie, si vous voulez, parce que le studio est très grisâtre. On n'est pas dans l'enfer non plus,
13:01 mais il y a quand même un feu, un atre, là, au milieu. - Cette lumière rouge qu'il trouve qu'on a à l'antenne.
13:06 - Ça peut ressembler, bien sûr, à la maison de Lucifer.
13:11 - Et cette horloge, vous l'avez essayé de définir, ce "mignonisme", dans ce livre qui est paru en même temps que cette exposition.
13:18 Vous dites "l'horloge, est-ce qu'elle est mignoniste ?" Et vous dites "non". Pourquoi ?
13:21 Parce qu'elle est trop prévisible, elle est trop surdelle, l'horloge, elle est trop autoritaire, même en panne.
13:28 - Ah oui, le temps qui passe, c'est quelque chose d'inéluctable et de très prévisible.
13:37 On l'observe depuis qu'on est né. Donc ce n'est pas quelque chose de très "mignoniste".
13:44 Même une horloge en panne, après ça dépend comment on la décore, qu'est-ce qu'on en fait exactement.
13:50 Mais moi je ne porte pas de montre, c'est trop pesant.
13:53 - Puis vous avez un téléphone portable. - J'en ai un, oui.
13:56 - Donc "mignon" et "mignoniste", ça ne va pas forcément au fond. - Non, pas du tout.
14:01 - Alors pourquoi "mignoniste", pourquoi ce terme ? D'où il vient ?
14:04 - Parce que j'ai remarqué que depuis l'histoire de l'humanité, dès que ça se finit en -isme, ça se finissait en drame.
14:12 - Donc vous allez vous créer un drame, c'est ça ?
14:16 - Je ne vais pas créer un drame, ça se termine souvent en dictature, c'est ce que j'ai observé.
14:20 Et ça m'intéressait beaucoup d'être le seul représentant et le seul tyran d'un courant qui n'existe que par moi.
14:28 Donc c'est ce que je trouvais intéressant à souligner dans le fait de terminer en -isme.
14:36 - Alors l'aspect "mignon" aussi questionne évidemment ce qu'on peut appeler la beauté de l'art.
14:41 Est-ce que ce que vous avez créé est beau, oui ou non ?
14:45 - Ça je vous laisserai répondre, mais en tout cas ces bonhommes roses, ils réunissent toutes les caractéristiques qu'on trouve habituellement en "led".
14:53 Ils ont une pelle vissie, ils ont les oreilles décollées, ils ont des bras un peu trop longs, trop grands, des formes très généreuses.
15:00 Est-ce que dans votre façon de vous exprimer par l'art, il y a aussi l'idée de vouloir, je ne sais pas moi,
15:07 casser les canons de beauté, en tout cas montrer autre chose que ce qu'on peut voir habituellement ?
15:14 - Bien sûr, ce qui est beau est laid, ce qui est laid est beau.
15:19 C'est une frontière qui n'a plus lieu vraiment, moi je trouve.
15:23 - Encore même ! Il y a des choses sur lesquelles on peut s'accorder.
15:28 - Vous pensez à quoi ?
15:29 - Par exemple à ce studio.
15:31 On dirait qu'on était proche de l'enfer, on pourrait dire qu'il est plutôt laid.
15:34 - Oui dans le décor, mais il est vivable parce qu'on est tous les trois là.
15:38 - Oui.
15:39 - Mais sinon, waouh !
15:41 - Voilà, il y a quand même des normes esthétiques.
15:45 - Mais il est beau quand même parce que vous voyez,
15:48 - La forme du plateau est plutôt jolie.
15:51 - Si on pense à Jérôme Bosch ou Soulages, vous avez quelque chose de miraculeux aussi.
15:55 - Oui mais il faut penser à Jérôme Bosch pour se dire que c'est beau.
15:58 - Oui mais bien sûr, on peut toujours s'en tirer.
16:01 - Il reste quand même un petit peu des choses.
16:03 - Oui bien sûr.
16:04 Mais qu'est-ce qu'on disait ?
16:06 Oui, non, on se disait, par exemple la calvitie.
16:09 Bon, il se trouve que j'ai la chance d'en avoir une belle.
16:12 Vous pensez...
16:15 Vous aussi ?
16:16 - Vous avez encore un moment, soyez un peu...
