• il y a 2 ans
Transcription
00:00 *Générique*
00:19 Le club de lecture de France Culture ouvre ses portes, vous êtes tous et toutes les bienvenus.
00:23 Ce sont des femmes qui s'expriment dans les romans de nos deux invités et qui s'interrogent
00:28 sur leur rapport entre elles.
00:29 Nous parlons de la violence qui peut naître entre deux femmes quand l'une est la mère,
00:33 instable, et l'autre la fille, déstabilisée.
00:36 Quand la société, votre famille, vous impose les normes d'une maternité que vous refusez.
00:42 Deux premiers romans écrits par des femmes qui questionnent les interdits, les modèles,
00:47 les normes, la transmission aussi, entre générations.
00:50 On en parle avec elles jusqu'à 13h30 et avec vous les auditrices du Book Club.
00:55 Ce que j'ai apprécié avec L'âge de détruire, c'est que Pauline Perrade met en avant,
01:00 donc dénonce, une figure maternelle toxique.
01:03 Pendant toute ma lecture, j'ai vraiment eu cette impression d'être entourée de toutes
01:06 ces femmes qui étaient vraiment autour de moi, qui se tenaient la main et qui me racontaient
01:10 leur histoire.
01:11 *Générique*
01:17 Les voix de Flore et Adèle, lectrices du Book Club qui nous accompagnent ce midi.
01:21 Bonjour Camille Froidevaux-Métry.
01:22 Bonjour.
01:23 Vous êtes philosophe, l'autrice de différents essais qui élabore une théorie féministe
01:27 avec la place du corps au centre de votre réflexion.
01:30 On peut citer Un corps à soi en 2021 aux éditions du Seuil ou encore Saint, enquête
01:35 d'une libération chez Poinceuil, c'était l'année dernière.
01:38 Et aujourd'hui, vous publiez votre tout premier roman plein et doux aux éditions Sabine Vespizeur.
01:44 Pas de surprise, la parole est aux femmes dans ce roman.
01:48 Stéphanie, Corine, Lucie, Lola, Manon et Ève.
01:51 Et c'est peut-être celle qui nous surprend le plus, c'est la première à s'exprimer.
01:55 Est-ce que vous pouvez nous la présenter ?
01:56 Oui, Ève est un bébé-fille de 6 mois qui est née à l'issue d'un protocole de procréation
02:04 médicalement assistée et que sa maman a souhaité avoir seule, par choix, parce qu'elle
02:08 a aussi choisi de vivre seule.
02:10 Et c'est également une petite fille qui aura la chance d'avoir un père intime puisque
02:17 Stéphanie, sa mère, a demandé à son meilleur ami Greg de devenir le père intime de sa
02:21 fille.
02:22 Et c'est cette famille choisie qu'elle a décidé de fêter et qu'elle prépare à
02:29 présenter à tout son entourage et à toutes ces femmes qui gravitent autour d'elle.
02:34 Alors justement, votre livre raconte les relations entre toutes ces femmes.
02:38 Petite question sur le fait de faire parler un bébé.
02:42 C'était pour quoi ? Pour nous surprendre ? Pour nous déstabiliser aussi dès le début
02:46 de ce roman ? Est-ce qu'il y avait cette idée derrière ou pas du tout ?
02:50 Non, pas du tout parce que dans pas mal de versions, Ève a longtemps été au milieu
02:54 du livre.
02:55 Ce qui est important en fait, c'est que dès le début, j'avais envie et c'était même
02:59 une joie anticipée d'écriture de faire parler toutes ces filles et toutes ces femmes à
03:05 la première personne du singulier.
03:06 Donc c'était un choix de départ et quand il s'est agi de faire parler la petite fille,
03:13 le bébé-fille, évidemment, elle aussi a dit je.
03:16 Et je dois dire que c'est le chapitre qui a été curieusement le plus facile à écrire
03:19 pour moi puisque pour toutes les autres, j'ai essayé de trouver une petite voix singulière,
03:24 quelques petites tournures stylistiques qui permettaient de les différencier un petit
03:28 peu, de leur donner à chacune un petit peu leur personnalité.
03:32 En revanche, pour Ève…
03:33 Il y a un âge aussi.
03:34 Aussi, évidemment, un âge.
03:35 Oui, bien sûr, il y a un chapitre sur une adolescente où c'était un vrai enjeu.
03:39 Là, pour le coup, sans doute le plus difficile de faire parler une adolescente d'aujourd'hui.
03:42 Mais Ève, le bébé-fille, par définition n'ayant pas de voix a priori, c'est finalement
03:47 ma voix et sans doute que ce chapitre correspond à mon écriture la plus spontanée, on va
03:52 dire.
03:53 Alors vous connaissez le principe du book club.
03:54 Nous faisons nous rencontrer, se rencontrer dans le studio des autrices autour d'un
04:00 ouvrage, évidemment, et des ouvrages qui se répondent aussi pour parler des relations
04:05 entre femmes, entre mères et filles et surtout entre mères et filles.
04:09 Nous avons donc convié Pauline Perraud.
04:11 Bonjour.
04:12 Vous êtes dramaturge, écrivaine et désormais aussi romancière.
04:15 Vous publiez aux éditions de minuit "L'âge de détruire".
04:18 Vous aviez déjà exploré, si je ne dis pas de bêtises, le rapport des femmes à la
04:23 violence dans votre écriture pour le théâtre.
04:25 Vous aviez encore des choses à explorer sur cette question ?
04:29 Ah oui, puis je pense que j'en ai encore.
