Kémi Seba : "On ne veut pas d'un séparatisme d'hostilité mais un séparatisme d'existence."

  • l’année dernière
Avec Kemi Seba, idéologue panafricaniste , activiste anticolonialiste, président de l'ONG "Urgences Panafricanistes", essayiste, auteur de 5 ouvrages dont le livre « Philosophie de la panafricanité fondamentale » aux éditions Fiat Lux


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##LE_FACE_A_FACE-2023-04-25##
Transcript
00:00 [Musique]
00:01 Sud Radio Bercoff dans tous ses états, le face à face.
00:06 Vous êtes bien dans le face à face d'André Bercoff avec Kémy Séba, idéologue panafricaniste,
00:12 activiste anticolonialiste, président de l'ONG Urgence Panafricaniste, essayiste,
00:16 auteur de cinq ouvrages dont le livre "Philosophie de la panafricanité fondamentale", édition Fiat Lux.
00:21 Bonjour Kémy Séba.
00:22 Bonjour à vous.
00:23 Alors Kémy Séba, vous êtes évidemment une personnalité à la fois controversée,
00:27 sulfureuse mais intéressante.
00:30 C'est un peu, alors d'un côté on vous traitera de raciste transcendental,
00:33 d'un autre côté utopiste total, d'un autre côté délirant.
00:37 Et en même temps, vous avez une ligne, vous avez un livre que j'ai lu avec intérêt,
00:43 avec plus qu'intérêt parce que, effectivement, on peut être opposé ou pas opposé,
00:48 ou en tout cas avoir des arguments, pour ou contre, mais vous parlez...
00:55 Alors je voulais justement parler de la panafricanité.
00:59 C'est-à-dire que d'un côté vous dites voilà, maintenant, aujourd'hui, il est temps,
01:03 vous me direz si j'ai bien lu votre livre, il est temps non pas d'imposer le séparatisme
01:07 mais que les Noirs se retrouvent.
01:09 C'est-à-dire qu'il y ait une espèce de compréhension, d'incarnation de l'identité Noire.
01:16 Alors je voudrais que vous expliquiez cela parce que, comme ça au départ, on peut vous dire
01:20 mais attendez, qu'est-ce que...
01:21 Je vous donne un exemple très précis, je vais vous dire.
01:24 Récemment, vous savez, la Chambre des représentants est venue républicaine
01:28 et les représentants interrogeaient des généraux par rapport à ce qu'ils fomentaient en Afrique
01:34 comme révolution de palais, comme sabotage, etc.
01:38 Pourquoi je vous parle de ça ? Matt Goods était représentant républicain
01:41 et le général qui répondait était Noir, général américain, etc.
01:45 Et lui reconnaissait que lui, en tant que général, et pas seulement lui, mais l'Amérique,
01:51 avait fomenté un certain nombre, comme vous le savez, d'insurrections, de contre-insurrections, etc.
01:56 Donc, je me dis, mais comment, effectivement, vous pouvez dire, je peux rassembler
02:01 puisque voilà un général noir américain qui, lui, exécute les décisions soit de Biden, soit de Bush,
02:07 soit de je ne sais pas qui, et puis d'un autre côté, vous dites, il y a une espèce d'identité générale.
02:12 Comment vous pouvez... Comment vous l'expliquez ?
02:14 Alors c'est très important, je vous remercie pour cette question, M. Berkow,
02:17 en vous disant que la dynamique de la panafricanité fondamentale nous pousse à nous...
02:23 à se réapproprier notre propre identité, à revenir dans un paradigme qui est beaucoup plus en adéquation avec notre ontologie.
02:29 Mais cela ne signifie pas que nous pensons et que nous déclarons que tous les Noirs ont vocation à être sur la même ligne,
02:36 sur la même orientation. Je dis d'ailleurs, dans un des passages de mon livre,
02:39 que je me sens beaucoup plus proche, par exemple, d'un René Guenon, qui est jusqu'à preuve du contraire blanc.
02:45 Que je me sens proche, par exemple, d'un P.A. Sonam, que je me sens proche d'un Alassandra Manuattara, président de Côte d'Ivoire.
02:51 Je pense qu'il y a en réalité une ligne des démarcations qui s'appuie sur la nécessité d'être en accord
02:57 avec les principes fondamentaux qui érigent et qui constituent notre identité.
03:00 Il y a deux types de conscience noire aujourd'hui.
03:02 Et il est important qu'on puisse, je pense, décrire le décor dans lequel nous nous plaçons.
03:07 On vit dans une ère où le globalisme néolibéral est devenu la religion mondiale,
03:11 qui prône le déracinement de tous les peuples, pas simplement des Noirs, aussi des Blancs, des gens de toute ethnie,
03:16 Arabes, Juifs, Chinois, peu importe.
03:19 Et les personnes qui tentent de résister à ce déracinement sont souvent diabolisées,
03:24 présentées comme des nationalistes, des extrémistes, toutes sortes de qualificatifs de ce style.
03:30 Il y a la conscience noire version Black Lives Matter, ce qui est profondément insérée,
03:34 ou le Wokie, ce qui est profondément inséré dans la dynamique globaliste néolibérale.
03:38 Ils sont dans le système globaliste.
03:40 Les Black Lives Matter, très clairement, ils le sont.
03:42 Je pense que ça a été prouvé très récemment, quand on a les grandes marques occidentales
03:46 et capitalistes néolibérales qui font la promotion de Black Lives Matter,
03:50 et qui dans le même temps esclavagisent, comme Nike, des gens en Asie du Sud-Est,
03:53 on se dit que peut-être que leur Black Lives Matter s'est restreint à leurs seuls intérêts là où ils sont.
03:59 Juste un mot, on peut citer Louboutin et Gucci, Assa Traoré ?
04:04 Je ne sais pas ce que vous en pensez.
04:06 Je vais être très clair, Assa est ma sœur, maintenant ce n'est pas quelqu'un dont je partage la ligne idéologique et politique.
04:12 Elle a sa ligne, qui est beaucoup plus sur le terrain BLM pour le coup.
04:16 Moi ma ligne c'est une ligne justement anti-globaliste qui passe par cette nécessité de l'enracinement
04:21 et de résister à ce globalisme là.
04:23 Nous faisons partie de ceux qui pensent que le but n'est pas de forcer les autres à accepter les minorités noires en tant que telles.
04:31 Le but le plus important c'est qu'on prenne en charge notre propre destinée, qu'on prenne charge de nous-mêmes,
04:36 qu'on arrête la victimisation et qu'on comprenne la nécessité de nous organiser en tant que communauté.
04:42 Quand je vois les communautés chinoises, elles ne sont pas là en train de dire on veut des quotas, on veut des places à tel ou tel endroit.