16:17 - Merci Gérard, vous nous avez soulignés.
16:19 - Vous avez dans cette exposition une vaste entreprise que nous avons
16:26 faite avec Fleur de Mery.
16:28 C'est-à-dire que sur la calvitie que j'ai derrière,
16:31 qui était un espace de liberté tout à fait extraordinaire,
16:34 nous avons fait des tatous, des tatous mignonnistes par exemple.
16:38 Alors ça ne veut pas dire que la calvitie est laide et qu'on la rend belle comme ça,
16:42 pas du tout.
16:43 Mais c'est juste qu'on voit rarement la calvitie comme un espace de liberté,
16:49 d'expression.
16:50 - C'est vrai.
16:51 - Et pourtant, beaucoup de gens en souffrent.
16:54 Moi je ne dis pas que ça me rend heureux.
16:57 Mais par contre, de m'exprimer sur cet espace,
17:01 quelle joie !
17:02 - Mais comment vous avez fait ?
17:03 - Là, j'en ai fait un ou deux,
17:05 parce que des fois je dessinais avec des petits oiseaux,
17:09 ça c'est plus facile.
17:10 Mais pour ce qui est des dessins plus périlleux,
17:12 pour ça je cite Fleur de Mery,
17:14 qui est une amie et qui a dessiné sur mon crâne.
17:21 Je n'exclus pas d'en faire un tatouage définitif.
17:24 - Ah, ce serait pas mal.
17:25 - Vous allez choisir lequel ?
17:27 - J'aimerais beaucoup celui que peut-être vous voyez si vous avez vu l'exposition.
17:32 La fenêtre ouverte, avec les volets ouverts,
17:36 vous voyez peut-être avoir une fenêtre ouverte derrière le crâne,
17:43 ça, ça me plaît beaucoup.
17:44 - Et le visage ?
17:45 Parce que moi j'ai beaucoup aimé, j'ai même été un peu apostrophé par...
17:49 Je me suis dit "mais c'est lui, c'est pas lui ?
17:51 Ses yeux, cette bouche qui apparaît sur votre calvitie,
17:53 là on est quand même un peu désarçonné."
17:55 - Oui, bien sûr.
17:57 C'est-à-dire qu'il n'y a pas de ménionisme sans désarçonnement.
18:01 Donc il y a un côté provoque, forcément.
18:03 C'est-à-dire que c'est là où on retrouve les normes entre le beau et le lait,
18:09 c'est que forcément vous devez quand même bousculer quelque chose.
18:12 Ce que l'on pensait moche devient tout à coup intéressant.
18:15 - Je veux pas cette prétention.
18:17 - Oh, quand même !
18:17 - Oh non !
18:18 - Je dis pas que vous êtes prétentieux.
18:20 - Comment ?
18:20 - Je dis pas que vous êtes prétentieux non plus.
18:22 - Ça serait ou présomptueux, je sais pas.
18:24 Je tire pas des plans sur la comète, j'ai juste fait cette expérience sur moi.
18:28 Après, j'imagine pas l'effet que ça peut donner.
18:31 - Ça se trouve une mode.
18:32 - Ou ce que je peux renverser.
18:34 Ou lancer une mode, alors je serais très heureux, bien sûr,
18:36 qu'on profite de ces calvities qui sont distribuées à droite à gauche sur l'écran.
18:42 - Alors le corps, c'est aussi très important dans votre façon de voir les arts plastiques
18:47 et cette exposition que vous nous proposez à Clichy,
18:50 parce qu'il y a évidemment cette calvitie dont on vient de parler,
18:53 et il y a aussi ces obsessions.
18:55 Alors il y a des fesses, il y a des orifices, en tout genre.
19:00 Vous dites "le sexe, c'est le nerf de la guerre, il faut pas négliger l'organique".
19:05 Alors comment est-ce que vous, vous avez réussi à montrer ce qui est parfois
19:10 n'est pas montrable dans un musée ou qu'on n'a pas envie de voir dans un musée ?
19:13 Parfois on est un peu dérangé aussi par ce que vous pouvez proposer.
19:17 - Ça s'est quand même pas mal décanté au niveau de ce qui est montré dans un musée
19:21 depuis un certain nombre d'années.