04:31 Je n'ai pas fini d'en faire le tour.
04:33 Oui, le rapport, voilà, il faut le dire un peu, le brosser un peu rapidement, des femmes
04:40 à la violence, des violences subies par les femmes, c'est aussi comme ça, chronologiquement,
04:44 dans les textes et par ces motifs-là que j'ai commencés, m'a amenée au droit à
04:50 perpétrer la violence des femmes et puis aux violences perpétrées par les femmes
04:54 dans ce premier roman.
04:55 Alors, Adèle a lu "L'âge de détruire".
04:58 Elle nous résume votre roman et elle nous donne aussi ses impressions de lecture.
05:02 Les violences intrafamiliales, notamment celles incestueuses, sont régulièrement dénoncées
05:08 et c'est super.
05:09 C'est essentiel même.
05:10 Cela se traduit en littérature par la description de figures parentales abusives, le plus souvent
05:16 paternelles.
05:17 Ce que j'ai apprécié avec "L'âge de détruire", c'est que Pauline Perrade met
05:21 en avant et dénonce une figure maternelle toxique.
05:25 J'ai parfois l'impression que parler de ses mères est presque tabou, alors que c'est
05:31 un phénomène qui existe et l'ignorer ne permettra certainement pas de l'éviter
05:36 ou de le résoudre.
05:37 C'est en ce sens que j'ai trouvé ce livre bienvenu.
05:40 J'ai aimé que Pauline Perrade décrive, via Elsa, les ravages que peut engendrer
05:45 l'instabilité psychologique des mères sur les enfants, ces enfants qui se retrouvent
05:49 complètement désorientés, et la possible transmission de ces ravages de manière transgénérationnelle.
05:57 La force du roman de Pauline Perrade réside aussi dans la rigidité rendue nécessaire
06:03 par le quotidien décrit, que l'on ressent via son écriture.
06:06 C'est terrible.
06:07 Une réflexion, une réaction à ces impressions de lecture.
06:12 Ça vous touche que des personnes soient aussi touchées par le thème que vous voulez aborder ?
06:17 Oui, bien sûr.
06:19 Et aussi par la lecture qui vient d'en être faite.
06:24 Ça me parle beaucoup la façon dont Adèle, c'est ça que je remercie, parle de l'ouvrage.
06:31 C'était important pour moi de rendre sensible ce quotidien, plutôt cet état de peur dans
06:44 lequel évolue Elsa, sans chercher à analyser la violence, sans chercher à lui trouver
06:49 une cause explicable, concrète, cernable, mais au contraire plutôt de l'envisager
06:55 comme environnement dans lequel ces trois femmes, puisqu'il y a la grand-mère aussi
06:59 qui est là, se débattent.
07:02 C'est une question que je porte encore, de qu'est-ce qu'elles se transmettent et
07:08 qu'est-ce qu'elles ne se transmettent pas, qui fait que des situations en viennent à
07:14 se répéter.
07:15 Alors Elsa, à 7 ans, c'est votre narratrice.
07:17 On la suit au fil des années, dans son quotidien, vous l'avez dit, et elle vit donc avec sa
07:23 mère.
07:24 C'est quoi cette oppression que lui fait subir sa mère ?
07:27 C'est très difficile à décrire en quelques mots, pour reprendre les choses dans l'ordre
07:33 du roman, qui commence quand la mère achète un appartement pour qu'elles y vivent ensemble.
07:38 C'est aussi une mère seule avec une fille, sans doute plus par force des choses que par
07:44 choix, en tout cas le roman ne tranche pas là-dessus.
07:49 Elsa dit "j'ai toujours connu ma mère seule, elle ne m'a présenté ni amis, ni amoureux".
07:56 Oui, il y a vraiment un lien exclusif qui est posé entre elles et qui va se dérégler,
08:04 dont les particules toxiques vont se libérer quand elles vont emménager dans cet appartement
08:11 qui représente aussi un changement de statut social pour la mère, une transgression vis-à-vis
08:15 de là d'où elle vient.
08:17 Et là d'où elle vient, c'est ce qu'elle dit dans le livre, c'est-à-dire sa mère
08:20 à elle, c'est-à-dire que même son environnement se résume à une autre femme qui est sa mère,
08:26 donc la grand-mère d'Elsa.
08:29 Et c'est ce lieu qui était au départ promesse, sécurité, qu'elle ne sait pas habiter parce
08:36 qu'elle n'a pas les outils pour le faire, qui va se transformer en piège.
08:39 Et voilà, la violence va se déchaîner petit à petit et Elsa va apprendre à la guetter,
08:47 à reconnaître les signes avant-coureurs et à s'en protéger du mieux qu'elle peut.
08:52 C'était difficile, on en parlait il y a un instant avec Camille Froide-Vometterie,
08:57 de faire parler une enfant de cet âge-là, de ces thématiques-là qui sont presque inabordables
09:02 pour un enfant.
09:03 Moi je n'ai pas la sensation, enfin la sensation je sais, que ce n'est pas une langue qui
09:09 cherche à le phraser de l'enfance.
09:11 La langue a plutôt cherché à restituer la sensibilité de l'enfance et de cet enfant-là,
09:20 parce qu'il y a autant de sensibilité d'enfant que d'enfant évidemment.
09:23 Mais donc plutôt de venir reconvoquer un rapport au monde, un rapport aux sensations,
09:29 au corps qui serait celui d'une enfant.
09:34 Camille Froide-Vometterie, sur l'idée de cet enfant, de voir cette violence par les
09:41 yeux d'une enfant et de la suivre comme ça dans son quotidien, ça vous a marqué ?