04:46 Elles s'organisent, elles sont en train de travailler.
04:49 Il y a une solidarité communautaire, alors il n'y a pas les mêmes traumas et les mêmes difficultés
04:52 que les populations négro-africaines ou afro-diasporiques ont pu connaître,
04:56 mais il n'en demeure pas moins qu'il y a une voie à suivre sur ce terrain.
04:59 Moi je pense que le but n'est pas de chercher à avoir des quotas chez les autres,
05:02 mais de construire en tant que communauté, dans le respect des autres, qu'on soit très clair,
05:06 mais une force qui nous permette d'être nous-mêmes.
05:09 Et c'est un petit peu ça cette ligne de la panafricanité fondamentale,
05:11 en étant en adéquation avec notre tradition, avec notre perception du monde, et c'est comme ça qu'on avance.
05:16 Si je comprends bien, vous voulez dire, et je crois que vous le dites d'ailleurs dans votre livre,
05:19 ne comptons plus sur les autres, comptons sur nous-mêmes.
05:23 Je pense qu'on n'est jamais mieux servis que par soi-même,
05:26 et si on attendra des autres qui nous aident à marcher,
05:29 on sera toujours dépendant de leur bonne volonté.
05:31 Or la meilleure façon d'être debout dans ce monde, c'est de tenir soi-même sur nos deux jambes.
05:36 Si on n'y arrive pas avec les deux jambes, on prend des béquilles, mais débrouillons-nous nous-mêmes.
05:39 C'est le message de la philosophie de la panafricanité fondamentale.
05:41 Alors justement, parlons de cela.
05:44 Quelle est cette identité ? Parce que ce que vous dites, vous, vous envisagez, si j'ai bien compris,
05:49 vous dites "il y a quand même", parce que vous dites que vous êtes contre le globalisme,
05:53 mais quelque part, vous avez aussi une idéologie globaliste quand vous dites
05:58 "les noirs du monde entier doivent se retrouver", si j'ai bien compris.
06:01 Alors, il est très important qu'on différencie deux choses.
06:03 Je pense qu'il peut y avoir des valeurs qui peuvent être globalistes.
06:06 Le principe de justice, je pense que c'est universel,
06:08 même si je ne suis pas dans le cadre de l'universalisme français tel qu'il est présenté.
06:12 Mais la justice, les principes de droit à l'autodétermination,
06:16 ce sont des principes qui sont du domaine de l'universel.
06:18 Nous analysons, nous constatons que partout, les populations dites noires du monde entier,
06:22 où on a eu l'occasion de voyager, sont installées, en Afrique,
06:25 mais aussi du côté de l'Asie du Sud-Est, quand on parle des pygmées d'Asie,
06:29 les négritos, comme on les appelle, quand on va en Inde, un pays où on a pu voyager,
06:34 et que l'on voit les dravidiens, quand on voit aussi les discriminations
06:37 de ceux qui sont qualifiés d'intouchables, ceux qui peuvent vivre,
06:39 il y a des communautés de destin, même si ce ne sont pas,
06:42 comme je le précise exactement dans l'ouvrage, les mêmes histoires.
06:45 Mais il peut y avoir aussi, et je pense que c'est très important que l'on puisse le dire,
06:49 parce que l'on étudie, sur le terrain un petit peu de la métaphysique,
06:52 la structure spirituelle de ces différents peuples.
06:56 Il y a souvent, généralement, il y a un créateur, il y a ce que l'on appelle l'ancestralité,
07:01 qui est présente à toutes ces populations dites primordiales,
07:03 et il peut y avoir des ponts de liaison qui peuvent être insérés dans ces réalités.
07:08 Il y a M. Fridtjof Schuon, dont je ne partage pas toutes les analyses,
07:11 qui disait qu'il parlait de l'unité transcendantale des religions.
07:14 Nous, nous pensons qu'il y a une unité transcendantale.
07:17 Il y a un créateur, et chez les populations primordiales,
07:20 il y a ce que j'appelle dans l'ouvrage un gouvernement métaphysique,
07:23 composé des ancêtres, et ils sont interdépendants les uns des autres.
07:28 Et on retrouve ce schéma dans la plupart des populations dites originelles.
07:32 Et je pense que c'est très intéressant de comprendre que,
07:34 bien qu'il puisse y avoir des spécificités propres à chacun,
07:37 il ne s'agit pas de dire que tous les Noirs sont les mêmes,
07:39 mais il y a évidemment, sur un certain nombre de schémas,
07:43 des réalités sur le terrain spirituel, sur le terrain ontologique commun.
07:46 Et je pense que c'est très important de comprendre cela,
07:48 si on veut aussi être capable de comprendre pourquoi certaines populations
07:52 ont du mal avec la dimension de ce que l'on appelle le progressisme aujourd'hui,
07:56 le progrès promu par l'Occident, mais pas forcément le progrès
07:59 promu par les populations dites primordiales.
08:01 D'ailleurs, vous insistez énormément là-dessus,
08:03 vous dites qu'il y a le matérialisme, le consumérisme,
08:05 tout ce qu'on connaît, l'Occident, en tout cas la globalité du monde.
08:10 Tout à fait.
08:11 Et puis il y a effectivement la métaphysique,
08:14 la spiritualité, etc.
08:16 Mais vous savez très bien qu'à l'intérieur de l'Occident,
08:19 vous avez énormément de forces qui combattent le consumérisme,
08:22 qui combattent ce matérialisme.
08:24 Donc, est-ce qu'il n'y a pas...
08:26 Je veux dire, ce qui m'intéresse, c'est que vous ne dites pas au départ,
08:29 "Groupons-nous avec ces personnes qui combattent la chose",
08:32 vous parlez de Russie, de la Chine, mais on va en revenir là-dessus,
08:35 vous dites au départ, c'est d'abord le sentiment de cette identité noire
08:40 qui doit nous réunir, et après on voit avec qui on va combattre.
08:43 Moi, je pense qu'un peuple qui a connu ce que nous avons connu,
08:45 sans verser dans quelconque victimisation,
08:47 parce que je dis toujours qu'une civilisation n'est détruite par l'extérieur
08:49 que si elle est rangée de l'intérieur,
08:51 ce que notre peuple a connu nécessite, je pense, à un moment précis de l'histoire
08:55 que l'on puisse être dans une logique de regroupement,
08:57 de nous organiser par nous-mêmes, pour nous-mêmes, pour notre propre destinée.
09:01 Ce qui n'empêche pas qu'il puisse y avoir des ponts de liaison
09:03 qui puissent être créés.
09:05 On nous a vus à de nombreuses reprises avec les Gilets jaunes, par exemple, au ONG.