19:25 On montre bien sûr des choses, c'est pas nouveau ce que je fais.
19:30 Et puis c'est juste...
19:35 Et qu'évidemment le corps, il suffit de penser qu'on vient d'un orifice
19:41 et qu'on vient de là et on retournera là-dedans, dans un trou en tout cas.
19:51 Donc je me suis appuyé du tout de la question.
19:53 - C'est pas grave, vous savez ce qu'on va faire ?
19:55 Parce que vous parlez de la mort, on va écouter un extrait de votre long métrage "Poids de cochon".
20:03 Il est présenté dans cette exposition, entrecoupé d'extraits de vos clips.
20:07 Et on va écouter ce mix.
20:09 * Extrait *
20:18 - On peut très bien se dire que je suis le metteur en scène de tout ça, pourquoi pas.
20:23 Par exemple, je...
20:24 - Tu veux peut-être enlever une chanson pour moi ?
20:26 * Extrait *
20:30 - Tu peux être plus fort pour moi ?
20:31 * Extrait *
20:35 - C'était superbe, waouh !
20:37 Je volais avec les oiseaux, j'étais bien.
20:39 * Extrait *
20:48 - J'ai trouvé ça dégueulasse, j'étais con.
20:51 * Extrait *
20:53 - T'as inventé un truc génial, c'est intemporel, c'est rudimentaire, c'est ça qui est très beau.
21:03 Moi je suis fou de ce projet, c'est vachement généreux.
21:06 * Extrait *
21:12 - C'est plus que rigolo, je trouve ça très émouvant.
21:16 - Tu sais, c'était samedi, à côté de la maison de la radio, je marchais dans la rue,
21:21 et puis il y a une fille juste devant moi, avec ses grands cheveux longs, tu vois.
21:24 - J'ai vu ça, et ça n'a pas été du tout ce que j'attendais, ça n'a pas été l'horreur,
21:28 ça a été au contraire, un espèce de moment magnifique, où d'un coup c'est comme si toute l'humanité,
21:38 si tu veux, m'embrassait sur la bouche.
21:39 * Extrait *
21:48 - Je suis gâté, non ?
21:49 Bon voilà, c'était quand même une bonne journée, à part traîner avec des idiots, c'était bien.
21:54 * Extrait *
21:58 - A part traîner avec des idiots, c'était bien, j'espère que ce n'est pas ce que vous direz après ce passage dans les Midis de Culture.
22:03 Philippe Catherine est avec nous dans les Midis de Culture sur France Culture.
22:08 Racontez-nous quand même cette histoire de peau de cochon avant le film.
22:13 Il y a cette opération, cette cicatrice, quand vous aviez 8 ans, vous avez été opéré du cœur.
22:21 Une peau de cochon qui vous a sauvé en quelque sorte.
22:24 - Oui, j'avais un trou.
22:27 - Ah non, voilà, pour venir aux orifices.
22:30 - Pour venir aux orifices.
22:31 J'avais un trou qui n'était quand même pas viable, ce n'était pas prévu.
22:34 C'est un trou dans le cœur.
22:36 Ce n'est pas si rare que ça.
22:40 Et puis on m'a opéré comme ça, à cœur ouvert, à l'âge de 8 ans.
22:44 Et puis on m'a mis une peau de cochon, effectivement.
22:46 D'où le titre de ce film que j'ai fait il y a longtemps.
22:52 Et la peau de cochon, c'est vrai que c'est quelque chose qu'on jette facilement.
22:57 Quand on dépêche un cochon, ce n'est pas le truc qu'on retient tout de suite.
23:03 On a tendance à le jeter.
23:05 Et pourtant, ça peut sauver des vies.
23:06 Alors ça fait réfléchir quand on y pense.
23:10 - Vous disiez tout à l'heure que la mort était très présente dans votre façon de penser et de créer.
23:17 Notamment dans ce film, "Peau de cochon", c'est 2003.
23:20 On vous voit vous balader dans un cimetière, vous citer les prénoms des pierres tombales.
23:25 Vous parlez évidemment de votre opération, du cœur.
23:29 Et puis on y voit aussi votre nièce qui dessine sa mère sous forme de squelette.
23:33 Tout à l'heure, on disait qu'on peut mettre plein de choses dans un musée.