09:46 Moi ce qui me touche beaucoup dans le livre d'Opeline Perrad et qui résonne avec le
09:51 mien, c'est ce fil rouge de la toxicité maternelle.
09:55 Et ce qui est particulièrement touchant, c'est justement la sensibilité de cet enfant,
10:00 Elsa, qui essaye vraiment de s'extirper de ce carcan de violence.
10:08 Et quand je l'ai lu, moi c'est quelque chose qui m'a tout de suite frappée.
10:11 C'est-à-dire que finalement, je trouve qu'elle y réussit presque dès le début d'une
10:14 certaine façon.
10:15 Et je logerais dans ce petit jouet qu'elle a toujours avec elle, qui est une poupée
10:19 sirène, qui incarne pour moi justement l'ailleurs et la possibilité d'une enfance heureuse
10:27 malgré tout, par certains aspects.
10:29 Il y a une forme d'oppression qui glace un peu le sens.
10:33 C'est cette idée de la mère qui demande en permanence à sa fille si elle l'aime.
10:37 Oui, qui raconte aussi une grande détresse de la mère.
10:42 Elle est très ambivalente cette mère, et qui pour moi, c'est des choses que moi je
10:47 me raconte, mais qui peut être aussi entendue comme une forme d'aveu, de conscience qu'elle
10:53 a de sa propre violence.
10:54 De se rassurer que le lien est intact, qu'elle ne sera pas abandonnée malgré ce qu'elle
10:59 peut lui faire subir.
11:01 Mais je suis très d'accord avec ce que vient de dire Camille Fradvour-Métry sur le fait
11:05 que dès le début, elle y arrive quelque part.
11:07 Le titre vient d'une phrase de Virginia Woolf qui met en miroir « comprendre et détruire ».
11:13 Et effectivement, c'est un combat qu'elle mène petit à petit, et qu'elle incarne,
11:19 qu'elle érode comme ça petit à petit.
11:20 Et effectivement, c'est pas complet, aussi parce que c'est une enfant et qu'il faut
11:25 qu'elle vive là.
11:26 Mais quelque part, oui, dès le départ, il y a une résistance à l'œuvre chez elle.
11:32 - Alors pour Elsa, il s'agit donc, vous l'avez dit, de changer de lieu de vie, puisqu'elle
11:37 déménage, elle change d'école, il faut tout recommencer, se refaire des amis.
11:40 Et elle va rencontrer une jeune fille qui la fixe avec curiosité, nous dit-elle.
11:46 C'est Issa.
11:47 Elsa dit à Issa qu'elle a le visage le plus extraordinaire qu'elle n'ait jamais vu.
11:54 Qu'est-ce qu'elle retrouve, qu'est-ce qu'elle trouve d'ailleurs, peut-être, une forme de
11:58 réconfort, d'évasion aussi, dans cette rencontre avec cette jeune fille ?
12:03 - Oui, c'est un émoi amoureux, tout simplement, ou aussi simplement que ça peut l'être,
12:11 je ne sais pas.
12:12 Non, Issa joue un rôle clé dans son parcours, puisque d'une part, elle va ouvrir la voie
12:22 à l'exploration du désir, qui est, dans le roman en tout cas, peut-être la forme
12:27 de résistance à la violence qu'elle subit par ailleurs.
12:30 C'est une extériorité aussi, c'est un tiers qui va permettre à Elsa de voir autrement
12:37 ce qui se passe, parce que quand des gestes mimétiques lui viennent, Issa se défend,
12:46 Issa répond, et ça vient révéler la violence qui est en germe et qu'elle ne reconnaît
12:53 pas forcément tout de suite, parce qu'elle la craint, mais qu'elle ne reconnaît pas
12:57 comme violence immédiatement.
13:01 - Il y a aussi une forme de rapport un peu toxique, peut-être, ou alors je me trompe,
13:06 mais quand elle dit "il faudrait que je sois double pour ne rien en perdre", elle dit
13:10 ça, qu'elle l'épuise tellement la relation est forte.
13:13 - Oui, il y a quelque chose du lien qui unit toutes ces femmes entre elles, d'un lien
13:22 exclusif, d'un lien possessif aussi, sans doute, qui se rejoue effectivement entre Elsa
13:33 et Issa.
13:34 - Et aussi de rivalité, peut-être que ça va vous parler, Camille Froide-Vometri, mais
13:38 entre Issa, Elsa et sa mère, il y a une forme de rivalité, je pense notamment à ce moment
13:45 où la mère refuse que sa fille aille dormir chez Issa, mais accepte à l'inverse que
13:50 Issa vienne dormir à la maison, mais elle va rester totalement omniprésente, elle va
13:56 s'imposer dans cette amitié entre ces deux jeunes filles.
13:59 - Oui, elle l'accepte parce qu'elle n'a pas trop le choix, mais effectivement Issa, pour
14:03 la mère, vient un petit peu se mettre entre elle et sa fille.
14:08 - C'est une forme de rivalité féminine à laquelle vous avez pu penser, Camille Froide-Vometri ?
14:15 - Oui, bien sûr, parce que le personnage de la mère dans le livre de Pauline Perraud,
14:21 c'est pour moi le même type ou la même génération de femmes que la grand-mère Nicole de mon
14:29 roman, qui sont des femmes qui n'ont pas eu d'autre choix que de jouer le jeu du patriarcat,
14:38 c'est-à-dire d'accepter le principe même de la rivalité féminine.