09:08 Pourtant, nous sommes une organisation qui lutte pour le prolétariat africain,
09:11 mais parce que nous partons du principe que les prolétariats de chaque peuple
09:14 sont soumis aux mêmes problèmes sur certains segments,
09:17 face à une oligarchie néolibérale qui peut être aussi blanche que noire.
09:20 Donc, nous, notre priorité, c'est de nous organiser pour nous-mêmes, par nous-mêmes,
09:24 mais parce que nous ne sommes pas aveugles sur la réalité du monde,
09:27 nous voyons des simila... des... des... comment dirais-je ?
09:31 Un certain nombre de points communs qui peuvent exister
09:34 entre notre réalité et les réalités d'autres populations dans le monde.
09:38 Mais nous insistons sur le fait que, quand on parle de panafricanité fondamentale,
09:42 d'autres vont parler, par exemple, Douguin, en Russie, va parler d'un quatrième théorie politique
09:47 pour parler de sa réalité dans le paradigme qui est le sien.
09:50 - Dans son identité à lui. - Dans son identité à lui.
09:53 Et ce que je trouve intéressant, et ce que les globalistes n'aiment pas,
09:57 c'est lorsque chaque peuple décide d'être son propre centre de gravité identitaire.
10:01 Moi, je pense que chaque peuple a le droit de se regarder dans le miroir et de se dire
10:05 "Ah, il est temps que je pense à moi". Et en pensant à soi-même, en tant que peuple,
10:09 on pense à l'humanité. C'est la réalité dans laquelle nous sommes installés.
10:12 Et bien on va en parler juste après cette petite pause avec Kémy Seba,
10:16 philosophie de la panafriquité... panafricanité, pardon, fondamentale.
10:20 A tout de suite.
10:22 Ici Sud Radio.
10:25 Les Français parlent au français.
10:30 Les carottes sont cuites.
10:33 Les carottes sont cuites.
10:35 Sud Radio Bercov dans tous ses états.
10:38 Ici c'est un franco-africain qui parle tout français, Kémy Seba,
10:42 qui est franco-beninois, c'est ça, voilà, exactement.
10:48 Je rappelle que vous êtes né à Strasbourg, c'est bien ça,
10:53 et vous vous appeliez Gilles Robert Stelio Capochichi, et maintenant Kémy Seba.
10:59 Stelio c'est le prénom que mes parents m'ont donné, Gilles c'est le nom de mon père,
11:02 et Robert le nom de mon grand-père.
11:04 Stelio, comme vous le voyez, est un nom italien, n'étant pas italien,
11:07 même si depuis Balotelli on peut avoir la sensation qu'il peut y avoir les deux à la fois,
11:11 j'ai pensé qu'il était nécessaire de trouver la traduction de Stelio qui signifie étoile
11:15 dans la plus ancienne langue du continent africain, qu'est le Medunécher,
11:19 et donc ça a donné Seba, Kémy, qui signifie dans cette même langue, noir,
11:22 et ça a donné Stelio, version africaine, Kémy Seba.
11:24 Alors on va en parler justement parce que dans votre livre vous parlez beaucoup
11:28 de ces divinités, de ces civilisations, de ces peuples,
11:32 parce que c'est vrai que c'est extrêmement important d'habitude de voir ça,
11:36 nous, de manière un peu très caricaturale, ou un peu caricaturale,
11:41 mais la question que je voudrais vous poser par rapport au peuple,
11:44 vous dites, nous d'abord il faut qu'on se rejoigne, il faut qu'on se retrouve,
11:47 il faut qu'on sache qui on est, est-ce que, je vous pose la question,
11:51 aujourd'hui on dit beaucoup, voilà, on dit ça pour l'Algérie, on dit ça,
11:54 il y a des millions d'Africains qui ne pensent qu'à une chose, rejoindre l'Europe,
11:58 on le voit, vous savez, avec tout ce qui se passe avec les migrations, etc.
12:02 Vous, quelle est votre attitude vis-à-vis de la migration ?
12:05 Alors déjà je pense qu'il est très important qu'on puisse se rappeler
12:07 que quand on parle des migrations africaines, il y a beaucoup de fantasmagories
12:10 qui sont énoncées en Occident.
12:11 Trois quarts des migrations africaines sont internes à l'Afrique,
12:14 c'est quelque chose qu'on dit très peu.
12:15 D'après les chiffres officiels qu'on trouve partout,
12:18 dans les institutions même internationales,
12:20 la majorité des migrations sont internes à l'Afrique.
12:23 Ce sont des gens qui vont bouger d'un pays à un autre, etc.
12:26 Il y a une libre circulation, une volonté pour la plupart des Africains
12:29 de côtoyer d'autres contrées de ce même continent.
12:33 Le dernier quart maintenant se subdivise via diverses, j'ai envie de dire, directions.
12:40 Certains vont aller du côté du Moyen-Orient,
12:42 certains vont aller du côté de l'Europe du Sud,
12:44 certains vont aller du côté de l'Amérique du Sud.
12:46 Et je pense qu'il est très important lorsque l'on parle de la migration,
12:49 et c'est ce que je disais à un média il y a quelques jours, italien,
12:53 que l'on parle des causes qui entraînent la migration.
12:56 Et c'est le problème fondamental que j'ai avec les partis nationalistes occidentaux
13:02 qui sont complètement différents des autres partis nationalistes
13:04 en Amérique du Sud, au Moyen-Orient ou ailleurs.
13:07 On ne peut pas parler d'un sujet sans parler de ce qui a engendré ce sujet-là.
13:12 Quand on parle de la migration, certains partent du continent
13:15 parce qu'ils voient qu'il y a une migration des ressources minières,
13:18 par les multinationales qui sont dans une dynamique de prédation,
13:22 et qui suivent ce flux migratoire de ces ressources minières-là.
13:25 Est-ce qu'on doit reprocher à ces gens-là de suivre ce flux migratoire
13:28 ou on doit se préoccuper, je pense que c'est très important qu'on le dise,
13:33 de ces multinationales qui pillent les ressources ?
13:36 Moi je fais partie de ceux qui pensent qu'on n'est jamais mieux que chez soi.
13:39 - Kéby Séba, les pays africains sont en principe indépendants depuis les années 60.
13:46 - En principe. - Mais dites-moi, on ne résiste pas à ça ?
13:49 Pourquoi on se laisse piller ? Pourquoi on se laisse exploiter ?
13:54 Pourquoi les pays qui sont indépendants depuis les années 60,
14:00 ça fait 60 ans et plus, pourquoi ça continue comme si rien n'était ?
14:05 - J'adore cette question. - Pourquoi la France-Afrique ?