23:37 Quand on va voir Philippe Catherine, qu'on connaît un peu votre univers musical,
23:42 et qu'on se dit que les expositions s'appellent "Mignonnistes",
23:45 "Mignonnisme", on est quand même un peu perturbés par ça.
23:49 - C'est ça qui m'intéresse, c'est travailler sur ces orifices de pensée.
24:03 Quand il y a une ouverture, on ne sait pas de quel côté on va se retrouver,
24:11 de quel côté on va se mettre.
24:12 Donc c'est des portes qui s'ouvrent, on s'y glisse.
24:15 Et puis il n'y aurait pas de...
24:17 Comme je vous l'ai dit, ça ne m'intéresserait pas
24:20 s'il y avait des trucs mignons sur des trucs mignons.
24:23 C'est des trucs mignons sur des choses qui grattent.
24:28 - Mais est-ce que vous trouvez qu'on a tendance à négliger,
24:32 quand on parle de vous comme artiste, cette dimension plus,
24:36 je ne dirais pas suicidaire, mais en tout cas angoissée de votre oeuvre ?
24:40 On vous prend pour un artiste rigolo, qui loufoque.
24:45 Qui fait plaisir aux enfants, qui fait rire les enfants.
24:48 Moi par exemple, ma fille de 4 ans et demi vous adore.
24:50 Elle adore cette chanson qu'on a entendue "Comment tu t'abelles"
24:54 notamment pour le "Ta gueule" final,
24:56 qui est une sorte de transgression pour son âge.
24:59 Vous avez un côté beaucoup plus fort ou noir chez vous ?
25:04 - J'expliquais à mes enfants justement qu'on ne peut pas dire des gros mots dans la vie.
25:10 Mais par contre dans les chansons, on a le droit à dire ce qu'on veut.
25:14 - Oui je lui dirais, mais peut-être qu'elle vous écoute là.
25:17 - J'espère.
25:18 - Il faut faire des chansons si tu veux dire des gros mots.
25:21 Je dis ça à la fille, à la petite.
25:24 Et ça ne me dérange pas que je sois pris pour un rigolo,
25:30 vraiment, au contraire, c'est inattendu.
25:36 Parce que moi quand je fais mes choses, je ne rigole pas.
25:39 Enfin je ne trouve pas ça marrant.
25:41 - Vous ne les faites pas pour faire rire ?
25:42 - Non pas du tout, je ne suis pas du tout...
25:44 Enfin j'aime bien rigoler dans la vie par contre,
25:48 mais je ne rigole pas quand je fais mes chansons.
25:51 J'essaye de rendre ça pas ennuyeux ou mortifère.
25:59 Je n'aime pas l'idée d'un artiste qui vous met la tête sous l'eau,
26:06 qui vous noie.
26:08 Il y en a beaucoup, mais je n'aimerais pas faire partie de cette catégorie.
26:13 Donc si on me dit "ah bah il est rigolo, il est marrant",
26:16 c'est pour moi une grande qualité.
26:20 - Mais ça veut dire que vous souffrez quand vous créez ?
26:23 - Ah pas du tout.
26:24 - Au contraire, ça vous fait du bien.
26:25 - Non je n'ai pas de souffrance.
26:28 J'ai des angoisses à vivre,
26:30 mais dès que je me mets à écrire, à dessiner,
26:34 ce n'est pas du tout dans la souffrance que ça se passe,
26:37 c'est plutôt dans la joie.
26:39 Je peux le faire quand il y a des gens à la maison,
26:42 n'importe quand,
26:44 mais ça ne se passe pas dans la douleur.
26:47 Il faudra que j'essaye un jour.
26:49 - De créer dans la douleur ?
26:50 - Oui, je ne sais pas ce que ça peut donner.
26:51 - Comment on peut décider ça ?
26:53 - Je ne sais pas comment je pourrais m'y prendre.
26:56 - Ça va être dur, je vais avoir mal...
27:02 Il faut penser à ce dispositif.
27:04 - Quand vous vous mettez en place et que vous réfléchissez au minionisme,
27:08 pour en revenir, vous aviez déjà écrit beaucoup de chansons,
27:10 puisque votre carrière musicale a débuté au début des années 90.
27:14 Et après vous vous êtes dit,
27:16 "Alors cette chanson, est-ce qu'elle est minioniste ?