14:41 C'est un peu différent parce que Nicole a joué sur le terrain de la séduction et
14:45 des relations avec les hommes, mais c'est quand même un poison qui est inoculé aux
14:50 filles très précocement et qui leur apprend à avancer dans la vie comme si elles étaient
14:54 toutes entre elles comme des rivales et ce type de comportement de maternité toxique,
14:59 c'est pour moi typique des femmes qui n'ont pas su s'extirper ou se débarrasser de cette
15:05 injonction à la compétition entre femmes ou à la rivalité entre femmes et ça fait
15:10 partie des choses qu'il faut absolument déminer aujourd'hui.
15:12 - Une rivalité qui s'impose donc, en tout cas qui est imposée de l'extérieur pour
15:20 abaisser les femmes en quelque sorte et les laisser dans une situation de soumission,
15:24 c'est ça que vous voulez dire ?
15:25 - Oui, ou plus exactement pour les empêcher d'investir le monde tout simplement parce
15:30 que pendant qu'elles sont occupées à être chacune la plus quelque chose, la plus jeune,
15:37 la plus charmante, la plus intelligente d'une certaine façon, c'est autant de temps qu'elles
15:42 ne passent pas à faire d'autres choses.
15:43 Mais il y a aussi quelque chose qui se noue et ça c'est quelque chose que je trouve
15:47 très intense et très intéressant dans le livre de Pauline Perraud, c'est qu'il y a
15:54 aussi quelque chose de l'ordre de la rivalité affective d'une certaine façon, c'est-à-dire
15:58 que chacune avance dans la vie avec cette obsession d'être aimée et la difficulté
16:05 à en être jamais assurée et après ça produit une espèce de tourbillon émotionnel duquel
16:12 parfois on n'arrive pas à s'extraire, qui vire à l'obsession il me semble pour la
16:18 mère d'Elsa, qui veut toujours chercher le lieu et les mots d'un amour finalement
16:25 dont on ne sait même pas d'ailleurs si on l'éprouve soi-même, enfin il y a quelque
16:28 chose qui vient tout brouiller en fait.
16:30 - Alors dans "Pleine et douce", Camille Froid-Vaumétrie, c'est aussi un peu l'histoire d'une mère
16:36 que vous racontez vous aussi, une histoire de mère et de maternité construite donc
16:39 autour d'une galaxie de personnages féminins qui ont beaucoup plu à Flore, notre lectrice
16:45 qui s'est sentie bien entourée à la lecture de votre roman, on l'écoute.
16:49 - Si je devais décrire ce roman en un mot je dirais qu'il est très puissant, il m'a
16:54 instantanément immergée dans une sorte de bulle de silence, en tout cas je l'ai vraiment
16:58 ressenti comme ça malgré l'aspect choral.
17:01 Et ce que je trouve puissant dans ce livre c'est vraiment qu'il aborde des sujets très
17:06 durs, très douloureux et pourtant il arrive à rester et à persister dans cet état de
17:12 cocon de douceur.
17:14 Il est dur parce qu'il aborde plusieurs thèmes, en tout cas qui nous, moi, en tant que femme
17:21 me parlent particulièrement, la place du corps, le fait de ne pas forcément être
17:27 compris ou comprise par nos proches, le fait de devoir revendiquer des choix qu'on fait
17:32 alors qu'on ne devrait pas avoir à le faire.
17:34 Et pendant toute ma lecture j'ai vraiment eu cette impression d'être entourée de
17:37 toutes ces femmes qui étaient vraiment autour de moi, qui se tenaient la main et qui me
17:41 racontaient leur histoire et je trouve que voilà ce qui est vraiment incroyable dans
17:46 ce livre.
17:47 Ce qui est puissant c'est qu'il est très paradoxal, c'est qu'à la fois il aborde
17:50 quelque chose d'extrêmement dur, des thèmes qui nous touchent, qui nous prennent et pourtant
17:56 il est très doux.
17:57 - Dur et doux à la fois.
18:00 - Ah oui c'est un très très beau retour de lecture pour moi, vraiment, très sincèrement
18:04 parce qu'on m'a beaucoup parlé de douceur, on m'a beaucoup parlé de sororité, de lien
18:14 etc.
18:15 Je pense qu'il y a presque dans le titre Pleine et douce quelque chose de l'ordre
18:18 du performatif alors même que, en effet, comme le dit Flore très justement, il est
18:24 beaucoup question de toutes ces épreuves de la vie des femmes et notamment des épreuves
18:28 très incarnées comme la maladie, les agressions sexuelles, la violence, les troubles du comportement
18:35 alimentaire mais par ailleurs, et la lecture de Flore m'en fait prendre conscience parce
18:40 qu'il y a des choses qui nous échappent de notre propre écriture bien sûr, le fait
18:44 que toutes ces femmes se tiennent la main en effet et notamment les trois sœurs que
18:50 forment donc Stéphanie, la maman d'Ève et ses deux sœurs qui ont décidé justement
18:53 de rompre la malédiction féminine et de protéger à tout prix Ève de l'aigreur
19:00 de la gorgone donc de la grand-mère et je me suis aperçue dans les retours de lecture
19:04 comme celui de Flore que finalement ce projet qui consistait à essayer de transmettre à
19:11 Ève la joie en fait d'une existence incarnée même si on est une femme, eh bien ce projet
19:18 vient recouvrir en quelque sorte ou résister par rapport à toute la violence qui par ailleurs
19:25 infuse aussi le livre.
19:27 Être une mère célibataire ou devenir mère alors qu'on est célibataire, ça pose encore
19:32 beaucoup de questions aujourd'hui.