14:07 - J'adore cette question, M. Barkhoff.
14:09 Vous savez, à la fin de la prétendue décolonisation,
14:12 il y a eu une nouvelle forme de colonisation qui a été immédiatement installée
14:15 par Jacques Faucard, le général de Gaulle.
14:17 C'est pour ça que je dis souvent que les héros des uns,
14:19 chacun a le droit d'avoir ses héros et ses respectables,
14:21 ne sont pas les héros des autres.
14:22 Votre héros de Gaulle, vous en avez le droit,
14:24 et pour moi, quelqu'un que je ne vois pas comme un héros,
14:27 mais comme une des figures qui a restructuré le système de prédation sur notre continent,
14:32 en installant à la tête de nos États des gens qui étaient des entités,
14:35 des personnes cooptées par l'oligarchie française.
14:38 Et ces gens-là se sont organisés de telle sorte que,
14:41 à la fois les entreprises françaises, les multinationales et l'oligarchie française,
14:46 de manière générale, puissent continuer son système de prédation
14:49 et de pillage de nos matières premières,
14:51 via le système du franc CFA sur lequel on pourrait revenir longuement.
14:54 Juste, je termine parce que c'est très important ce que vous dites.
14:57 Et donc, quand vous dites "nous sommes indépendants",
14:59 qu'est-ce qu'on fait contre ça ?
15:00 La société civile est en train de se battre aujourd'hui,
15:02 et on est en première ligne sur ces questions,
15:04 de manière spectaculaire,
15:05 pour que l'on puisse justement se réapproprier nos ressources minières en tant que telles.
15:10 Et je dis, vous avez entendu la phrase que je disais tout à l'heure,
15:13 "la civilisation n'est détruite par l'extérieur que si elle est rangée de l'intérieur",
15:16 les premières entités que nous combattons,
15:19 ce sont nos dirigeants corrompus africains,
15:21 qui, au lieu d'être des toits qui protègent leur population,
15:24 sont quelque part des gruyères, ou en tout cas des fromages complètement troués,
15:28 qui permettent à n'importe quel intempérieux de pouvoir nous toucher.
15:31 Je vais vous donner un exemple dont j'ai parlé à plusieurs reprises.
15:34 Vous savez, tout le monde parle de la voiture électrique,
15:36 on est content, on va avoir la voiture électrique.
15:38 J'ai publié ici des reportages sur le Congo, le Congo Kinshasa,
15:41 où il y a les mines de cobalt, où il y a les cancer city,
15:44 où des enfants meurent à 10 ans de leucémie.
15:46 Et ça, ici, on s'en fout.
15:48 Mais j'ai l'impression que, pardon, là-bas aussi on s'en fout.
15:51 Les autorités congolaises ou autres, enfin je veux dire,
15:55 ils devraient quand même, excusez-moi,
15:57 ils sont adultes aussi, pourquoi ne restituent-ils pas ?
16:00 Vous avez un propos qui est partiellement vrai,
16:03 qui de l'autre côté est en décalage avec la réalité.
16:05 Nos autorités s'en foutent.
16:07 Parce que nos autorités font partie de ce plan
16:10 qui permet justement la prédation, le pillage, la spoliation.
16:14 Mais de l'autre côté, il y a tout un pan de la société,
16:17 je pense qu'on est même à un cycle historique aujourd'hui en Afrique
16:20 entre guillemets dite francophone,
16:22 où ce que l'on appelle les sociétés civiles africaines
16:24 sont en train de se révolter de manière spectaculaire
16:27 contre le pillage de ces ressources-là.
16:29 Certaines le font même au péril de leur vie.
16:31 Moi qui vous parle, j'étais mis en mandat de dépôt à plusieurs reprises,
16:34 j'ai été expulsé, interdit de rentrer dans plusieurs pays,
16:37 non pas par le peuple qui nous suit massivement dans ces différentes zones,
16:40 mais par les dirigeants corrompus qui ne veulent pas
16:42 justement que notre message continue de croître.
16:45 Ce qui n'empêche pas que les choses se fassent aujourd'hui.
16:47 Mais vous n'en en savez pas beaucoup.
16:49 Vous dites qu'il y a un mouvement populaire.
16:51 Il y a un mouvement massif en Afrique francophone aujourd'hui
16:54 d'opposition au néocolonialisme, et je précise, sous toutes ses formes.
16:58 Occidentale en priorité, mais comme je l'ai dit il y a quelques jours
17:01 au Parlement russe à la Douma,
17:03 même si on peut avoir des sentiments beaucoup plus proches pour la Russie,
17:07 la Chine, l'Iran ou autres, mais je dis que
17:10 si eux sont tentés aussi par le néocolonialisme,
17:13 nous les combattrons comme nous sommes en train de combattre
17:15 l'oligarchie néocoloniale occidentale.
17:18 C'est très important qu'on assise sur ce point.
17:20 Donc, il y a une résistance factuelle qui se fait
17:23 dans tous les pays d'Afrique francophone, à différents degrés évidemment,
17:26 en fonction des moyens de chacun.
17:28 Mais il y a un réveil extraordinaire des consciences aujourd'hui.
17:30 - Alors, Kémy Sébastien, c'est très intéressant,
17:32 parce que vous savez très bien que toute nation ou toute entité,
17:35 et en Occident on peut reprocher beaucoup de choses,
17:37 mais il y a beaucoup de choses qui ont été faites,
17:39 en tout cas aussi du point de vue populaire sur la colonisation et la néocolonialisation,
17:42 ça veut dire qu'il y a eu des débats extrêmement forts sur l'esclavage et tout ça.
17:46 Est-ce qu'il y a ces débats, par exemple, sur les traites négrières ?
17:49 Moi j'ai été très frappé d'une chose.
17:51 On parle de la traite négrière transatlantique.
17:54 Mais la traite arabo-musulmane,
17:56 11 millions de castrés, je rappelle,
17:58 11 millions de castrés en quelques siècles,
18:01 la traite afro-africaine,
18:04 et qui était avant que les blancs ne soient là,
18:08 on n'en parle pas.
18:09 - Je vais vous répondre, c'est très important cette question.
18:11 - Oui, parce que c'est fondamental,
18:13 si on ne voit pas ses propres mots,
18:15 et je dis ça aussi bien pour l'Occident que pour l'Afrique qu'ailleurs,
18:18 on ne peut pas avancer.
18:19 - Je crois que c'est Hannah Arendt qui parlait,
18:22 lorsqu'on parlait de la Shoah,
18:24 il parlait du fait qu'il y avait aussi au sein de sa propre communauté
18:27 des gens, des élites,
18:29 qui avaient collaboré avec des gens qui voulaient tuer leur propre peuple.