27:19 Est-ce qu'elle rentre dans mon courant de pensée,
27:21 dans mon courant artistique que j'ai créé ?"
27:22 J'ai lu que par exemple, la chanson "Aimez-moi",
27:24 vous dites "Oui, celle-là, elle rentre dedans".
27:26 Dans "Aimez-moi", vous dites "La mort rend les gens beaux".
27:29 - Oui.
27:31 - C'est une réflexion que pour avoir un enfant,
27:34 il ne le dirait pas avec ses mots,
27:36 mais c'est vrai qu'on peut s'apercevoir de ça.
27:40 Mais les choses minionistes ne sont pas forcément enfantine.
27:43 Mais c'est vrai que c'est une chanson qui travaille sur des choses...
27:47 Oui, sur le deuil, sur ce que c'est qu'être un papa.
27:53 Ça commence comme ça, ça mélange beaucoup de choses.
27:57 Et c'est ce qui donne ce côté un peu minioniste,
28:00 c'est-à-dire le côté hyperactif.
28:02 On est dans une chanson hyperactive.
28:04 Et l'hyperactivité peut être minioniste.
28:08 Après, ce sont des sensations que j'ai par rapport à mes chansons.
28:11 J'ai essayé d'en chercher des chansons minionistes que j'ai faites,
28:14 mais je n'en trouve pas à tous les coins de rue.
28:17 Loin de là.
28:18 - Si je vous donne une étiquette à coller sur des artistes aujourd'hui,
28:21 avec écrit "minionisme", vous la collerez sur qui, cette étiquette ?
28:25 Qui rentre dans votre courant artistique ?
28:27 Ou alors est-ce que vous dites "Non, je veux rester tout seul" ?
28:29 - Un tyran seul dans mon pays.
28:31 - Non, mais je suis allé à Amsterdam récemment,
28:36 qui est une ville vraiment minioniste d'ailleurs, je trouve.
28:39 Je voulais voir Vermeer parce que...
28:45 Mais c'est fermé.
28:46 C'est fini.
28:47 - On a tous essayé.
28:49 - Non, non, moi je n'ai pas essayé.
28:51 - Ce sont des peintures tout à fait adorables,
28:55 dans des formats qui le sont aussi.
28:59 - Oui, je les ai pas vues en vrai.
29:01 Du coup, je me suis réfugié au musée Van Gogh,
29:05 où j'ai trouvé là...
29:07 J'ai toujours adoré Van Gogh.
29:09 - Van Gogh minioniste ?
29:11 - Bien sûr, quand il peint ses souliers,
29:15 il y a quelque chose de tout à fait adorable chez Van Gogh.
29:19 D'ailleurs, j'étais avec un jeune, un moi, mon enfant,
29:25 qui disait "Moi je pourrais le faire aussi"
29:27 parce que c'est toujours un très bon signe.
29:29 Pour un artiste, quand un enfant dit "Je pourrais le faire aussi".
29:35 Moi j'aime bien voir des oeuvres comme ça qui me stimulent.
29:39 J'ai l'impression qu'au fond, faire du cinéma, faire de la peinture, c'est facile.
29:43 Quand on voit du Van Gogh par exemple, ça me stimule.
29:49 J'ai envie de prendre des pinceaux, j'ai envie d'y aller.
29:53 Ça pour moi, c'est une valeur très importante,
29:57 qui peut être liée au punk, où on a l'impression qu'on peut le faire,
30:01 et puis à quelque chose de plus enfantin,
30:05 qui vous stimule, vous ressortez de là, vous êtes remonté à bloc.
30:11 Si vous avez trouvé la panacée universelle pour faire de la peinture,
30:15 il n'y a plus d'individus.
30:17 Nous avons déjà dit au début que c'était quand même, je crois,
30:19 l'individu qui restait important dans l'oeuvre d'art.
30:23 Chaque peintre ou chaque artiste est quand même le Deus Ex Machina de la question.
30:27 Est-ce que ça vaut encore la peine de faire de la peinture ?
30:30 Je ne sais pas, parce que ça ne veut rien dire, faire de la peinture.
30:33 Ce qui veut dire, c'est faire quelque chose.
30:36 C'est de la peinture à l'huile depuis 800 ans,
30:39 mais ce ne sera plus de la peinture à l'huile, ce sera des céramiques,
30:42 ce sera de la lumière colorée, ce que vous voudrez.