19:34 Je lis cet extrait, je te rappelle que jusqu'à nouvel ordre il faut un homme pour faire un
19:41 bébé.
19:42 Non maman, pas un homme, la semence d'un homme.
19:46 Vous trouvez que c'est égoïste ? Je ne crois pas.
19:48 Ou alors pas davantage que d'avoir un bébé pour souscrire à un idéal familial ou pour
19:51 tenter de sauver un couple qui dépérit ?
19:53 Oui, ce projet parental, j'allais dire en solitaire ce qui est faux parce que je pense
20:03 que c'est même un contresens parce qu'elle n'est pas du tout solitaire Stéphanie, en
20:07 solo en tout cas, c'est quelque chose qui correspond en fait à des familles que nous
20:11 connaissons.
20:12 Il y a en plus des familles choisies, des familles monoparentales choisies également,
20:17 des familles queers, des familles recomposées.
20:20 Il y a quelque chose qui se joue là et c'est je pense une des raisons pour lesquelles plus
20:26 ou moins consciemment c'est le thème qui est un peu le socle du livre qui est crucial
20:32 pour moi parce que la famille patriarcale c'est le socle en fait de tout le système
20:35 patriarcal.
20:36 Donc l'injonction à la parentalité, à l'hétérosexualité, même l'injonction à
20:42 la maternité, c'est autant d'injonctions qui ont contribué à travers les âges à
20:47 entretenir la domination masculine et à maintenir les femmes dans un état d'infériorité
20:52 en effet.
20:53 Et donc Stéphanie elle incarne cette liberté qui est celle des femmes occidentales aujourd'hui,
20:58 qui est une chance relativement inouïe quand on y réfléchit de pouvoir faire ce choix,
21:01 d'avoir un enfant seul, de pouvoir choisir dans son entourage un homme qui sera son père
21:06 intime ou bien comme c'est le cas pour une autre femme dans le livre, de faire le choix
21:11 de ne pas avoir d'enfant du tout parce que ça aussi c'est une liberté.
21:15 Stéphanie n'a pas d'homme et c'est même pour elle un immense bonheur.
21:19 Quand on compare avec le personnage de la maman d'Elsa, Pauline Perrin dans votre roman,
21:26 on ne sait pas bien s'il y a un père, s'il n'y a pas de père mais en tout cas c'est
21:31 aussi une figure que vous décrivez dans votre roman.
21:35 La mère seule avec un enfant.
21:39 Oui, je pense que la grande différence, ce qu'on a eu au début avec le roman de Camille
21:44 Frode-Vaumétri, c'est la question du choix.
21:46 Là il y a quelque chose de l'ordre d'un face à face mère-fille qui se rejoue comme
21:51 si ce lien n'était pas tellement investi qu'il ne laissait place à aucun autre.
21:56 Ça pourrait peut-être être une manière de poser une analyse dessus s'il le fallait.
22:01 Dans le roman Plein et doux, le personnage de Laurence m'a beaucoup arrêtée.
22:10 C'est peut-être celle qui ressemblerait le plus à la mère d'Elsa parce qu'il
22:18 est question de l'abandon et de la peur de l'abandon, d'une sorte de précarité
22:23 affective.
22:24 Je pense que c'est un motif qui se décline par touche dans le roman, dans L'âge de
22:33 détruire, sur la question des précarités de femmes.
22:37 Et c'est là où je trouve que le roman de Camille Frode-Vaumétri est puissant.
22:43 Je rejoins vraiment la lecture qui a été faite par Flore, qui rejoint complètement
22:48 la mienne en plus, d'une réponse par le collectif.
22:55 Il ne s'agit pas du tout de nier ces violences qui existent, ces situations d'oppression,
23:04 d'empêchement, qui guettent Ève en même temps qu'elle a autant de faits que de nuages
23:12 lourds au-dessus de la tête à son arrivée.
23:14 Mais il y a une prise en charge comme ça par les unes, par les autres, par leur coprésence
23:20 dans le livre.
23:21 La grand-mère d'Ève qui parle d'une pseudo-famille construite autour d'un bébé OGM, des mots
23:29 qui font froid dans le dos.
23:31 Et moi le personnage qui m'a peut-être le plus marqué, c'est Lola, cette jeune adolescente
23:36 qui est la cousine d'Ève et qui va se démener, se battre presque avec les poings pour exprimer
23:44 et expliquer que tout va bien, que c'est tout à fait naturel, que c'est tout à fait
23:48 "normal" en quelque sorte, avec plein de guillemets bien sûr, d'avoir cette petite
23:52 cousine qui n'a qu'une mère, pas de père biologique mais un père intime.
23:57 Vous nous racontez un peu ce combat de Lola ?
23:59 Oui, alors Lola, elle a 10-11 ans, elle n'est pas tout à fait encore, elle est une pré-ado
24:04 et elle est dans cette phase de l'enfance où on commence à comprendre un certain nombre
24:08 de choses, des relations entre les êtres, de la sexualité aussi, de la conjugalité.
24:13 Mais à un moment où, fort heureusement, et il faudrait pouvoir faire en sorte que cela
24:18 dure, les stéréotypes et les dictates n'ont pas encore suffisamment imprégné les esprits
24:25 pour qu'on puisse réagir de façon formatée à des propositions comme celle de cette famille
24:31 choisie.
24:32 Ce qu'il faut préciser, on ne l'a pas encore dit, mais c'est parce que ça nourrit
24:35 évidemment le ressentiment et même la colère de la grand-mère, c'est que Greg, le père
24:39 intime, il est gay et il vit avec un homme.