18:32 Des traîtres, il y en a partout.
18:33 La traiterie, c'est universel.
18:35 Donc parler du fait qu'il y a eu,
18:38 mettre sur le même pied d'égalité
18:40 des Africains qui se faisaient la guerre,
18:43 et qui donc arrêtaient les guerriers de l'armée opposée.
18:46 - Non mais attention, esclavagisme !
18:47 - Très important, très important, j'y arrive, j'y arrive.
18:49 Le sauvage n'est pas né en Afrique,
18:51 il est né ailleurs.
18:53 - Je ne dis pas.
18:54 - Comme je dis, c'est une dynamique universelle.
18:56 Mais il y a des spécificités qui sont importantes,
18:58 qui, à mon sens, que l'on doit évoquer,
19:01 exposer pour bien comprendre cette réalité.
19:03 On ne peut pas mettre sur le même pied d'égalité
19:05 des tribus qui se font la guerre,
19:07 et qui, lorsqu'elles ont arrêté certains soldats
19:11 de l'armée adverse,
19:13 les mettent, deviennent des serfs,
19:16 en tant que tels, qui servent l'armée qui a gagné.
19:19 Et une traite qui a déporté des millions de gens,
19:22 qui a changé, forcé ces millions de gens
19:24 à abandonner leur nom, à abandonner leur culture,
19:27 à abandonner leur identité,
19:29 les a fait appeler Johnson, Stéphane, Jean-François ou autres,
19:32 en les empêchant, en les déconnectant vis-à-vis
19:34 de leurs principes de l'ancestralité,
19:36 je pense que l'on doit être aussi dans une dynamique de rationalité.
19:39 Quatre siècles d'esclavage, très important, que l'on énonce,
19:42 après je vais parler de la traite arabe
19:44 et je vais parler de ce dont vous parlez.
19:46 Parce que je parle de tout sans tabou.
19:48 - Non, c'est ça, je voudrais que vous ne parliez pas que celle-là.
19:50 - Oui, moi je vais parler de ce que je veux.
19:52 - Ah oui, oui, mais il ne faut pas éluter.
19:54 - Non, on n'élute pas. Ce que je dis c'est que
19:56 on ne pourra jamais mettre sur le même pied d'égalité
19:59 la traite occidentale avec,
20:01 et d'ailleurs ce n'est même pas...
20:03 Traite, ça donne une dimension très commerciale.
20:07 - Non mais Kémi Sébah, pardon.
20:09 Vous ne pouvez pas mettre, vous pouvez mettre sur le même plan,
20:12 la castration de 11 millions de Noirs africains pendant des siècles.
20:17 - Donc j'ai compris que là vous voulez venir sur la traite arabe, j'y arrive.
20:19 - Comme les autres.
20:21 - On en parle tout le temps, ce n'est pas le sujet.
20:23 Mais je veux quand même qu'on insiste sur la spécificité de cette traite occidentale
20:27 qui a eu des marques, moi je comprends bien que vous-même en tant qu'occidental,
20:31 vous n'aimez pas qu'on tape tout le temps uniquement sur un côté.
20:34 Et vous pensez injuste que l'on tape que sur ce côté et que sur les autres.
20:37 J'y arrive. Mais maintenant je dis,
20:39 nous n'éluderons jamais le fait que la traite occidentale
20:42 est la champions league de ce système d'oppression,
20:45 de prédation et de déshumanisation de l'être humain.
20:48 Maintenant on va revenir sur la traite arabe.
20:50 Je vous ai parlé sur la traite africaine en vous disant qu'on ne peut pas comparer ce qui n'est pas comparable.
20:53 C'est comme si je dis que parce qu'il y a eu des traîtres au sein de la communauté juive,
20:56 cela signifie qu'on doit relativiser la Shoah.
20:58 La Shoah est un crime contre l'humanité et personne ne peut nier cette réalité.
21:01 C'est la même chose pour l'esclavage, c'est un crime contre l'humanité.
21:03 On ne peut pas tous mettre sur le même pied l'égalité.
21:05 - Mais il faut dire que tout le monde y a participé.
21:07 - Maintenant pour la traite arabe, je dis et je répète que,
21:11 évidemment, et on en voit encore les séquelles aujourd'hui,
21:14 le monde arabe est aujourd'hui le fruit de ces divers siècles d'esclavage
21:20 et de déshumanisation de l'être humain, de l'homme noir en tant que tel,
21:24 mais plus globalement même de l'être humain.
21:26 Parce que même dans ce monde arabe, il y avait au-delà des populations noires,
21:30 d'autres populations qui étaient esclavagisées.
21:32 Mais maintenant, pour ce qui est de la traite arabe vis-à-vis des populations noires,
21:35 c'est ajouter à ce système de prédation et de domination,
21:39 un racisme, une négrophobie hystérique qui était présente dans ces régions
21:43 et on en voit la résultante aujourd'hui, au Maghreb ou au Proche et au Moyen-Orient,
21:49 où l'hostilité vis-à-vis des noirs est hystérique.
21:51 Moi je voyage aux quatre coins du monde avec mon ONG,
21:54 on a l'occasion d'aller dans le monde arabe.
21:56 Je le dis très clairement, le racisme qui est présent dans ces zones du monde
22:01 est un racisme spectaculaire.
22:03 Maintenant je dis aussi et je répète que,
22:05 ce qui va faire en sorte qu'il y ait un basculement de pouvoir
22:09 et un basculement de relation entre ceux qui sont les tenants de cette négrophobie hystérique
22:15 et nous autres, c'est notre capacité à nous prendre en charge et à reprendre notre puissance.
22:20 Alors c'est très intéressant, reprendre en charge, cette reprise en charge.
22:24 Alors très concrètement...
22:25 Parce que nous quand on va dans ces pays-là,
22:27 quand on va en Europe de l'Est, quand on va en Asie, quand on vient ici,
22:30 je peux vous assurer que les gens qui sont négrophobes
22:32 n'arrivent pas à exposer leur négrophobie vis-à-vis de nous.
22:34 Pourquoi ? Parce que nous avons décidé de nous organiser.
22:36 Parce que nous avons décidé de sortir de cette victime.
22:38 Vous êtes d'accord qu'il n'y a pas que des négrophobes en Occident ?
22:41 Comme il n'y a pas que des négrophobes dans le monde arabe ou ailleurs.
22:44 Évidemment.
22:45 Comme il y a aussi des négrophobes, comme il y a aussi en Afrique des noirs qui ne s'aiment pas entre eux,
22:50 et c'est quelque chose qui est du domaine de l'universel.
22:52 Mais moi je parle de cette oppression qui nous touche.
22:54 Alors justement, c'est intéressant.