30:44 En musique, vous savez ce qui est arrivé.
30:46 Quand on a inventé un nouvel instrument, il y avait une nouvelle musique créée par le nouvel instrument.
30:51 Mais c'était quand même une autre facette de la même chose, du point de vue métaphysique.
30:57 Donc ça sera la même chose, même si on supprime la peinture à l'huile complètement,
31:01 ça sera remplacé par autre chose, mais ce sera toujours l'exploitation d'un individu,
31:05 d'un groupe d'individus qui laisseront leur inconscience sortir.
31:08 Vous l'avez reconnu, Philippe Catherine ?
31:10 Non.
31:11 Marcel Duchamp ?
31:12 Oh non, d'acheter !
31:13 Je ne voulais pas vous piéger.
31:15 Je viens de parler d'auteur,
31:17 d'auteur plaçant l'urinoir à l'envers,
31:25 parce que ce n'est pas lui qui l'a fait.
31:27 Mais je me pose souvent cette question.
31:29 Je lisais un essai sur Jean Eustache par Philippe Azoulay,
31:34 ça parle beaucoup de ça, de ce qu'est un auteur.
31:37 Et qu'au fond, Eustache par exemple a fait des films sans mettre en scène,
31:45 en laissant tourner la caméra avec sa grand-mère qui parlait.
31:49 Moi, ça m'est arrivé aussi, et je pense que c'est des chansons qui me plaisent beaucoup maintenant,
31:56 c'est des chansons dont je ne suis pas forcément l'auteur.
31:58 J'ai fait une chanson qui s'appelle "Poulet n°728120".
32:02 J'avais acheté un poulet à la boucherie,
32:04 et puis il y avait le descriptif de sa vie au poulet sur une étiquette.
32:10 Et puis alors j'ai juste chanté ce qu'il y avait de marqué sur cette étiquette.
32:16 - Mais il y avait quand même une mélodie, ça, ça vient de vous ?
32:18 - Après, j'ai inventé la mélodie, mais je parle sur cette chanson.
32:24 Donc "728120", élevé en plein air, 89 jours, 90 nuits, parmi 380 autres poulets.
32:30 Il y avait tout ça.
32:32 Et ça, c'est des chansons...
32:34 Je l'ai signé à l'Assasem !
32:36 - Et vous en rapportez beaucoup ?
32:38 - Je ne sais pas, mais...
32:40 La notion d'auteur est très très floue, je trouve.
32:44 Et quand on fait une chanson, une peinture, un dessin,
32:48 quoi qu'on fasse, il ne faut pas penser qu'on en soit l'auteur, parce que ce n'est pas vrai.
32:53 Et je pense aux gens qui sont venus, qui ont travaillé avant sur ce genre d'exercice,
33:00 et puis aussi, je pense, par exemple, à mes ancêtres.
33:04 Il ne faut pas croire que ce soit moi qui tienne le stylo tout seul.
33:07 Il y a ma mère, mon père, tous les ancêtres qui tiennent le stylo.
33:12 Donc la notion d'auteur est très intéressante.
33:15 - Donc vous ne considérez pas comme tel ?
33:17 - Comme un auteur ? - Oui.
33:19 - Non, je tiens le stylo.
33:21 - Comme un artiste, quand même, alors ?
33:23 Comme quelqu'un qui crée, qui fabrique, on l'entend dans l'archive du chant.
33:26 - Ce n'est pas automatique. Je transmets quelque chose.
33:29 Je fais une synthèse de quelque chose.
33:32 Alors après, j'ai tendance à ne pas m'appeler.
33:35 - Oui, c'est vrai que c'est difficile.
33:37 Par exemple, dans la présentation à la rentrée scolaire pour vos enfants, justement,
33:42 ils vous présentent comment ?
33:44 - Moi, ils me présentent comme musicien.
33:47 - Ah, ok.
33:48 - Oui, parce que c'est très ouvert, musicien.
33:51 Musicien des mots, musicien...
33:54 On fait de la musique, c'est faire, quoi.
33:56 Oui, je fais des choses.
33:58 - Vous utilisez le hasard, la spontanéité, le non-sens, parfois, aussi.