24:42 Et donc dans les discussions qu'a Lola avec ses petites camarades, il y a aussi cette
24:46 question sous-jacente de la façon dont on pense des parentalités queer.
24:52 Et elle, elle a juste l'âge d'adorer cette petite cousine et d'être heureuse pour
24:58 elle et de surtout être dans la simple observation du bonheur de ses deux parents.
25:02 Elle n'explique rien, elle dit juste que ça existe et que c'est joyeux.
25:11 Et avec des mots très simples, elle explique à ses camarades que la maman d'Eve avait
25:17 en vérité un grand désir d'enfant, qu'il serait sûr d'être aimé alors que parfois
25:21 il y a des parents qui ont des enfants mais qui ne les aiment pas.
25:23 Oui, on le sait tous en fait.
25:26 Ça fait partie d'ailleurs de ce qui a été dit à propos du livre de Pauline Perraud.
25:31 C'est-à-dire qu'il y a des choses que tout le monde sait mais dont on parle vraiment
25:34 si peu.
25:35 Oui, il y a la toxicité parentale et oui, il y a des parents qui…
25:38 Je le vois bien dans le champ de la sociologie féministe, on commence à travailler par
25:43 exemple le thème du regret maternel.
25:44 Je ne veux pas dire par là que les mères regrettantes sont des mères nécessairement
25:47 toxiques mais de fait, il y a des enfants qui grandissent dans des familles où l'affection
25:53 quotidienne, l'attention, la bienveillance sont absentes tout simplement.
25:57 Et je crois que c'est important d'en parler.
25:59 Pauline Perraud.
26:00 Oui, parce que c'était un peu un long cheminement l'écriture de ce roman mais
26:06 il y a eu ce point de départ de la question du regret maternel justement, d'imposer
26:11 cela.
26:12 Une des premières hypothèses qui m'est venue autour de ce personnage de mère qui
26:16 arrivait, c'est peut-être en fait une mère qui n'aime pas être mère et c'est ça
26:22 qui la déchire quelque part.
26:24 Et effectivement, on n'a pas beaucoup parlé de la deuxième partie du roman où Elsa est
26:31 jeune femme et où toujours la névrose autour de l'appartement, on n'arrive pas à l'habiter
26:36 et puis dès qu'on a remboursé le prêt, on veut le vendre.
26:38 C'est comme ça que s'ouvre l'âge 2, la mère qui dit voilà j'ai fini de rembourser
26:41 le prêt, on le vend.
26:42 Et ce qui se passe et qui est propre et qui peut être la violence à l'œuvre à l'intérieur
26:47 du livre qui était peut-être aussi la plus difficile à saisir dans l'écriture et
26:53 qui est propre au contexte de la famille, c'est le recouvrement de la mémoire, le
27:00 recouvrement d'une réalité de violence par un autre récit qui est distillé, imposé
27:07 et l'œuvre d'effacement qui est demandée par la mère en fait à travers les objets
27:14 de l'enfance.
27:15 Et ça surtout dans un contexte où en ne sont que deux et qu'on sait que l'autorité
27:19 de la mémoire revient à la génération qui précède et qu'il y a un combat aussi
27:23 à mener pour cette jeune femme de conserver, restituer cette mémoire de l'enfance qui
27:34 peut être très menacée en fait.
27:35 On va retrouver Flore, notre lectrice qui a une question à vous poser Camille Froid-Vometri.
27:42 Comme la question du corps est au centre de votre travail d'essayiste, je me demandais
27:46 justement si l'envie d'écrire un premier roman venait du désir de transposer ces réflexions
27:52 théoriques que vous avez pu aborder dans vos essais à un registre nouveau, peut-être
27:57 pour les appréhender différemment, voir comment elles peuvent se véhiculer sous une autre
28:02 forme ou une forme d'écriture nouvelle ?
28:04 Alors, ce n'est pas exactement comme ça que ça s'est passé.
28:08 C'est vrai que tout au début du projet de Plané 12, il y avait quelque chose de très
28:12 intimement lié à mon essai "Un corps à soi" puisque l'idée du roman m'est
28:18 venue au moment où je réfléchissais au projet de l'essai et donc il y a eu un moment
28:20 où c'était même un seul et même projet qui s'est finalement dédoublé.
28:24 Mais ce dont je me suis rendue compte, et c'est une des grandes… enfin voilà, une
28:29 grande joie et une grande surprise aussi, c'est que l'écriture littéraire n'est
28:36 certainement pas… en tout cas j'ai fait en sorte, j'ai essayé à tout prix d'éviter
28:40 cela, c'est-à-dire qu'il ne s'agit pas d'illustrer de façon littéraire ou
28:42 fictive ce que je dis dans mes essais.
28:44 Et ce qui me montre que ce n'est pas le cas, c'est que le roman produit des idées
28:51 que je n'avais pas encore d'une certaine façon et qui me sont venues dans l'écriture
28:55 littéraire.
28:56 Lesquelles par exemple ?
28:57 Eh bien par exemple la question de la possibilité d'un lien d'intimité entre un père et
29:00 sa fille.
29:01 J'ai appelé Greg, je l'ai comme ça quasi spontanément père intime, d'abord parce
29:06 que l'adjectif intime c'est un adjectif que je mobilise beaucoup dans mes réflexions
29:09 théoriques sur la question du corps, mais je me suis rendu compte que ce que cette expression
29:16 purement littéraire au départ disait en réalité, c'est la possibilité d'une
29:20 intimité à la fois sereine et saine entre un père et sa fille.