22:56 Je voudrais continuer parce que justement on va parler de la reprise en main
22:59 et de la reprise en charge et c'est très intéressant.
23:01 Juste après cette petite pause.
23:03 On se retrouve.
23:04 Ici Sud Radio.
23:07 Les Français parlent au français.
23:12 Je n'aime pas la blanquette de veau.
23:15 Je n'aime pas la blanquette de veau.
23:18 Sud Radio Bercov dans tous ses états.
23:21 Kémy Séba, vous écrivez dans votre livre
23:25 "La négrophobie décomplexée que rencontrent aujourd'hui les noirs au Brésil
23:29 constitue une problématique à laquelle sont confrontés 99,9% des diasporas noires du monde entier,
23:35 que celles-ci soient composées de noirs d'Inde, de noirs d'Asie, de noirs dans le monde arabe,
23:39 de noirs juifs, de noirs en Europe de l'Est, de noirs d'Occident, de noirs des Caraïbes,
23:43 de noirs d'Amérique latine et bien évidemment de noirs d'Afrique face aux minorités blanches,
23:47 libanaises par exemple, etc.
23:49 Mais il y a une chose qui me frappe, c'est que dans votre livre,
23:52 vous semblez totalement ignoré ou alors vous expliquez pourquoi,
23:55 parce que surtout si vous voulez recomposer et réunir, comme vous dites la chose,
23:59 tous les problèmes économiques.
24:01 Est-ce que franchement un noir de l'establishment, allez Barack Obama,
24:05 pour prendre l'exemple, c'est un métisme, enfin bon, je veux dire,
24:09 est-ce qu'il va être consubstantiellement solidaire du noir d'Ethiopie ou de Mauritanie ?
24:15 Je pense que c'est, vous avez loupé un, même si je vois que vous avez lu attentivement
24:19 et ça me fait très plaisir l'ouvrage, vous avez loupé un passage où je parle au départ du capitalisme
24:23 et je dis que le capitalisme est le centre de gravité justement de ce système,
24:27 du modernisme en tant que tel.
24:29 Ceux qui sont portés par le système globaliste dans lequel nous sommes installés
24:37 sont évidemment les maillons centraux de ce système capitaliste en tant que tel.
24:42 Et donc il est évident, et j'en parle même dans mon pays,
24:45 quelqu'un comme Patrice Talon, président milliardaire, ne peut pas être mis à Astra,
24:50 la même résidence que la quasi-totalité de la population en Bénin qui vit dans mon pays,
24:54 qui vit en dessous de 100 dollars par mois.
24:56 Maintenant je dis que notre problème, ce ne sont pas,
25:00 on n'est pas dans une dynamique d'uniformiser tous les noirs en disant que
25:04 les noirs milliardaires et l'immense majorité de la population noire sont soumis au même destin.
25:10 Je dis dans le livre que quelqu'un comme Blaise Campor et quelqu'un comme Alassane Ouattara,
25:14 qui sont pour moi aujourd'hui des jouets du système globaliste en tant que tel,
25:18 ne peuvent pas être plus proches de nos peuples que des gens comme René Guenon peuvent l'être,
25:23 que des gens dont d'autres sphères peuvent être caucasiennes aussi,
25:29 et qui luttent alignés sur la dimension de résister au progressisme dégénéré
25:33 que nous rencontrons aujourd'hui, sont dans cette même dynamique.
25:35 Donc la question économique, elle est évoquée, mais dans un sens beaucoup plus grand.
25:40 Parce qu'on ne peut pas parler de la compréhension de l'économie,
25:42 et d'ailleurs je parle de l'endosolidarisme, je parle de ce qu'on appelle l'Allo2,
25:45 qui est un système économique dans nos communautés,
25:47 qui était présent bien longtemps avant la colonisation, qui a porté ses fruits.
25:50 Mais je dis qu'on ne peut pas parler de ce système économique
25:53 sans parler du contexte dans lequel ce système économique fonctionne.
25:56 On ne peut pas analyser le globalisme néolibéral sans comprendre qu'on est arrivé à énerver,
26:01 aujourd'hui même sur l'aspect métaphysique, disons les choses telles qu'elles sont,
26:04 où ce qu'on appelle le progrès, qui est une dégénérescence pour nous, a pris le dessus.
26:10 Le modernisme est la maison, et le globalisme néolibéral est le centre de gravité de cette maison-là.
26:16 On ne peut pas déconnecter une facette de l'autre, les deux font partie d'un même ensemble.
26:21 Et c'est pour ça que la critique de ce progressisme, de ce globalisme néolibéral,
26:25 qui est à la fois économique et sociétal, est quelque chose de central dans l'ouvrage.
26:29 Alors justement, vous parlez d'ailleurs comment il faut se réunir,
26:32 après vous dites par exemple rebâtir des cités, des conseils des sages, des conseils des anciens, etc.
26:37 Alors est-ce que c'est possible ?
26:39 Avec le tribalisme.
26:41 Oui, avec le tribalisme.
26:43 Pas seulement le tribalisme, non, pas seulement.
26:46 Dans l'économie globalisée d'aujourd'hui, moi je ne suis vraiment pas un globaliste, et Dieu sait.
26:52 Mais est-ce qu'on peut aujourd'hui, je veux dire, avec la lutte économique,
26:56 avec le partage des forces africaines, est-ce qu'on peut instaurer une civilisation, je dirais,
27:05 non pas ancienne, je sais que vous ne voulez pas revenir à il y a 2000 ans,
27:10 mais organisée, c'est-à-dire, en fait c'est intéressant, René Dubos disait
27:15 "Pensez globalement, agir localement".
27:18 Vous vous dites "Pensez localement et agir localement", c'est ça ?
27:22 Alors, pour le coup, je pense global.
27:25 Mais nous agissons, et nous proposons à la fin de l'ouvrage justement, un schéma pour les actions locales.
27:31 Je pense qu'il est très important que l'on comprenne que nos populations,
27:36 tout à l'heure j'évoquais la notion du tribalisme, ça m'a fait penser à...
27:39 On a de temps en temps certains qui sont des arriérés, qui sont complètement incarcérés
27:43 dans leur dimension ethniciste et belliqueuse, et qui ne comprennent pas que
27:47 qui dit tribu dit famille, et qui dit famille dit famille élargie, famille éloignée, famille proche.
27:52 Mais toutes ont un dénominateur commun.
27:54 Cher Antadiop en parlait, je pense, très bien, lorsqu'il parlait du foyer civilisationnel commun
27:57 lié à nos populations, en disant qu'il peut y avoir des déclinaisons,
28:00 il peut y avoir des différenciations à un certain stade,
28:03 mais il est important que chacune se rappelle l'ancêtre et le point commun que l'on a.