34:04 Ça revient évidemment à ce qu'a pu faire Marcel Duchamp,
34:07 à ce qu'ont pu faire les surréalistes, les dadaïstes.
34:10 Vous sentez une liberté totale de création ?
34:14 - Oh, tellement pas !
34:16 Non, non, je me sens tout sauf libre.
34:19 Hélas, pour moi, mais...
34:21 Qui pourrait prétendre être libre ? Qui ?
34:25 En tout cas, certainement pas moi. Vraiment pas.
34:27 - Qu'est-ce que vous feriez si vous étiez libre ?
34:29 - C'est-à-dire que vous avez déjà les droits de l'homme,
34:33 vous avez ça sur vous...
34:35 - Ça, c'est plutôt pas mal, ça vous empêche pas de créer dans le sens...
34:37 - Bien sûr !
34:38 Mais penser qu'on soit libre, certainement pas.
34:42 J'ai pas du tout de liberté.
34:44 J'en ai très peu, comme tout le monde.
34:46 On essaye de se démerder avec vraiment un espace...
34:49 - Mais vous avez des moyens, par exemple, on vous écoute.
34:52 J'imagine que si vous arrivez avec un projet,
34:57 même qui tient à moitié debout, on va vous dire "c'est Philippe Catherine, on le prend".
35:02 Vous avez quand même cette liberté-là, qu'on vous croit...
35:06 - J'ai la liberté de faire tenir un projet debout.
35:08 - Oui, mais c'est déjà énorme !
35:10 - Ça sera déjà énorme !
35:11 - C'est déjà énorme, une publicité de l'écoute de l'audience.
35:14 - Ça sera déjà énorme, oui.
35:15 On a parlé de votre exposition, l'exposition "Mignonisme Acte III"
35:18 qui se déroule jusqu'au 23 septembre,
35:20 au pavillon Vendôme à Clichy,
35:22 où on rentre évidemment dans votre univers.
35:24 On découvre tout ça.
35:25 Est-ce qu'il y a des projets musicaux, Philippe Catherine, dans les prochains mois ?
35:29 - Pour le coup, "Mignonisme", ça va se balader dans d'autres villes, déjà.
35:33 Donc il faut fournir aussi d'autres...
35:36 - D'autres dessins, d'autres sculptures, d'autres gouaches.
35:39 - Et puis j'enregistre personnellement un disque.
35:42 Enfin, un disque, on ne sait jamais ce que ça va devenir.
35:44 Enfin, une quinzaine de chansons, dans une quinzaine de jours, en studio.
35:49 J'en suis très heureux, parce que j'adore le studio.
35:52 - Et la sortie est prévue quand ?
35:54 - Oh, ça je l'ignore. On ne peut pas savoir vraiment encore. Je ne sais pas.
35:58 - Et vous êtes content de ce que vous avez fait ?
36:00 - Oh, non, pas content, je ne me pose pas la question comme ça.
36:03 Mais en tout cas, de le faire, d'écrire ces chansons, ça m'a bien soulagé.
36:08 - Philippe Catherine dans les Midi de Culture.
36:10 Puisque vous êtes notre premier invité de cette saison, Philippe Catherine,
36:13 vous avez le droit de choisir votre chanson de fin.
36:15 Alors, comme vous n'êtes pas totalement libre, voici ce qu'on vous propose.
36:18 Georges Moustaki, Joseph ou Amanda Lear, Follow Me ?
36:22 - Georges Moustaki, c'est une figure familiale importante.
36:26 Mais j'aime tellement cette chanson et le titre, et Amanda Lear que j'aime beaucoup.
36:31 J'adore ce morceau, Follow Me.
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37:41 - Amanda Lear, pour le plaisir des auditeurs de France Culture, bien sûr,
37:51 et de Philippe Catherine qui était notre invité ce midi, dans les Midi de Culture.
37:55 Follow Me.
37:57 Les Midi de Culture qui sont préparés par Aïssa Tsoendoï, Anaïs Isbert,
38:01 Cyril Marchand, Zora Vignet, Laura Dutèche-Pérez et Manon de Lassalle.
38:05 L'émission est réalisée par Nicolas Berger et à la prise de son ce midi,
38:09 Florent Bujon avec Gérald Diznos à sa voix.
38:12 On vous dit à demain.