29:25 Et ça je pense que c'est quelque chose de tout à fait inédit, c'est-à-dire qu'à
29:27 l'échelle de l'histoire de l'humanité, l'intimité entre les pères et les filles
29:30 c'est quelque chose qui n'existait proprement pas, qui était même d'une certaine façon
29:33 interdit puisque dans le patriarcat d'abord les pères ne veulent pas de filles, ils veulent
29:37 des garçons et que quand ils ont des filles, s'il se passe des choses entre eux, c'est
29:41 certainement pas sur ce registre-là de l'intimité.
29:43 Or je sais, je crois qu'aujourd'hui il y a des pères qui ont des relations intimes
29:49 au sens vraiment le plus pur avec leurs filles et donc cette idée elle est venue parce que
29:55 littérairement tout d'un coup l'adjectif qui me semblait adéquat pour qualifier ce
30:00 père c'était de l'appeler père intime.
30:03 - Il n'y a pas d'homme dans votre roman Polynthérate, je suis obligé de rebondir.
30:07 - Oui je sais.
30:08 - Mais peut-être une idée de père.
30:10 Ce n'est pas un reproche.
30:11 - On les entend souvent, on les entend assez.
30:16 - Oui, oui, enfin il y en a, l'apparition, la brève apparition du grand-père et du père
30:24 était dans les brouillons puis j'en avais tout simplement pas besoin pour raconter l'histoire.
30:28 - Un mot peut-être puisqu'on parlait d'écriture sur votre façon d'écrire, la description
30:33 très minutieuse de tous ces moments de vie que vous nous racontez c'est presque incroyable
30:39 parce qu'on a l'impression d'être avec elle dans cette chambre, dans cet appartement qu'on
30:42 investit.
30:43 Ça vous vient du théâtre, de l'écriture théâtrale, on est sur scène presque avec
30:48 vos personnages aussi ?
30:49 - C'est drôle parce que c'est précisément l'endroit où ça s'éloigne le plus du théâtre
30:53 je crois.
30:54 Pour le dire assez vite, le rapport au personnage de théâtre était plus de leur valadeur.
31:00 J'enquête à travers ce qu'ils disent et leur corps et là d'un seul coup j'ai pu
31:04 totalement investir ce qu'ils voient.
31:05 C'est présent quand je les ai écrits pour le théâtre mais là j'ai pu vraiment l'investir
31:10 dans l'écriture elle-même.
31:12 Je voulais rebondir très rapidement à ce que disait Camille Froide-Vaumétrie sur ce
31:19 qu'on trouve en écrivant et qui ne nous viendrait pas à l'esprit sans ça.
31:25 Ça me parle beaucoup et c'est vrai que ce qui m'a frappée dans Pleine et douce c'est
31:31 aussi cette voix d'écrivaine parce que je connais ses essais.
31:36 On retrouve à la fois la rigueur de regard et de complexité qu'il peut y avoir dans
31:47 la pensée théorique et en même temps un souffle d'écriture qui ouvre des voies tout
31:52 autres.
31:53 - Merci Pauline.
31:54 On va conclure avec Adèle.
31:56 - Sans divulguer l'intrigue, j'ai trouvé le dernier paragraphe sublimissime par sa
32:01 nature explosive.
32:02 "Nous vivons rangés à moitié mort à avaler tout ce qu'on nous met dans la gueule.
32:08 Nous tuons les tueurs pour les soulager de tuer.
32:10 Nous nous tuons nous-mêmes pour ne tuer personne.
32:13 Et c'est ainsi chez le voisin, chez la voisine, dans toutes les familles, de génération
32:18 en génération."
32:19 - Cette fin pourrait sembler fataliste, même si c'est certainement souvent le cas pour
32:26 ceux qui vivent cela.
32:27 Comment vous sont venus ces derniers mots ?
32:30 - Ils sont venus en écrivant mais effectivement j'aime beaucoup le terme d'explosion parce
32:40 que pour moi ce n'est pas une fin fataliste.
32:42 C'est une fin où elle en arrive là sur le parcours d'émancipation qui est le
32:49 sien avec une phrase définitive sans doute, radicale mais qui n'est pas du tout une
32:54 prescription globale, ce à quoi elle arrive pour mettre un terme final à ce qu'elle
33:00 vit.
33:01 On la laisse un petit peu sur ce seuil du terme final qui exclut toute concession en
33:06 fait, ce qu'elle ne veut plus faire.
33:08 Mais ça fait vraiment partie des phrases un peu miracles qui arrivent en écrivant
33:12 et on se dit "ah tiens je ne pensais pas du tout écrire ça un jour".
33:15 Et puis alors une fois que c'est là on les garde précieusement.
33:18 - C'est difficile pour terminer d'écrire une fin justement.
33:21 - Oui mais la mienne a changé plusieurs fois.
33:24 Mais quand on accepte de se laisser porter par la dimension et la capacité créatrice
33:31 de l'écriture, finalement quand on lâche le contrôle rationnel, la fin arrive toute
33:38 seule.
33:39 - Et c'est à découvrir dans votre roman qui s'appelle "Pleine et douce" publié
33:42 aux éditions Sabine Vespizan.
33:43 Merci beaucoup Camille Froidevaux-Maitry d'être venue.
33:46 Et d'ailleurs on retrouve sur la page Facebook du Book Club l'avis d'une libraire de la
33:53 communauté Les Cocottes Rousses en Auvergne.
33:55 Merci d'avoir accepté cet échange avec Pauline Perraud que je remercie également.