28:07 De la même façon que quand vous voyez aujourd'hui en France,
28:10 la France, le Normand, le Corse, le Breton, ce sont diverses groupes,
28:15 ce ne sont pas les mêmes familles, mais elles font partie d'un centre commun.
28:19 - Elles font partie d'une nation française.
28:21 - Qui a été constituée, et tout est question de volonté et de compréhension de la nécessité.
28:26 - Donc il faut faire la nation africaine.
28:28 - Je ne suis pas le premier à le dire, quand Thomas Sankara parlait de la nécessité,
28:31 je sais que vous savez que Thomas Sankara parlait de la nécessité,
28:34 lui qui était pourtant du Burkina Faso, par la nécessité de transcender les enclos coloniaux
28:39 et d'agir en tant qu'Etat fédéral africain, c'était sa dimension,
28:43 c'était la dimension de Kwame Nkrumah,
28:45 ça a été la dimension à la fin de Kadhafi, quelles que soient les critiques qu'on puisse lui apposer,
28:48 et je pense qu'on ne pourra pas s'en sortir tant qu'on n'ira pas vers ce point.
28:52 Alors évidemment certains sont incarcérés,
28:54 ce qui a été fait lors de la conférence de Berlin en 1884 et en 1885,
28:58 en disant "oui je suis Ivoirien, oui je suis Camerounais, oui je suis Sénégalais, etc."
29:03 Nous ne partons pas du principe de la nécessité de renier le réel.
29:07 Le réel existe, il y a différentes familles, différentes tribus,
29:10 mais il faut prendre ces différentes familles et tribus comme diverses richesses
29:14 qui constituent un ensemble beaucoup plus grand.
29:18 Et c'est la dynamique dans laquelle nous sommes quand je parle des différentes populations,
29:21 des différentes ethnies dans l'ouvrage, je n'en parle pas dans un but divisionniste,
29:24 mais j'en parle dans un but d'addition de diverses fractions
29:27 qui lorsqu'elles sont réunies permettent de voir l'unicité.
29:31 Alors est-ce que ce projet de rassembler l'Afrique,
29:34 et après tout quand vous dites que vous n'êtes pas le seul,
29:37 est-ce qu'à votre avis, est-ce que c'est envisageable à une échelle humaine,
29:42 disons d'ici 20 ans, 30 ans, ou autre ? Qu'est-ce que vous en pensez ?
29:47 Moi je pense que pendant longtemps on s'est appuyé sur la volonté des pouvoirs publics, des élites,
29:52 et on a vu que ces élites étaient un frein aux volontés des peuples.
29:56 Et au XXIe siècle, Zbigniew Brzezinski en parlait d'ailleurs très bien,
29:59 lorsqu'il disait que le XXIe siècle serait le passage du transfert de pouvoir
30:03 qui auparavant était aux mains des élites dites institutionnelles,
30:06 et qui arriverait petit à petit au XXIe siècle,
30:08 au niveau de la base que l'on peut aujourd'hui symboliser par les sociétés civiles.
30:13 Moi je pense que les sociétés civiles sont porteuses, beaucoup, profondément,
30:17 malgré qu'il puisse y avoir des exceptions, évidemment,
30:19 notamment dans certaines zones de conflit en Afrique, et il y en a, on ne va pas se mentir,
30:23 les sociétés civiles sont porteuses d'une volonté de ce projet d'État fédéral
30:27 à bon nombre d'endroits, beaucoup plus, moi qui fais la plupart des pays d'Afrique subsaharienne,
30:32 mais aussi parfois d'Afrique du Nord, mais surtout subsaharienne, je peux le voir.
30:35 Vous avez parlé tout à l'heure de la logique de l'économie intégrée,
30:38 et qu'à l'heure du globalisme, est-ce que c'est quelque chose qui est du domaine du possible.
30:42 Vous savez, les villages dans nos pays sont, pour moi,
30:46 les derniers bastions de résistance à ce globalisme néolibéral.
30:49 Il y a un décalage profond entre les capitales africaines,
30:53 qui aujourd'hui deviennent de plus en plus le reflet de ce qui se passe en Occident,
30:58 et pas simplement dans l'Occident géographique,
31:00 pour moi, Dubaï, c'est en Orient, mais c'est l'Occident pour moi, évidemment,
31:03 mais les villages sont les bastions de cette dynamique traditionnelle
31:07 et de cette résistance à ce globalisme à la fois économique et sociétal.
31:12 Est-ce que ça tient devant Netflix ?
31:14 Ce qui est bien, c'est que tout le monde ne regarde pas Netflix.
31:18 Netflix est aujourd'hui très central.
31:21 Les gens qui n'ont pas envie de regarder Netflix.
31:23 Écoutez, moi il m'est arrivé de regarder Netflix, c'est par la grâce de Dieu,
31:27 et regarder Netflix m'a permis de comprendre pourquoi il était important que je cesse de le regarder,
31:31 parce que je sais que c'est aujourd'hui un outil d'ingénierie sociale
31:34 visant à pousser les populations dans une sorte de processus d'inception,
31:37 à agir d'une certaine façon, et à se déconnecter du réel,
31:41 à se déconnecter de ce qu'ils sont.
31:43 Donc, la globalisation existe,
31:45 aujourd'hui tout le monde ou beaucoup de gens ont des portables, c'est évident.
31:48 Moi-même qui vous parle, j'ai un portable aussi.
31:51 On part du réel, on est obligé de partir du réel, si on veut être capable de le déconstruire.
31:56 Et il ne s'agit pas, vous avez parlé tout à l'heure,
31:59 la tradition ne signifie pas le passéisme, la tradition elle est intemporelle.
32:03 La transmission c'est la transmission.
32:05 Exactement.
32:06 Et je pense qu'il est très important que l'on comprenne que
32:09 qui dit tradition dit compréhension de la réalité dans cette dynamique immatérielle
32:14 pour être beaucoup plus efficient dans une fonction dite strictement matérielle.
32:18 Nous, notre but c'est que dans la sphère dans laquelle nous vivions,
32:21 nous autres africains, afrodescendants, et plus globalement,
32:25 comme le disait justement Francesc Grace-Wessing,
32:28 la communauté noire universelle puisse être capable d'agir
32:32 de manière beaucoup plus efficiente en fonction des espaces
32:35 dans lesquels ces communautés-là sont installées.
32:37 Donc l'idée, ce n'est pas un séparatisme d'hostilité,
32:41 c'est un séparatisme d'existence.
32:43 D'existence afin de se retrouver et un séparatisme d'existence
32:47 qui tend la main à tous ceux qui sont eux-mêmes ostracisés,
32:52 mis de côté par ce système globaliste qui tend à asphyxier les peuples
32:57 qui veulent retrouver leur propre identité.
32:59 Et c'est pour ça que vous allez nous voir du côté des Gilets jaunes,
33:02 vous allez nous voir du côté de certains prolétariens en Amérique latine,
33:05 en Asie, etc. parce que nous avons malgré tout,
33:09 malgré cette volonté de communautarisme strict.
33:11 C'est là où je parlais d'économie et de lutte des classes quand même.
33:14 Quoi qu'on en dise, c'est-à-dire que vous ne verrez pas
33:17 ni en moi un marxiste, ni en moi un capitaliste, ni en moi un communiste,
33:24 mais la grille de lecture marxiste qui existait bien longtemps
33:27 avant qu'il en parle.
33:28 Parce que quand on parle de la lutte des classes,
33:30 toute société dite traditionnelle qui s'installe,
33:32 qui se bat sur les classes, a déjà eu l'occasion d'analyser ces réalités.
33:35 Et quand je vois ce qui se passe dans mon propre pays, le Bénin,
33:38 on n'a pas besoin de Karl Marx pour voir qu'il y a une minorité,
33:41 une hyper-classe qui confisque tout et la quasi-totalité qui n'a rien.
33:45 - Alors Kimi Seba, je pensais qu'on parle un peu de justement,
33:49 vous parlez de la tradition et sociologie dans votre livre.
33:51 C'est très intéressant, vous dit la responsabilité des hommes
33:54 et des femmes originelles en société.
33:56 Vous dites et vous écrivez au sujet de la femme noire,
33:58 elle nous rappelle notamment à travers Acétane, Abintou, Bastet,
34:01 Sekhmet et tant d'autres, que la femme originelle constamment
34:04 rabaissée, humiliée, chosifiée en cette ère moderne,
34:08 pendant que l'homme noir est assassiné et brutalisé,
34:10 est la matrice du genre humain, la reine de l'univers.
34:12 Elle n'est en rien inférieure à l'homme, bien au contraire,
34:15 elle était avec les particularités divines qu'elle caractérise,
34:18 l'entité complémentaire de l'homme primordial.
34:20 Sauf qu'à un autre moment du livre, vous donnez comme exemple,
34:23 effectivement avec René Guénon, l'Ayatollah Khamenei.
34:26 Vous savez ce qui se passe en Iran au niveau de la femme ?
34:29 Tabassée, torturée, dès qu'elle enlevait le voile.
34:32 Je vais vous répondre, parce que je connais votre grand amour
34:36 pour l'Ayatollah Khamenei.
34:38 Je vais vous répondre d'une manière la plus simple.
34:40 L'exemple que je donne est un exemple lié à la réalité de notre peuple,
34:43 du peuple négro-africain.
34:45 Vous avez bien parlé d'Acétane, d'Abintou,
34:47 on n'en trouve pas beaucoup du côté de Raminei.
34:49 Mais maintenant on va revenir sur l'Iran.
34:51 Vous savez, je dissocie deux choses.
34:53 Je dissocie la volonté légitime et intelligible,
34:56 complètement intelligible, de certaines femmes,
34:59 parce que moi j'ai été en Iran à plusieurs reprises,
35:01 à une très longue reprise.
35:03 J'ai parlé avec énormément de femmes qui n'ont pas le discours de dire que...
35:06 Vous savez ce qui se passe aux femmes qui enlèvent ?
35:09 Non, justement, je pense qu'on est très...
35:12 Il y a la caricature médiatique et puis il y a le réel.
35:14 Moi ce qui m'intéresse c'est le réel.
35:15 Il y a des gens qui veulent enlever le voile,
35:17 et il y en a d'autres qui veulent le garder.
35:18 Mais celles qui veulent l'enlever, on les tabasse, on les emprisonne, on les torture.
35:21 Et je pense qu'il est important, pour la critique de cette société iranienne,
35:26 de donner la possibilité aux Iraniens eux-mêmes,
35:29 et aux Iraniennes elles-mêmes, de s'exprimer sur ces points.
35:32 Et vous verrez qu'il y a des sconscients, des avis contradictoires.
35:34 Nous, nous sommes...
35:35 Moi, par exemple, si un jour, demain, par hasard,
35:38 la nature fait qu'on accède à des responsabilités institutionnelles,
35:41 pour l'instant on a un leadership dans la société civile,
35:43 si demain c'est le cadre institutionnel,
35:46 il est évident que ce n'est pas le schéma proposé par l'Iran
35:49 qu'il y aura chez nous, parce que ce n'est pas notre paradigme,
35:51 et ce n'est pas notre ontologie.
35:52 Mais, maintenant, l'Iran a ses réalités, ses dérives,
35:56 Raminehi, et quand on étudie l'oeuvre de l'imam Roumeni avant lui,
36:00 il y a des choses sur le terrain de la gnose qui peuvent être intelligibles
36:03 sur le terrain de la tradition primordiale,
36:05 et puis il y a d'autres choses sur lesquelles nous ne nous reconnaissons pas,
36:08 et qui font justement la diversité des différentes perceptions
36:13 qui peuvent exister sur le terrain de la tradition.
36:15 Mais dire qu'il y a une seule forme, une seule compréhension de la tradition,
36:19 me paraîtrait de la même façon que...
36:21 Je donne un dernier exemple.
36:23 Bon, écoutez, il y a les bonnes sœurs...
36:26 Kémi Séba, mettre sur le même plan René Guénon et la méthode Raminehi,
36:29 me paraît quand même...
36:30 Je pense que c'est une erreur de votre part, parce que ce qui les relie, c'est la gnose.
36:34 Et quand on étudie la gnose, votre problème c'est que vous voyez,
36:38 pour des raisons qui vous sont propres, Raminehi sous un autre angle.
36:42 Moi ce qui m'intéresse, c'est sur le terrain gnostique,
36:44 la gnose dans le monde chiite est quelque chose du domaine du réel,
36:48 peut-être même plus profond que dans bon nombre d'endroits dits occidentaux.
36:51 Mais il ne faut pas ne pas voir ce qui le dérange dans la raisonnement.
36:55 Personne n'a dit dans l'ouvrage que Raminehi était un super-héros.
36:59 On a dit que sur le terrain de la gnose, Raminehi, comme Guénon, comme d'autres,
37:03 était plus proche de la gnose, à mon avis, que quelqu'un comme Joe Biden,
37:06 ou comme Emmanuel Macron.
37:07 Et je pense ne pas trop me tromper sur ce terrain-là.
37:09 Là, vous faites des comparaisons encore plus audacieuses.
37:12 Volontaires.

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