33:59 "L'âge de détruire" est publié aux éditions de Minuit.
34:02 Et j'ajoute que votre texte "Des femmes qui nagent" est mis en scène du 8 mars au
34:06 19 mars prochain au Théâtre Gérard Philippe à Saint-Denis.
34:08 Mise en scène, signée Émilie Caplillé.
34:11 Merci à tous les deux.
34:12 Les dates sont à retrouver sur la page du Book Club sur franceculture.fr.
34:16 * Extrait de "Les femmes qui nagent" *
34:20 Mesdames, dans un instant je vous propose de découvrir l'épilogue du Book Club.
34:23 Mais avant 13h25, Picasso s'est essayé à l'écriture, nous dit Charles Dendzik dans
34:27 ses 4 items.
34:28 Et c'était pas un franc succès.
34:30 "Pablo Picasso était le Victor Hugo de la peinture.
34:34 L'un et l'autre sont profus et humains.
34:36 Ceux qui horripilent d'ailleurs les mêmes personnes.
34:39 Les étroits, les serrés, les pincés, les jaloux, les cyniques.
34:43 Ceux qui les horripilent le plus, c'est bien sûr la profusion.
34:46 L'humanité, il est facile de s'en moquer.
34:49 La profusion qui a du génie, en plus, est scandaleuse.
34:52 Depuis quelques années, il est à la mode de dire que Picasso était un égoïste, un
34:57 salaud, un dévoreur de femmes.
34:59 Certaines femmes de sa famille s'en sont même plaintes dans des livres, quoique sans
35:03 aller jusqu'à refuser leur part d'héritage.
35:05 Dans un documentaire, on voit le fils de Charlie Chaplin dire de lui « bien sûr,
35:10 il n'a pas été un père parfait, mais il n'est pas facile d'être Charlie Chaplin.
35:15 Picasso, grand peintre, n'était pas Victor Hugo pour le génie littéraire.
35:19 Il a écrit trois pièces de théâtre et des poèmes.
35:22 Il était très estimable de sa part de vouloir faire de la littérature, voilà le mieux
35:27 que je pourrais en dire.
35:29 Sa meilleure pièce est Les quatre petites filles, qui date de 1968.
35:33 Du baroque espagnol trivialisé de gros mots.
35:36 « Veux-tu venir, Paulette, oui ou non ? Tu nous emmerdes.
35:40 Je veux dire à maman que tu ne veux plus jouer et que tu cherches à te rendre intéressante
35:45 en te développant de mille façons en bouquet de fleurs japonaises.
35:48 » A part ça, c'est une série de proférations néo-poétiques.
35:53 L'enterrement du comte d'Orgas, dix ans plus tard, est très marqué par Jarry, c'est
35:58 là que c'est le plus drôle, mais ça ne fait pas du Picasso.
36:01 Un des génies de cet artiste est d'avoir magnifié ses vols.
36:05 Il prenait ses idées chez les autres, mais sa réalisation était supérieure.
36:10 Picasso est le vampire le plus jovial qui ait existé.
36:13 En littérature, ses emprunts restent des collages.
36:17 Où l'on voit qu'il tente des trucs plutôt que de sentir ce qu'il écrit, c'est quand
36:22 il emploie, ce qu'il devrait connaître mieux que personne, les noms de couleurs.
36:27 Il le fait à toute occasion, c'est-à-dire sans occasion.
36:31 Il n'y met pas beaucoup de raison et n'obtient donc pas beaucoup de réussite.
36:35 En réalité, l'enterrement du comte d'Orgas, c'est de la littérature 1916, écrite soixante
36:42 ans plus tard.
36:43 Plus franchement, Jarry est le désir attrapé par la queue, tout en bouffonnerie et en parodie.
36:49 « Ne vous cachez pas adroitement derrière le derrière de l'histoire qui tant nous
36:54 intéresse et nous chagrine, le choix des témoins est fait et bien fait, non d'une
36:58 trique ». Enfin, Jarry, quand il a du génie, est d'une inventivité peu commune, alors
37:05 qu'on voit bien que Picasso applique des recettes.
37:08 Il fait des collages littéraires, lui qui en a si peu fait en peinture.
37:11 NICOLAS : Picasso donc, raconté par Charles Denzig.
37:14 Les quadritèmes à retrouver sur France Culture.fr et sur l'appli Radio France.
37:18 Un grand merci à toute l'équipe du Book Club, Oriane Delacroix, Zora Vignier, Jeanne
37:22 Lappart, Alexandra Laïbégovitch et Didier Pinault.
37:25 Colin Gruel réalise cette émission aujourd'hui et à la prise de son ce midi, c'est Ruben
37:30 Karmazine.
37:31 Le Book Club de France Culture est ouvert 24h/24 sur Instagram, Book Club Culture est
37:36 sur notre page France Culture.fr.
37:38 Et on termine donc avec l'épilogue du jour.
37:41 Chacune avance dans la vie avec cette obsession d'être aimée et la difficulté à en être
37:49 jamais assurée.
37:50 Il y a une prise en charge comme ça par les unes, par les autres, par leur coprésence
37:53 dans le livre.
37:54 Fort heureusement.
37:55 Il faudrait pouvoir faire en sorte que cela dure.
37:57 Conserver, restituer la parentalité, l'hétérosexualité.
38:01 Ça fait partie des choses qu'il faut absolument déminer aujourd'hui.
38:04 Tout simplement.
38:05 Ou aussi simplement que ça peut l'être, je ne sais pas.

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